Chapitre II
Médias publics et privés dans le processus de développpment en République centrafricaine
DIAGNOSTIC ET INVENTAIRE DES RESSOURCES
Les conclusions de l'atelier national ont permis d'établir un diagnostic de la situation d'ensemble dans le domaine de la communication, et la réalisation d'un inventaire des ressources disponibles et de leur impact.
A l'instar d'autres pays, les ressources centrafricaines en matière de communication pour le développement sont insuffisantes, mais le tableau général de la situation présente des facteurs favorables dont l'exploitation rationnelle permettrait d'optimiser les résultats.
RADIOS PUBLIQUES
Les radios publiques centrafricaines sont: Radio Bangui, créée en 1958, devenue Radio nationale en 1967, la radio rurale, créée en 1986, et les
radios rurales locales nées à partir de 1993
Radio Bangui
Facteurs favorables
- acquisition et installation d'un émetteur OC de 100 kW sur les fonds propres de l'Etat, en 1970;
- rénovation d'un studio complet en équipements neufs, en 1980;
- acquisition de deux émetteurs OM/OC de 50 kW du type chinois;
- renforcement de la liaison en modulation entre la station et le centre d'émission par un émetteur de 2 X 100 W;
- acquisition d'un émetteur 500 W F.M. pour la ville de Bangui.
Il en ressort que le parc émetteur est relativement bien doté:
- programmes radiophoniques atteignant un volume horaire hebdomadaire de 115 h dont 70 % en sango et 30 % en français;
- capital d'expériences;
- cadres compétents au sein du personnel;
- unité linguistique du pays favorisant la confection de programmes de sensibilisation et d'éducation;
- volonté politique de faire de la radio un instrument de développement;
- existence de projets de soutien à la diffusion (coopération technique).
Faiblesses constatées
- territoire mal couvert par les émissions radiophoniques;
- deux principaux émetteurs de 50 kW installés par la République populaire de Chine, dans un état précaire;
- équipements de production défectueux;
- manque de ressources financières pour le fonctionnement;
- dommages causés par les mutineries d'avril et mai 1996;
- faiblesse qualitative des productions nationales;
- insuffisance de personnel formé;
- pénurie d'ingénieurs et de techniciens pour l'entretien et le fonctionnement des émetteurs et des équipements à basse fréquence;
- difficultés d'approvisionnement des fournitures spécifiques pour la maintenance;
- faiblesse des structures organisationnelles et de gestion;
- absence d'un plan directeur de développement;
- obsolescence des équipements et moyens techniques;
- état défectueux des locaux et du système de climatisation.
RADIO RURALE
Facteurs favorables
- réhabilitation du centre de production de Radio Centrafrique et d'autres installations techniques dans le cadre du Projet radio rurale financé par la République fédérale d'Allemagne;
- possibilité de sensibiliser les populations rurales;
- collaboration avec les services et organismes d'intervention en milieu rural;
- stimulation des activités d'autoproduction;
- possibilité aux habitants de l'intérieur du pays d'entrer en contact avec la capitale;
- implantation de douze correspondants (à travers le pays) chargés de transmettre aux services centraux de la Radiodiffusion à Bangui les informations sur l'actualité et la production;
- élaboration d'un programme orienté vers les ruraux;
- réalisation partielle des nouvelles installations techniques;
- formation des correspondants et du personnel de rédaction avec le concours de la FAO;
- formation de vingt cinq nouveaux communicateurs (niveau licence et maîtrise) spécialisés en radio rurale;
- conception et organisation satisfaisantes des missions de la radio rurale.
Faiblesses constatées
- effectif trop réduit;
- formation insuffisante des agents de la radio rurale;
- difficultés de déplacements à l'intérieur du pays;
- insuffisance des équipements de production;
- faiblesse de l'offre de programmes;
- problèmes d'organisation et de gestion.
Radios rurales locales
Facteurs favorables
- possibilité pour les paysans de prendre la parole;
- école radiophonique auto-éducative, véritable instrument de développement intégré permettant aux paysans d'animer eux-mêmes les émissions portant sur leurs préoccupations;
- programmes conçus et réalisés par les paysans;
- formes d'initiation à l'organisation et à la gestion de patrimoine communautaire, à l'utilisation et à l'exploitation des techniques modernes de communication;
- dispositif technique peu coûteux, léger et compatible avec les milieux de production et d'animation en zones rurales;
- méthode de gestion participative;
- système de communication parfaitement décentralisé;
- système BLU 00 W en ondes décamétriques permettant à chaque station rurale de communiquer avec l'ensemble du réseau national.
Faiblesses constatées
- desserte géographique de l'expérience limitée: sur neuf localités susceptibles d'abriter des stations de radios rurales locales (M'Baïki, Nola, Berberati, Carnot, Bouar, Bossembélé, Bossangoa, Bambari et Bangassou), seules quatre d'entre elles ont été retenues pour l'expérience (Nola, Berberati, Bouar et Bambari);
- méthodes de gestion artisanales;
- faiblesse des ressources financières dans certaines localités dépourvues des moyens de construction des pylônes, conformément aux dispositions prévues;
- non respect par les autorités administratives du calendrier et du plan d'aménagement des locaux et des sites devant permettre aux techniciens de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) d'installer les équipements dans les délais prévus;
- situation politico-militaire qui gèle la contrepartie du Gouvernement;
- destruction partielle des matériels et équipements radiophoniques lors des mutineries (bâtiments, émetteurs...);
- tendance à l'exploitation et à l'utilisation politique des radios rurales locales par les pouvoirs publics (exemple de Berberati);
- panne fréquente des émetteurs;
- non maîtrise de l'outil radiophonique.
RADIOS PRIVÉES
Le phénomène d'émergence des radios privées qui a secoué l'Afrique ces dernières années est apparu en République centrafricaine à partir de 1994.
Africa N° 1
Facteurs favorables
Africa N°1, suite à une convention signée avec la Radiodiffusion télévision centrafricaine, émet en direct à Bangui sur modulation de fréquence, de façon exclusive sous forme de location de temps d'antenne; son rayonnement géographique est de 80 km environ.
Faiblesses constatées
Cette station émet sur une fréquence (94 500 Mhz) réservée à la localité de Batinga, dans la préfecture de la Ouaka, ce qui pose un problème de réglementation à l'échelle nationale et internationale.
Radios catholiques
Facteurs favorables
- elles ont été installées à partir de janvier 1995 et leur développement est sous-tendu par une dynamique au sein de la société civile;
- Radio Notre Dame de Bangui, qui a lancé ses premières émissions en janvier 1995, couvre un rayon de 100 km. Elle associe évangélisation, éducation et développement. Elle occupe relativement bien l'espace radiophonique de la capitale, malgré ses équipements rudimentaires et son personnel réduit;
- Radio Siriri est en cours d'installation dans la ville de Bouar (FM 103 600 Mhz);
- d'autres localités sont déjà attributaires de leurs fréquences d'émission en F.M.: Berberati (102 300 Mhz), Bossangoa (103 400 Mhz), Bambari (103 500 Mhz) et Bangassou (104 600 Mhz);
- il existe un projet de création d'une radio catholique de couverture nationale.
Faiblesses constatées
- elles sont confrontées à des problèmes financiers;
- elles manquent de personnel qualifié.
Radio France Internationale
Facteurs favorables
- radio française également autorisée à émettre en direct à Bangui, sous la forme de location de fréquence et, selon une convention avec le Gouvernement centrafricain, a lancé ses émissions en modulation de fréquence à Bangui, le 7 avril 1997;
- contribue à la pluralité de l'offre d'information dans la capitale.
Faiblesses constatées
- son rayon d'action reste géographiquement limité;
- la langue de diffusion utilisée est également un facteur limitant.
TÉLÉVISION CENTRAFRICAINE
Inaugurée en 1974, elle est la seule télévision du pays.
Facteurs favorables
- atout moderne de communication;
- existence d'un grand pylône de 101,5 m de hauteur;
- normes techniques conformes à la plupart des Etats de l'Afrique francophone, avec le système SECAM K' 625 lignes, offrant donc des possibilités de coopération et d'échanges de programmes;
- puissant moyen de sensibilisation, d'information, d'éducation, de loisirs (dont l'impact est de loin supérieur à celui de la radio);
- raccordement au réseau CFI facilitant la réception en direct de certains événements d'importance internationale;
- studio de 150 m entièrement rénové et équipé;
- intérêt du public pour la communication audiovisuelle;
- intérêt des autorités politiques pour la télévision;
- puissant outil de relance sociale;
- réseau de télécommunication favorable au développement de la télévision.
Faiblesses constatées
- absence de plan directeur de développement actualisé;
- moyens financiers et matériels dérisoires;
- personnel peu formé dans l'ensemble;
- techniciens et ingénieurs en nombre insuffisant;
- couverture géographique encore limitée à la capitale Bangui;
- parc national de postes téléviseurs limité (6 000 postes environ);
- absence de voie montante vers le satellite;
- mauvaise maintenance des équipements et infrastructures de production et de diffusion;
- absence d'un plan de recyclage du personnel, en particulier des techniciens et ingénieurs des centres d'émission;
- absence d'une production nationale;
- absence d'une production cinématographique pour soutenir les programmes de la télévision nationale;
- compétences limitées dans le traitement de l'actualité de politique intérieure encore marquée par des diffusions intégrales;
- absence de station de télévision privée.
PRESSE ÉCRITE ET MÉDIAS IMPRIMÉS
La presse écrite et les médias imprimés constituent, dans un pays comme la RCA, des outils potentiels pour la promotion des actions de développement.
Facteurs favorables
- la RCA est l'un des rares pays d'Afrique au sud du Sahara qui dispose d'une langue parlée et comprise sur toute l'étendue du territoire. Le sango, décrété langue officielle en 1988, pourrait devenir la langue de l'administration et du système éducatif. Mais, malgré l'unité linguistique du pays, la presse en sango est quasi inexistante;
- liberté de publier relativement respectée depuis le processus de démocratisation du pays;
- existence d'une association professionnelle de journalistes et d'un groupement d'éditeurs de la presse;
- recours progressif à la PAO (Publication assistée par ordinateur);
- tendance des 15-29 et 30-34 ans, de niveaux secondaire et supérieur, à s'intéresser à la presse écrite (sondage réalisé à Bangui);
- prise de conscience grandissante de la population;
- possibilité d'utilisation collective des journaux par le sous-abonnement entre les lecteurs;
- vif intérêt du lectorat pour les débats d'idées suscités par l'avènement du multipartisme;
- naissance d'une trentaine de titres dans le pays.
Faiblesses constatées
- faible qualité technique et professionnelle des journaux;
- peu d'intérêt porté aux problèmes de développement (dans les journaux:11,2 % de l'espace rédactionnel);
- durée de vie des journaux et publications trop brève, périodicité
irrégulière, voire aléatoire;
- instabilité des régimes politiques;
- Agence Centrafrique Presse (ACAP) en totale léthargie;
- caractère artisanal des techniques d'édition;
- couverture géographique limitée généralement à Bangui;
- taux trop élevé d'invendus, malgré les faibles tirages;
- absence de structures de distribution et de vente par abonnement;
- contenu des journaux axé davantage sur les critiques partisanes que sur les analyses et propositions constructives;
- prix de vente trop élevé;
- "tracasseries" politico-judiciaires;
- absence presque totale de recettes publicitaires;
- équipe rédactionnelle peu formée ou pas formée du tout;
- non maîtrise des règles de gestion d'une entreprise de presse;
- dépendance vis-à-vis des unités de production permettant le processus de fabrication du journal;
- nombre limité des publics potentiels en raison du faible taux d'alphabétisation, limitant ainsi l'intérêt pour les communications écrites;
- difficultés d'approvisionnement des fournitures spécifiques (papier, encre, films, plaques...).
RECOMMANDATIONS
Le diagnostic d'ensemble réalisé sur la situation des médias publics et privés en République cenytafricainee a permis à l'atelier national de formuler les recommandations suivantes:
Considérant la défectuosité et la vétusté des infrastructures, des locaux et des équipements,
Considérant les limites géographiques de la desserte des différents médias (audiovisuels, presse écrite, médias imprimés),
Considérant la faiblesse des ressources matérielles, financières et humaines,
Considérant les problèmes organisationnels et administratifs dans la gestion des médias publics et privés,
Considérant le déséquilibre notoire entre les productions et les programmes destinés au monde rural et aux centres urbains,
Considérant l'importance des médias publics et privés dans le processus de développement,
Considérant l'importance de la communication pour le développement,
l'atelier national a recommandé:
- la remise en état des infrastructures et équipements de production et de diffusion;
- l'extension de la couverture géographique du territoire par les médias audiovisuels, à partir d'un schéma directeur de développement de la radio et de la télévision;
- l'adoption par le Gouvernement d'un train de mesures incitatives en faveur des médias privés (allégement fiscal et douanier);
- la mise en place d'un comité pluridisciplinaire de conception et d'élaboration des programmes audiovisuels en vue de prendre en compte les préoccupations du développement;
- la création d'une direction administrative chargée de promouvoir le développement de l'activité cinématographique et d'en faire un vecteur de communication éducative;
- la réorganisation et la dynamisation de l'Agence centrafricaine de presse (ACAP);
- le rattachement des télécommunications à la communication en vue de faciliter la coordination entre leur développement et la couverture télévisuelle et radiophonique du territoire;
- la création de clubs d'écoute de la radio et de la télévision rurales dans le cadre d'une approche communautaire des médias audiovisuels;
- l'organisation de la profession de journalistes et communicateurs et la définition de leur rôle dans le processus de développement (Mouvement associatif, syndicat ou autre);
- la sensibilisation de la société civile autour des missions assignées aux médias, en vue de l'intégrer dans l'utilisation et l'usage des différents médias (égalité d'accès aux médias, accroissement du volume horaire ou de l'espace rédactionnel au profit des programmes de développement).