Chapitre III
Communication pour le développement en République Centrafricaine
DIAGNOSTIC ET INVENTAIRE DES RESSOURCES
Aspects juridiques et réglementaires de l'information et de la communication
Facteurs favorables
Le cadre juridique, conçu dans un contexte de libéralisme politique, est venu confirmer le processus de démocratisation amorcé avec la Constitution de janvier 1995. Ainsi, l'environnement institutionnel de la communication connaît une évolution positive.
Actuellement, les textes juridiques (Constitution du 14 janvier 1995 et les actes réglementaires) reconnaissent la liberté de presse, d'opinion et d'expression. Il y est même préconisé la création d'un "Haut Conseil de la Communication", chargé d'assurer le respect de la liberté et la protection de la presse. Cette Constitution libérale garantit donc "la liberté d'éditer tous documents ou périodiques, (de) créer et administrer des journaux ou des institutions de formation". Elle garantit également "l'égal accès pour tous aux médias d'Etat" par le truchement d'un "organe indépendant dont le statut est fixé par la loi" (Haut Conseil de la Communication).
Faiblesses constatées
- décalage perceptible entre les discours officiels sur la liberté de la communication et les actes de certains acteurs politiques
- persistance d'attitudes négatives vis-à-vis des médias, des journalistes et animateurs de l'information, tant de la part des pouvoirs publics que de la société civile
- Radio Bangui, a été la cible de bombardements lors de la seconde mutinerie militaire de novembre 1996
- accès difficile des partis politiques aux médias étatiques, limitant ainsi un droit constitutionnel
- journalistes accusés de délits de presse et poursuite de certains journaux
- absence d'une loi sur la presse permettant d'édicter les règles de l'information, d'élaborer un statut des journalistes et de définir les rapports entre les médias et la société civile. Celle actuellement en vigueur, inspirée d'une loi coloniale du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (et reconduite par l'Ordonnance Plantey du 6 octobre 1958), est complètement obsolète et inadaptée au contexte socio-politique de la République centrafricaine d'aujourd'hui
- absence de code déontologique dans l'information
- absence de textes réglementaires devant régir le secteur privé de la presse et de l'audiovisuel
- absence d'un code régissant la publicité
- absence de dispositions incitatives dans le développement des initiatives en matière de communication pour le développement;
- absence de texte portant création de la structure de régulation (Haut Conseil de la Communication).
Après analyse de la situation:
Considérant l'écart existant entre l'esprit et la pratique des textes libéraux sur la liberté de la communication,
Considérant l'inefficacité du statut actuel des médias publics,
Considérant l'évolution politique socio-économique et socio-culturelle du pays,
Considérant le vide institutionnel dans le domaine de la communication pour le développement,
Considérant le caractère libéral de la Constitution du 14 janvier 1995,
Considérant l'importance de la communication pour le développement,
l'atelier national a recommandé:
- l'organisation de séminaires d'information, de sensibilisation à l'endroit des décideurs politiques et administratifs, des professionnels de la communication, des communautés de base et la société civile
- le désengagement progressif de l'Etat de l'espace médiatique et ce, par la création de structures autonomes
- la réalisation d'études socio-économiques portant sur les modes de gestion et de fonctionnement des médias publics
- le respect des règles déontologiques par les journalistes des secteurs public et privé
- la création d'un statut de communicateur pour le développement
- la libéralisation de l'espace médiatique national
- le respect par le Gouvernement des règles de la bonne gouvernance dans le domaine de la communication
- la mise en place d'un comité national de suivi chargé de veiller à l'exécution et à l'évaluation de la mise en oeuvre de la politique de communication pour le développement en République centrafricaine.
FORMATION AUX MÉTIERS DE LA COMMUNICATION
La formation des professionnels de la communication date d'une trentaine d'années, avec l'avènement des techniques modernes de diffusion, mais elle a plutôt été principalement axée sur le traitement de l'information publique.
Facteurs favorables
- la formation à la communication pour le développement est ressentie comme une nécessité dans l'administration publique
- les ONG, associations et groupements intervenant sur le terrain tendent eux aussi à organiser leur communication
- la demande de formation des agents de terrain à l'utilisation du matériel et des techniques de communication interpersonnelle est croissante.
Faiblesses constatées
- absence d'une politique de formation en communication pour le développement avec des méthodes d'évaluation corrective
- insuffisance des centres de documentation et de bibliothèque
- absence de centre d'échanges et de concertation sur les méthodes et les pratiques de communication expérimentées dans l'exécution des différents projets
- absence de formateurs qualifiés
- insuffisance numérique des agents d'encadrement
- insuffisance de panneaux d'images et d'affiches
- état défectueux des moyens modernes de communication (téléphone, fax, poste, réseaux routiers)
- manque de matériel d'animation pour la sensibilisation
- absence d'un système de suivi de la formation et de stage de perfectionnement des agents.
TÉLÉCOMMUNICATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT
Au regard des prévisions du plan de développement des télécommunications élaboré en 1983, le réseau national reste encore sous-équipé.
Facteurs favorables
Il faut souligner les investissements réalisés dans ce secteur, à savoir:
- réseau téléphonique numérique multifonctions, central télex numérique, liaisons internationales numériques, extension du réseau domestique par satellite TELCASAT
- réseau radio électrique à ondes décamétriques, pour le télégraphe et téléphonique, entre la capitale et quelques villes de province
- station terrienne de standard A du système INTELSAT à Bangui pour le trafic international, réseau cellulaire depuis 1995 et réseau de transmission de données par paquets (Centrapac) qui assure une ouverture vers le Minitel français et accès au réseau mondial l'INTERNET
- les grandes villes et la capitale ont largement bénéficié de ces investissements
- les infrastructures et équipements de télécommunications offrent des possibilités de couverture télévisuelle par satellite.
Faiblesses constatées
Des 67 localités principales ou secondaires, sièges de l'administration, seules quatre (Bangui, Bambari, Berberati et Bouar) sont dotées de réseaux téléphoniques assez fiables, assurant aux abonnés un service universel. Dans cinq autres villes (Bangassou, Bossangoa, Carnot, Kembé et M'Baïki) seules des cabines permettent le service téléphonique automatique national et international.
RECOMMANDATIONS
Ce tableau général de la communication pour le développement met en exergue un volume considérable de besoins. Les difficultés de communication entre les différentes localités, dues à l'état des voies de communication et des télécommunications, ont eu pour conséquences l'isolement des populations, de faibles échanges inter-régionaux, l'inaccessibilité à l'information, l'insuffisance de la vulgarisation des techniques de production agricoles, l'absence d'animateurs et d'agents d'encadrement dans les différentes localités concernées.
Après analyse de la situation, l'atelier national a formulé des recommandations à l'endroit du Gouvernement et de la société civile:
Considérant l'importance de la communication horizontale,
Considérant la nécessité de promouvoir les échanges entre les différentes régions,
Considérant l'importance des données économiques et sociales sur la République centrafricaine dans la conception des programmes et productions pour le développement,
Considérant l'importance de la langue sango et de l'éducation à la base,
Considérant l'importance de la communication pour le développement, l'atelier national a donc recommandé:
- l'organisation institutionnelle de l'espace de la communication pour le développement et sa dotation d'un cadre juridique et réglementaire
- l'adoption d'un statut approprié aux personnels évoluant dans le domaine de la communication pour le développement
- la mise en place de moyens techniques et logistiques permettant de promouvoir la communication horizontale
- l'institutionnalisation de rencontres périodiques entre animateurs et acteurs du développement des différents secteurs d'activité en vue d'une concertation sur les méthodes et les pratiques
- le développement des initiatives tendant à satisfaire les aspirations des populations exprimées lors des concertations régionales
- l'amélioration du réseau routier et des voies de communication inter-urbaines
- la création de centres de documentation et d'information réunissant les données monographiques en vue de favoriser des productions audiovisuelles et de presse adaptées aux différents contextes du pays
- la valorisation des animations de sensibilisation des populations et de vulgarisation des méthodes agricoles en langue sango
- l'équipement des localités et des centres ruraux de sources d'énergie renouvelables (éolienne, hydraulique, solaire et autres)
- la dotation harmonieuse et rationnelle des moyens de travail à toutes les structures intervenant dans le monde rural.