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Impact de la culture attelée dans la zone de l'Opération Haute Vallée du Niger, Mali

par

Cheickne Sidibé

Chef du Machinisme Agricole, Opération Haute Vallée (OHV), Bamako, Mali

Résumé

Créé en 1972, le projet Opération Haute Vallée (OHV) s'attache au développement de la culture attelée, production de riz, alphabétisation fonctionnelle, programme de santé animale, amélioration des pistes agricoles et crédit agricole. En 1980, l'action "Fermiers Pilotes" visant à l'auto développement villageois a été mise en place. Elle fut suivie par une nouvelle politique articulée sur des Tons villageois, des partenaires financiers, un réseau d'artisans forgerons et des animateurs villageois alphabétisant dans la langue locale. Dans ce cadre, le Projet Rumptstad met à la disposition des paysans du matériel de qualité à un prix compétitif. Le matériel est acheté en kit et monté par les forgerons. Dans la deuxième étape du projet, les équipements seront entièrement construits par les forgerons. Par un processus de transfert de compétences, les structures villageoises prendront progressivement toutes les responsabilités concernant leur propre développement.

Introduction

Créée en septembre 1972, l'Opération Haute Vallée (OHV) est une Opération de Développement Rural (ODR), qui a pour mission le développement intégré de sa zone d'intervention. En septembre 1978, le Gouvernement du Mali signe un accord de subvention pour le développement et l'assistance technique de la zone OHV avec l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID). Les activités du projet OHV portent sur les domaines suivants:

· culture attelée;
· production de riz;
· réhabilitation du périmètre de Bancoumana;
· crédit agricole;
· alphabétisation fonctionnelle;
· programme de santé animale;
· soutien administratif à l'OHV;
· amélioration des pistes agricoles.

Notre rapport sera exclusivement consacré au domaine de la culture attelée. Les résultats acquis à ce jour se résument comme suit:

· construction d'étables fumières;

· achat de boeufs pour l'embouche;

· placement de graines de coton et de pierres à lécher;

· distribution de semences fourragères;

· construction de quatre centres de formation pour bouviers;

· mise en place d'un réseau d'artisans forgerons pour la fabrication et la maintenance des matériels agricoles vulgarisés;

· distribution de 80 chaînes de culture attelée à des "fermiers pilotes".

Débutée en 1980, l'action "Fermiers Pilotes" fut la première grande expérience de l'OHV dans le domaine de la traction animale. Malgré quelques difficultés d'exécution, l'OHV a réussi à introduire la culture attelée dans une zone où la majorité des paysans la considérait comme un important facteur de dégradation des sols. A l'heure actuelle, les paysans OHV sont tout à fait conscients des avantages de la culture attelée. Une enquête sur place apporta les preuves de ce succès, et a commencé d'étayer les perspectives d'avenir et les possibilités de développement. Malgré cela, cette action a été interrompue.

Sur la base des résultats obtenus par l'action "Fermiers Pilotes", et suivant sa politique de développement actuelle, l'OHV a redéfini une stratégie de relance de la culture attelée s'appuyant essentiellement sur l'auto-développement villageois. Les principaux acteurs de cette stratégie sont les paysans eux-mêmes dans le cadre des Tons villageois, les artisans, animateurs et sociétés privées maliennes (opérateurs économiques, banques, etc.).

L'application de cette politique doit débuter avec la campagne agricole prochaine, et bénéficiera des tests préliminaires effectués pendant les campagnes 1986/87 et 1987/88.

L'action "Fermiers Pilotes"

Présentation

L'action "Fermiers Pilotes" était l'élément essentiel du plan à long terme du projet USAID/OHV. Elle devait contribuer à l'augmentation du revenu net du paysan, de la production de céréales, de produits maraîchers et de viande. Ces objectifs devaient être atteints grâce aux développements suivants:

· culture attelée et augmentation des superficies cultivées;

· développement de certaines spéculations destinées à augmenter le revenu de l'exploitation: produits maraîchers, mais (variétés tiémantié de Zamblara) manioc et légumineuses fourragères pour l'embouche bovine.

Le programme d'équipement en chaînes de culture attelée portait sur 15.000 exploitations agricoles, étalé sur une période de neuf années. La chaîne de matériel de culture attelée qui coûtait environ 285.000 FCFA à la date de l'accord avec USAID comportait:

1 multiculteur (avec corps de charrue, sarcleur, butteur. pics fouilleurs)
1 semoir birang
1 pulvérisateur T15 ou ULV
1 charrette 1.000 kg
2 boeufs de labour

Chaque fermier pilote était tenu de suivre un modèle d'exploitation défini par le projet. Pour la mise en place de l'action, l'OHV a acheté et distribué les boeufs de labour et les matériels. En 1984, une enquête fut menée pour mettre en évidence l'évolution des exploitations et évaluer le niveau technique atteint et le degré d'utilisation de l'équipement.

Résultats

Le bilan a été établi en fonctions de l'impact de la mécanisation sur l'économie des exploitations. De ce point de vue, il a été clairement établi que le bilan est tout à fait positif:

· accroissement des superficies cultivées et des productions, aussi bien pour les céréales que pour le coton (105%);

· augmentation du niveau d'autosuffisance alimentaire (24%);

· capitalisation sous forme de bétail ou de matériel.

Amélioration et extension de l'action

Malgré l'arrêt prématuré au cours de la deuxième année (1982), l'enquête a prouvé que l'action "Fermiers Pilotes" constitue désormais un acquis non négligeable pour I OHV et que sa reprise voire son extension est tout à fait souhaitable. A cet effet, des suggestions ont été faites concernant:

· l'augmentation des efforts de vulgarisation des techniques de culture du coton;

· l'extension de l'action à des fermiers reconnus comme bons techniciens par l'encadrement. Les paysans conduisant les tests multi-locaux (SAFGRAD, Agrométéo) pourraient être impliqués directement comme animateurs des groupements de vulgarisation ou lors des visites d'information;

· l'extension de l'action à des anciens agents des services agricoles, anciens élèves et aux personnes non intégrées dans la fonction publique et qui veulent s'installer à leur propre compte;

· la réduction du nombre de paysans n'ayant ni matériel, ni boeufs de labour, appelés "paysans à haut risque";

· faire acheter les boeufs de labour sur place par les paysans eux-mêmes;

· évaluation des besoins réels et ajustement des investissements.

Après l'arrêt du projet, une autre politique de développement de la traction animale fut adoptée par l'OHV et son bailleur de fonds. Cette nouvelle politique se veut plus réaliste et mieux adoptée aux structures techniques, économiques et sociales des villages.

Définition et but de la nouvelle politique

Fort de l'expérience "Fermiers Pilotes", l'OHV et l'USAID ont défini ensemble une nouvelle politique de développement de la traction animale. Elle consiste essentiellement à privatiser les approvisionnements (destinés aux agriculteurs et aux éleveurs) et à planifier les actions. L'OHV pourra alors concentrer ses efforts sur des actions précises et mener avec plus d'efficacité ses activités de vulgarisation. La privatisation des approvisionnements par le biais des opérateurs économiques, banques, artisans-forgerons maliens, etc., induira une certaine émulation dans les milieux professionnels responsables (directement ou indirectement) du développement de la culture attelée. Une telle évolution sera d'un bénéfice certain pour les utilisateurs de la traction animale. La mise en oeuvre de cette politique se fera par l'intermédiaire de nouvelles structures.

Les associations on Tons villageois

Le Ton est un nouveau type d'association villageoise en forme de coopérative, représentant l'unité de base de l'économie rurale selon les recommandations du Parti UDPM. Un village ne peut donc avoir qu'un seul Ton, doté d'une personnalité morale et financière. Le rôle des Tons est d'identifier les problèmes et les besoins, fixer les objectifs et programmer les actions au niveau du village. Les Tons assurent:

· l'approvisionnement du village
· un meilleur placement du crédit;
· une accélération de la commercialisation des produits agricoles;
· une diminution des risques de pertes pour l'OHV;
· une meilleure récupération des prêts.

Soutien et encadrement

Le soutien du programme est assuré par des partenaires financiers (opérateurs économiques, banques, sociétés maliennes, etc.), qui assurent la continuité des programmes de développement définis par les Tons dans des conditions avantageuses. L'encadrement formateur est pris en charge par la Division du Machinisme Agricole (DMA) qui assure tous les programmes de formation théorique et pratique des paysans, forgerons et agents OHV en matière de mécanique générale, artisanat, technologie adaptée, etc. Il existe à ce titre deux types de formation. La première ("formation centralisée") est enseignée au Centre d'Expérimentation et d'Enseignement du Machinisme Agricole (CEEMA) de Samanko. La seconde («formation décentralisée") se fait sur le terrain, au niveau des secteurs de la zone OHV, ou dans les ateliers des forgerons. La DMA assure également le suivi des activités de formation. Tous les programmes de mécanisation agricole de l'OHV, qu'il s'agisse de formation, d'expérimentation ou d'introduction de nouveaux équipements, sont définis en collaboration avec la DMA dans un cadre de politique nationale. L'encadrement OHV a pour rôle essentiel de donner un appui pédagogique et technique aux Tons. Cette politique est illustrée par la constitution d'un réseau de forgerons qui jouera un rôle essentiel dans le développement de l'autosuffisance villageoise.

Rôle des artisans forgerons

La formation du réseau de forges débute par une présélection des forgerons par les villages encadrés et à forte concentration de matériels de culture attelée. La sélection finale est effectuée par l'OHV qui formera et équipera les forgerons choisis. Seuls frais d'équipement sont remboursables sur une durée de trois à cinq ans selon la taille des besoins en équipement de chaque forgeron. Ce réseau de forgerons a pour rôle:

· la fabrication des matériels de culture attelée (charrues, multiculteurs, semoirs, charrettes) et des pièces de rechange;

· la réparation sur place des matériels et autres engins agricole;

· la location de matériel;

· la réalisation sur place des commandes placées par des Tons villagois;

· la mise en place, à long terme, de petites industries villageoises pouvant faire face à tous les problèmes de mécanisation agricole sur le terrain (approvisionnement en matériel, pièces détachées, carburant, lubrifiants, prestations de services, etc.).

Programme d'exécution

L'implémentation définitive de cette politique va se faire progressivement au cours de la seconde phase du projet OHV. Dans un premier temps, l'OHV continuera à assister les coopératives dans l'évaluation de leurs besoins et l'exécution de leurs programmes de développement. Mais le rôle de l'OHV se limitera de plus en plus à l'assistance technique. Ainsi par un processus de transfert de compétences, les structures villageoises prendront progressivement en main toutes les responsabilités concernant leur propre développement.

A ce stade, les artisans forgerons seront les véritables moteurs du développement villageois. Ils devront gérer de petites industries villageoises fournissant: matériels et pièces de rechange, réparations sur place, location de matériel. Les ventes se feront au comptant, à crédit ou par un système de troc.

Objectif et avantages

L'objectif de cette politique est l'auto-développement villageois. Les outils en sont les Tons, les forgerons et aussi les animateurs villageois qui ont été alphabétisés et formés pour enseigner dans la langue locale. Aussi, pour assurer le soutien financier des activités villageoises, l'USAID et l'OHV poursuivent leurs démarches auprès des sociétés maliennes et des banques.

Dans le cadre du Projet Rumptstad mis en place cette année, une société malienne prend en charge la fourniture des matériels agricoles (multiculteur, charrue, semoir et charrette) de la campagne agricole 1988/89 dans la zone d'intervention du projet OHV. Habituellement, l'OHV s'occupait directement de la fourniture des matériels, mais les frais liés à cette méthode tendaient à faire monter les prix. Le Projet Rumptstad permet de mettre à la disposition des paysans du matériel de qualité, bien connu des forgerons, et à un prix compétitif. Désormais, l'OHV n'a plus à prendre en charge les subventions auparavant rendues nécessaires par la cherté des matériels. Ce projet doit être exécuté avant le démarrage de la campagne agricole. Son implémentation se fait à trois niveaux différents:

1er niveau: USAID/OHV Financement et conduite du projet.

2e niveau: société privée malienne Responsabilité de toutes les opérations, de la commande de la matière première à la livraison dans les magasins de vente de l'OHV.

3e niveau: forgerons Fabrication et montage des matériels, pièces de rechange.

Puisque ce projet est le premier du genre, l'OHV et son bailleur de fonds ont jugé nécessaire de scinder son exécution en deux étapes. Pendant la première étape, la société privée malienne fournira du matériel semi-fini. Les forgerons seront responsables de l'assemblage et de la peinture. Par la suite, à l'étape II (dont la mise en place se ferait au cours des quelques années à venir), l'approvisionnement et le transport des matières premières seront l'unique responsabilité de la société privée malienne. Les forgerons formés et équipés prendront alors en charge tous les travaux de fabrication. Ce système devrait permettre de réduire considérablement le prix de vente des matériels et surtout de constituer un réseau de forgerons capables d'assurer sur place le service après-vente qui a toujours fait défaut jusque là.

Conclusion

Grâce à l'action "Fermiers Pilotes" les paysans de la zone OHV ont acquis une bonne perception de la culture attelée. Il est donc logique, vu l'impact positif des équipements de traction animale sur l'économie des exploitations, que le thème "accès à la culture attelée" figure parmi les priorités de l'OHV. La nouvelle politique déjà amorcée combinée au Projet Rumptstad est sans doute l'une des solutions les plus pratiques et les mieux adaptées aux besoins actuels des paysans.

Abstract

Created in 1972, the Operation Haute Vallée (OHV) Project aims at improving animal traction, rice production, animal health, adult literacy and farm roads. The project provides credit schemes and administrative support. One development scheme to encourage "Pilot Farmers" was set up in 1980. This was followed in 1982 by a whole new strategy based on village cooperatives or "Tons" working with financial partners, a blacksmith network and village organizers who teach adult literacy. Within this structure, the Rumptstad Project aims to provide high quality animal traction equipment at competitive prices to the farmers. The implements are bought from Holland in kit form, to be assembled by the blacksmiths. Later it is envisaged that blacksmiths will be able to construct similar implements using raw materials instead of kits. In the long term, the transfer of organizational and technical skills will enable the villages to progressively take full responsibility for their own development.


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