D.A. Taylor
David A. Taylor
est journaliste indépendant à Alexandrie, Virginie (Etats-Unis).
Quelques récits d'expériences réussies mettent en relief les facteurs qui favorisent la viabilité économique et environnementale.
Durant des millénaires, les forêts ont procuré aux communautés locales des aliments, des médicaments et des fibres, ainsi qu'un revenu en espèces provenant de la vente de ces produits. Depuis quelques siècles seulement, le commerce du bois d'oeuvre et de la pâte a relégué ces différents produits au second plan. Les entreprises basées sur les produits forestiers non ligneux (PFNL) ont attiré l'attention car elles devraient permettre d'utiliser les forêts de manière plus durable, à la fois parce qu'elles élargissent la gamme d'avantages que procurent les forêts, et parce qu'une plus grande part des recettes provenant des produits finaux revient à ceux qui gèrent la ressource, les communautés installées près de la forêt pouvant se charger de la collecte et de la transformation. Les études générales portant sur le potentiel des PFNL et sur leurs marchés internationaux ont souvent été préférées aux récits d'expériences réelles, souvent réussies, de beaucoup d'entreprises gérées par les communautés, dont nous présentons plusieurs exemples dans cet article.
Le succès des entreprises basées sur les produits forestiers non ligneux et de l'aménagement forestier durable est plus conditionné par l'existence d'institutions locales fortes et de politiques nationales de soutien claires (en particulier en ce qui concerne les droits fonciers et la commercialisation), que par les marchés internationaux. L'expérience semble indiquer que pour pratiquement n'importe quel produit forestier, la demande internationale à elle seule ne procure en général que des gains économiques à court terme et risque d'aboutir à la destruction des forêts.
LES ENTREPRISES DE PFNL DE NOS JOURS
Quoiqu'il ne représente encore qu'une faible part des échanges mondiaux de produits ligneux, le commerce des PFNL est loin d'être négligeable. Le commerce mondial de plantes médicinales à lui seul se chiffre à 10 000 millions de dollars EU chaque année (Freese, 1998)1. Les économies rurales bénéficient de l'impact du commerce des PFNL sur les économies nationales; par exemple, les exportations indonésiennes de rotin et d'autres PFNL ont dépassé 134 millions de dollars EU par an, et le commerce indien est estimé à 1 000 millions de dollars EU (Freese, 1998).
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Il n'existe pas de classification à part pour les plantes médicinales d'origine forestière, mais la majorité sont récoltées dans la forêt.
TABLEAU 1. Comparaison des risques et des avantages sur les différents marchés
Type de marché |
Risque relatif pour le producteur |
Nature du commerce |
Marchés ruraux locaux |
Faible: faibles coûts de transport, informations sur les préférences commerciales facilement accessibles |
Peut connaître une croissance lente; la demande de produits forestiers décline au fur et à mesure que les marchés s'ouvrent aux produits manufacturés à bas prix |
Marchés urbains et nationaux |
Moyen: coûts de transport plus élevés; informations sur les préférences commerciales plus difficiles à obtenir |
Croissance potentiellement rapide en raison de la migration urbaine; pour les produits traditionnels, les marchés urbains peuvent être plus importants que les marchés internationaux |
Marchés régionaux (pays voisins) |
Un peu plus élevé: coûts de transport plus élevés; nécessité d'obtenir plus d'informations sur les marchés, les réglementations et les tarifs à l'exportation et à l'importation |
Echanges potentiellement importants à l'intérieur des régions ayant des caractéristiques écologiques et culturelles communes; méritent une étude plus approfondie |
Marchés internationaux |
Elevé: recours à des intermédiaires souvent nécessaire pour obtenir des informations sur les normes de produits; préférences commerciales et règles commerciales |
Tendance historique aux cycles en dents de scie, avec des flambées de la demande, suivies de brusques baisses à mesure que sont mises au point des technologies pour la production de substituts meilleur marché |
Source:
FAO, 1995a.
En ce qui concerne les économies rurales et la gestion des forêts, c'est surtout au niveau des marchés régionaux, nationaux et locaux que les PFNL sont importants (voir tableau 1). Les innombrables petites entreprises qui exploitent des PFNL peuvent favoriser une croissance économique à plus large assise que les grosses entreprises de bois d'uvre. Au début de cette décennie, au Zimbabwe, les petites entreprises forestières de ce type employaient environ 237 000 personnes, contre 16 000 pour l'industrie forestière structurée du pays (Arnold, 1995). Etant donné que la récolte des PFNL emploie un plus grand nombre de femmes et de personnes appartenant à des minorités que les grandes entreprises de production de bois d'uvre, elle peut procurer des avantages plus grands sur le plan de l'équité.
Quelques systèmes de gestion des ressources non ligneuses, établis depuis longtemps, produisent à la fois pour la subsistance et à des fins commerciales. Par exemple, à la fin du 19e siècle, des agriculteurs de Sumatra ont planté dans leurs forêts des espèces locales de dammar (Shorea javanica) et des arbres fruitiers indigènes, principalement des durions (Durio zibethinus) et des langsats (Lansium domesticum) (de Foresta et Michon, 1994). La résine claire du dammar était exportée comme matière première pour la fabrication de vernis et de peintures, alors que le fruit était consommé localement.
Les PFNL sont aussi importants pour les économies industrialisées que pour les économies en développement. Vantomme (1998) note que, dans les régions tempérées, les pins sont exploités pour leur résine depuis plus de 2 000 ans. Les pignons, utilisés depuis longtemps dans de nombreuses régions du monde, rentrent dans la composition de mets de choix en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. Rien que dans les régions du nord-ouest des Etats-Unis bordant le Pacifique, le commerce des produits forestiers non ligneux (plantes ornementales de Noël, champignons et autres produits comestibles, et plantes médicinales) se chiffre à 200 millions de dollars EU au minimum chaque année (Hansis, 1998).
FACTEURS FAVORISANT LE SUCCÈS DES ENTREPRISES DE PFNL
Le succès des entreprises et des secteurs basés sur les ressources et les produits des forêts autres que le bois est subordonné à certaines conditions: incitations aux communautés locales, droits de jouissance des forêts clairement définis, institutions locales saines et liens avec des marchés stables. L'importance accordée à la qualité des produits est aussi un facteur de réussite (EWW, 1999). La transformation locale peut accroître les recettes en créant de la valeur ajoutée, alors que l'exploitation du savoir local peut améliorer la production, la transformation, et les possibilités de commercialisation des produits.
Transformation locale
L'une des clés du succès dans les entreprises de PFNL consiste à ajouter de la valeur à la ressource non ligneuse en la transformant sur place, de façon à ce qu'une part plus grande du prix final revienne aux communautés qui gèrent la ressource (voir tableau 2). La transformation locale peut être utile pour préserver certains produits, réduire les pertes après-récolte et permettre au produit d'atteindre des marchés plus éloignés.
Aux Philippines, la transformation locale a été un élément essentiel du succès de la Kalahan Educational Foundation (KEF); cette organisation locale a aidé les Ikalahan du centre-nord du Luzon à obtenir le contrôle juridique de la forêt qu'ils exploitent depuis des temps immémoriaux, grâce à un accord d'administration communautaire de la forêt, qui est le premier du genre aux Philippines (Rice, 1995) et qui a incité les communautés à gérer la forêt dans une optique de durabilité. La KEF a servi de tribune pour définir les priorités locales et les mécanismes permettant d'atteindre les objectifs fixés. En 1980, les membres de la KEF ont créé un centre de transformation des aliments et commencé à tester des procédés pour fabriquer des gelées et des confitures avec des fruits de la forêt. L'objectif était de conquérir 10 pour cent du marché des produits de haut de gamme à Manille (Rice, 1995). En 1995,150 familles locales tiraient de ce centre de transformation l'essentiel de leur revenu en espèces. La KEF a dressé un inventaire des ressources locales de goyaves sauvages sur une réserve forestière de 500 ha, qui a révélé qu'avec les niveaux de récolte actuels, les signes d'impact négatif étaient minimes. Le centre de transformation a même encouragé à planter davantage d'arbres sur des fermes privées. Le succès de cette initiative a encouragé la KEF a réinvestir localement les profits du centre de transformation; ces fonds ont notamment été utilisés dans la zone pour construire un centre de santé et une école secondaire.
TABLEAU 2. Moyens par lesquels les producteurs forestiers peuvent augmenter leurs revenus
Moyens |
Exemple |
Augmenter la production | |
Pratiquer des éclaircies, désherbage |
Eliminer la végétation concurrente |
Améliorer les techniques de récolte |
Récolter de manière plus sélective S'informer sur la manière de mieux utiliser l'équipement |
Améliorer l'entreposage après-récolte |
Construire des entrepôts ventilés Séchage des fruits avant expédition |
Lutter contre les ravageurs |
Surveiller les dégâts causés par les insectes Préférer les pesticides biologiques aux produit chimiques |
Accroître la valeur des produits | |
Améliorer la qualité |
Trier les produits, par qualités |
Transformer les matières premières |
Evaluer les options de transformation Mettre en place les installations de transformation Emballer les produits |
Vendre le produit plus cher | |
S'organiser pour acquérir plus de poids vis-à-vis des commerçants |
Ventes collectives à des commerçants à des prix standard, basés sur la qualité |
Commercialisation groupée direct-consommateur |
Louer collectivement des véhicules pour transporter les produits jusqu'aux marchés Obtenir du crédit pour les membres Entreposer les produits pour obtenir un meilleur prix hors saison |
Source:
FAO, 1995b.
TABLEAU 3. Comparaison du rôle des intermédiaires commerciaux et des options des producteurs dans deux villages de la Péninsule de Malaisie
Caractéristique |
Village A |
Village B | |||
Produits |
Noix de coco, cacao |
Fruits: durion, pétale | |||
Investissement pour entrer sur le marché |
Frais généraux, main-d'uvre |
Minime | |||
Prix du produit |
Relativement fixe |
Variable | |||
Prix de vente moyen ($EU) |
Noix de coco |
Graine de cacao |
Durion |
Pétale | |
|
- aux intermédiaires |
0,06 |
0,24/kg |
0,40 |
5,60 |
|
- direct-consommateurs |
- |
- |
1,60 |
7,20 |
Filière de commercialisation |
Bien établie |
Non officielle |
|
| |
Possibilités pour le producteur d'entrer sur le marché |
Faibles |
Bonnes |
|
Source:
FAO, 1995b.
Amélioration des services de commercialisation
Les chaînes de commercialisation longues qui manquent de transparence peuvent être un obstacle pour les entreprises de PFNL. Il ne faut pas pour autant en déduire qu'elles sont toujours inefficaces et qu'elles constituent inévitablement un moyen d'exploitation du producteur; souvent, les intermédiaires rendent un service indispensable en absorbant les risques à court terme et en permettant d'entrer sur des marchés difficiles d'accès (tableau 3).
Les entreprises communautaires peuvent aider les producteurs locaux à tirer profit des possibilités offertes pour améliorer les opérations de la chaîne commerciale. Au Népal, les plantes médicinales ont pendant longtemps été commercialisées avec la participation des ruraux qui les cueillaient, ce commerce procurant un revenu annuel estimé à 10 millions de dollars EU (N.K. Bhattarai, cité dans Aumeeruddy, 1995). Cependant, la cueillette était faite sans méthode et souvent illégalement, et il y avait fréquemment un écart considérable entre ce que percevaient les cueilleurs et les intermédiaires. L'absence de réglementation des opérations de récolte et la présence d'un marché noir des plantes avaient mis plusieurs espèces au bord de l'extinction, dans la zone (LeCup, 1994).
Dans le district éloigné de Jumla, la plante médicinale jatamashi (Nardostachys grandiflora), qui pousse dans des prairies et des terres boisées de montagne, est une importante culture de rapport. Son rhizome amer et chevelu produit une huile essentielle prisée. Plusieurs projets ont aidé des communautés à se faire une place dans cette industrie où l'accès au marché est difficile. Le Humla Oil Project associait des partenaires locaux de la Humla Conservation and Development Association (HCDA), le réseau asiatique pour l'exploitation à petite échelle des ressources biologiques agricoles (ANSAB) et Enterprise Works Worldwide une organisation internationale non gouvernementale basée à Washington (ex Appropriate Technology International). Le projet a compris que les membres de la communauté contrôleraient mieux le marché des jatamashi s'ils transformaient eux-mêmes leur produit c'est pourquoi il a créé deux usines pour distiller l'huile essentielle; ces usines ont coûté 35 000 dollars EU et ont été achevées en 1996. Les cueilleurs vendaient les racines au projet Humla Oil qui se chargeait de les transformer. Avec leur concours, le projet Humla Oil a dressé une carte des ressources locales de jatamashi et étudié la régénération de ces plantes et d'autres plantes commerciales. A la suite de ces activités, dans la zone de Raya, la communauté a introduit un système de récolte tournant. Les usines du projet Humla Oil emploient 10 ouvriers et traitent avec 590 cueilleurs, qui ont gagné au total 24 000 dollars EU, en 1997. Le projet Humla Oil a élargi ses opéra rions pour extraire des huiles essentielles d'autres plantes, notamment de baies de genièvre, de sugandhawal et de sunpati. La qualité ayant été mise au premier plan, les produits ont pu accéder au grand marché indien, certains étant même expédiés vers deux entreprises des Etats-Unis.
Exploration des marchés régionaux.
Les marchés régionaux, qui desservent des cultures dont les préférences pour les produits sont les mêmes, sont ceux qui offrent les meilleures possibilités pour rentabiliser les efforts de recherche des gouvernements et leurs investissements dans les PFNL et les techniques de transformation y afférentes (FAO, 1995b). L'exemple qui suit montre que, lorsqu'elle fait fond sur les coutumes locales, la recherche peut permettre d'identifier des créneaux régionaux et des domaines où il est possible de créer des entreprises viables.
Dans la communauté indigène Kékoldi de Costa Rica, les marchands vendaient traditionnellement du thé médicinal et des médicaments fabriqués avec des copeaux de bois de simarouba (Quassia amara). La technique de récolte consistait à couper les arbres à un mètre au-dessus de la souche, pour qu'ils fassent des rejets et continuent à produire (Ocampo, 1994). Des chercheurs du Centre agronomique tropical de recherche et d'enseignement supérieur (CATIE) se sont intéressés au simarouba, en raison de son potentiel commercial, comme insecticide biologique. Les chercheurs ont constaté que la demande locale du médicament traditionnel était suffisamment faible pour que l'on puisse couper davantage d'arbres sans porter atteinte à la conservation de la ressource sur la zone de 118 ha; ils se sont donc orientés vers la mise au point de procédés de traitement des copeaux de bois pour fabriquer l'insecticide biologique, en vue de le vendre sur les marchés intérieur et régional. Toutefois, les chercheurs se sont aperçus que le volume minimal requis pour entrer sur les marchés d'exportation excéderait le niveau de récolte soutenable dans la réserve de Kékoldi (Kent et Ammour, 1994); ils ont donc conclu qu'il fallait rechercher d'autres sources d'approvisionnement dans toute l'Amérique centrale avant d'aller plus loin dans cette entreprise.
En Thaïlande, Wanida et al. (1993) ont exploré les possibilités de transformation et de commercialisation de l'acacia à cachou (Acacia catechu), un arbre dont l'aire de répartition naturelle va de la Thaïlande à l'Inde, en vue de satisfaire les besoins traditionnels locaux, mais aussi d'exporter vers l'Inde, où les populations mâchent les feuilles de cet arbre pour se couper la faim. Cette étude sur la transformation, le marché et les conséquences pour la gestion de la ressource, y compris les normes pour l'utilisation locale et le marché régional, est le type même d'une approche bien intégrée de la recherche et de la commercialisation d'un produit.
Alliances pour une commercialisation verte. «La commercialisation verte» cible le nombre croissant de consommateurs qui acceptent de payer plus cher des articles certifiés comme étant produits de manière durable et écologiquement sains. Dans la mesure où ce «surprix» revient aux producteurs concernés, il les rembourse en partie des coûts de la gestion durable des PFNL, et contribue, par là même, à garantir leur viabilité économique et environnementale (Freese, 1998). Conservation International, aux Etats-Unis, et Social Ventures Network, en Europe, ont créé des réseaux axés sur la commercialisation verte, et des groupes comme EWW et le Réseau pour la conservation de la diversité biologique ont fourni des services de soutien technique et administratif2.
2
Note de l'éditeur: voir l'article de Dürbeck, p. 9, pour de plus amples informations sur les organisations de commercialisation des produits verts.
Soutien en faveur du maintien des connaissances locales
Un projet au Népal a démontré que les entreprises de PFNL peuvent s'appuyer sur le savoir et les compétences techniques locaux. Au cours de la dernière décennie, des coopératives de femmes dans la zone de conservation et le parc national de Makalu-Barun, qui se trouve dans l'est du pays, ont développé le commerce de l'allo, un tissu traditionnel fabriqué à partir d'une ortie géante, Girardinia spp., une plante pérenne à haute tige, très répandue dans la région. En 1990, le Gouvernement népalais et le Mountain Institute ont fourni un soutien technique à des coopératives dans quatre villages pour leurs opérations de commercialisation et de gestion. Une étude de marché a révélé que le tissu d'allo pouvait être apprécié sur les marchés de produits haut de gamme fréquentés par les touristes, à Katmandou. Avec son aspect tweed et sa texture souple, il se prête à toute une série d'utilisations, depuis la confection de manteaux et de châles, jusqu'à la tapisserie.
Le projet a renforcé les liens de distribution privés au départ et à l'arrivée des vols pour Katmandou. Les distributeurs adaptaient les commandes à l'offre et prenaient à leur charge les frais de transport locaux. Une liste des tarifs claire, avec des marges bénéficiaires acceptables, fixée pour chaque maillon de la chaîne commerciale, a contribué à empêcher que les producteurs ne soient exploités. Pour garantir la continuité de l'offre d'orties géantes et perturber le moins possible les populations de plantes sauvages, les femmes ont étudié des techniques de culture de l'allo. L'initiative «allo» a inculqué un respect plus grand pour les traditions et le savoir local. La conception traditionnelle du produit et le type de production familial prédominaient, car le consommateur de produits haut de gamme sait apprécier à sa juste valeur les principes écologiques et culturels sur lesquels repose la production, s'ils sont présentés comme il convient (Nicholson. 1995).
Soutien des politiques
Une politique gouvernementale cohérente peut aider les entreprises à gérer les ressources en PFNL et à accéder aux marchés environnants.
Le Programme népalais de gestion communautaire des forêts permet aux communautés de percevoir une partie des royalty qui sont normalement versées au gouvernement central pour les matières premières récoltées sur leurs terres. Ce versement d'une redevance (ou royalties) à la gestion locale s'est révélé une puissante incitation pour les communautés de la zone à assumer la responsabilité de la gestion des forêts (EWW, 1999). Le projet Humla Oil décrit plus haut, par exemple, a convaincu le Service des forêts du district d'adopter, dans le cadre de ce programme, le plan qu'il préconisait pour la gestion communautaire de la ressource.
Dans les années 60, dans l'Etat montagneux du Himachal Pradesh en Inde, des planificateurs clairvoyants ont reconnu les avantages des différents produits forestiers indigènes de l'Etat. Compte tenu de la pauvreté des sols, de la petite taille des exploitations agricoles et de l'accès insuffisant aux intrants, les cultures de plein champ avaient un potentiel limité, mais les planificateurs se sont rendu compte que divers fruits et noix que les paysans récoltaient déjà, étaient plus adaptés aux sols de montagne. Le marché voisin de Delhi offrait de bonnes perspectives pour la vente des fruits. En encourageant la production de fruits, l'Etat a favorisé le commerce, la conservation des sols et une meilleure nutrition parmi les ménages ruraux. La Direction de l'horticulture adonné aux agriculteurs des informations sur les marchés des environs et encouragé le contrôle de la qualité, depuis la récolte jusqu'à l'emballage, des normes de produits cohérentes et des infrastructures appropriées (telle l'installation de câbles suspendus pour acheminer par gravité les fruits, du verger jusqu'à la route). Grâce à ces incitations, les agriculteurs ont abandonné les cultures de plein champ pour se tourner vers des espèces forestières plus rentables, et ils ont planté des arbres fruitiers sur leurs terres pour compléter les ressources de plantes sauvages. Le gouvernement a ainsi élargi les possibilités des entreprises et jeté les bases de la stabilité économique et environnementale.
CONCLUSIONS
Les expériences décrites ci-dessus, ainsi que d'autres du même genre ont permis de dégager des enseignements sur les éléments contribuant au succès des entreprises basées sur les PFNL. Les cinq règles suivantes sont fondamentales:
·
Soutenir les communautés, grâce à des régimes fonciers bien définis et à des politiques favorables. Lorsqu'il existe des groupes locaux bien organisés et en mesure de contrôler l'accès à la forêt, les entreprises rurales tendent à être plus efficaces. Le sentiment d'appartenir à un groupe et de s'y identifier, une attitude de coopération et l'existence de droits établis sur la ressource sont des facteurs propices.
· Commencer par vendre sur les marchés locaux. Les marchés locaux sont plus facilement accessibles et contrôlables que les marchés étrangers qui nécessitent souvent un gros investissement en capital et un volume de produits important, et où le risque de substitution des produits est plus grand. Les entreprises peuvent se diversifier vers de plus grands marchés, dans la mesure où cette diversification est compatible avec les impératifs de récoltes soutenables et de qualité des produits, et réalisable, compte tenu des investissements requis.
· Se concentrer sur la qualité des produits et sur le renforcement des compétences de gestion et d'entrepreneuriat. Ces éléments peuvent être soutenus par le biais de coalitions comprenant des partenaires locaux, des ONG locales et nationales et des organisations techniques internationales.
· Soutenir des entreprises basées sur les PFNL par des politiques facilitant le crédit et le commerce. Des politiques publiques cohérentes à l'appui des entreprises basées sur les PFNL sont nécessaires; il faut notamment mettre en place des mécanismes pour faciliter l'accès des petites entreprises au crédit (tels que l'acceptation des peuplements d'essences forestières commerciales, comme garantie des prêts) et supprimer les contrôles des prix contre-productifs. Pour inciter les décideurs à soutenir les entreprises rurales avec un cadre de politiques cohérent, la FAO a proposé de mieux rendre compte de l'importance économique des PFNL, notamment avec un système permettant de regrouper les statistiques sur le commerce des PFNL, au sein des systèmes de classification des produits existants (Chandrasekharan, 1995).
· Tirer tout le profit possible des connaissances et des ressources locales. Aujourd'hui encore, la préservation de l'intégrité culturelle est une dimension de la viabilité des forêts qui n'est pas appréciée à sa juste valeur, en particulier dans les communautés éloignées et les zones de montagne. Les chercheurs spécialisés dans la sylviculture, la commercialisation et la transformation devraient examiner les connaissances disponibles les plus fiables, provenant de sources traditionnelles ou scientifiques, pour optimiser la gestion des forêts et la contribution des PFNL au bien-être des populations rurales.
Bibliographie
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Chandrasekharan, C. 1995. Terminology, definition and classification of forest products other than wood. In Report of the International Expert Consultation on Non-Wood Forest Products, p. 345-380. Non-Wood Forest Products No. 3. Rome.
de Foresta, H. et Michon, G. 1994. Agroforests in Sumatra: where ecology meets economy. Agroforestry Today, 6(4): 12-13.
Enterprise Works Worldwide. 1999. Natural products commodity report. Washington.
FAO. 1995a. Report of the International Expert Consultation on Non-Wood Forest Products. Non-Wood Forest Products No. 3. Rome.
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Hansis, R. 1998. A political ecology of picking: non-timber forest products in the Pacific Northwest. Human Ecology, 26(1): 67-86.
Kent, J. et Ammour, T. 1994. Analisis financiero y economico de Quassia amara como insecticida natural. In R.A. Ocampo (éd.), Potencial de Quassia amara como insecticida natural. CATIE, Turrialba, Costa Rica.
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