O. Saastamoinen
Olli Saastamoinen travaille auprès de la Faculté de foresterie de l'Université de Joensuu, Joensuu (Finlande).
Dans les pays d'Europe du Nord, où la plupart des produits forestiers non ligneux sont sous-exploités, la meilleure politique d'aménagement des ressources pourrait être de garantir un accès libre aux forêts.
Les premières politiques forestières - et la naissance de la profession de forestier - dans les pays Scandinaves étaient liées à la gestion et à la protection du gibier. Néanmoins, la conservation des arbres fruitiers dans les forêts a été prise en considération très tôt dans la formulation des politiques forestières de la région (Helander, 1949; Fritzboeger et Soendergaard, 1995). Le présent article examine les politiques concernant les produits forestiers non ligneux (PFNL) (essentiellement les produits végétaux tels que les baies et les champignons). Leur rôle dans la foresterie est très influencé par le statut juridique attribué à l'aménagement polyvalent des forêts. Les droits d'accès libre aux multiples produits et services qu'offrent les forêts sont caractéristiques de nombreux pays d'Europe du Nord et sont examinés pays par pays. Enfin, un cadre général pour la formulation de politiques réglementant les PFNL est présenté à grands traits.
AMÉNAGEMENT POLYVALENT ET DROITS D'ACCÈS DANS LES PAYS NORDIQUES
Les droits d'accès sont une question de politique fondamentale dans l'aménagement polyvalent des forêts d'une façon générale, et dans le secteur des PFNL, en particulier. Les droits d'accès et de propriété sont le résultat de développements institutionnels historiques, de même que de régimes d'utilisation des terres existants et de la disponibilité des ressources forestières.
Danemark
Le Danemark diffère des autres pays Scandinaves par sa forte densité démographique, la prédominance de l'agriculture et ses forêts limitées. Pour la majorité des Danois, les utilisations non ligneuses des forêts (loisirs, faune et flore sauvages, biodiversité, protection de la nappe aquifère, valeurs esthétiques et culturelles) sont probablement plus importantes que le bois (Plum, 1998). Au Danemark, l'accès aux forêts domaniales est libre (36 pour cent de toutes les forêts); toutefois, l'accès aux forêts privées est limité car elles ne sont accessibles qu'à pied ou à bicyclette, sur les routes et les chemins et uniquement durant la journée. Si une forêt privée a une superficie inférieure à 5 ha, la loi permet de l'interdire au public; si on l'applique à la lettre, cette mesure empêche la cueillette de champignons et de baies. En effet, tant la disponibilité que les quantités ramassées de PFNL (branches, plantes, mousse, lichen, noix, pommes de pin, champignons et baies) sont extrêmement limitées et on ne note pratiquement aucune différence économique dans les forêts privées ou nationales. En revanche, l'ensemble des sapins de Noël et de la production de verdure (évalués à 38 millions de dollars EU) et de la chasse (évaluée à 21 millions de dollars EU) représentent plus de la valeur du bois produit (52,5 millions de dollars EU) (Plum, 1998).
L'importance des PFNL dans les pays nordiques: quelques exemples historiques Le commerce des PFNL végétaux dans les pays nordiques remonte à de nombreux siècles. Par exemple, l'herbe Angelica archangelica était une denrée importante pour les Vikings aux XVIe et XVIIe siècles. De grandes quantités de cette herbe étaient exportées de la Norvège vers l'Europe centrale pour être utilisées dans des traitements contre la peste et autres maladies infectieuses (Osa et Ullveit, 1993). Les habitants de la région de Kainuu au nord-est de la Finlande, une région qui offre de rares possibilités d'agriculture, sont depuis toujours fortement tributaires des forêts. Ils comptent parmi les plus actifs dans la cueillette des baies sauvages. En Finlande, les airelles rouges (Vaccinium vitis-idea) étaient un des 10 premiers produits d'exportation dans les années 20. Après le déclin du commerce de goudron, en particulier durant les années de famine de la seconde moitié du XIXe siècle, les habitants de Kainuu mangeaient, pour survivre, du pain d'écorce de pin (Helander, 1949). |
La cueillette des baies (par exemple, des mûres, Rubus chamaemorus) et des champignons (sur la photo, Boletus edulis) est en général ouverte à tous - même sur les terres privées
En général, la foresterie polyvalente est très appréciée au Danemark. La loi forestière se fonde sur le principe d'intégration de la production et de la conservation dans toutes les forêts et définit une bonne gestion polyvalente visant à accroître et à améliorer la production de bois ainsi que la conservation de la nature, les valeurs esthétiques et historiques des sites, la protection de l'environnement et les activités récréatives.
Norvège
Les Norvégiens aiment la vie au grand air; les activités en forêt et en montagne sont une part importante de l'identité nationale. La loi sur les forêts est essentiellement une loi-cadre stipulant quelques règles détaillées. La politique traditionnelle norvégienne sur la foresterie privée est fondée principalement sur le principe de «la liberté responsable», qui est soutenue par des mesures d'incitation économique (Troemborg et Solberg, 1995). En 1981, les buts ont été élargis à l'aménagement polyvalent. Le premier paragraphe de la loi forestière de 1976 a été modifié et stipule qu'une attention doit être accordée aux loisirs, à la protection du paysage, aux habitats animaux et végétaux et aux zones de chasse et de pêche. Toutefois, ce n'est que dans les années 90 que l'aménagement polyvalent a commencé à s'améliorer (Eckerberg, 1995).
Une caractéristique fondamentale des droits d'accès en Norvège est la distinction entre innmark (champs, zones de pâturage, jardins) et utmark (autres sites publics de plein air). Dans les innmark, les gens ne peuvent se déplacer à pied que lorsque le sol est gelé ou couvert de neige, à l'exclusion de la période allant du 30 avril au 15 octobre. Dans les utmark, les mouvements ne sont pas limités, et on peut même y dormir.
Les droits universels comprennent la possibilité de cueillir des baies, des champignons et des herbes courantes. Toutefois, il existe certaines restrictions pour ce qui concerne la mûre des ronces Rubus chamaemorus, la baie sauvage la plus rentable, qui pousse dans tout le pays mais surtout dans le nord. En 1854, une loi interdisant de ramasser cette variété sur les terres privées a été votée dans les trois comtés les plus au nord. Dans ces mêmes comtés, la cueillette des baies dans les forêts domaniales n'est autorisée que par les populations locales. Depuis 1970, dans tout le pays, il est interdit de cueillir des mûres des ronces encore vertes (Vorkinn et Kaltenborn, 1993). Outre les restrictions spatiales (ou de catégorie de propriété) et de dates, des restrictions de quantités peuvent également être appliquées.
Suède
En Suède, les premières considérations d'aménagement polyvalent datent de la loi forestière de 1975 et ont été précisées en 1979. La nouvelle politique forestière et la loi forestière correspondante de 1994 ont élevé le maintien des valeurs environnementales au même niveau que la réalisation des objectifs de production. La politique a adopté la méthode d'utilisation polyvalente et précisait que les forêts devraient être aménagées de façon à satisfaire tant les besoins de production élevée de bois d'uvre que d'autres fonctions des forêts, en principe, sur chaque hectare de forêt. En insistant sur l'intégration des considérations environnementales dans l'aménagement forestier, la politique devrait réduire les mises en réserve des terres boisées dans un seul but de protection.
La loi forestière suédoise ne mentionne pas expressément les PFNL, comme elle le fait pour la biodiversité, les valeurs historiques, esthétiques et sociales. On peut sous-entendre que les PFNL font partie de la production forestière (qui doit pouvoir satisfaire différents besoins futurs) et se rattachent au concept de valeurs sociales.
En Suède, comme dans d'autres pays nordiques, les droits d'accès commun s'appliquent de la même façon aux citoyens d'autres pays. En Suède, en particulier, cela a permis d'accroître le nombre de cueilleurs de baies en provenance de l'étranger pour ramasser les produits forestiers non seulement pour leur propre usage, mais aussi pour en tirer des revenus. Cela a fait naître une certaine tension entre les populations locales et les cueilleurs migrants et a même créé la nécessité de publier des informations en plusieurs langues sur les droits et obligations précises liées aux droits d'accès (Eckerberg, 1995). Il n'existe aucun règlement concernant les dates d'accès en Suède. Pour ce qui est de la cueillette commerciale des baies, le contrôle de qualité des acheteurs garantit que les baies encore vertes ne pénètrent pas sur le marché.
La Fédération de Russie et les Etats baltes
Au contraire de la législation forestière des pays Scandinaves, la législation de la Fédération de Russie et des Etats baltes concernant les PFNL a toujours été clairement établie. Par exemple, la loi sur les forêts de la République de Carélie (en Fédération de Russie) énumère les catégories suivantes d'utilisation des forêts: production de bois, production de résine, matériaux forestiers secondaires et matières premières technologiques, utilisation des sous-produits forestiers, recherche scientifique, buts culturels et sociaux, chasse, loisirs (y compris tourisme) et autres utilisations non interdites par la loi. La Carélie effectue des recherches sur les produits non ligneux (en particulier les plantes médicinales et les baies sauvages) depuis 30 ans (Belonogova et Zaitseva, 1996).
La loi forestière d'Estonie reconnaît également expressément la production non ligneuse. Elle stipule que les forêts du pays devront être utilisées, entre autres, pour l'achat de sous-produits forestiers tels que baies, champignons, herbes et plantes d'agrément, ainsi que pour la chasse, l'apiculture et les pâturages (Département forestier d'Estonie, 1995). Une caractéristique importante de la loi estonienne est que le principe de durabilité concerne également la production non ligneuse. Par exemple, les achats de sous-produits ne doivent en aucun cas avoir un effet négatif sur les rendements de baies, de champignons et d'herbes. Au contraire des pays Scandinaves, l'Estonie reconnaît expressément le droit universel. Par exemple, selon sa loi forestière, dormir dans la forêt, cueillir des baies, des champignons ou autres produits non ligneux dans les forêts d'Etat, municipales ou privées sans limites ou panneaux est un droit qui appartient à tous les citoyens.
Finlande
Les Finlandais font un usage très actif des droits traditionnels de l'accès commun: d'après les résultats d'une enquête, 87 pour cent des citoyens du pays âgés de 15 à 75 ans ramassent parfois ou souvent des baies ou des champignons (Kangas et Niemeläinen, 1996). La collecte de la plupart des espèces reste toutefois nettement inférieure aux ressources biologiques disponibles dans les forêts nordiques clairsemées. Faute de données précises, on estime que pas plus de 5 à 10 pour cent des essences les plus courantes de baies et seulement 1 à 3 pour cent des champignons sont ramassés (Salo, 1995; Saastamoinen et al., 1998). En effet, chaque été et chaque automne, les médias dénoncent la sous-utilisation des ressources forestières et lancent des appels pour une meilleure exploitation de celles-ci pour la nutrition et la santé, et pour l'amélioration des revenus et des emplois.
La Finlande a un long passé de mesures publiques visant à développer l'utilisation des ressources forestières non ligneuses. Les plus influentes sont les mesures d'abattement fiscal (voir encadré). Par ailleurs, en réponse aux préoccupations formulées sur la sous-utilisation des PFNL, un programme de développement du secteur des produits naturels a été lancé par un groupe de travail relevant du Ministère de l'agriculture et des forêts en 1995. Ses objectifs consistaient à accroître les taux d'utilisation des baies et des champignons de 30 pour cent et l'utilisation industrielle des produits de 10 pour cent1.
1 Note de l'éditeur: Des détails concernant ce programme sont donnés dans l'article de S. Olmos intitulé «Aspects d'utilisation et de création de revenus des produits forestiers non ligneux en République tchèque, en Finlande et en Lituanie».
Mesures visant à encourager l'utilisation des PFNL en Finlande La mesure la plus efficace adoptée pour encourager l'utilisation des PFNL en Finlande est une exonération d'impôt en vigueur depuis le début des aimées 70: les cueilleurs qui perçoivent un revenu de la vente des baies et des champignons qu'ils ont ramassés eux-mêmes ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. En Finlande, où les taux d'imposition sont extrêmement élevés, il s'agit là d'une mesure d'incitation remarquable, qui forme la clé de voûte des activités de cueillette axées sur le commerce. De temps en temps, le Ministère des finances suggère que cette rare exception dans un pays à l'imposition élevée devrait être supprimée mais, jusqu'à présent, les forces politiques ont été en mesure de l'empêcher. Un autre allégement fiscal, qui a été annulé depuis que la Finlande a adhéré à l'Union européenne (UE), était la «déduction sur les produits primaires» et concernait tous les produite alimentaires. Les sociétés qui achetaient des baies et des champignons avaient le droit de déduire 18 pour cent de la taxe sur la valeur ajoutée des produits achetés aux cueilleurs. La taxe sur la valeur ajoutée pour tous les produits alimentaires ne s'appliquait qu'à la transformation et au commerce des stades suivante. L'industrie des produits naturels a récemment suggéré d'abaisser la taxe sur la valeur ajoutée pour les produits sauvages. La période de cueillette des baies et champignons est courte en Finlande du Nord et le rendement est très variable d'une année à l'autre. Les années prolifiques, lorsque les rendements sont abondants (et les prix bas), les industries de transformation stockent pour les temps difficiles. Toutefois, le stockage est onéreux et, depuis 1982, une petite aide financière a été donnée aux sociétés de stockage des baies. Avec l'entrée de la Finlande dans l'UE, ce soutien n'est désormais autorisé que dans le nord du pays. Les droits de douane sur les baies sauvages importées en Finlande étaient importants (jusqu'à 28 pour cent pour les baies fraîches), mate conformément aux règlements de l'UE, ils ont été supprimés ou considérablement réduits. On prévoyait, à juste titre, que la protection réduite aux frontières entraînerait un recul des prix obtenus par les cueilleurs. Les importations de baies sauvages des pays baltes et de Carélie (Fédération de Russie) ont augmenté et les prix réels des baies les plus courantes ont connu une forte diminution. Selon les avis des cueilleurs de baies recueillis par les quotidiens, les bas prix actuels de baies importées semblent menacer la rentabilité des activités de cueillette commerciale en, Finlande. |
D'autres interventions visant à promouvoir l'utilisation des PFNL comprennent la formation et la recherche. Depuis 1969, environ 3 000 conseillers de vulgarisation bénévoles ont été formés sur des sujets tels que l'identification des essences et la manipulation correcte des produits destinés à la vente. La formation était surtout concentrée sur les champignons, qui ont des taux d'utilisation plus faibles que les autres PFNL; toutefois, ces dernières années, la formation a été étendue aux herbes et autres produits, ainsi qu'à la transformation et à la commercialisation des produits naturels. Une formation a également été dispensée à 55 000 cueilleurs commerciaux de champignons. Les recherches effectuées sur les PFNL dans les universités et les instituts de recherche ont été essentiellement concentrées sur la biologie et la technologie liées aux baies et aux champignons, mais le développement et la commercialisation des produits ont récemment été pris en considération.
L'ACCÈS LIBRE EST-IL UNE POLITIQUE VIABLE?
Les régimes d'accès et de propriété des PFNL prennent des formes très diverses (Rekola, 1998). Toutefois, on estime généralement que la promotion durable des produits non ligneux aurait besoin d'une réorientation de l'accès libre vers des formes plus sûres et plus organisées de modes de faire-valoir. Dans les pays nordiques, de nombreux PFNL (en Finlande, toutes les parties des arbres sur pied: brindilles, écorce, sève de bouleau, de même que lichens et mousse) n'appartiennent sans ambiguïté qu'aux propriétaires des forêts. Les droits de chasse appartiennent en général aux propriétaires fonciers, bien que certains droits collectifs ou locaux soient également reconnus.
Toutefois, comme on l'a dit plus haut, dans la plupart des pays Scandinaves, en Fédération de Russie et dans les pays baltes, les baies sauvages et les champignons sont des ressources collectives. N'importe qui peut les ramasser sans tenir compte du régime de propriété de la forêt. Néanmoins, de temps à autre, dans certains pays, on se pose la question de savoir si les droits d'accès à ces produits - ou à une partie d'entre eux - ne devraient pas être inclus dans les droits exclusifs des propriétaires forestiers. On a souvent vu que l'accès libre (tant en théorie qu'en pratique) contribue à l'appauvrissement des ressources concernées, et dans maintes sociétés, c'est une politique du passé. Dans les régions des forêts boréales, toutefois, l'accès libre aux ressources non ligneuses ne s'est pas traduit par ce qui est souvent décrit comme «le drame du patrimoine commun». L'impact négatif limité de l'extraction des PFNL sur les forêts de la région s'explique, entre autres, par la faible pression démographique, la baisse des recettes tirées de la collecte des dernières baies ou champignons et le fait que seul l'accroissement annuel est récolté (Saastamoinen, 1998).
La suppression de l'accès libre - c'est-à-dire l'instauration de droits de propriété privée pour les baies et les champignons - augmenterait-elle l'utilisation de ces ressources et conduirait-elle à une meilleure gestion? En théorie, la propriété privée encouragerait les propriétaires fonciers à rechercher une combinaison optimale entre la part ligneuse et non ligneuse de leurs ressources. Par exemple, l'assainissement à grande échelle des marécages qui se faisait par le passé en vue de la production accrue de bois, et qui aurait pu avoir des répercussions négatives à long terme sur la production de mûres des ronces et d'airelles, aurait pu peut-être être évité si les baies avaient été la propriété exclusive des propriétaires forestiers. Toutefois, d'une manière générale, hormis cette exception, il n'y a pas eu de graves conflits d'intérêts entre la production de baies et de champignons et celle de bois; la privatisation n'entraînerait probablement donc guère de modification des pratiques de gestion.
Le plus grand problème dans le nord n'est pas l'utilisation à outrance des PFNL, mais plutôt le contraire; par exemple, en Suède, en 1977, on estimait qu'environ 10 pour cent de toutes les myrtilles, airelles rouges et framboises (et seulement 5 pour cent de tous les champignons) étaient ramassés (Kardell, 1980). En Finlande, les chiffres sont probablement encore inférieurs. Dans les forêts boréales du nord, interdire l'accès libre aux baies sauvages et aux champignons entraînerait vraisemblablement une diminution de la récolte. Les propriétaires de forêts - dont la moitié sont actuellement des habitants des villes - ne seraient en mesure de ramasser qu'une infime partie de ce que la population totale pourrait cueillir. La privatisation revient aussi à dire une baisse des revenus et de l'emploi pour les personnes pratiquant les activités de cueillette commerciale. De même, moins de produits seraient ramassés pour l'usage propre et les loisirs, poste qui représente plus des deux tiers du volume total collecté. Par ailleurs, de nombreux propriétaires forestiers (en particulier de petits domaines forestiers) pourraient se sentir lésés, étant donné qu'ils jouissent aussi de l'accès libre.
La privatisation entraînerait probablement également une hausse des prix des baies et des champignons. Les propriétaires forestiers pourraient gagner davantage en ramassant et en vendant les produits eux-mêmes ou en vendant des licences aux cueilleurs. Toutefois, il n'est pas évident que les prix augmenteraient suffisamment pour couvrir les coûts des licences et/ou d'autres formes d'exclusion.
La suppression de l'accès libre signifierait une perte considérable pour la société en termes économiques et sociaux. Il faut souligner que politiquement parlant, il ne serait pas possible d'éliminer ces droits traditionnels et populaires qui font partie intégrante du mode de vie des pays d'Europe du Nord.
CARACTÉRISTIQUES DES POLITIQUES DE SOUTIEN AUX PFNL
IL est désormais clair que les dangers représentés - et les occasions offertes - par les PFNL découlent non seulement de changements du climat physique engendrant de grandes variations dans les rendements de la flore sauvage, mais aussi de changements du climat économique et social et de l'imprévisibilité des marchés. La baisse de rentabilité des activités de cueillette due à la concurrence internationale plus vive et à l'intérêt accru suscité par les consommateurs pour des produits forestiers propres et naturels en sont de bons exemples. Il est clair que les activités de développement distinctes, voire parfois fortuites, dans tous les pays doivent être plus concertées, mieux coordonnées et sérieusement réfléchies pour gagner en efficacité et tirer parti de la synergie de l'intégration. C'est là qu'entre en jeu une politique clairvoyante.
Les PFNL devraient être reconnus dans les politiques et programmes forestiers nationaux car ils fournissent des revenus importants et de bonnes possibilités de transformation pour les ruraux, ainsi qu'une nourriture saine et une activité récréative pour les personnes les cueillant pour leur propre usage. Souvent, les PFNL ont été un élément méconnu ou ignoré des politiques forestières. La Finlande, par exemple, a une longue tradition de planification forestière nationale, mais ce n'est que lors de la promulgation du Programme forestier national en 1999 que l'importance des PFNL et leurs utilisations ont été pleinement reconnues (Ministère finnois de l'agriculture et des forêts, 1999). Les rôles des PFNL et les problèmes et possibilités qui y sont liés devraient être inscrits dans les programmes nationaux.
Les problèmes, enjeux et possibilités concernant les PFNL varient considérablement d'un pays à l'autre, et encore plus d'une région à l'autre au sein d'un même pays, sans compter la grande diversité que l'on trouve parmi les produits en termes de disponibilité de ressources, de durabilité, de schémas d'utilisation traditionnels et de statut et de débouchés commerciaux. Cela étant, les politiques devraient être adaptées aux besoins existants et futurs. Néanmoins, comme pour toute politique forestière appliquée dans des conditions extrêmement variées, certains éléments de base valent la peine d'être pris en compte dans chaque contexte. Les considérations suivantes devraient être communes à toutes les politiques de PFNL.
Une série complexe de droits coutumiers et naturels (ainsi qu'officiels et écrits), d'usufruit, de régimes de faire-valoir et de propriété est associée à la collecte et à l'utilisation des PFNL. Il faut analyser et comprendre leur rôle, et reconnaître la sensibilisation de l'opinion publique à leur égard. Souvent, même de petits changements jugés nécessaires peuvent mettre beaucoup de temps à être acceptés et appliqués.
La structure, le développement et la dynamique des marchés doivent être mûrement réfléchis. Les études de marché peuvent révéler de grandes disparités mais sont nécessaires d'urgence, et ce, pour deux raisons. Premièrement, il faut évaluer le fonctionnement des marchés pour décider l'ampleur de l'intervention requise. Deuxièmement, une meilleure connaissance du marché est indispensable pour les activités de vulgarisation et de développement, où elle fait le plus défaut. Il est intéressant d'étudier la possibilité de recourir à Internet pour se procurer des informations sur le marché. Il faut également reconnaître que certains produits, qui étaient auparavant des denrées vivrières de base traditionnelles (comme les pignons), pourraient trouver de nouveaux débouchés en tant que produits d'épicerie fine dans la société d'aujourd'hui, et que certains produits (par exemple, les branches d'arbres sempervirents) pourraient être bien reçus sur les marchés internationaux tandis que d'autres (comme les entrepôts maritimes de gomme) sont en déclin (Vantomme, 1998). Par ailleurs, les différences de coûts de main-d'uvre peuvent influer sur la compétitivité de certains produits dans certains pays (comme les baies de Russie et des pays Baltes sur les marchés finnois) (Lloyd, 1998).
La structure actuelle des mesures d'incitation et de dissuasion économiques requiert également une analyse rigoureuse. Il faut effectuer une analyse comparée parmi les différents produits et les différents pays et concilier les besoins d'une harmonisation internationale avec les exigences opposées, de façon à adapter les avantages à consentir aux besoins spécifiques de chaque pays. On peut citer un exemple parmi les maintes formes d'allégement fiscal existantes: en République tchèque, les forêts destinées à une production non ligneuse importante ne sont pas imposables (Troisième Conférence ministérielle sur la protection des forêts en Europe, 1998). Etant donné, en général, la petite taille des entreprises de transformation et de négoce, il faut étudier les instruments et programmes disponibles pour les petites (y compris micro-) et moyennes entreprises. Par exemple, dans de nombreux pays, il existe des programmes de développement rural ou d'entreprises rurales qui pourraient être parfaitement adaptés aux petites activités de transformation des produits non ligneux.
La vulgarisation, la formation et l'enseignement, de même que la recherche et le développement sont un élément vital de toute politique et, dans le secteur des PFNL principalement composé de petites entreprises, ils sont essentiels. Parmi la longue liste d'efforts nécessaires dans ce domaine figurent la recherche portant sur les essences les moins connues, la gestion de la qualité et le développement de produits à valeur ajoutée.
Sous un climat nordique, la cueillette des PFNL est une activité saisonnière, raison pour laquelle les cueilleurs ne sont pas organisés et ont rarement voix au chapitre lorsqu'on considère les problèmes de l'industrie. Une meilleure organisation, non seulement au niveau des cueilleurs mais aussi de toutes les parties intéressées (souvent des micro- et des petites entreprises), améliorerait les efforts de développement et la condition générale de l'industrie.
Toute industrie et ses produits ont besoin d'une image positive et d'une promotion. Le secteur des PFNL a, de par sa nature même, d'excellentes possibilités à cet égard mais, là encore, en raison de l'échelle et de l'hétérogénéité des industries de PFNL, il faut un soutien de politique. Améliorer l'information promotionnelle est également une part importante des activités de développement du marché.
Il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup d'autres éléments et aspects importants à prendre en considération dans la formulation de politiques et de programmes dans un secteur aussi varié et multiforme que celui des PFNL. Toutefois, le plus pressant pour l'heure est de reconnaître que le secteur des PFNL a besoin dans de nombreux pays d'une politique spécifique, intégrée aux politiques forestières générales et autres, tout en restant axée sur la promotion et l'amélioration des avantages du secteur, afin de servir les buts économiques, sociaux et écologiques et les potentiels de la production forestière non ligneuse.
Bibliographie
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