56 Etant donné que les objectifs visés par la collaboration internationale lors des opérations de pêche commerciale ainsi que les conditions qui président aux négociations varient notablement d'un cas à l'autre, il est impossible de poser des règles rigoureuses en vue de la conclusion d'accords touchant les armements communs. Néanmoins, il convient d'examiner, notamment dans l'intérêt des pays en développement qui jusqu'à présent ont peu d'expérience dans ce domaine, les points à envisager lorsque l'on participe à des négociations relatives à, ces armements, de manière à garantir que les accords seront à l'avantage des deux partenaires et atténueront les risques de conflit lors de l'application du projet. Le Département des pêches de la FAO prépare actuellement un recueil de critères et de directives en vue de la création d'entreprises communes dont l'objet est de fournir un tableau complet des problèmes en cause. Dans le cadre de la présente note, il suffira de résumer certaines des principales considérations.
Choix d'un partenaire
57 Le choix d'un partenaire a une importance vitale pour la réussite de l'armement commun. Ce problème est probablement plus facile à résoudre pour le partenaire du pays importateur de capital, car nombre de partenaires potentiels d'outre-mer sont des entreprises multinationales éprouvées, dotées d'une réputation et d'une expérience internationales. Même si le partenaire étranger était relativement inconnu, il y a dans les publications de la plupart des pays bailleurs de fonds de nombreuses références commerciales, sans même parler des chambres de commerce, ou mieux des bureaux d'affaire et autres services qui peuvent être consultés pour combler les lacunes de l'information.
58 Lorsque l'on cherche des associés, il est très utile d'examiner quelles sont les autres activités du partenaire potentiel (spécialement s'il s'agit d'une grande société), par delà le domaine spécifique de la collaboration. En s'intéressant à l'éventail des activités du partenaire et en les comparant à la gamme de ses propres activités, chaque partie peut parvenir à compréhension plus claire de l'autre, de ses buts et de sa dynamique. Cela permet d'établir une concordance fondamentale des intérêts ou de mettre en lumière les domaines où des conflits pourraient survenir.
59 Un nombre croissant d'armements internationaux à la pêche comportent plus de deux partenaires. La conjonction d'intérêts divergents devient plus compliquée lorsque plusieurs entreprises au lieu de deux sont associées. Le problème peut néanmoins être résolu si l'on confère la responsabilité de la gestion à l'une des parties. Une participation plus large peut cependant procurer des avantages spécifiques au niveau individuel par l'apport de techniques et de services spécialisés (les opérations communes avec les entreprises japonaises sont, par exemple, souvent bénéfiques à cause de la participation de sociétés de pêche et de firmes de commercialisation très expérimentées), par la répartition des charges financières et des risques liés à la mise en oeuvre des opérations et par le renforcement de la position compétitive de l'armement commun face à d'autres entreprises.
Négociation d'une entente de base
60 Les parties qui envisagent d'établir un armement commun essaieront d'arriver à une entente préliminaire. Un mémorandum préliminaire peut prévoir, en termes généraux, la nature, la portée et la localisation des activités à entreprendre, la durée de l'association, son financement, les facilités à utiliser et la gestion. Initialement, chaque partenaire peut envisager un domaine d'activité plus vaste que celui sur lequel on se mettra ultérieurement d'accord. La société étrangère, par exemple, peut vouloir profiter d'une morte-saison dans la pêcherie pour créer une autre pêche, ou dans la pêche du thon à l'appât vivant elle peut vouloir utiliser ses bateaux pour capturer l'appât afin d'avoir le contrôle de cet approvisionnement. Le gouvernement local, d'un autre côté, peut se prononcer contre cette extension à d'autres activités puisqu'elle pourrait compromettre les ressources de pêcheurs déjà engagés dans celles-ci.
61 Les gouvernements hôtes peuvent désirer promouvoir des armements communs en vue de s'orienter vers des opérations pleinement intégrées. Pour des initiatives spécialisées, par exemple, l'exploitation d'une nouvelle pêcherie, ils peuvent préférer recourir à des services de consultation, plutôt que de former une association spéciale. Cependant, la société étrangère peut ne pas vouloir accepter l'établissement de facilités locales qui entreraient en compétition pour les approvisionnements avec les facilités qu'elle possède ailleurs, ou parce qu'elle estime que la manutention et la transformation pratiquées sur place feraient disparaître les avantages économiques qu'elle attend de sa participation à l'entreprise commune.
62 Le choix de sites pour l'établissement des facilités et des opérations est l'un des aspects importants du travail préliminaire d'enquête. Une gestion moderne tend à évaluer les avantages et les inconvénients afférents aux sites, à la main-d'oeuvre, à la position du gouvernement, au financement, à l'"environnement" (possibilités d'installation pour le personnel étranger, climat, etc.) aux communications et aux facilités. Quelques sociétés internationales en sont arrivées à établir un indice de valeur pondéré qu'elles utilisent pour prendre une décision.
63 Si les conditions naturelles ou le gouvernement limitent les secteurs dans lesquels les armements communs sont autorisés à mener leurs opérations, la localisation des facilités peut être plus ou moins prédéterminée. Il peut y avoir, par exemple, seulement va ou deux sites possibles pour l'aménagement de ports ou de bâtiments. La stipulation prévoyant une zone de concession dans le contrat d'armement commun peut être avantageuse pour le projet aussi longtemps qu'elle est accompagnée de certaines privilèges, par exemple, en ce qui touche les opérations de pêche exclusive. Toutefois, si la limitation à cette zone nuit à la mobilité, il peut en résulter un net désavantage. Dans un pays où des armements communs internationaux ont été liés à des zones de concession, les sociétés nationales engagées dans des opérations semblables semblent avoir joui d'une plus grande liberté d'action, puisqu'elles avaient la possibilité de répartir leurs opérations de pêche d'un point à un autre du pays.
64 Outre le secteur géographique, des privilèges exclusifs ou des monopoles peuvent porter sur d'autres domaines des opérations communes, comme, par exemple, le droit de s'engager dans des activités spécifiques, l'attribution de matériel, les concessions fiscales, la commercialisation des produits et leur distribution. Il n'y a pas de réponse catégorique à la question de savoir si ces privilèges sont véritablement nécessaires à la réussite des opérations et s'ils sont justifiés ou non sur le plan moral. Les objections classiques au monopole - il conduit à négliger les économies de coût et à commettre des abus de pouvoir, il donne libre course aux augmentations des prix de vente et interdit l'accès de marché à des concurrents éventuels plus efficaces, plus conscients des prix de revient - ne sont pas toujours valables. Pour inciter une entreprise à assumer les risques inhérents au développement d'une nouvelle pêcherie, on peut lui offrir la même protection qu'à une industrie naissante. En ce qui concerne particulièrement les pays en voie de développement, l'argument des industries naissantes est parfaitement soutenable aussi longtemps que les avantages sociaux ne sont pas plus considérables que ceux qui pourraient être obtenus au moyen d'autres investissements techno-économiques viables. D'autres raisons justifiant l'octroi de privilèges sur le plan de la pêche ont trait au caractère de propriété commune des ressources halieutiques. La limitation de l'accès à la pêche est aujourd'hui plus ou moins généralement reconnue comme l'une des mesures essentielles d'un aménagement rationnel. En l'absence de restrictions, la productivité d'un navire peut baisser à un point tel que l'entreprise cesse d'être rentable. C'est sans doute la principale raison pour laquelle des partenaires étrangers susceptibles de participer à des opérations communes demandent une protection contre une compétition excessive.
65 Il existe une différence entre fixer un plafond au nombre total des armements autorisés et concéder un monopole. Les clauses relatives aux privilèges de pêche dans les accords d'armement commun pourraient prendre en considération les points suivants: (a) les encouragements qui sont nécessaires à une campagne exploratoire, (b) le potentiel d'expansion économique de l'effort de pêche, pourvu que l'on connaisse bien les ressources, et (c) la période pendant laquelle il faut prévoir des stimulants ou une protection. Si la durée de l'armement commun doit s'étendre de la naissance à la maturité de la pêcherie, le contrat peut stipuler à quel moment l'on devra revoir la question des privilèges exclusifs. En général, pour prévenir des conflits possibles, tous les privilèges (exclusivité, zone, détaxe, etc.), doivent être énoncés, de même que leur durée de validité et les conditions de leur cessation. S'il est question d'avantages fiscaux, ils sont généralement accordés selon la législation du pays d'accueil; néanmoins, il sera souhaitable - ou nécessaire si les conditions applicables à l'armement s'écartent d'une manière ou de l'autre des accords statutaires - de les indiquer en détail dans le contrat.
66 Dans nombre d'armements communs, la complémentarité des intérêts entre partenaires, qui motive la décision initiale de collaborer, passe pour être temporaire plutôt que permanente. Au fil du temps, le partenaire local peut acquérir des ressources financières et techniques suffisantes pour assumer la responsabilité entière de l'entreprise, alors que le partenaire étranger peut avoir atteint son but commercial et être prêt à se retirer de l'affaire. Toutefois, le contrat stipule généralement le nombre d'années pendant lesquelles les partenaires s'engagent à travailler ensemble, et il comporte parfois un codicile soumis à l'approbation du gouvernement du pays hôte, dans lequel on indique si l'armement commun peut être reconduit par accord tacite des partenaires. Souvent, le partenaire étranger peut se retirer progressivement et des dates sont fixées d'avance pour le transfert des parts du capital commun et du contrôle de la gestion jusqu'à ce que devienne effective une "naturalisation" totale de l'entreprise.
67 Fixer le terme approprié d'un contrat n'est pas toujours chose facile puisque les partenaires envisagent très probablement des périodes différentes lorsqu'ils évaluent les moyens d'atteindre leurs objectifs. Le partenaire local peut se laisser aller à l'optimisme en prévoyant le moment où il sera capable de se tirer d'affaire seul. Sa pression en faveur d'une date qui paraît trop rapprochée pour la réalisation des buts que s'est proposé l'armement commun incitera le partenaire étranger à limiter ses obligations, notamment lorsqu'il s'agit de contribuer à l'établissement de facilités portuaires permanentes, ou - cas extrême - à interrompre les négociations. D'autre part, si l'on fixe une période de validité excessivement longue, il faut s'attendre à des désagréments à moins d'avoir prévu de revoir périodiquement les termes du contrat. Sans ces précautions, l'élan nécessaire à la réalisation des objectifs fixés au départ pourrait s'atténuer.
68 Des difficultés peuvent être évitées si d'autres dispositions contractuelles relatives au capital, aux apports matériels, à la main-d'oeuvre, etc., sont liées spécifiquement au lape de temps durant lequel la "naturalisation" (transfert de propriété ou de responsabilité) doit s'effectuer. Parfois, le terme de l'accord est plus ou moins prédéterminé par la durée des privilèges ou des concessions accordés à l'armement par le gouvernement, puisque la continuation des opérations sans ces avantages peut être vaine. Les difficultés qu'il faut résoudre pour parvenir à un accord sur la nature des opérations à mener, le financement, la gestion, etc., sont quelquefois tellement insurmontables que la négociation doit être interrompue sans que l'on puisse signer un mémorandum préliminaire.
Rédaction des termes du contrat
69 Lorsque l'on a abouti à une entente fondamentale, le document est habituellement soumis à l'approbation de l'autorité supérieure (direction générale de la société étrangère et gouvernement local) avant l'élaboration d'un contrat détaillé relatif à l'armement commun. Le respect des intérêts des deux partenaires dans les termes du contrat dépend largement du sérieux avec lequel on a effectué le travail préparatoire. Toutefois, souvent le contrat ne permet d'atteindre les objectifs individuels des partenaires qu'en vertu de leur pouvoir de marchandage. Le marchandage est un aspect normal de toute transaction d'affaires impliquant échange de biens et de services (compétence et aptitudes, concessions de pêche, etc.) pour lesquels il n'existe pas de prix fixe. Ce que les deux parties ne doivent pas oublier lors du marchandage, c'est qu'il existe des limites au-delà desquelles les demandes de concessions deviennent déraisonnables, et l'interlocuteur sera tenté de rompre les négociations, voire même sera contraint de le faire. L'art de la négociation en affaires n'est réellement guère plus qu'un jeu de devinettes à propos de ces limites. Par ailleurs, ce qui est nécessaire dans un tel marchandage, c'est la souplesse, la volonté de modifier sa position quand les termes en apparaissent inacceptables à l'autre partie, et l'assistance d'un bon juriste pour éliminer les possibilités d'interprétation ambiguë une fois l'accord signé.
70 Certains experts estiment que le meilleur conseil juridique est le moins cher. Selon un autre point de vue, le désir de conclure des accords détaillés entre partenaires de pays différents peut conduire à des délais interminables et à des déceptions. En fin de compte, la confiance mutuelle et la volonté de prendre quelques risques sont nécessaires et les conseils juridiques n'y changeront rien.
71 Ces deux opinions ne sont pas nécessairement contradictoires dans la mesure où l'on ne peut afficher une confiance mutuelle que si le choix du partenaire a été judicieux. Parfois, le nombre des candidats satisfaisant aux exigences en matière de capital, de savoir-faire ou d'autres atouts peut fort bien limiter le choix. D'un autre côté, le nombre de conseillers juridiques disponibles dans le monde pour négocier un contrat d'armement commun n'est pas très élevé et leurs services sont d'un prix hors de proportion avec les bénéfices marginaux que l'on peut tirer de la conclusion d'un accord un peu plus favorable. En règle générale, on ne saurait trop insister sur l'importance d'une terminologie claire et sur la précision des données temporelles, aussi bien que sur la nécessité d'énoncer sans ambiguïté toutes les conditions spéciales (exceptions pertinentes pour l'interprétation des clauses du contrat). Bien que l'on ne puisse pas toujours éviter certaines tournures, des expressions telles que "dès que possible", "suivant les résultats", "au cours du marché" (dans la mesure où aucune explication n'est donnée sur la manière dont le prix doit être déterminé) etc., prêtent à des divergences d'interprétation entre les partenaires et constituent en quelque sorte des germes de différends.
Clauses du contrat relatives aux apports matériels
72 Les armements communs à la pêche ont rencontré de gros problèmes ou ont parfois échoué parce que les contrats n'avaient pas indiqué en termes suffisamment précis le type d'équipement à employer dans la conduite des opérations, un calendrier pour sa mise en place, les dispositions concernant l'approvisionnement en pièces détachées, etc. Des contrats ont été dénoncés faute d'avoir prévu des procédures garantissant que l'équipement acquis par l'armement commun correspondra aux stipulations.
73 Les partenaires locaux et les gouvernements des pays hôtes insistent souvent pour intervenir dans la définition des spécifications des apports matériels de l'entreprise commune, car les partenaires étrangers ont parfois été blâmés pour avoir fourni un équipement inadéquat ou d'une qualité défectueuse. Si l'on peut trouver une équipe locale ayant la compétence requise, pour faire une telle évaluation technique et financière, sa participation est non seulement bienvenue, mais souhaitable; par contre, la validité économique de la société peut être compromise dès le départ lorsque prévalent les jugements erronés d'un partenaire local en matière de fonctionnement et de coût. L'on peut pallier le défaut d'expertise en s'en remettant à des services consultatifs qui peuvent être, entre autres, des organismes internationaux d'assistance technique. Si ces organismes ne sont pas toujours compétents lorsqu'il est question d'arbitrer les différends relatifs au choix de l'équipement adéquat, ils doivent tout au moins être en mesure de donner des avis autorisés.
74 Les doléances des partenaires locaux à l'égard des facilités et de l'équipement procurés par les partenaires étrangers se réfèrent souvent à leur "âge" ou à la possibilité de les utiliser dans le contexte local (y compris la possibilité pour la main-d'oeuvre locale d'en assurer le fonctionnement et l'entretien). Parfois, on questionne les mobiles qui incitent les partenaires étrangers à fournir du matériel de seconde main, ou encore du matériel outrageusement cher, inutilement compliqué ou d'emploi très difficile, et on les soupçonne de vouloir réaliser des profits aux dépens des partenaires locaux. Il n'y a pas de réponse type à la question de savoir, par exemple, si les navires de pêche utilisés ou l'équipement destiné au traitement du poisson doivent être de seconde main ou de type moderne; en effet, une étude de viabilité est nécessaire pour décider quel est l'équipement le plus approprié pour atteindre les objectifs économiques et sociaux de l'armement commun. Si les produits doivent être compétitifs sur le marché de l'exportation et si, dans la marche à suivre, les possibilités de substituer de la main-d'oeuvre aux apports matériels sont limitées, les circonstances peuvent exiger l'emploi de facilités et de méthodes modernes. Par ailleurs, l'équipement de seconde main peut souvent être disponible plus rapidement et coûter moins cher. En outre, dans certains cas, l'acquisition d'équipement neuf peut être compromise par l'impossibilité d'obtenir des devises étrangères ou par des droits de douane élevés,
75 Dans les circonstances normales, si la valeur des immobilisations procurées à l'armement commun est déterminée de façon réaliste et si la société étrangère est assurée de pouvoir maintenir des intérêts suffisants sur le capital et des revenus réguliers en échange de sa mise de fonds pendant une période prolongée, l'équipement ne doit poser aucun problème. Il convient de prévoir des dispositions de nature à garantir que les avoirs fournis à l'armement commun sont évalués conformément aux normes de comptabilité communément acceptées. Il est également souhaitable que le partenaire étranger acquière plus qu'une simple participation avec dividendes dans l'armement commun, de manière qu'il soit véritablement intéressé à l'accroissement des profits.
76 Les procédures suivies pour établir la valeur des immobilisations doivent prendre en compte leur mode de création. Lorsqu'il s'agit de la construction d'installations, la procédure d'évaluation devrait comporter des indications relatives à la manière de vérifier que l'on respecte les spécifications techniques et les coûts prévus. Pour des avoirs déjà existants qui doivent être transférés à l'entreprise commune, il faudra recourir aux services de sociétés d'inspection et d'évaluation. Un soin particulier doit être consacré aux apports d'avoirs intangibles, comme la clientèle, étant donné que le partenaire qui a fourni ces avoirs pourrait invoquer des droits préférentiels substantiels sur les futurs profits. Lorsque des immobilisations sont mises à la disposition de l'entreprise commune à la suite d'un prêt où, par exemple, lorsque des navires de pêche sont loués pour une période donnée, les frais peuvent être excessifs par rapport aux revenus, étant donné l'inflation de la valeur des biens prêtés, l'établissement de taux d'intérêt plus élevés que ceux normalement pratiqués sur les prêts de ce type, et la fixation de taux de fret excédant ceux qui sont en usage. A moins qu'il n'existe des normes communément reconnues pour fixer la valeur des immobilisations ou les tarifs en vigueur (par exemple, cote des prix de l'équipement, taux de fret publiés, etc.), l'on doit solliciter l'avis d'experts; les partenaires peuvent toutefois préférer recourir aux services d'un évaluateur professionnel.
77 Il convient également de prêter attention au facteur temps lorsque l'on rédige les clauses de l'accord relatives à l'équipement. De nombreux contrats prévoient l'installation progressive de facilités portuaires, l'apport initial en navires de pêche devant s'accroître d'un nombre précis d'unités supplémentaires au bout d'un certain nombre d'années, jusqu'à ce que la flottille atteigne la taille convenue dans le plan d'investissement. La réalisation de résultats spécifiés ou de certaines conditions à une date prévue peut être un préalable à l'achèvement du plan d'investissement, par exemple, lorsque le contrat stipule que la construction de facilités à terre est liée aux résultats d'une prospection halieutique qui se prolongera pendant une période convenue. Si les opérations initiales de pêche sont faites à bord de bateaux affrétés, le contrat peut prévoir un calendrier pour leur remplacement par, des navires qui devront être fournis par le partenaire étranger ou achetés avec les gains de l'armement commun. De même, un calendrier peut être fixé par accord mutuel pour la substitution d'installations portuaires aux bateaux-mères.
78 Des indications temporelles spécifiques sont souhaitables touchant le commencement des opérations ou l'utilisation des facilités et de l'équipement de l'armement commun, ainsi que les dates de transfert de la propriété si l'armement doit être progressivement "naturalisé". Certains contrats prévoient même des sanctions si les facilités qui doivent être fournies par l'un des partenaires ne sont pas opérationnelles à la date convenue, de manière à prévenir des retards de livraison, préjudiciables à la réalisation des objectifs commerciaux. Des clauses supplémentaires peuvent être consacrées aux conditions d'extension des facilités créées lors de la formation de l'armement commun. Si certains accords ne prévoient rien de plus qu'une autorisation pour qu'il puisse étendre son implantation jusqu'à certaines dimensions, d'autres contraignent effectivement le partenaire étranger à augmenter, par exemple, son investissement dans la flottille de pêche si et lorsque les prises par unité atteignent un certain niveau. Il s'agit d'éviter qu'un armement doté de droits de pêche exclusifs ne tire pas pleinement parti des possibilités offertes par une ressource encore sous-exploitée.
79 Certains accords imposent des restrictions sur l'origine des apports initiaux ou des biens acquis au cours des opérations. Les pays hôtes se méfient souvent des contrats qui imposent à l'armement d'acquérir ses avoirs matériels auprès d'une source exclusive, appartenant d'ordinaire au partenaire étranger ou dépendant de lui. Si les prix de transfert sont élevés par rapport à ceux qui prévalent généralement, et si la part du fournisseur dans les profits de l'armement commun est comparativement réduite, ces pays ont tendance à soupçonner la société étrangère de s'intéresser surtout à la vente d'équipement, plutôt qu'à une véritable collaboration aux activités de développement. De même, les sociétés étrangères peuvent soulever des objections à l'égard des clauses qui contraignent l'armement commun & s'en remettre & des fournisseurs locaux, par exemple, à des chantiers locaux, l'entreprise risquant de ne plus être en mesure d'absorber le fardeau supplémentaire constitué par des coûts de fonctionnement locaux élevés et d'être confrontée à des problèmes de livraison insolubles.
80 On trouve parfois dans les contrats relatifs aux armements communs des clauses restrictives en matière d'utilisation. Par exemple, des gouvernements des pays hôtes peuvent vouloir s'assurer que certains objectifs de leur politique de développement ne seront pas négligés en demandant aux partenaires étrangers qu'une partie de la flottille mise en campagne travaille exclusivement pour le marché intérieur ou qu'une partie des mises à terre soient vendues sur ce marché. Dans certains cas, ils peuvent faire dépendre l'approbation d'opérations destinées à l'exportation, qui offrent des perspectives lucratives, de l'acceptation de cette clause.
81 Pour les armements communs qui dépendent fortement d'un équipement importé, des dispositions touchant la fourniture de pièces détachées et une aide étrangère en matière d'entretien sont essentielles. Les clauses du contrat doivent être aussi spécifiques sur ce point que pour l'équipement lui-même en indiquant le type, la qualité, la taille d'inventaire, la nature et le lieu d'entreposage des pièces, ainsi que le personnel d'entretien disponible.
82 Lorsque l'un des partenaires a un intérêt financier dans la fourniture du matériel considéré comme l'un des éléments essentiels des coûts d'exploitation (combustible, fret, glace), le contrat doit fixer une procédure permettant de déterminer les besoins quantitatifs et les prix, de manière que le fournisseur ne puisse tromper l'armement commun en constituant des stocks démesurés ou en gonflant artificiellement les prix.
83 Un autre sujet à étudier est le rôle que jouent les gouvernements en matière de propriété, d'approvisionnement, de contrôle, d'opérations fiscales, etc. Si le gouvernement a un intérêt direct ou indirect aux immobilisations (par l'octroi de prêts), il peut vouloir prendre part au choix de l'équipement ou, au minimum, à la vérification de sa validité technique pour les opérations prévues.
84 Lorsque de nouveaux aménagements sont construits pour l'armement, le gouvernement peut se réserver le droit d'exiger que des modifications soient apportées aux spécifications et celui de faire des inspections pendant la période de construction; il peut faire dépendre l'octroi de crédits et d'autres facilités de la certification par ses inspecteurs que les normes ont été observées.
85 On peut s'attendre que le gouvernement joue un rôle en ce qui concerne les plans d'assurance et de garantie des immobilisations qui sont propriété de l'entreprise commune, ou dont elle dispose grâce au crédit. L'accord devrait identifier les avoirs qui sont protégés de cette manière et décrire leur nature, leur importance, les montants assurés ou garantis, la durée, le coût (primes d'assurance) et les cautions ou sécurités associées à l'octroi de telles facilités. Lorsque cela est possible, le contrat doit être explicite touchant les facilités spéciales offertes par le gouvernement pour l'importation d'équipement et de matériels nécessaires à l'entreprise; il doit préciser leur caractère, les quantités auxquelles elles s'appliquent, les tarifs concessionnaires ou exemptions, et la durée des franchises. Le contrat devra également contenir des renseignements détaillés, en cas de réglementation gouvernementale, sur les attributions de devises étrangères ou de matériels rares à l'entreprise commune.
Dispositions relatives à la main-d'oeuvre
86 Les dispositions relatives à la main-d'oeuvre figurant dans les contrats d'armement commun doivent préciser dans le détail les plans convenus touchant le recrutement, l'emploi, la formation et, en temps utile, la "naturalisation" de la main-d'oeuvre. Ces plans seront influencés par les prescriptions relatives au personnel des armements communs qui figurent dans les codes d'investissement et dans la législation du travail, ainsi qu'en général par des facteurs institutionnels tels que la politique des pays hôtes en matière syndicale.
87 Les estimations relatives au personnel à recruter ou à détacher de la force de travail des partenaires devraient être aussi spécifiques que possible du point de vue des niveaux professionnels et des qualifications, ainsi que de l'effectif nécessaire. Les calendriers de recrutement doivent tenir compte de la nécessité d'éviter les goulots d'étranglement dus au manque de personnel; par ailleurs, il faut également veiller à éviter le désoeuvrement qui pourrait survenir lorsque les préparatifs de lancement de certaines opérations sont inachevés. De plus, l'on doit prévoir les aménagements indispensables aux équipages, notamment des logements et des moyens de transport jusqu'au lieu de travail, ainsi que des facilités en matière de formation, de récréation et d'achats. Si ces facilités doivent être spécialement créées en fonction de l'entreprise commune, le contrat doit préciser tous les détails pertinents.
88 Les partenaires étrangers et locaux peuvent avoir des points de vue différents sur le recrutement de la main-d'oeuvre, spécialement si les uns ou les autres peuvent profiter de la situation en faisant embaucher leurs compatriotes prioritairement ou en leur réservant les emplois des grades les plus élevés ou les mieux rémunérés. Un partenaire s'abstiendra de faire du "dumping" et d'alourdir les opérations par des taux de rémunération excessifs s'il est convaincu qu'à long terme il bénéficiera de l'entreprise. Parfois, les pressions exercées pour embaucher du personnel (notamment à des niveaux élevés de responsabilité ou de rémunération) dont l'emploi ne peut être justifié par les opérations, est imputable au gouvernement du pays hôte. Bien que, pour des raisons politiques, les partenaires puissent juger impossible de résister à de telles pressions, les gouvernements locaux doivent se rendre compte que les alourdissements excessifs qu'ils imposent à l'entreprise iront à l'encontre de tous leurs efforts pour promouvoir un armement commun viable. Des menées politiques parmi le personnel, et l'intervention des pouvoirs publics dans les relations sociales en général figurent parmi les obstacles les plus importants à l'expansion des armements communs dans les pays en voie de développement.
89 Des clauses statutaires peuvent stipuler que les employés locaux doivent constituer un pourcentage minimum spécifié du personnel ou que l'emploi de personnel expatrié (correspondant à certaines compétences) doit être limité à un certain pourcentage, que la main-d'oeuvre locale doit à travail égal recevoir un salaire égal, et que l'ensemble du personnel doit être "naturalisé" à l'issue d'un laps de temps prévu, etc. Bien que de telles limitations soient généralement justifiées, notamment pour répondre à la nécessité d'accroître le nombre d'emploi réservé à la main-d'oeuvre locale, pour réduire la ponction sur les devises représentée par la rémunération du personnel expatrié, pour éviter des antagonismes entre membres du personnel soumis à des différences de traitement, pour accélérer le passage des activités sous contrôle local, etc., elles peuvent ôter aux opérations la souplesse voulue au point de dissuader certaines sociétés étrangères de s'engager dans une entreprise commune. De telles dispositions statutaires ne peuvent pas tenir compte des nécessités techniques, alors que les prescriptions relatives à l'égalité des rémunérations rendent difficile, voire impossible, de faire accepter au personnel expatrié des emplois auxquels on applique des barèmes de salaires locaux. Si par contre des normes étrangères doivent prévaloir, il peut arriver que l'entreprise dans son ensemble cesse d'être rentable, ou que l'on crée de ce fait une élite d'employés locaux surpayés par rapport à d'autres qui occupent les mêmes postes dans les entreprises locales.
90 Parmi les dispositions reflétant les politiques gouvernementales ou syndicales qui, dans certains cas, peuvent rebuter les partenaires étrangers, figurent les restrictions touchant les horaires de travail et les congédiements du personnel. Les pays qui n'ont pas eu d'expérience des opérations de pêche à l'échelle industrielle devraient reconnaître que les caractéristiques de ces opérations ne permettent pas de leur appliquer des horaires de travail journalier fixes tels que ceux qui sont suivis par les entreprises à terre. Les entraves - ou les procédures administratives extrêmement lourdes - qui pèsent sur les congédiements du personnel, entraînent également des pertes de rendement qu'un armement commun ne saurait s'offrir.
91 Très souvent, les frictions entre personnel local et personnel expatrié proviennent d'autres causes, telles que les divergences qui les opposent en ce qui concerne les habitudes alimentaires, les normes d'hygiène, les attitudes vis-à-vis du travail et les aspirations d'ordre économique. Ce sont là des problèmes qui tendent à prendre une importance majeure, notamment lorsque des gens appartenant à diverses nationalités et dont les traditions sont entièrement différentes doivent travailler constamment en étroit contact, comme c'est le cas, par exemple, à bord d'un bateau de pêche. Ce ne sont pas les dispositions contractuelles qui permettent d'éviter de telles frictions. Toutefois, les organisateurs des armements communs ne sauraient négliger d'étudier les moyens de prévenir ces heurte en procédant à des aménagements à bord des bateaux ou à l'usine, en étalant les séjours à quai pour les équipages étrangers, et en parrainant des activités qui permettront à des gens de culture différente de mieux se connaître et de créer un esprit d'équipe.
92 Les doutes concernant les aptitudes ou l'efficacité de la main-d'oeuvre locale peuvent amener le personnel de direction expatrié à favoriser l'adoption de techniques à fort coefficient de capital. Celles-ci à leur tour peuvent être si complexes que les possibilités de "naturalisation" de la force de travail vont en s'amoindrissant.
93 Nombre de sociétés multinationales seront heureuses de trouver une organisation locale qui peut leur fournir un personnel connaissant les coutumes et pratiques commerciales du lieu. Ces sociétés estiment que, entre autres problèmes, ceux qui concernent les réductions de personnel peuvent être résolus sur place de manière plus facile que dans le cas des expatriés qu'il faut absorber à nouveau dans la société-mère après leur rapatriement. Lorsque cela est indiqué et acceptable aux deux partenaires, l'apport constitué par les compétences du personnel expatrié peut être procuré de manière différente. Par exemple, certains armements communs à la pêche auxquels participent des intérêts français comportent des accords techniques distincts aux termes desquels des équipages d'outre-mer sont détachés auprès des armements communs. Dans ces cas, il faut prévoir des dispositions spéciales pour que les équipages puissent continuer à jouir de la protection que leur fournit la sécurité sociale, notamment pour les ressortissants français étant donné les caractéristiques du système français. En général, les dispositions relatives à la sécurité sociale et les autres clauses applicables au recrutement, aux salaires, aux conditions de travail et à la cessation de service du personnel sont particulièrement importantes pour le fonctionnement des entreprises communes, et souvent elles sont si complexes qu'elles nécessitent un examen détaillé dans un ou plusieurs accords subsidiaires où l'on fera nécessairement la différence entre les conditions qui s'appliquent au personnel local et celles qui concernent le personnel expatrié, ou entre diverses catégories d'employés.
94 Les accords subsidiaires portant sur l'emploi du personnel expatrié devraient préciser, le cas échéant, les privilèges et immunités accordés aux termes de la législation du pays hôte, les congés dans les foyers, les transferts de crédit et de biens privés entre le foyer et le lieu d'affectation, les dispositions relatives au logement, aux services médicaux, à l'éducation des enfants, etc., afin de donner un tableau complet dans des conditions de travail dans l'intérêt du personnel, tout en indiquant les limites des responsabilités financières et autres de l'employeur.
95 La formation tient une place essentielle dans toute discussion touchant les problèmes de main-d'oeuvre. Pour les pays en voie de développement qui s'efforcent de stimuler leurs industries halieutiques, l'un des principaux objectifs consiste à procurer des possibilités de formation au personnel local. Pour y parvenir, les dispositions contractuelles relatives à cette question devraient contenir des indications spécifiques touchant les types de formation prévus lors des opérations des armements communs, ainsi que les facilités supplémentaires dont on dispose localement, le nombre d'employés à former (par catégorie et par niveau d'aptitude), la durée et le contenu des cours de formation, le financement, et les responsabilités qui incombent aux intéressés à l'issue de leur formation. De nombreux gouvernements des pays hôtes soutiendront les programmes de formation en mettant gratuitement à leur disposition les services gouvernementaux, en assurant la subsistance des stagiaires et per d'autres moyens.
96 L'objet des entreprises communes est de donner la formation la meilleure et la plus pratique au coût le plus bas. La formation en cours d'emploi à bord du navire ou à l'usine est d'ordinaire moins coûteuse et donne des résultats plus rapides que tout autre formule, notamment pour le personnel dont le niveau d'activité ne nécessite pas un enseignement académique. Toutefois, les sociétés étrangères se plaignent souvent que la formation en service de cadres non spécialisés a un effet contraire sur l'efficacité des opérations commerciales et par conséquent sur le rendement économique. Même lorsqu'elles ont accepté de donner une formation en cours d'emploi, elles trouvent souvent le moyen d'échapper à leurs obligations. Etant donné que le coût des installations spéciales, telles que les navires-écoles, est généralement trop élevé pour qu'on l'envisage dans le cadre d'une entreprise commerciale, les partenaires devraient convenir de quelque type de formation en service. A cet égard, le pays en voie de développement fera bien d'insister pour que des arrangements soient prévus dans le contrat afin de vérifier que les obligations contractées ont été respectées.
Décisions touchant le contrôle de la gestion
97 Les pays hôtes et les sociétés multinationales tendent également à surestimer l'importance de la propriété du point de vue du contrôle de la gestion. Un partenaire minoritaire a toutefois de nombreuses occasions d'entraver les politiques suivies par le partenaire majoritaire s'il désire le faire. Dans la mesure où cela est possible, mieux vaut que les deux partenaires participent à la gestion. Bien que le type d'armement commun choisi, les compétences gestionnaires disponibles et l'importance du capital engagé par les parties déterminent largement si cette possibilité est réalisable, le partage des responsabilités de la gestion et la connaissance des problèmes mutuels qui en résulte garantissent que l'intérêt commun sera mieux servi.
98 Avoir des administrateurs locaux qui soient des propriétaires et non pas seulement des directeurs professionnels est un avantage indiscutable. L'intérêt qu'ils ont à l'affaire signifie que le propriétaire local étudiera tous les aspects comme un entrepreneur et non seulement comme un spécialiste de la fonction.
99 De son côté, la société internationale doit faire en sorte que la responsabilité des entreprises communes soit véritablement assumée et qu'elles bénéficient en matière de gestion du soutien que les sociétés donnent aux filiales dont elles sont pleinement propriétaires.
100 Les sociétés multinationales qui ont de l'expérience en matière d'armements communs à la pêche sont particulièrement désireuses d'obtenir un soutien local en matière de gestion. Certaines pensent qu'un partenaire local doit accepter les responsabilités de la gestion proportionnellement au pourcentage du capital social dont il dispose, et déplorent l'absence de sens des responsabilités parmi les partenaires locaux; ceux-ci en effet tendent à insister pour détenir la majorité des actions, mais laisseraient volontiers la responsabilité de la recherche de moyens de financement, de la promotion des ventes et d'autres fonctions de gestion au partenaire d'outre-mer;
101 Lorsqu'un partenaire peut prétendre qu'il jouit d'une expérience plus considérable ou qu'il fournit un équipement et une technologie avec lesquels ses collègues sont peu familiarisée, il désire conserver, tout au moins pendant une période initiale, les postes de contrôle essentiels. Il peut y parvenir en énonçant spécifiquement dans le contrat les responsabilités qui lui sont assignées, par exemple, en ce qui concerne les installations servant aux plans et à la construction (navires et usines), la gestion technique des opérations de pêche et de transformation, et le choix du personnel-clef.
102 L'on peut se réserver un certain contrôle sur la gestion, même lorsqu'un intérêt majoritaire est devenu un intérêt minoritaire, en amendant les règlements de l'armement commun pour donner à l'actionnaire minoritaire certains droits, par exemple, celui de nommer le directeur général. Il existe d'autres techniques pour permettre au participant minoritaire de conserver son influence sur les décisions en matière de gestion: une clause des règlements eux-mêmes peut stipuler qu'ils ne peuvent être modifiés sans vote unanime du conseil d'administration; on peut émettre deux types d'action, donnant également droit à un dividende, mais dont les unes ne donnent pas le droit de vote, ou bien émettre des actions ayant des droits de vote multiples pour le partenaire minoritaire, alors que le partenaire majoritaire reçoit des parts avec droit de vote unique (et peut-être avec un droit préférentiel aux dividendes). Certes, le problème de la perte du contrôle de la gestion peut ne pas se poser, lorsque la propriété majoritaire est disséminée entre un grand nombre d'actionnaires qui ont peu d'influence au niveau du conseil d'administration.
103 Si l'opinion générale est que l'on devrait tirer le parti maximum des connaissances spéciales du milieu dont dispose le partenaire local, les avis semblent partages en ce qui concerne la sagesse de fixer des limites à toutes les décisions en matière de gestion. Certaines sociétés estiment que le partenaire local devrait avoir la responsabilité d'obtenir les licences de pêche et celle de toutes les autres négociations avec le gouvernement, et qu'il devrait également s'occuper de recruter le personnel local, ainsi que des questions touchant les salaires, le statut du personnel, etc., de manière à éviter que se posent des problèmes raciaux. De toute évidence, le partenaire local est le mieux à même d'assumer la responsabilité dans ces domaines, bien que des liens politiques étroits, s'ils peuvent être utiles au moment des négociations de l'accord, aient parfois des inconvénients à long terme, en particulier dans les pays où l'instabilité politique est de règle. Dans d'autres cas, on n'a pas eu à se louer des arrangements par lesquels le partenaire local s'occupe de tous les problèmes touchant les contrats locaux, la main-d'oeuvre locale, l'achat sur place de l'équipement de pêche, tandis que le directeur étranger assume la responsabilité de tous les problèmes opérationnels et techniques (par exemple, le recrutement de patrons, l'armement des navires, l'emballage du produit, les opérations de navigation et de vente); parfois, cela était dû au fait que le partenaire local n'avait aucune influence sur les opérations de vente.
Dispositions relatives aux opérations commerciales
104 Dans la mesure du possible, le contrat devrait souligner les modalités selon lesquelles l'entreprise commune entend parvenir à ses objectifs et préciser également ses relations avec le gouvernement du pays hôte, la société étrangère et les intérêts privés non affiliés. Lorsque ces renseignements ne sont pas encore disponibles, comme par exemple dans le cas des campagnes exploratoires en vue d'intégrer verticalement des opérations qui se sont limitées jusqu'alors au secteur de la pêche, le contrat pourrait stipuler que les plans visant la transformation et la distribution devront être incorporés au projet à un stade ultérieur, après réalisation de l'étude de viabilité nécessaire. D'une manière semblable, l'expansion des opérations dans n'importe quel secteur doit dépendre d'une évaluation satisfaisante des résultats aux dates prescrites pour leur vérification.
105 Parfois, certaines phases des opérations, par exemple, l'achat, la vente, certains paiements aux trésoreries publiques, sont l'objet d'accords spéciaux ou sont fixés par ailleurs, et les projections ne présentent aucune difficulté pour autant qu'existe une bonne base pour évaluer le volume des captures. Certes, ces captures sont toujours l'élément le plus difficile à apprécier, notamment si l'armement n'a pas de droit exclusif d'exploitation dans une zone définie et pour une période donnée.
106 Il arrive que les gouvernements jugent nécessaire, pour assurer la protection des ressources, de contingenter les captures totales annuelles que l'armement commun est autorisé à faire. Le nombre de navires de pêche autorisé peut également être fixé sur la base de leur capacité moyenne de capture. Les réglementations de cette espèce doivent être revisées périodiquement, de façon à s'assurer que les contingents, s'ils sont trop faibles, ne constituent pas des limitations injustifiées aux possibilités de profit, ou s'ils sont trop élevés, ne procurent aux ressources qu'une protection insuffisante.
107 Dans un armement contractuel, les relations entre les partenaires sont communément plus complexes que dans une entreprise fondée sur la seule participation. Par conséquent, les responsabilités spécifiques assumées par chaque partenaire doivent être énoncées de manière très détaillée, et il peut être nécessaire d'y joindre un système d'écritures substantiel pour déterminer le partage des bénéfices et des charges de chacun.
108 Le contrat d'armement commun doit également contenir des clauses destinées à garantir que les transactions entre l'armement et la société-mère du partenaire étranger sont strictement commerciales. Il faut éviter, par exemple, les ventes de services qui ne sont peut-être pas essentiels ou peuvent être tarifés à des prix excessifs. Dans cette catégorie figure l'affrètement des navires sur une base permanente, bien que leur remplacement par des navires locaux soit devenu possible (les avantages permanents qui en découlent pour l'économie du pays hôte équilibrent les sacrifices que cela pourrait représenter sur le plan de l'efficacité an niveau de l'entreprise) ou bien que les frets qui leur sont appliqués soient nettement supérieurs aux taux pratiqués sur le marché mondial. Citons encore parmi ces types de transactions la mise à la disposition de la société étrangère de facilités appartenant à l'armement commun sans compensation adéquate. Il faut distinguer ce genre de situation, où les navires appartenant à la flottille de la société étrangère se procurent sur place glace, combustible, approvisionnements, etc., de celle où l'armement commun ou le pays hôte s'assure des services spécifiques (par exemple, rapports sur la prospection du poisson par la flottille étrangère), ou en général tire parti du commerce que lui procure la flottille du pays étranger (par exemple, dépenses des équipages dans les ports locaux).
109 Les prix facturés à la société étrangère sur la vente des produits de la pêche de l'armement commun demandent également à être surveillés pour éviter les remises trop élevées, bien que celles-ci soient acceptables pour le transport, la manutention et les services commerciaux fournis par la société étrangère, ainsi qu'en fonction du volume des affaires. L'engagement contracté par cette société d'acheter la production intégrale doit être examiné à la lumière des conditions du marché qui sont susceptibles de prévaloir pendant la période de validité de l'accord. Plutôt que d'avoir un débouché assuré pour la totalité de la production, il peut être préférable de disposer d'un choix de marchés, particulièrement lorsque la demande et les prix augmentent.
110 Lorsqu'un armement commun s'est créé une identité commerciale distincte, ses rapports avec le gouvernement du pays hôte doivent être caractérisés par le même type de relations que celles qu'il entretient avec la société-mère du partenaire étranger, aussi longtemps que l'armement commun est en compétition locale directe avec d'autres entreprises (par contre, une société dotée de droits exclusifs est, dès le départ, dans une position privilégiée et peu* bénéficier d'avantages supplémentaires dans ses transactions avec le gouvernement, c'est-à-dire aussi longtemps que cette préférence passe pour servir l'intérêt économique et social du pays). On considère qu'après la formation de l'armement commun, le partenaire étranger se doit d'indemniser le gouvernement du pays hôte, par son rapport en capital, en qualifications et en compétences, en échange des privilèges accordés, et l'armement commun devrait normalement régler aux prix courants ses achats dans les magasins de l'Etat, ainsi que les services rendus par le gouvernement. De même, la vente des produits au gouvernement devrait être faite aux prix du marché, compte tenu des services gouvernementaux utilisés à cet égard et du volume des transactions, comme dans le cas des ventes à la société-mère du partenaire étranger.
111 L'un des services les plus importants que le gouvernement puisse fournir pour promouvoir la bonne marche des affaires dans les armements communs (malheureusement il ne le fait pas toujours) est de lui donner accès gratuitement à des procédures administratives efficaces. Bans certains pays en voie de développement, les accords conclus avec les autorités centrales ont parfois déçu les espoirs des promoteurs à cause de liaisons et de communications inadéquates, compliquées ou trop lentes avec les autorités locales chargées des responsabilités du contrôle sur les lieux d'opération. L'allégement des formalités administratives et une meilleure coordination entre organismes gouvernementaux sont probablement plus importantes pour un armement commun à la pêche que pour d'autres entreprises commerciales, puisqu'une telle affaire relèvera vraisemblablement d'un plus grand nombre de services administratifs.
112 Les clauses du contrat relatives aux relations avec d'autres entreprises que les sociétés-mères des partenaires et le gouvernement concernent pour la plupart des fournisseurs et des clients, ainsi que des concurrents réels ou potentiels. Donc, ces contrats doivent spécifier si, oui ou non, et dans le premier cas à quelles conditions: (a) l'armement est autorisé à acheter du poisson à des navires non affiliés, (b) les sociétés-mères des partenaires et le gouvernement local ont des droits prioritaires dans l'acquisition des produits de l'armement commun, (c) les immobilisations de l'armement peuvent être cédées à d'autres que les partenaires du gouvernement, etc. Des restrictions trop nombreuses ou trop rigoureuses peuvent pratiquement ôter son pouvoir de décision à la direction et compromettre gravement les possibilités de profit. Pourtant, certaines de ces limitations peuvent être justifiées pour des raisons commerciales ou politiques. Une politique d'achat aux navires non affiliés (qui, partant, néglige les navires affiliés), visant à tirer parti des variations de prix, peut mécontenter les équipages intéressés étant donné qu'elle affectera leurs gains aux termes du système de rémunération à la part et qu'elle risque de provoquer de graves difficultés de main-d'oeuvre. Nombre de sociétés étrangères voient dans la perspective d'accroître leur production de poisson le principal stimulant de la participation à un armement commun, et les priver d'un statut préférentiel d'acheteur peut leur faire perdre tout intérêt à l'entreprise (ce qui ne signifie pas que l'on devrait appliquer des prix inférieurs à ceux du marché aux sociétés-mères). De même, lorsqu'il s'agit de disposer des immobilisations, comme du capital social, les promoteurs de l'armement commun peuvent légitimement prétendre bénéficier de droits de préemption, c'est-à-dire avoir la possibilité d'acheter ou non avant que des offres ne soient faites à d'autres parties.
113 Les gouvernements des pays hôtes tendent à intervenir dans les relations entre l'entreprise commune et les tiers, soit pour protéger les droits de concurrents, soit pour protéger des pêcheries de petite envergure envers lesquelles ils estiment avoir une responsabilité sociale. Ils tentent de protéger les affaires appartenant aux intérêts locaux établis des perturbations provoquées par les opérations de l'entreprise commune et, lorsque celle-ci jouit de privilèges exclusifs pour une période limitée, ils s'efforcent de protéger les ressources halieutiques qui, à l'avenir, pourront être exploitées par des ressortissants nationaux. Dans cette optique, un gouvernement peut insister sur l'insertion dans le contrat d'une clause contraignant l'armement commun à respecter les droits et privilèges des pêcheurs locaux, et par laquelle il s'engage à ne pas entrer en concurrence avec ceux-ci dans la zone où ils exercent leur profession, sauf si les autorités nationales estiment que la participation limitée de l'armement commun à ces activités risque peu de nuire à la pêcherie locale.
114 Dans d'autres cas, l'armement commun peut être persuadé par le gouvernement d'offrir une assistance directe aux pêcheries locales, par exemple, en acquérant pour les joindre à ses captures les prises des pêcheurs locaux, ou en leur achetant de l'appât (en fait, il peut reconnaître spontanément la valeur publicitaire d'une telle action). Si le gouvernement réserve la pêche de l'appât aux pêcheurs locaux, l'armement commun peut véritablement avoir intérêt à fournir une assistance technique et matérielle à la pêche locale de l'appât. Dans un tel cas, un armement commun procure des filets et de l'équipement et assure la formation de pêcheurs qui se spécialisent dans la pêche à l'appât.