Au Sénégal, le contrôle de la balance alimentaire et ses perspectives reste en tête des préoccupations. Le tableau 8 montre lévolution de la production, des importations et de la consommation, y compris le niveau de la dépendance alimentaire dans le pays en 1992-2000. La production de céréales, (essentiellement du riz, du mil et du sorgho) a stagné à environ 800 000 tonnes par an, au cours des huit dernières années, et reste inférieure aux besoins de la population. Du fait de ces résultats médiocres, il a été nécessaire dimporter de grosses quantités de produits alimentaires.
Les importations alimentaires du pays se composent dimportations commerciales (aspect déjà abordé) et daide alimentaire. La gestion et le fonctionnement des importations non commerciales relèvent du Commissariat à la sécurité alimentaire du Sénégal et du Bureau local du Programme alimentaire mondial. Toutefois, avec lannonce de la libéralisation des marchés dans ces pays, le recul des stocks mondiaux de céréales et le rétrécissement des budgets daide alimentaire, les disponibilités pour laide alimentaire ont fortement baissé au détriment de nombreux bénéficiaires vulnérables. Le Sénégal ne fait pas exception et doit se confronter aux désagréments découlant de cette nouvelle situation. Les expéditions daide alimentaire, reçues dans le pays, ont considérablement chuté depuis 1992 (niveau alarmant denviron 4 000 tonnes en lan 2000). Laide alimentaire na jamais été aussi basse.
Cela signifie simplement que laide alimentaire nest plus un bien relativement libre et bon marché puisque laide sous forme de produits, doit être achetée sur le marché libre. Cela indique une capacité de plus en plus réduite, du Commissariat à la sécurité alimentaire dintervenir dans le cas durgence alimentaire. LAgence manque des ressources nécessaires pour maintenir ses instruments opérationnels, y compris les niveaux adéquats de stocks alimentaires.
Tableau 8. Sénégal: Balances céréalières, 1992-2000 (milliers de tonnes)
Campagne |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Production (nette) |
730 |
898 |
789 |
886 |
829 |
645 |
810 |
788 |
853 |
Stocks en début de période |
145 |
120 |
101 |
75 |
100 |
146 |
180 |
158 |
122 |
Importations |
596 |
517 |
640 |
498 |
744 |
636 |
765 |
743 |
824 |
Commerciales |
548 |
481 |
612 |
489 |
735 |
629 |
760 |
729 |
820 |
Aide alimentaire |
48 |
36 |
28 |
9 |
9 |
7 |
5 |
14 |
4 |
Total offre/ |
1 471 |
1 535 |
1 530 |
1 459 |
1 673 |
1 427 |
1 755 |
1 689 |
1 800 |
Consommation |
1 331 |
1 409 |
1 427 |
1 325 |
1 507 |
1 330 |
1 708 |
1 754 |
1 802 |
Dépendance alimentaire (%) |
45 |
37 |
45 |
36 |
47 |
50 |
49 |
49 |
49 |
Source: Autorités sénégalaises.
Malgré laccroissement des disponibilités alimentaires, mesurées en ajoutant la production aux importations, on constate une détérioration de la situation nutritionnelle du pays au niveau des individus et des ménages, pour la période 1980-1999 (tableau 9), caractérisée par une ultérieure libéralisation. La libéralisation na pas amélioré de manière significative les habitudes alimentaires du pays qui sont restées trop axées sur la consommation daliments à base de céréales, notamment de riz.
Les autorités publiques ont enregistré une forte tendance à la hausse des importations de riz, depuis la libéralisation du marché du riz en 1986. Le pays a importé en moyenne 502 000 tonnes au cours de la période 1995-2000, ce qui correspond à un niveau de 40 pour cent supérieur à celui enregistré au cours de la période précédente de lOMC (1985-1994).
Tableau 9. Divers indicateurs nutritionnels
|
1980-84 |
1985-89 |
1990-94 |
1995-99 |
Produits alimentairesa (tonnes) |
1 058 108 |
1 226 748 |
1 326 582 |
1 395 459 |
Offrea (kg/habitant/an) |
180 |
182 |
172 |
160 |
Kcal/habitant/jour (nombre) |
1 484 |
1 479 |
1 403 |
1 325 |
Protéines/habitant/jour (Gr) |
41 |
40 |
38 |
36 |
Graisses/habitant/jour (Gr) |
8 |
9 |
8 |
7 |
Source: FAOSTAT.
a Offre de céréales, bière exclue.
Dans le cadre du programme de libéralisation, les prix à la production et au détail des céréales (riz, blé, millet, sorgho) ont été soumis à la concurrence (en 1986 pour le riz, en 1989 pour le mil et le sorgho). Malgré la réforme des marchés, le prix du riz importé est resté élevé au Sénégal. Le riz, qui provient dans lensemble dAsie (Thaïlande, Viet Nam) a augmenté de 30 pour cent au cours de la période postérieure à lOMC, pour sétablir à 263 dollars E.-U. par tonnes par rapport aux niveau de 1985-1994, ce qui suppose un accroissement des coûts des denrées vivrières.
La libéralisation des marchés de céréales ne sest pas encore traduit pas un accès accru aux denrées vivrières, surtout pour les aliments à base de céréales destinés aux pauvres. Cette conclusion sappuie sur une évaluation comparative plus approfondie du coût du bol de céréales dans le pays. Il est évident que le pouvoir dachat réel des pauvres tel quil se traduit par le niveau minimum réel des salaires est en recul (moins de 20 points, pour sétablir à 52 au cours de la période 1992-2000, figure 5). Il a évolué en termes nominaux de 152 FCFA, en juillet 1982 à 209 francs FCFA, en décembre 2000 (196 FCFA au cours de la période 1992-2000) par heure, en moyenne. Sur une base de 40 heures hebdomadaires, on peut estimer le pouvoir dachat minimum dun chef de famille (ouvrier) dune famille urbaine à 1568 FCFA par jour.[97]
Figure 5. Sénégal: Niveau réel des salaires minimum réels (1980 = 100), juillet 1982-2000
On peut comparer le coût de deux préparations de grande consommation, le Daxin et le Cere ketiax, au pouvoir dachat réel. Le premier est un bon exemple daliment élaboré, à partir du riz importé. Le deuxième est un aliment à base de céréales locales comme le mil. La consommation de ces préparations est prévue au déjeuner ou au dîner. Lestimation des coûts est faite sur la base de 4 ou 5 portions, en tenant compte de la composition courante des familles de la classe moyenne sénégalaise, disposant de revenus réguliers.
Selon les calculs, la préparation à base de riz et celle à base de millet coûtent respectivement 1055 FCFA et 835 FCFA. Le riz et le mil représentent 11 pour cent et 36 pour cent du coûts de ces produits. Bien que le prix du mil ait conservé un avantage financier, le riz est devenu la nourriture préférée au Sénégal, parce quil est facile à préparer, par rapport au mil. La part de nourriture dans le pouvoir dachat quotidien dune famille varie de moins 53 pour cent (portion de préparation à base de mil) à 67 pour cent (une portion de préparation à base de riz). Les revenus quotidiens ont clairement chuté à des niveaux trop faibles pour couvrir les besoins fondamentaux, notamment la nourriture nécessaire à lalimentation adéquate dun ménage urbain.
Pour ce qui est du pouvoir dachat en zones rurales, tel quil est mesuré par le rapport du prix des produits agricoles cultivés localement (mil, sorgho, riz, etc) et certains produits commerciaux (arachides, coton), on arrive à la conclusion précédente. Jusquà présent les résultats de la libéralisation nont pas été aussi favorables aux producteurs nationaux de céréales (mil, riz) quaux producteurs des principales cultures commerciales (coton, arachides; voir tableau 10).
Au cours de la période 1985-2000, le Sénégal a enregistré une détérioration de 40 pour cent des termes de léchange, ce qui se traduit par les difficultés que connaît le pays pour régler ses dépenses alimentaires.
Tableau 10. Sénégal: Rapports entre les prix de certains produits agricoles (termes de léchange en milieu rural) 1985 = 100
Rapport |
Moyenne 1985-94 |
Moyenne 1995-2000 |
Modification en pourcentage |
(A) |
(B) |
(B) - (A) |
|
Millet/arachides |
0,79 |
0,74 |
-6,6 |
Riz local/arachides |
0,95 |
0,71 |
-25,7 |
Maïs/arachides |
0,80 |
0,84 |
5,4 |
Millet/coton |
0,69 |
0,59 |
-15,2 |
Riz local/coton |
0,84 |
0,56 |
-32,7 |
Maïs/coton |
0,70 |
0,67 |
-4,6 |
Millet/riz local |
0.,82 |
1,05 |
27 |
IPC type I (1985 = 1) |
1,03 |
1,46 |
41,5 |
Note: LIPC type I, est lindice des prix à la consommation, pour un ménage sénégalais type (BCEAO).
On peut donc conclure, que de toute évidence, les revenus réels des pauvres nont pas été suffisants pour couvrir le coût de la nourriture nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire, au cours de la période 1995-2000.
[97] Le seuil de
pauvreté est fixé à 143 080 FCFA/an/en équivalent
adulte, c'est-à-dire 395FCFA/jour/adulte. |