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Les espèces caducifoliées (chêne zeèn, chêne afarés) et sclerophylles (chêne liège, chêne vert, chêne kermes) colonisent les parties septentrionales ou alticoles de la région.
Leur sous-bois, constitué de cytise à trois fleurs, de myrte, de bruyère arborescente ou à balai, d'arbousier, de filaire, de genêts et d'autres petits ligneux constitue une source d'affouragement pour le bétail.
Dans ces milieux, l'abondance relative des pluies permet aux pelouses d'altitude, riches en trèfles, de rester vertes jusqu'au milieu de l'été. En Tunisie, une estimation de la production pastorale de ces formations a été tentée et a abouti aux résultats suivants (El Hamrouni, inédit).
Type de formations |
Production |
Nombre de répétitions |
||
KgMS/Ha |
UF/Ha |
Moyenne UF
arrondie |
||
Futaies de chêne
zéene |
648 ± 52 |
155 ± 13 |
160 |
278 |
Futaies de chêne
liège |
905 ± 81 |
217 ± 19,5 |
220 |
172 |
Formations mixtes
de |
||||
chêne zéene et de |
||||
chêne liège |
733 ± 81 |
176 ±19 |
180 |
207 |
Maquis de chêne
liège |
1065 ± 223 |
256 ± 53 |
260 |
52 |
Pelouses d'altitude |
1466 ± 405 |
953 ± 264 |
950 |
44 |
Ces valeurs concordent parfaitement avec celles de nombreux auteurs pour d'autres forêts maghrébines ou méditerranéennes (Long et al 1970, Liacos et Moulopoulos 1967, Le Houérou 1969, El Aouni et Sarson 1975, Chaâbane 1984).
Néanmoins, cette production qui correspond en moyenne à une charge théorique d'une unité petit bétail par hectare et par an (UPB/Ha/an) est faible par rapport à la charge réelle évaluée à une unité gros bétail (UGB) ou à cinq petits ruminants.
Il est difficile à la brune de l'atlas race bovine réputée rustique, qui pâture librement en forêt, et dont on ne s'intéresse qu'à la vente du produit, de couvrir ses besoins à partir de la production de tels parcours. Les sujets fréquemment rencontrés en ce type de forêts tunisiennes, véritables squelettes ambulants, témoignent d'une carence alimentaire chronique. Aussi les taux de mortalité sont-ils souvent élevés, particulièrement durant la saison hivernale où les disponibilités fourragères sont limitées. L'espèce caprine par contre, mieux à même de transformer et de profiter de la végétation ligneuse est partout présente en forêt. Au Maroc et pour les mêmes types de parcours la situation est comparable. Il ressort des chiffres fournis par Ben Hiba (1979) que la zone pastorale de la forêt de la Maâmoura subit une charge réelle de 5.45 UPB/Ha/an alors que sa production n'est que de 250 UF/Ha/an.
Au plateau central, la production pastorale des forêts claires à chêne vert et chêne liège, des Bouhsoussen oscille entre 200 et 350 UF/Ha/ an, alors que celle des jachères en clairières est d'environ 1050 UF/Ha en moyenne (Maroc-Développement 1977).
La charge moyenne représentant 6.1 UPB/Ha est excessive pour de tels parcours.
Au niveau des forêts mégatlasiques centrales, le pacage est basé sur la mobilité des troupeaux entre les parcours d'été ou de haute altitude (au delà de 2500 m) et les parcours d'hiver ou de basse altitude (entre 1300 et 2400 m). Cependant, quel que soit le type de parcours, la production ne correspond pas à la charge réelle. Si elle est de 1.35 têtes/ha lors de la période estivale (de mai à octobre) et de 1.65 têtes/Ha lors de l'hivernage (de novembre à avril) pour l'ensemble de la vallée de l'Azaden (Donadieu et al 1976), les chiffres avancés pour la forêt de la Touggana sont ahurissants. Achhal (1979) cite en effet une charge de 17,9 têtes/ha de petits ruminants pour une production de 500 UF/Ha dans le cas des meilleurs parcours (parcours ripicoles).
Bien que plus xérophiles et plus claires que les précédentes, elles forment avec leurs matorrales des parcours très fréquentés par le bétail. Leur succession altitudinale permet d'individualiser les types de parcours suivants:
2.2.1 Parcours à genévrier thurifère
Situés en haute montagne de l'atlas marocain et des Aurès entre 2000 et 2500 mètres d'altitude ils bénéficient d'une pluviosité relativement élevée (600 à 900 mm/an). Leur sous-bois constitué de xérophytes épineux en coussinets est pauvre en espèces fourragères. Leur production pastorale provient surtout des prélèvements effectués en écimage inconsidéré du genévrier lui-même dont la régénération naturelle par ailleurs est encore rendue difficile par les problèmes d'érosion.
2.2.2 Parcours à cèdre de l'atlas
Le rif et le haut atlas au Maroc, les Aurès et la Kabylie en Algérie, se partagent les parcours sous cèdre. La cédraie marocaine est pâturée par d'importants troupeaux de chèvres dont la garde est confiée à des enfants, alors que les vaches errent librement en forêt (Ben Abid 1982). Nos propres observations au Djurjura, au Chelya et à Chrya en Algérie confirment ce fait.
2.2.3 Parcours à pin d'Alep
Présent au Maroc et en Libye, le pin d'Alep colonise en Tunisie les versants des massifs montagneux du haut tell et de la dorsale tunisienne. En Algérie, où il est dominant il présente un faciès littoral, un faciès tellien et un faciès continental.
La production pastorale des pinèdes à pin d'Alep varie en fonction de l'étage bioclimatique. Elle prend en Tunisie centrale les valeurs suivantes (A. El Hamrouni 1978).
Etage
bioclimatique |
Production
en UF |
Taux de sur pâturage en % |
||
KgMS/ha |
UF/ha |
Arrondie |
||
Sub-humide
inférieur |
1000 ± 48 |
270 ± 67 |
270 |
20 |
Semi-aride
supérieur |
560 ± 100 |
180 ± 18 |
180 |
40 |
Semi-aride
inférieur |
400 ± 80 |
140 ± 28 |
140 |
54 |
Aride supérieur |
300 ± 50 |
120 ± 20 |
120 |
60 |
Par ailleurs, une corrélation étroite entre cette production et la tranche pluviométrique moyenne des étages bioclimatiques a pu être mise évidence (A. El Hamrouni 1978) et l'équation de la droite de régression est de la forme:
Y:0,49 X - 18,5 |
où |
Y = valeur
pastorale exprimée en UF/Ha. |
X = pluviométrie
exprimée en millimètre. |
Qualitativement la valeur fourragère d'un kilogramme de matière sèche varie entre 0,32 et 0,38 UF et de ce fait ce genre de parcours forestier convient plus à la chèvre qu'au mouton. Ce dernier, en effet, a besoin de recevoir un complément d'alimentation pour ne pas perdre de poids tandisqu'un gain quotidien de 50 à 75 grammes est possible pour la chèvre (A. El Hamrouni et M. Sarson 1974).
- Le parcours à thuya et à genévrier rouge
Espèces thermophiles, le thuya et le genévrier rouge occupent entre autres les parties chaudes des versants méridionaux où elles forment des matorrales dégradés parcourus toute l'année par de nombreux troupeaux de bovins, d'ovins, de camelins et surtout de caprins. Pour la tetraclinaie marocaine Boulard (1971) donne une charge de 6,5 caprins/Ha et Ben Abid (1976) estime qu'elle peut atteindre 4 à 5 fois ce chiffre. En Afrique orientale (Ethiopie, Somalie, Djibouti, Kenya) des formations forestières à Juniperus procera, localisées à plus de 1500 mètres d'altitude sont fortement pâturées. La forêt du Day, en République de Djibouti en est particulièrement révélatrice. Interdite aux petits ruminants, elle est divisée en deux blocs dont l'un est mis en défens. Dès que les ressources pastorales n'assurent plus la nourriture des vaches et des dromadaires des usagers la mise en défens est ouverte lorsque les réserves fourragères s'épuisent, la transhumance est aussitôt organisée.
- La forêt steppe à arganier
Localisé exclusivement au sud-ouest marocain l'arganier, cet arbre forestier est une espèce pastorale de premier ordre dans cette contrée aride. Son feuillage constitue l'essentiel de l'alimentation des troupeaux, particulièrement les caprins, qui n'hésitent pas à grimper sur les branches et pratiquer ainsi un pâturage suspendu. Son fruit séché, ou après extraction de son huile est énergétique (0,85 UF/kg de pulpe selon A. Ben Abid 1976) et est apprécié par les bovins et les camelins.
L'arganeraie, comme toute forêt nord africaine constitue un parcours collectif dont jouit l'ensemble des usagers. Aussi est-elle soumise à une très forte pression, surtout en période de disette.
La plupart des steppes maghrébines résultent de la dégradation des formations forestières centro-méridionales. Les plus importantes d'entre elles sont la steppe à alfa, la steppe à armoise et la steppe crassulescente. Les steppes d'Algérie sont les plus importantes en superficie et occupent près de 30 millions d'ha.
2.3.1 La steppe à alfa
L'alfa (Stipa tenacissima) occupe en Afrique du Nord quelques 7 millions d'ha. Autrefois exportée à l'état brut, elle est aujourd'hui transformée sur place en pâte à papier (Kasserine en Tunisie, Baba Ali et Mostaganen en Algérie). En Tunisie, l'arrachage de l'alfa demande près de 30 mille personnes durant 4 mois de l'année et sa transformation utilise 1000 ouvriers permanents.
Du point de vue pastorale, les nappes alfatières ont toujours été fréquentées par les troupeaux. Dans ce type de parcours l'inflorence de l'alfa (épis) constitue 77% de la production, le reste étant fourni par les feuilles, les espèces herbacées et les petits ligneux qui forment le cortège de l'alfa (A. El Hamrouni 1978). Cette production (80 à 120 UF/Ha) est concentrée sur 2 à 3 mois de l'année (d'avril à juin) et dont les conséquences les plus importantes sont le manque de régénération de l'espèce et la diminution en nombre et en volume des touffes d'alfa.
2.3.2 La steppe à armoise blanche
Dans ce genre de parcours l'espèce dominante est l'armoise blanche, plante polymorphe affectionnant les sols argilo-limoneux. Ces parcours dont la production varie entre 100 et 200 UF/Ha sont utilisés comme pâturage d'été et d'automne.
2.3.3 La steppe crassulescente
Les bordures des dépressions chotteuses (Chott Djerid en Tunisie, Chott El Hodna, Chott El Malghigh et Zahrez en Algérie) et les nombreuses sebkhas existantes en Libye, Algérie et Tunisie, constituent des parcours à végétation halophytique, particulièrement les atriplex et certaines salsolacées, dont la valeur pastorale peut atteindre 200 UF/Ha. Ils ne sont exploitables par les petits ruminants que dans la mesure où l'eau d'abreuvement est disponible.
3. Les problèmes des parcours maghrébins
3.1 Les problèmes d'ordre écobiologique
3.2 Les problèmes d'ordre technico-institutionnel
Ces problèmes revêtent plusieurs aspects. Certains sont d'ordre écobiologique et d'autres d'ordre technico-institutionnel.
3.1 Les problèmes d'ordre écobiologique
Il ressort de ce qui précède que les parcours nord africains en général et les parcours forestiers en particulier sont le théâtre d'un déséquilibre écologique néfaste et continu qui résulte de la très forte charge qu'ils subissent d'une part, et de leur faible production et valeur pastorales d'autre part. Le taux de surpâturage varie entre 25 et 50% de leurs possibilités réelles, ce qui se traduit très fréquemment par la réduction, voire la disparition des bonnes pastorales, et l'abondance des espèces peu palatables et la dénudation de plus en plus croissante du sol, prédule à une désertification progressive. Ainsi, sous l'action d'un surpâturage séculaire les parcours se dégradent inéxorablement. Le processus de leur dégradation peut se schématiser comme il est mentionné à l'annexe 1. La dégradation est d'autant plus accentuée au niveau de la végétation que l'on est plus proche des lieux d'habitation.
En Tunisie Centrale, la densité, le diamètre, la hauteur et la biomasse aérienne des touffes de romarin ont été effectués dans une garrigue s'étendant immédiatement au-dessus des douars et plus haut dans une formation de pin d'Alep à genévrier rouge. La réduction constatée au niveau de la garrigue par rapport à la forêt est de:
* 69% pour la densité
* 49% pour le diamètre
* 47% pour la hauteur
* 47% pour la biomasse aérienne.
La réduction de près de 70% de la densité des touffes est liée à une éradication intempestive et leur engloutissement par les fours à pain traditionnels ainsi que pour les besoins de chauffage (El Hamrouni 1978).
Par ailleurs, la forêt et les nappes alfatières sont le théâtre de nombreux incendies. Sans entrer dans l'étude de leurs causes, il a été enregistré de 1902 à 1979, en Tunisie du nord, 4368 incendies détruisant au total 319310 ha (Saoudi 1983). Les touffes d'alfa sont volontairement incendiées par les bergers, car les jeunes pousses de la plante sont consommées par le bétail. Les effets conjugués du feu, des défrichements et des coupes illicites réduisent de 1% annuellement la superficie forestière (Souleres 1969, El Hamrouni 1978, El Afsa 1978, Gerkens 1975).
La mer d'alfa dont parlait Barrat puis Monchicourt (1903) a vu sa superficie se réduire de moitié depuis le début du siècle.
L'extension de l'arboriculture et de la céréaliculture réduisent de plus en plus l'espace pastoral et de ce fait la forêt en pâtit lourdement.
3.2 Les problèmes d'ordre technico-institutionnel
Les aménagements des forêts maghrébines datent d'à peine une vingtaine d'années et les aménagements pastoraux sont à peine entamés. L'exploitation anarchique des parcours est due d'une part à l'indiscipline des bergers qui sont souvent des jeunes enfants et à l'insuffisance de modèles d'aménagements sylvopastoraux simples et faciles à mettre en exécution. Il convient par ailleurs de signaler que si le statut foncier des terrains forestiers est plus ou moins définis, il n'en est pas de même pour les parcours steppiques dont l'assiette foncière relève du collectif. La terre appartient à la collectivité dans l'indévis, alors que le cheptel est l'objet d'une appropriation privée. De là découle la recherche du profit aux moindres frais. Les parcours sont alors abusivement exploités sans qu'aucun investissement soit consenti par les éleveurs.
L'absence d'une législation efficace en la matière, du moins pour certains pays du Maghreb, rend le problème plus épineux. L'insuffisance, voire l'absence d'une formation de techniciens pastoralistes, mais surtout d'une vulgarisation et d'une recherche cohérente en matière de pastoralisme, (en fait d'une politique pastorale) sinon à l'échelle maghrébine du moins au niveau de chaque pays reste encore posée en dépit d'une volonté certaine de vouloir résoudre le problème malgré les contraintes climatiques et socio-économiques. Cette situation peu confortable des parcours, dépendant largement par ailleurs des aléas climatiques, ne permet pas à l'élevage traditionnel qui en tire 70 à 80% de ses besoins, d'avoir une productivité intéressante. Au Maroc, la production secondaire des parcours est de 3,9 kg/Ha de viande, 1,21/Ha de lait et 0,3 kg/Ha de laine (FAO-MARA 1981, rapport sur la zone 5 - Zebzet). Notons enfin qu'en Tunisie la pratique du pâturage en forêt est absolument irrationnelle. Elle est dépourvue de toute organisation et donc incompatible avec la recherche d'un meilleur rendement en fourrage, en lait et en viande. C'est le type même de l'économie primitive de cueillette qui entraîne l'appauvrissement progressif du milieu support" (Velay 1976). Ceci est vrai pour l'ensemble des parcours maghrébins.
4. Réhabilitation des parcours dans le cadre de la lutte contre la desertification
L'amélioration des parcours en Afrique du Nord dans une optique de lutte contre la désertification repose d'une part sur l'amélioration des systèmes d'exploitation et d'autre part sur l'introduction d'espèces fourragères herbacées ou arbustives, autochtones ou exotiques.
Ils intéressent la mise en défens temporaire, l'adaptation de la charge et la pratique de la rotation. La mise en défens si elle n'est pas longue, améliore indiscutablement la production pastorale en permettant à la végétation soustraite à l'action du pâturage et aux effets du surpâturage d'évoluer dans le sens d'une amélioration qualitative et quantitative du couvert. Une mise en défens de 2 ans dans les pinèdes arides de la Tunisie Centrale a permis une augmentation de 45,25% de la production pastorale (A. El Hamrouni 1978).
Une mise en défens un peu plus longue (6 ans) a permis de tripler la production de parcours forestiers à base de romarin, de ciste et de globulaire (El Hamrouni et Sarson 1974).
En Algérie, sur les steppes à armoise blanche la mise en défens a permis une augmentation de 50% de la biomasse aérienne totale (Ben Rebiha 1983). Au Maroc, dans la zone de Zebzet, le rapport cité plus haut donne un chiffre de 27%.
L'adaptation de la charge et la pratique de la rotation sont conçues dans le cadre d'un aménagement rationnel, simple et souple. Les parcelles sont peu nombreuses (4, dont une mise en défens) mais suffisamment grandes pour accepter à tour de rôle suivant sa capacité de charge le cheptel de la zone durant une période d'un mois. Chaque parcelle est parcourue 4 mois par an et laissée en repos durant le reste du temps. Le déficit alimentaire est comblé par un supplément allant de 20 à 80% selon les années. C'est pour cette base et à l'instar des cas tunisiens peu nombreux, hélas, que la Libye a conçu des fermes pastorales de 120 à 240 ha chacune avec 120 à 150 têtes ovines.
L'amélioration de la production des parcours à partir d'arbustes fourragers date depuis le début du siècle, mais elle s'est surtout intensifiée ces deux dernières décennies.
Les espèces auxquelles il est souvent fait appel sont le cactus (Opuntia ficus indica) surtout inerme, les atriplex et les acacias. Relativement résistantes à la sécheresse, elles sont suffisamment productives et sont de ce fait d'un usage très fréquent en Afrique du nord. Citons à titre d'exemple Atriplex nummularia d'origine australienne, Atriplex halimus, Atriplex glauca et Atriplex mollis d'origine maghrébine, Acacia cyanophylla d'origine australienne. En fait, leurs rôles sont multiples: ils produisent du fourrage, donnent du bois de chauffage et permettent de lutter contre l'érosion éolienne et hydrique.
D'importantes superficies ont été ainsi plantées particulièrement en Tunisie et surtout en Libye où depuis 1975 près de 40000 ha de parcours ont été améliorés. La densité de plantation est de 2000 plants/ha. L'introduction d'espèces herbacées constitue également un autre moyen d'enrichissement des parcours. L'association de certaines luzernes annuelles (Medicago truncatula, Medicago littoralis) avec les céréales a permis de mettre en valeur les jachères (cas de plaines céréalières de Tunisie, des plaines constantinoises en Algérie...). La conservation du maquis forestier des forêts humides du nord de la Tunisie et du Rif marocain en prairies artificielles a permis de passer d'une production de 200-300 UF/Ha à 3000 UF/Ha. Le cas du pro jet de Sedjenane en Tunisie mérite qu'on s'y attarde. Parti d'une expérimentation entreprise par la recherche forestière il a abouti à un projet intégré de développement agro-pastoral sur 20000 ha dont 12000 de terres agricoles et 8000 de terrains forestiers.
Il vise l'intensification de la production animale basée elle-même sur l'intensification de la culture fourragère pérenne et la sauvegarde des ressources naturelles (sol et végétation) essentiellement par la diminution de la production de charbon de bois, source de déboisement et d'incendies. Les travaux entamés en 1974 ont porté sur les actions suivantes: défrichement, épierrage, installation et clôture de prairies, installation de brise-vent, ouverture de pistes, captage de sources, creusage de puits de surface et aménagement de l'habitat. L'exploitation des prairies à trèfle souterrain, à lolium et à fetuque est basée sur l'admission des bêtes (vaches laitières et taurillons à l'engraissement) en pension. Le minimum de la production secondaire des prairies est de 200 kg de viande/Ha. Outre l'intensification de la production primaire et secondaire, ce projet a permis aux éleveurs de passer du stade de la cueillette au stade de l'économie de marché.
Les parcours nord africains soumis aux caprices du climat subissent une forte pression anthropozoogène qui ne cesse de les dégrader et de les exposer aux méfaits de la désertification. Les éleveurs sont peu enclins à améliorer la conduite de leurs troupeaux et particulièrement en ce qui concerne les soins vétérinaires, la mise à la réforme des animaux âgés et l'octroi d'une nourriture complémentaire en cas d'insuffisance de la production des parcours. Ils s'intéressent beaucoup plus à la quantité qu'à la qualité. L'insuffisance des cadres techniques spécialisés en matière de recherche et de vulgarisation dans le domaine pastoral constitue un frein au développement de ce secteur. Il importe cependant, en vue de sauvegarder ce patrimoine et de lutter contre la désertification au niveau de chacun des pays du Maghreb, de procéder à l'amélioration du couvert végétal par le biais de la mise en défens, au réajustement de la charge eu égard de la capacité de production, à l'ensemencement des parcours par des espèces à haute productivité, à la réalisation de plantations d'arbustes fourragers, à la pratique de la fumure minérale et à la complémentarité entre la production pastorale des parcours et la production des fourrages sur les périmètres irrigués.
La mise en place d'une stratégie pastorale, basée sur une législation ou son application stricte quand elle existe concernant la protection des parcours et les ressources naturelles parait revêtir une urgence particulière et est d'une nécessité impérieuse.
Au niveau régional une coopération très fructueuse peut être entreprise touchant aux échanges d'expériences, de technologies et de matériel génétique tant animal que végétal. Une banque de semences sylvopastorales peut être mise en place par les pays de la région dans l'intérêt de la région.
ANNEXE 1: Evolution des parcours forestiers d'après EL HAMROUNI (1978)