F. Stolle38, W. Sunderlin39, T.P. Tomich40, R. Dennis, R. PerssonINTRODUCTION
Projet Incendies CIFOR-CIRAF-UNESCO-USFS38 Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF) - Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).39 Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR).
40 Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF).
En 1997, des incendies très étendus ont ravagé de grandes parties de l'Indonésie, en particulier Kalimantan, Sumatra et l'Irian Jaya. Ces incendies et la fumée qui les accompagnait ont entraîné une forte pollution de l'air, des atteintes à la santé publique, des pertes en vies humaines, la destruction de biens divers et des pertes économiques importantes dans de nombreuses régions de l'Asie du Sud-Est. Un temps sec a persisté dans l'Est-Kalimantan jusqu'en 1998, contribuant au déclenchement d'incendies de dimensions catastrophiques et à une forte sécheresse.
Pendant les incendies de 1997, plusieurs missions se sont rendues en Indonésie et ont apporté une aide d'urgence à l'extinction des incendies et aux mesures de secours aux populations. En réponse au problème des incendies, des études après incendie ont été proposées par la BAD (Banque asiatique de développement), le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), le WWF (Fonds mondial pour la nature), et le WRI (Institut mondial pour les ressources). Beaucoup de ces projets ont un champ d'action très vaste et les délais d'exécution sont relativement courts (jusqu'à 12 mois). Compte tenu de ces limites, il est peu probable que ces études parviennent à élucider complètement les causes profondes des incendies; or cette information est essentielle à une maîtrise et à une prévention efficaces des incendies. La situation était analogue lors des précédentes années d'incendies. L'intérêt a baissé rapidement après l'arrivée des pluies, l'urgence étant terminée. Suite aux dernières années d'incendies liées à El Niño (1991 et 1994), il reste encore en Indonésie quatre projets à long terme financés par la JICA (Agence japonaise de coopération internationale), l'UE (Union européenne), le GTZ (Office allemand de la coopération technique) et l'OIBT (Organisation internationale des bois tropicaux).
Le CIFOR, le CIRAF et l'UNESCO et l'USFS (Service des forêts des Etats-Unis) vont exécuter un projet de recherche commun sur 3 ans pour étudier les causes profondes et les impacts des incendies en Indonésie, en se concentrant particulièrement sur Kalimantan et Sumatra.
CONTEXTE
Pendant la saison d'incendies de 1997, plusieurs rapports, souvent contradictoires, portant sur les causes, les types de végétation touchés, l'importance des superficies brûlées et les acteurs impliqués, ont provoqué la confusion et une perception erronée de la situation des incendies. Le grand nombre de projets et d'organisations qui ont apporté leur soutien, envoyé des avions, des missions d'enquête, des consultations, etc., a brouillé la compréhension des évènements qui se déroulaient pendant cette saison d'incendies.
Le siège du CIFOR et le centre régional du CIRAF, tous deux basés à Bogor, en Indonésie, ont nettement perçu la nécessité d'acquérir des connaissances plus précises permettant de répondre aux questions "brûlantes": Pourquoi les incendies, Qui les a déclenchés, Où se sont-ils produits, Quelle superficie a brûlé, et Que peut-on faire pour éviter une répétition de cette catastrophe environnementale à l'avenir? Début septembre 1997, ces deux centres et le bureau régional de l'UNESCO ont réuni leurs forces pour étudier ces questions, suivis plus tard par l'USFS, apportant sa compétence en matière d'incendies et de télédétection.
Plusieurs résultats ont déjà été obtenus, dont les plus importants sont mentionnés ci-dessous:
· Un rapport de Mme Dennis, intitulé A Review of Fire Projects in Indonesia, 1982-1998 (Revue des projets sur les incendies en Indonésie, 1982-1998). Rapport résumant tous les projets sur les incendies avec leurs objectifs et les résultats obtenus jusqu'ici.DÉFINITION DU PROBLÈME ET ASPECTS THÉORIQUES· Un bilan du problème des incendies à Sumatra, intitulé: Fires, A review of the 1997-1998 fire event in Sumatra (Les incendies, un bilan des incendies de 1997-1998 à Sumatra) (sous presse).
· Un article sur la situation des incendies en Indonésie dans Agroforestry today intitulé: Indonesia's fires: smoke as a problem, smoke as a symptom (La fumée des incendies en Indonésie: problème ou symptôme?) (mars 1998).
· Plusieurs entretiens dans le New Scientist, Friendly Fire (Le feu, un ami) (nov. 1997), Playing with fire (Jouer avec le feu) (mars 1998), et dans le National Geographic Indonesia's fires (Les incendies en Indonésie) (août 1998).
· En collaboration avec le GTZ: Air pollution from large scale forest and land fires in Indonesia 1997/1998: Development and impacts (Pollution de l'air due aux grands incendies de végétation en Indonésie 1997/1998: développement et impacts) (sous presse).
· Co-organisation avec la Banque mondiale d'un atelier intitulé Fire Hazards, Transboundary haze and Sustainable Forestry in East Asia and the Pacific (Risques liés aux incendies, pollution transfrontalière par la brume sèche et foresterie durable en Asie orientale et dans le Pacifique) du 5 au 11 décembre 1998, à Djakarta.
· Proposition conjointe pour un projet intitulé Fire: The underlying causes and impacts of fires in Southeast Asia (Le feu: causes profondes et impacts des incendies en Asie du Sud-Est).
Les incendies qui se sont produits récemment en Indonésie résultent de la conjonction d'une sécheresse extrême et des activités humaines, ces dernières comprenant notamment l'agriculture traditionnelle sur brûlis, les subventions publiques accordées aux défrichements à grande échelle pour l'établissement de plantations industrielles, et des pratiques forestières qui rendent les forêts vulnérables au feu.
Les causes des incendies sont mal connues et ceci est souligné par le fait qu'on les a souvent classées en différents groupes, tels que les petits agriculteurs, les plans de conversion des terres, les concessions forestières, les projets de plantations industrielles, les populations indigènes et d'autres utilisateurs des terres. Les questions primordiales suivantes restent sans réponse: quelle est la superficie des terres brûlées; quel était le mode antérieur d'utilisation des terres; quand ont-elles brûlé; qui a allumé les feux et pourquoi; quelle est la part de responsabilité relative des grands et des petits propriétaires en matière d'incendies; et quel est l'impact écologique des incendies sur les différents écosystèmes? Ce manque d'information de base a contribué à créer un sentiment général de confusion en ce qui concerne la nature des incendies, leurs causes, leurs impacts et les zones susceptibles d'être menacées à l'avenir.
Les principales questions toujours en suspens sont les suivantes:
1. Qui a provoqué les incendies?Grâce à leur projets en cours et à leurs sites de recherche en Indonésie, les partenaires associés pour cette recherche ont compris que cette saison d'incendies n'était pas un évènement unique, dû à une seule cause particulière. Ces partenaires travaillent sur les changements d'utilisation des terres en Indonésie dans une perspective à long terme, par exemple dans le cadre du programme "Solutions de rechange à l'agriculture sur brûlis", ASB (Alternative-to-Slash-and-Burn Programme). Il apparaît clairement que cette saison n'a pas été un simple accident causé par la sécheresse, mais que la sécheresse n'était que l'un de nombreux facteurs. Les facteurs à prendre en compte comprennent les politiques publiques en matière d'allocation des terres, les techniques de défrichage des terres, la transmigration des paysans vers des régions nouvelles, l'utilisation traditionnelle des terres, les agriculteurs itinérants, les droits de tenure des terres, etc.
2. Pourquoi les incendies ont-ils été si nombreux?
3. Où se sont produits les incendies?
Le problème de la déforestation, de la sécheresse et de leurs relations avec les incendies est illustré dans la figure 1. La figure théorique montre la confusion qui existe entre les incendies et la déforestation. Le feu utilisé pour le défrichement est un instrument normal, utilisé chaque année par de nombreux acteurs pour éliminer les résidus indésirables. Le feu peut aussi être utilisé pour défricher les forêts. L'importance de l'utilisation du feu pour défricher la terre et déforester sera certainement différente pendant une année sèche (une année ENSO, oscillation australe El Niño) et pendant une année normale, mais on ne dispose pas de données sur le sujet. La superficie brûlée sera probablement inférieure (cercle de la Superficie brûlée [Area burnt] dans la figure 1) mais la déforestation pendant une année normale (taille du cercle Superficie déforestée [Area deforested] dans la figure 1) sera-t-elle inférieure ou y a-t-il tout simplement moins de déforestation par brûlage (importance de l'aire d'intersection des cercles dans la figure 1)?
La quantification des flèches, des cercles et des aires d'intersection sera importante pour élucider les rapports entre les feux, la sécheresse et la déforestation.
Figure 1. Les incendies pendant les années ENSO et non-ENSO
La figure 1 illustre la confusion entre la déforestation et les incendies et les changements susceptibles de se produire pendant une année sèche (année ENSO) et pendant une année normale.
La théorie de la figure 1 est supportée par les données sur les points chauds de Sumatra en 1997-1998. La figure 2 montre que seule une partie des points chauds sont confirmés par les données préliminaires trouvées à Sumatra. La relation entre les incendies et la déforestation n'est donc pas claire.
Il n'existe pas non plus de données laissant supposer que cela a été le cas pour d'autres années. A l'heure actuelle, on ne sait même pas avec certitude s'il y a eu plus d'incendies en 1997-1998 que pendant les autres années, ou seulement plus de brume sèche en raison des conditions atmosphériques.
Figure 2. Points chauds, forêts et mangroves à Sud-Sumatra
La quantification de ce comportement permettra d'évaluer les incendies pour différentes conditions climatiques et le danger couru par les forêts pour différentes années. Cependant, les questions peuvent être plus spécifiques, par exemple, quels sont les acteurs susceptibles d'allumer le plus grand nombre de feux ou de déforester la plus grande surface de terrain pendant une année sèche? Les petits propriétaires ont de nombreuses raisons d'utiliser le feu, instrument de gestion peu onéreux et efficace. Mais ces acteurs auront-ils un comportement différent s'il est possible de défricher plus de terrain pendant une année sèche, ou seront-ils moins prudents, et les feux accidentels deviendront-ils un facteur prédominant? Selon la même analogie que dans la figure 1, la figure 3 représente le brûlage, la déforestation par les petits et grands propriétaires et les éventuels conflits dans l'utilisation des terres.
Figure 3. Conflits d'utilisation des terres entre les grands et les petits propriétaires et la végétation naturelle et les usages agricoles
Ici aussi la taille des flèches, des cercles et des aires d'intersection donneront beaucoup d'informations sur les causes des incendies, les endroits où ils se sont produits et ce qu'ils ont brûlé. Mais outre la taille des aires d'intersection, la cause du changement d'utilisation des terres fournira aussi beaucoup d'informations. La zone a-t-elle brûlé à cause d'incendies accidentels, du défrichement, ou bien en raison d'incendies criminels liés à des conflits autour des terres? Cette étude permettra entre autres de quantifier les intersections et les causes, et les différences de taille et des causes pour des années différentes. On s'attend à ce que le comportement de certains acteurs change peu entre les années sèches et humides, tandis que d'autres chercheront un profit maximum.
MÉTHODOLOGIE
Il faut disposer de données sur la superficie des zones brûlées, leur localisation, et la nature de la végétation brûlée sur un certain laps de temps, pour comparer les années sèches et les années normales.
Pour atteindre cet objectif, l'étude sera effectuée à trois niveaux.
1. A l'échelon insulaire: pour les îles de Sumatra et de Kalimantan, les point chauds, l'indice de végétation et les changements d'utilisation des terres (couverture végétale) au cours des 10 dernières années seront analysés. On étudiera les corrélations entre les incendies et les changements d'utilisation des terres, les densités de population, la distance aux routes et aux villes, et d'autres paramètres. On insistera particulièrement sur la saison d'incendies de 1997-1998.CONCLUSION2. A un échelon intermédiaire (province) on étudiera de façon plus détaillée les changements d'utilisation des terres et les incendies, en se concentrant particulièrement sur les causes qui nécessitent le recueil de données sociologiques.
3. L'échelon le plus détaillé se concentrera sur plusieurs petites zones test dans lesquelles on étudiera les données socio-économiques et la relation entre les incendies et les caractéristiques locales concernant le mode de tenure, l'utilisation des terres, etc.
La combinaison et l'intégration de ces études permet de placer la saison d'incendies 1997-1998 dans la perspective plus large des changements d'utilisation des terres au cours de la dernière décennie. Ces changements d'utilisation des terres et les incendies sont dus à un certain nombre de facteurs tels que les politiques, l'insécurité en matière de tenure des terres, les conflits autour des terres et d'autres. Ces facteurs sont au centre du problème des incendies. Cette étude mettra l'accent sur l'intégration des données socio-économiques aux données physiques concernant la sécheresse pour étudier la question centrale de l'utilisation du feu.
Les institutions exécutant ce projet travaillent en collaboration étroite avec le Ministère de l'environnement de la République d'Indonésie (Djakarta), le Ministère indonésien des forêts et des plantations (Djakarta), le programme TREES de l'Union européenne (Ispra), le programme de l'UE pour l'inventaire et la surveillance des forêts (Djakarta), le programme de l'UE pour la prévention des incendies de forêt (Palembang), le projet pour la gestion intégrée des incendies de forêt du GTZ (Samarinda), le Groupe consultatif pour la foresterie indonésienne du GTZ (Djakarta), la Banque mondiale (Washington), le WWF-Indonésie (Djakarta), l'UICN (Bogor), le Centre d'impacts pour l'Asie du Sud-Est (Bogor), le Biotrop (Bogor) et le programme "Solutions de rechange à l'agriculture sur brûlis" (ASB).