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RÉSUMÉ GÉNÉRAL ET CONCLUSIONS

L’aquaculture commerciale qui, dans ce document, est définie comme l’élevage d’organismes aquatiques orienté vers le profit, et qui en premier lieu est développée par le secteur privé, contribue à la sécurité alimentaire, directement en produisant du poisson de consommation et indirectement en créant des emplois et donc des revenus pour l’achat d’aliments. En plus, l'aquaculture commerciale peut être durable parce qu’elle dépend davantage du secteur privé que de fonds publics, qui sont en général rares ou inexistants. Elle peut aussi contribuer à l’équilibre de la balance des paiements ou représenter un substitut aux importations. Dans de nombreux pays, l’aquaculture est une source de revenus grâce aux impôts et elle stimule les avancées technologiques. Elle a permis aussi de soutenir le développement de régions isolées et de stopper la migration vers les villes. Cependant, l'aquaculture commerciale peut créer des nuisances à l’environnement et des conflits sociaux. La crevetticulture, en particulier, a créé des tensions sociales et provoqué des pertes de mangrove dans plusieurs pays.

L’aquaculture commerciale prospérera seulement si les conditions macro-économiques et culturelles ainsi que les attitudes politiques favorisent l’esprit d’entreprise. Une croissance économique faible et volatile, des taux de change surévalués, l’instabilité politique et celle des politiques, et la mauvaise gouvernance, comme la corruption et le manque de transparence, sont considérés par les investisseurs comme des facteurs défavorables. Les droits de propriété influent aussi sur l’investissement, en particulier pour les opérations faisant un usage intensif de la terre ou de l’eau, comme c’est le cas de l’aquaculture commerciale. D’autres facteurs essentiels influent sur le succès de l’aquaculture commerciale, comme l’espèce choisie, la localisation des installations et le choix des techniques d’élevage. L’espèce devrait se reproduire facilement et posséder un marché. Comme dans le cas des autres formes d’aquaculture, les sites d’élevage ne devraient pas seulement tenir compte des aspects physiques tels que le terrain et l’eau, mais aussi des conditions d’accès aux infrastructures, en particulier pour le transport des intrants vers la ferme et des productions vers les marchés. En ce qui concerne les technologies d’élevage, l’élasticité d’un produit de substitution implique que les méthodes intensives ne soient pas toujours les meilleures, même si elles ont prouvé leur efficacité au point de vue technique.

Cette étude permet de dégager les principales conclusions suivantes:

1. Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, le faible rapport salaires-coût des investissements porte à croire que les techniques semi-intensives soient plus efficaces économiquement que les techniques intensives.

2. Les gouvernements réceptifs au secteur privé devraient au moins fournir un environnement favorable. Un cadre juridique devrait couvrir l’accès à la terre et à l’eau, l’importation d’espèces exotiques et un règlement en matière d’environnement. À cause de coûts élevés de suivi et d’application de la réglementation, les réglements ne devraient pas être trop compliqués et pourraient être complétés par d’autres mesures, telles que des incitations économiques et l’autoréglementation. Les démarches administratives devraient être facilitées, comprenant un accès facile aux réglementations, des procédures transparentes d’acceptation des dossiers et un traitement rapide des demandes de permis. De préférence, l’autorité en charge de l’aquaculture devrait être concentrée dans une seule agence. Celle-ci superviserait le développement du secteur et serait responsable de sa planification, qui devrait impliquer toutes les parties concernées.

3. Dans les pays possédant peu de ressources pour l’investissement public, la stratégie appropriée de promotion de l’aquaculture commerciale semble être d’attirer de grandes unités industrielles, locales ou étrangères Elles disposent de leurs moyens d’investissements sans avoir recours obligatoirement au crédit. Elles possèdent les ressources pour développer une technologie appropriée et les réseaux commerciaux. Leur taille leur permet en amont de développer la production industrielle d’aliments aquacoles et d'alevins. Leur succès permet d’inciter des entrepreneurs artisanaux à démarrer l’aquaculture commerciale.

4. L’investissement étranger direct dans l'aquaculture commerciale peut être souhaitable et même nécessaire. Les sociétés étrangères apportent souvent des techniques nouvelles qui fournissent un savoir-faire à la main-d’œuvre locale. Elles sont en général orientées vers le marché d’exportation et développent ces marchés. En retour, les sociétés étrangères attendent entre autres, la possibilité de rapatrier les bénéfices et les capitaux, ainsi qu'une monnaie convertible. Les swaps dettes contre capital et les sociétés conjointes ont également montré qu’ils attiraient les investissements étrangers.

5. Une des contraintes majeures au développement de l’aquaculture en Afrique subsaharienne est la faible disposition des institutions financières à accorder des prêts et les taux d’intérêt élevés. Pour faciliter le problème d’accès au crédit, et à bon marché, il existe plusieurs options politiques. Des garanties éliminent le risque pour les banques et ne coûtent rien aux gouvernements (sauf en cas de non-remboursement). D'autres options sont de circuler l’information sur le secteur, faire évaluer les plans d’investissement par un département technique et diffuser les données financières sur le succès de fermes commerciales. Afin d’abaisser le coût du crédit, des taux d’intérêt subventionnés ont été offerts aux producteurs commerciaux dans plusieurs pays. Le crédit subventionné a l'avantage de partager les risques entre les gouvernements et les producteurs. Cependant, en général les subventions d’intrants devraient être évitées. Elles favorisent la dépendance et la mauvaise utilisation des ressources. Le poids des taxes est aussi classé parmi les premiers sujets d’inquiétude des investisseurs locaux en Afrique subsaharienne. Les moratoires sur les impôts laissent le temps aux marges brutes de devenir positives et les exemptions de taxes sur les intrants réduisent les coûts d’exploitation. Ces incitations économiques ont agi comme stimulant de l’aquaculture commerciale en Amérique latine. Elles pourraient également être intéressantes en Afrique subsaharienne, car elles ne demandent pas de dépenses publiques, même si elles présentent un coût d’opportunité.

6. Le manque de données est souvent cité comme handicap à l’aide publique à l’aquaculture en Afrique au sud du Sahara. Le problème pourrait être facilement résolu en liant l'obtention de permis d'exploitation à la fourniture d'informations sur la production. Les coûts de rassemblement des données pourraient ainsi passer aux producteurs.

7. La commercialisation a été utilisée comme outil politique dans de nombreux pays. Il a compris l’intervention directe d’un agent, généralement une association, ou la construction d’un point de vente central. Pour le développement de l’industrie à long terme, les associations de commercialisation ont été utilisées comme interface entre le gouvernement et le secteur privé. Elles sont motivées pour maintenir le niveau de qualité, pour faire vulgariser les connaissances techniques, pour trouver de nouveaux marchés et pour conserver un environnement durable. Les associations peuvent aider la planification de bas en haut, la recherche basée sur la demande et la conservation de l'environnement par l'autoréglementation. L’appui des associations et des fermes modèles peut améliorer l’efficacité de la formation et de la vulgarisation.

8. La planification du secteur aquacole n’est pas fréquente en Afrique subsaharienne. Cependant, ceci peut être un dispositif permettant d'attirer l'attention sur les contraintes existantes et d'étudier les avantages comparés. Un plan devrait être pluridisciplinaire et participatif. Comme l’aquaculture commerciale est fonction du marché, une approche holistique garantit que toutes les contraintes et toutes les possibilités soient prises en compte. Une approche participative donne le pouvoir aux producteurs et réduit le risque que des intérêts particuliers dominent la politique et la recherche.

9. L’introduction d’espèces exotiques crée un risque pour l’écosystème mais ne devrait pas présenter une contrainte irrévocable. Si dans un pays l’absence d’une espèce commerciale est une contrainte et l’alternative est entre importer une espèce étrangère ou abandonner l’aquaculture commerciale, la stratégie appropriée est de comparer les coûts et profits potentiels. Une entité interdisciplinaire devrait prendre une telle décision, en suivant l’approche de précaution et les recommandations de la FAO.

10. La majorité des pays en Afrique subsaharienne ne peuvent augmenter leurs budgets de recherche et de formation. L’accent devrait donc être mis sur une plus grande efficacité de la recherche en cours et des activités de formation. La recherche devrait être basée sur la demande. Elle devrait donc être formulée par l'agence responsable de l'aquaculture ou par un comité de supervision. Les membres de ce comité devraient comprendre des producteurs. Les résultats de la recherche devraient être diffusés aux producteurs, éventuellement à travers leurs associations. Lorsque cela est possible, les résultats des recherches menées dans d'autres pays devraient être disponibles pour éviter les duplications. Au fur et à mesure que l’industrie se développe, la recherche et la formation devraient être financées, si possible, par le secteur privé.

11. Au niveau macro-économique, les gouvernements des pays d’Afrique subsaharienne n’ont que peu de moyens pour financer le secteur. Les politiques devraient donc se concentrer presque exclusivement sur celles qui sont peu onéreuses. Au niveau micro-économique, bien que dans quelques pays une aide au démarrage ait permis de stimuler les investissements en aquaculture commerciale, les gouvernements d'Afrique subsaharienne manquent de ressources pour mettre en œuvre cette politique. Egalement, alors que les producteurs réclament souvent de subventionner les aliments, les alevins ou les taux d’intérêt, le coût est le plus souvent prohibitif. De plus, ces subventions créent des distorsions au niveau du marché et sont ensuite difficiles à éliminer. Des subventions ne sont pas réalistes dans le contexte d’austérité budgétaire de l'Afrique subsaharienne.

12. Malgré les mises en garde sur les limitations fiscales, il existe cependant des options politiques possibles. Les moratoires sur les impôts et les exemptions sont les plus intéressantes. Soulager les entreprises du poids des impôts sur les sociétés leur permet d’assurer une stabilité financière au démarrage. Si les incitations fiscales visent surtout l’aquaculture commerciale, des aides devraient être fournies pour la diversification vers ce secteur. Les gouvernements ont un manque à gagner à court terme au niveau des impôts mais y gagnent à long terme. Un choix similaire existe en exemptant les fermiers de taxes sur les ventes ou de droits de douane. L’impact sur la production ne sera perceptible qu'à plus long terme car la réduction des coûts variables se produit sur plusieurs années.


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