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Les projets de développement de la traction animale: contraintes lices à l'animal et voies d'intervention prioritaires

par

Philippe Lhoste

Zootechnicien de l'Institut d'Elevage et de Médecine Vétérinaire des Pays Tropicaux (IEMVT), LESCA (INRA-CIRAD), Montpellier, France

Résumé

Au cours des vingt dernières années, de nombreux projets ont développé l'utilisation de la traction animale avec des résultats très variés. Ces inégalités ont été discutées par plusieurs auteurs. Des études menées au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, au Mali et au Sénégal ont permis de constituer une liste de contraintes spécifiques à l'animal. Les projets ont souvent négligé certains aspects qui sont autant de nouveautés pour les paysans, tels que les soins vétérinaires, l'alimentation, l'abreuvement, la conduite, le dressage, les harnachements, les soins et la commercialisation sur le marché de la viande en fin de carrière.

Lors de l'introduction de la traction animale, certains facteurs ne doivent pas être sous-estimés: la densité de la population, la solvabilité des paysans, l'existence d'un marché des produits animaux, les facilités de crédits, la connaissance de l'élevage, le soutien technique, la disponibilité des animaux, la gestion des carrières, l'intégration agriculture-élevage. Dans la zone semi-aride sahélienne, les priorités fondamentales sont l'alimentation, le choix des espèces et des races, les harnachements, les soins vétérinaires appliqués d l'interaction entre alimentation et stress du travail. Dans la zone de savane soudanienne, l'accent doit être mis sur la disponibilité et l'adaptabilité du bétail, du fait des risques de maladie plus élevés dans ces régions. Ici aussi, on privilégiera l'alimentation et les soins vétérinaires. Les interactions entre élevage et agriculture sont importantes puisque les animaux peuvent contribuer à la fertilisation des champs.

Introduction

De très nombreux projets de développement rural en Afrique occidentale ont intégré la composante traction animale avec des succès divers (Bigot, 1985; Lhoste, 1986a; Sargent et al., 1981). Nous nous proposons d'analyser ici les principales contraintes lices à l'animal rencontrées dans ces projets et notamment dans les zones de nouvelle implantation de la traction animale. Nous nous fondons pour cette analyse sur des travaux récents menés au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, au Mali et au Sénégal (Bonnet, 1988; Guibert, 1988; Lhoste, 1986b et 1987; Robinet, 1987). Diverses caractéristiques générales et exogènes peuvent conditionner la réussite de tout projet de développement rural:

· la politique agricole nationale, qui conditionne le niveau des subventions, le crédit, les prix agricoles, etc;

· l'environnement économique et institutionnel du projet;

· les techniques et les productions agricoles;

· les conditions socio-économiques locales, etc.

Concernant plus spécifiquement la traction animale, il apparaît dans la bibliographie que de nombreux travaux ont abordé cette technologie dans une optique agronomique, économique ou lice à l'outil et que la part faite à l'animal proprement dit est souvent modeste. Or ces animaux, sources d'énergie agricole, ont encore un rôle important à jouer dans les systèmes de production des régions chaudes et, même s'ils induisent parfois de nouvelles contraintes, ils ouvrent aussi de nouvelles possibilités. Il est donc important de prendre en compte certains aspects plus spécifiques à l'animal dans cette technologie:

· diversité et disponibilité des espèces susceptibles d'être utilisées pour la traction animale effectifs par espèce;

· possibilité d'acquisition d'animaux en nombre suffisant et de type adéquat pour le dressage: taurillons, jeunes équidés, etc. Cela suppose de s'intéresser aussi à toutes les autres utilisations des animaux, possibilités d'approvisionnement à partir d'autres régions: distance, disponibilité, transport, coût, adaptation;

· dominantes pathologiques dans la zone du projet;

· possibilités d'alimentation des animaux: fourrages, résidus de cultures, sous-produits agro-industriels;

· connaissance de l'élevage qu'ont les agriculteurs candidats à la traction animale;

· conditions du marché du bétail, notamment pour les animaux de réforme, principaux débouchés et flux commerciaux.

C'est donc à ces aspects propres à l'animal que nous allons nous intéresser dans cette communication. Pour plus de clarté, nous distinguerons quelque peu schématiquement trois situations:

· introduction de la traction animale;
· les projets en zone sahélienne;
· les projets en zone soudanienne.

Situations où la traction animale est nouvelle

Le choix de la zone du projet

Les conditions agro-écologiques et socio-économiques de la zone concernée par les projets ont un poids considérable sur leur réussite. Un élément important du choix de l'implantation est la densité de la population rurale. Elle ne doit être ni trop faible (situations où l'agriculture itinérante sur brûlis est plus rentable que la traction animale), ni trop forte (situations où il y a peu de terres disponibles). Les zones de savanes herbacées moyennement peuplées présentent des conditions favorables à l'essor de la traction animale.

La solvabilité des agriculteurs

La réussite de l'implantation de la traction animale est conditionnée par la solvabilité des agriculteurs qui leur permet de faire face aux dépenses afférentes à cette nouvelle technologie: paiement des animaux de trait et des équipements, remboursement d'emprunts, etc. Cette solvabilité est liée aux revenus monétaires en général et aux cultures de rente en particulier, dont les revenus assurent le financement du passage à la traction animale dans certains pays (Diarra, 1984). Dans certains cas, le troupeau peut aussi jouer ce rôle, grâce aux productions animales: petits ruminants, lait, bovins, qui constituent une source alternative de revenus. Chez les éleveurs bovins, la transition technologique peut théoriquement être facilitée par la possibilité de prélever, dans le troupeau naisseur lui-même, des animaux pour le dressage, comme cela a été observé au Sénégal (Lhoste, 1986b) ou au Mali (Bonnet, 1988).

Le marché des produits animaux

L'existence d'un marché rémunérateur pour les produits animaux constitue donc un facteur important pour la réussite de la traction animale. Ces possibilités de valorisation des animaux ont, au-delà de la phase de démarrage, un effet très stimulant sur la rentabilité de la traction animale. La carrière des boeufs de trait est alors gérée en fonction de la traction, mais aussi en intégrant une valorisation potentielle en boucherie. Nous retiendrons tout particulièrement la possibilité d'améliorer la valorisation des bovins en fin de carrière par une organisation adéquate des producteurs permettant notamment:

· une meilleure finition des animaux destinés au marché de la viande;

· la présentation de ces animaux sur le marché en lots plus importants et plus homogènes;

· la négociation avec les commerçants dans de meilleures conditions pour obtenir des prix plus rémunérateurs.

Nous observons en effet que cette activité de traction bovine peut avoir dans certains pays, comme le Mali ou le Sénégal, un impact important sur la productivité globale de la filière viande bovine, à condition que les pertes sèches (accidents, mortalités) au cours du passage par la traction ne soient pas trop numbreuses - comme ceci est encore trop souvent le cas dans certaines régions de la Côte d'Ivoire ou du Burkina Faso (Guibert, 1988; Lhoste, 1987; Robinet, 1987).

Le crédit

Compte tenu du modeste niveau financier moyen des exploitations agricoles en Afrique Occidentale, le crédit est souvent apparu comme un facteur nécessaire au lancement de la traction animale. De plus, la majorité des fermiers ne possèdent pas de gros animaux d'élevage. Les modalités de ce crédit pour les animaux ont souvent posé des problèmes divers. L'assurance vie pour les animaux, dans les cas de mortalité avant l'échéance du prêt, est difficile à gérer en milieu africain. Les solutions les plus fiables sont celles qui s'intègrent à des sociétés de développement se fondant sur une production rémunératrice et bien encadrée comme le coton (CMDT Mali, SODECOTON Cameroun) ou l'arachide au Sine Saloum (Sénégal).

La connaissance des techniques d'élevage

Le niveau technique de l'élevage dans la région est un facteur à prendre en compte, car la maîtrise certains aspects de la conduite des animaux devra augmenter avec le passage à la traction animale pour ces animaux soumis au stress du travail; l'alimentation, les conditions d'entretien et les soins devront en effet être améliorés pour les animaux de trait. La bonne connaissance des techniques d'élevage qu'ont classiquement les éleveurs traditionnels n'est toutefois pas une garantie suffisante pour les projets de traction animale pour deux raisons:

· Les conditions et les contraintes des systèmes d'élevage considérés ne sont pas identiques. Les techniques d'élevage extensif devront être adaptées aux animaux de trait, qui demandent des soins et une alimentation particulièrement bien surveillés.

· Les deux groupes considérés (éleveurs traditionnels d'une part et agriculteurs d'autre part) ne partagent pas les mêmes acquis techniques. Il nous parait cependant intéressant de favoriser au maximum le transfert des connaissances des éleveurs traditionnels (tels que les Peul d'Afrique occidentale) aux agriculteurs nouveaux éleveurs dans le cadre des projets de traction animale. Ultérieurement, lorsque la traction bovine est bien implantée et maîtrisée par les agriculteurs, nous constatons souvent que cette nouvelle forme d'élevage "intégré à l'exploitation agricole" est à l'origine d'innovations techniques (complémentation, soins, fabrication de fumier, etc.) qui seront appliquées au troupeau naisseur (Diarra, 1984, pour le Mali-Sud; Lhoste, 1986, pour le Sine Saloum).

L'appui technique de l'élevage

Les services vétérinaires ont apporté en Afrique une contribution essentielle au contrôle de la pathologie du bétail qui constituait naguère une contrainte majeure à la productivité de l'élevage. Cette contrainte primordiale étant en partie levée, les effectifs du bétail ont tendance à augmenter et d'autres actions doivent être ajoutées aux soins vétérinaires. Les techniciens d'élevage nous paraissent devoir apporter un appui technique renouvelé et plus diversifié aux éleveurs et notamment aux nouveaux "agro-éleveurs" dans les domaines suivants:

· l'alimentation: les fourrages, les compléments concentrés et minéraux, etc;
· la conduite des animaux et de leur reproduction;
· l'exploitation et la valorisation des produits animaux, etc.

Nous mentionnerons particulièrement les équidés (chevaux et ânes) qui sont trop souvent ignorés des services techniques et de vulgarisation, surtout au niveau des aspects zootechniques (alimentation, reproduction, soins).

Disponibilité des animaux de trait

Dans les zones où la traction animale est peu développée, l'un des problèmes cruciaux à résoudre est l'approvisionnement en animaux de trait. Les animaux souhaitables ne sont pas toujours élevés sur place et même dans le cas contraire, d n'est pas toujours aisé d'acquérir l'animal adéquat pour différentes raisons:

· les taurillons, par exemple, peuvent être traditionnellement réservés à d'autres usages (fêtes familiales, sacrifices, embouche);

· il existe souvent une dualité socioculturelle entre éleveurs et agriculteurs qui explique que les animaux des premiers ne passent pas toujours facilement chez les seconds. Dans l'optique de l'utilisation de vaches de trait, par exemple, il n'est pas aisé pour les non-éleveurs d'acquérir des génisses pour le dressage (Nourrissat, 1965, Wignolle, 1985). Il faut donc tenter de lever ces contraintes. La formation et l'information des hommes ont un rôle à jouer dans l'évolution des mentalités et dans l'apprentissage de nouvelles techniques.

Les transferts d'animaux destinés à remédier aux carences locales impliquent une très grande vigilance sanitaire pour résoudre les problèmes d'adaptation des animaux déplacés Pendant les premières phases du projet, la structure d'encadrement peut assurer un rôle important en gérant ces transferts et en formant les producteurs. Par la suite, d nous paraît souhaitable de stimuler la prise en main de ces opérations par des producteurs privés (éventuellement avec un contrôle technique et sanitaire par l'encadrement), assurant une gestion plus souple et moins coûteuse pour la collectivité.

La gestion des animaux de trait

Dans les régions de nouvelle implantation de la traction animale, il est souvent nécessaire d'enseigner aux agriculteurs l'ensemble des aspects techniques de l'entretien et de l'utilisation des animaux. Le manque de connaissances est considéré comme un avantage par certains auteurs. Les néophytes seraient mieux disposés à adopter de nouvelles techniques, puisqu'ils ne possèdent pas d'acquis traditionnels.

Dans une phase d'introduction, il est primordial que le paysan puisse se rendre compte par lui-même de tout ce que peut lui apporter la traction animale. C'est pourquoi, si l'on veut établir des priorités, il parait nécessaire:

· d'obtenir en priorité une bonne utilisation de l'attelage grâce à la maîtrise du dressage des animaux, des harnachements, et de l'utilisation du matériel, etc;

· de maîtriser simultanément les techniques de base qui conditionnent l'état des animaux et leur capacité de travail;

· alimentation: utilisation judicieuse des résidus de récolte, compléments adaptés, rationnement, etc;

· abreuvement: son importance est souvent négligée et les apports d'eau pendant le travail sont insuffisants; soins, manipulations de base, etc.

Une fois ces aspects maîtrisés, d'autres pourront se développer:

· gestion de la carrière des animaux;
· finition éventuelle à la réforme (embouche);
· organisation de la commercialisation;
· renouvellement des animaux;
· stabulation en vue de la production du fumier;
· amélioration des modes de dressage: conduite à la voix.

L'utilisation de la fumure animale est une voie d'avenir. Elle permet de lever le taux de matière organique et de maintenir la fertilité des sols cultivés. Mais les techniques de fabrication du fumier posent encore problème en milieu paysan africain:

· maintien de l'humidité, disponibilité et transport de l'eau;
· disponibilité de matière végétale;
· transport du fumier au champ, épandage et enfouissement, etc.

L'intégration agriculture - élevage

L'association de l'agriculture et de l'élevage est donc impérative pour le maintien et le développement d'une agriculture productive. La traction animale est l'un des moteurs de cette intégration, avec les facteurs relatifs à la fumure animale et au système d'alimentation. Les actions sur l'alimentation se justifient par une augmentation prévisible de la productivité des animaux:

· puissance accrue, en raison de leur meilleur état nutritionnel;
· moindre taux de mortalité et d'accidents;
· valeur bouchère supérieure en fin de carrière;
· productivité numérique améliorée et meilleure production laitière pour les femelles (juments, vaches de trait).

Ces diverses évolutions et innovations se traduisent par la nécessité de concevoir de nouveaux modes de gestion des ressources et de l'espace (Lhoste, 1987), ce qui justifie souvent, au-delà des aspects techniques, une organisation locale efficace et un support juridique adapté.

En zone sahélienne semi-aride

Une priorité: le système d'alimentation

En zone semi-aride, les potentialités agronomiques et fourragères sont restreintes par une pluviométrie limitée et une longue saison sèche. Dans ces conditions, le système d'alimentation des animaux apparaît comme le principal facteur limitant sur lequel doit porter l'effort de développement. Dans cette situation, les thèmes prioritaires nous paraissent être:

· la valorisation optimale des ressources fourragères disponibles; en zone agro-pastorale notamment, l'utilisation rationnelle des résidus de récolte apparaît comme une priorité;

· l'utilisation judicieuse des sous-produits agro-industriels disponibles dans la région (transformés ou non): graines et tourteaux de coton, mélasses, son et issues de céréales, etc;

· la multiplication et l'utilisation rationnelle de ligneux à usages multiples: lutte anti-érosive, apport de fourrages, de fruits, de bois, etc.

Au niveau des systèmes de culture, les possibilités d'intervention directe nous paraissent plus limitées en raison des contraintes climatiques de la zone. Nous pouvons suggérer: l'utilisation de plantes vivrières à double fin (notamment des légumineuses comme le niébé), l'amélioration des techniques post-récoltes pour sauvegarder des résidus fourragers de bonne qualité (éviter de gaspiller les folioles des légumineuses par exemple) et, dans les zones les moins arides, l'introduction de légumineuses sous couvert des céréales vivrières pour améliorer la valeur fourragère des résidus.

Choix des animaux et des harnachements

L'éventail des espèces utilisables pour la traction animale en zone sahélienne est assez ouvert: camélidés, équidés et bovins. L'intérêt des dromadaires (Richard, 1980; Hoste, et al., 1984) et des ânes (Fielding, 1987) est reconnu dans les zones sèches pour divers services: monture, bât, exhaure et transport de l'eau. Il ne faut pas non plus négliger l'aptitude au trait de ces deux espèces remarquablement adaptées au climat.

Les bovins disponibles dans cette zone sont en majorité des zébus. Il est souhaitable de les atteler à l'aide d'un joug de garrot et non d'un joug de tête comme on le voit trop souvent (Casse et al., 1965; GRET-GRDR, 1985). Parmi les zébus sahéliens, certains types longilignes particulièrement bien adaptés aux grands déplacements, tels que la race M'Bororo, ne se prêtent pas très bien au dressage pour le trait. On tentera de trouver des animaux de type plus compact, tels que les zébus de race Azaoua (Niger), Gudali (Cameroun, Nigéria) ou Gobra (Sénégal).

Soins vétérinaires

La pathologie des animaux de trait dans ces zones ne constitue pas un facteur limitant majeur et elle n'a rien de spécifique (Coulomb, 1982). Il faut cependant veiller aux risques d'exacerbation de la pathologie habituelle causés par la malnutrition et le surmenage éventuels des animaux. De plus, la dispersion de ces animaux de trait (contrairement aux troupeaux pastoraux regroupés en effectifs plus importants) rend difficile l'application de mesures de prophylaxie et de soins collectifs. Il est nécessaire d'assurer aux animaux de trait:

· des vaccinations systématiques;
· des vermifugeages semestriels;
· des détiquages tous les 10 à 15 jours, selon les régions;
· des soins aux plaies et aux maladies de peau.

En zone soudanienne

Disponibilité et adaptation des animaux

En zone plus humide, indépendamment des problèmes sociologiques particuliers, le choix des animaux pose des problèmes spécifiques.

· L'élevage des grands animaux (bovins et équidés) est de moins en moins présent quand on se déplace vers la zone guinéenne plus humide.

· L'incidence de la trypanosomose est forte, d'où l'absence d'équidés (ânes et chevaux sont trypanosensibles) et la présence de bovins trypanotolérants, taurins de petite taille: types Baoulé, Muturu, N'Dama.

· Ces taurins sont utilisables pour la traction mais leur petit format et leur tempérament souvent assez vif sont de réels inconvénients.

· Le dressage d'animaux venant d'une autre région comporte de gros risques compte tenu de la pathologie spécifique des zones humides: parasitoses, pathologie lice aux tiques, etc. D'autant plus que chez de nouveaux éleveurs, cette pathologie peut prendre un poids particulier en raison de leur méconnaissance du bétail et du "stress dû au travail" qui augmente la sensibilité de l'animal à certaines agressions.

Dans ces conditions, il faut choisir prudemment les animaux à dresser. Il est nécessaire de tenir compte du niveau d'infestation glossinaire (vecteur de la trypanosomose) qui est très variable d'une région à l'autre. Les principes dont on peut s'inspirer sont les suivants.

· Il faut autant que possible privilégier, au moins au début, le choix des animaux élevés sur place. Même les transferts d'une zone infestée à une autre présentent des risques (expérience ivoirienne, CIDT).

· En zone à trypanosomose, les taurins trypanotolérants seront privilégiés par rapport aux équidés plus sensibles.

· Pour limiter les inconvénients du faible gabarit de ces animaux, on peut utiliser des métis avec des types bovins plus lourds (autres taurins, zébus) mais en restant à des niveaux modérés de sang introduit.

· L'amélioration des conditions d'élevage permet d'augmenter le format des animaux comme l'ont montré les travaux me nés en station sur les races locales (Hamon, 1970) et en milieu agropastoral, au Sénégal (Benoît-Cattin, 1986).

L'alimentation reste déterminante

En zone soudanienne, les potentialités fourra gères sont quantitativement assez importantes, tant au niveau des résidus de culture que des formations naturelles: jachères, parcours, etc. Mais ces ressources fourragères ne sont généralement pas de très bonne qualité; les priorités qui découlent de cette situation sont les suivantes:

· il faut essayer de mieux valoriser les potentialités existantes en favorisant les actions de récolte, de stockage, de conditionnement, de traitement, de distribution de ces fourrages grossiers pour tenter d'en améliorer l'utilisation et la valeur alimentaire;

· l'amélioration des jachères doit s'inscrire dans une double optique: agronomique (restauration de la fertilité des sols) et fourragère;

· l'enrichissement floristique qui peut être envisagé ne parait justifié que si l'on peut proposer simultanément une gestion controlée de ces formations;

· l'intensification apparaît comme une voie logique de développement de ces régions aux potentialités agricoles assez fortes. Dans ces conditions, des cultures fourragères semi-permanentes (Panicum maximum, Brachiaria, purs ou en association avec des légumineuses) ou entrant dans le cadre de rotations de longue durée peuvent trouver leur place dans une optique d'association de l'agriculture et de l'élevage (expérience nord-ivoirienne: SODEPRA, Korhogo).

Les soins vétérinaires

Comme l'a montré l'expérience de la CIDT en Côte d'Ivoire, le suivi vétérinaire doit être particulièrement intense en début d'opération puisque la pathologie animale de la zone humide est plus difficile et que les agriculteurs sont moins expérimentés. Il faut donc prévoir un effort particulier de vulgarisation et de formation des agriculteurs sur le terrain grâce à un encadrement rapproché. Des visites régulières permettront de soigner les animaux, et surtout d'enseigner les techniques d'élevage de base aux exploitants agricoles.

Nous pouvons rappeler à ce propos que les risques sanitaires et parasitaires sont moindres sur des animaux bien entretenus. Les conditions d'élevage dans leur ensemble déterminent le "terrain de la maladie": logement, hygiène, alimentation, conduite de travail, etc. De plus, la lutte contre les glossines vecteurs de la trypanosomose n'est pas aisée (cf. travaux spécialisés de la FAO et de l'IEMVT), mais il est reconnu que la mise en valeur agricole se traduit généralement sur le terrain par un recul des glossines.

Evolution des systèmes de production

Dans la zone sud-soudanienne, la plus humide, l'élevage est peu présent et l'association agriculture - élevage moins développée. Mais les potentialités agro-écologiques permettent d'envisager l'intensification agricole avec notamment le développement de la mécanisation. L'amélioration de la productivité de l'élevage nous parait lice, dans ces conditions, au développement de l'agriculture et non au maintien de systèmes pastoraux qui ne sont pas vraiment à leur place dans cette zone humide. Avec l'augmentation de la population et des surfaces cultivées, on devrait tendre vers l'intensification simultanée des productions végétales et animales. Une meilleure gestion de l'espace sera alors requise et la clôture "verte" ou métallique apparaît comme une nécessité.

Dans la zone nord-soudanienne, les conditions se prétent mieux au maintien de systèmes d'élevage plus extensifs. Les troupeaux bovins valorisent les espaces non cultivables et les jachères participent aussi aux transferts de fertilité dans le paysage agricole.

Conclusion

Nous rappelerons, pour conclure, quelques points importants sur lesquels il nous semble souvent prioritaire d'intervenir pour favoriser le développement de la traction animale et améliorer son efficacité globale dans les systèmes de production concernés:

· la nutrition et les soins aux animaux: l'amélioration du système d'alimentation justifie encore souvent des mises au point locales notamment sur la valorisation des fourrages pauvres, l'amélioration des jachères, l'introduction des légumineuses et des ligneux;

· les harnachements: dans ce domaine, les acquis et le savoir-faire accumulés dans différents pays sont importants. L'effort doit donc porter sur l'adaptation des modèles et des techniques de fabrication en tenant compte des pratiques des artisans et des utilisateurs;

· la conduite et la fumure: une attention particulière doit être apportée aux améliorations de la filière fumure animale essentielle à l'avenir de l'association agriculture-élevage;

· carrière, renouvellement et commercialisation des animaux: la rentabilité des opérations de traction animale au niveau des exploitations agricoles est en partie lice à un bonne gestion de la carrière des animaux. Cet aspect important justifie des efforts particuliers de sensibilisation et de formation des producteurs. Il peut aussi déboucher sur leur organisation en groupements ou associations.

Abstract

In the last tweet years, numerous development projects have promoted animal traction but with very different results. These have been discussed by various authors. Research studies in Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali and Senegal have gathered enough material to draw up a list of constraints specifically relating to animals. Projects have often paid little attention to techniques that may be new to farmers such as feeding, watering, handling, training and harnessing the animals as well as veterinary care and marketing of the animals after use for traction.

In areas where animal traction is being introduced for the first time it is vital not to neglect factors such as population density, farmers' solvency, credit facilities, crop-livestock integration, animal husbandry experience and management skills, technical support, work animal availability and markets for disposing of animals. In the semi-arid Sahelian zone, the main priorities are animal nutrition, animal species and breed, harnessing techniques and veterinary care in connection with feed and stress levels. In the Sudanian-savanna zone there is a higher disease risk and so animal availability and adaptation abilities are more important. Here again, feed and veterinary care are paramount. Crop-livestock interactions are important as animals can help fertilize fallow land.

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