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5. AVENIR DE L'AQUACULTURE

Certains pays de la région ont effectué, concernant différents systèmes de pisciculture (par exemple mytiliculture en mer libre, écloseries pour esturgeons, hivernage et élevage des muges en étangs), des recherches relativement poussées par rapport à d'autres pays. Ces techniques, mises au point uniquement au niveau de la recherche pour le moment, devront tout d'abord être expérimentées localement, sur une échelle pilote, afin d'évaluer leur viabilité économique; après quoi, la technologie parfaitement mise au point et expérimentée pourra être transférée à d'autres pays de la région. Il faudra en outre accomplir un travail considérable de recherche et de mise au point pour élaborer des systèmes de pisciculture (par exemple, ostréiculture, culture des moules sur piquets en eau peu profonde, élevage en mer de la truite de mer, élevage en eau de mer de la truite d'eau douce) pour lesquels les techniques ou savoir-faire sont peu développés. Comme les ressources dont dispose chaque pays ne sont pas suffisantes pour permettre d'intensifier considérablement les recherches et les efforts de développement dans un grand nombre de directions, ils auraient avantage à travailler dans le cadre d'un effort coopératif. Il n'existe cependant pas de dispositif qui faciliterait l'échange d'expérience et d'expertise entre pays de la région. Un projet régional coopératif d'aquaculture serait l'instrument approprié pour combler cette lacune.

Dans le cadre d'un effort coopératif régional de ce genre, des centres de développement seraient créés dans les pays participants (par exemple, pour la mytiliculture en Bulgarie, l'élevage du muge en Roumanie, l'élevage de l'esturgeon en Turquie). Chaque centre aurait la responsabilité principale de faire proposer chaque type particulier de pisciculture, par des opérations pilotes, jusqu'à ce qu'il soit prêt à être transféré à un autre pays. L'expérience susceptible d'être trouvée en dehors de la région serait dirigée vers le centre le plus apte à l'utiliser efficacement et à en tirer la meilleure part pour la région dans son ensemble. Une fois mise au point une technique donnée, le centre se chargerait de former du personnel provenant d'autres pays et de superviser le lancement de nouvelles activités de développement.

On note aussi, à l'intérieur de la région, des différences en ce qui concerne les moyens de recherche de soutien, la Roumanie étant le plus compétent des trois pays visités en ce qui concerne la recherche fondamentale. Dans le cadre d'un effort régional, ce pays serait donc en mesure d'offrir à d'autres pays de la région des services de soutien technique dans des domaines tels que la nutrition, la génétique et la sélection, les maladies etc.

La mission n'a pas visité de centres d'aquaculture en URSS, mais on sait que ce pays dispose de moyens avancés tant en ce qui concerne la technologie piscicole que les activités de soutien. Si l'URSS devait se joindre à un programme coopératif sur l'aquaculture, elle serait sans aucun doute en mesure d'apporter une contribution majeure au développement de cette activité dans la région.

A côté de l'échange de technologies, la région de la mer Noire a besoin d'instaurer une coordination en matière d'activités aquicoles. Le gouvernment bulgare souhaite reconstituer ses ressources en espèces intéressantes telles que le turbot. Certains pays préparent déjà des programmes en vue de lâcher des esturgeons, des truites de mer et des saumons pour des expériences de mariculture. Ces expériences ne peuvent être limiter à de simples projets nationaux, car le poisson en cours de croissance et le poisson adulte accèdent à un terrain de pêche commun, la mer Noire. Des accords ont dû être conclus concernant l'utilisation rationnelle de cette ressource. La coordination des efforts jouera aussi un rôle important en ce qui concerne l'utilisation rationnelle des stations d'aquaculture. Par exemple, dans les installations une écloserie pourrait produire dans les premiers stades du développement, des alevins pour d'autres pays, jusqu'à ce que les besoins en alevins de chaque pays justifient la construction d'une écloserie. La lutte contre la pollution des eaux côtières est un autre domaine dans lequel les efforts nationaux doivent être coordonnés si l'on veut que les activités de développement de l'aquaculture donnent les meilleurs résultats. La Bulgarie, la Roumanie et l'URSS ont déjà un programme conjoint de lutte contre la pollution, mais il faut y faire participer aussi la Turquie.

Le meilleur moyen pour exécuter les activités susmentionnées consiste en un projet régional coopératif d'aquaculture, qui utiliserait les installations existantes ou en projet. La mission recommande un tel projet. Les services compétents en matière de pêche dans les pays visités ont unanimement soutenu la nécessité de tels efforts coopératifs et reconnu la valeur d'un projet régional aux fins de développement de l'aquaculture côtière dans la région. Les autorités de tous les pays visités se sont déclarées désireuses d'accueillir le siège d'un tel projet.

5.1 Recommandations concernant le développement de l'aquaculture en Bulgarie

Au cours de sa visite, la mission a pu se rendre compte de l'intérêt de l'Institut des pêches pour la culture de nombreuses espèces au moyen de divers systèmes d'élevage; pisciculture en étangs d'eau saumâtre et lagunes côtières, élevage des moules sur radeaux flottants, production en écloserie de poissons de mer et trutticulture en eau de mer au moyen de cages flottantes et de raceways en béton remplis par pompage. La mission recommande que les premiers efforts de développement se concentrent sur deux domaines: la mytiliculture et l'élevage de muges en lagune côtière et étangs de terre. L'exploitation d'une écloserie de poissons de mer est un objectif valable mais qui devrait se faire uniquement sur une échelle scientifique en attendant que les deux premiers efforts de développement soient bien lancés. Concernant la mise en oeuvre de ces projets, la mission a formulé les recommandations ci-après:

5.1.1 Moules

La zone du cap Kaliakra, où se fait actuellement la culture expérimentale des moules, semble adaptée à une culture commerciale à grande échelle et c'est là qu'il faudrait concentrer les efforts de développement. Cette zone est bien protégée de tous les vents, sauf des vents du sud. Les expériences préliminaires ont montré que la fixation du naissain est satisfaisante. Les températures mensuelles moyennes, qui varient entre 4,5° et 24,5°C, sont propices et, en fait, les premiers essais ont mis en évidence une croissance assez rapide. La faible amplitude des marées, 10–20 cm, se prête à la culture sur radeaux. Un fait très important est que les moules qui croissent en suspension ne fabriquent pas de perles.

La culture sur radeaux suspendus est recommandée, mais il conviendrait d'évaluer les systèmes utilisés dans d'autres pays afin de les comparer avec celui qui est utilisé actuellement.

Les cordages examinés par la mission étaient fortement encrassés. Le personnel travaillant sur le projet a signalé que c'était là l'un des plus gros problèmes, car le nettoyage est très coûteux. Certains pays, comme les Pays-Bas, la France et l'Espagne, ont mis au point des machines pour la manutention, le triage et le nettoyage des moules pendant la période de croissance. Il semblerait que l'adaptation de cette technique à la Bulgarie présenterait de nombreux avantages. Il serait peut-être possible d'éliminer complètement les collecteurs de naissain, comme l'a fait en France un exploitant de l'étang de Tau. Les petites moules recueillies pendant le triage et le nettoyage des moules plus âgées, fournissent tout le naissain nécessaire. Le site du cap Kaliakra dispose de l'électricité et de l'eau, de sorte que l'installation de l'outillage nécessaire ne devrait pas poser de problème.

La commercialisation des moules pour conserve par l'intermédiaire des circuits existants devrait être réalisable. C'est cependant la commercialisation de la moule pour sa consommation à l'état frais par l'industrie touristique qui devrait assurer les plus gros bénéfices. Il faudra évaluer les aspects hygiène et qualité de l'eau, de façon à pouvoir fixer des normes de qualité. Il faudra aussi mettre en vigueur une législation appropriée pour rendre possible la vente des moules en vue de leur consommation à l'état frais.

La région du cap Kaliakra ou certaines des lagunes pourraient aussi se prêter à l'ostréiculture. Il est donc recommandé de réaliser des expériences de culture sur radeaux afin de s'en assurer.

5.1.2 Pisciculture dans les lagunes côtières et en étangs en terre

Le principal problème de la pisciculture en lagune tient au fait qu'un grand nombre de poissons meurent pendant les mois d'hiver. La mise au point de méthodes d'hivernage, en particulier pour le muge, devrait recevoir une attention prioritaire. L'hivernage peut se faire de plusieurs manières. La première consiste à installer des zones arbitrées dans les lagunes. Cela suppose le fonçage de canaux profonds, la construction de digues intérieures et la plantation d'arbustes sur ces digues. Les digues et la végétation doivent briser le vent qui traverse les étangs et modifie la circulation de l'eau. L'eau dans les parties plus profondes reste alors au-dessus des seuils qui déclenchent la mortalité. Une seconde méthode consiste à capturer les jeunes muges au moment où ils migrent vers les estuaires et à les retenir pour les mois d'hiver dans des étangs profonds et protégés. Au printemps, quand la température de l'eau monte, ils peuvent être relâchés dans les lagunes. On peut aussi capturer les petits muges quand ils essayent de quitter les lagunes à l'automne, après une saison de croissance dans la lagune. On peut les garder en étangs pendant l'hiver, puis les élever sur place avec des aliments artificiels pendant leurs seconde et troisième années de croissance.

L'emplacement situé à l'extrémité sud du lac de Pomorie se prête à la construction d'étangs de reproduction et de croissance. L'extrémité nord du lac pourrait aussi être utilisée. Il existe quelques vastes retenues, précédemment utilisées pour la production de sel qui, moyennant de légères modifications, pourraient être exploitées pour l'élevage des muges en étangs. Il existe une route d'accès et les deux zones ont l'électricité. L'alimentation en eau est peut-être meilleure à l'extrémité nord du lac, où il semble qu'il y ait de meilleures possibilités d'obtenir une eau souterraine salée.

5.1.3 Recherches sur la technologie des écloseries pour espèces marines

Enfin, il faudra une écloserie pour fournir les alevins nécessaires à un élevage industriel du muges en étangs. Par ailleurs, une fois que les lagunes auront été modifiées pour assurer une protection contre la mortalité hivernale, d'autres espèces telles que le flet et le bar pourront être introduites. Les autorités bulgares s'intéressent en outre à l'empoissonnement de la mer avec des alevins d'espèces appréciées, dont les stocks ont décliné ces dernières années, comme c'est le cas pour le turbot. Pour toutes ces raisons, il sera utile de commencer à mettre au point une technologie des écloseries, au niveau de la recherche. La technologie des écloseries mise au point pour des espèces et conditions locales devrait être directement applicable aux autres pays de la région.

On peut se demander si l'emplacement qui se trouve à l'extrémité sud du lac de Pomorie convient à une écloserie, en raison surtout des médiocres conditions d'alimentation en eau. La mission recommande qu'on lui trouve un autre emplacement. De nombreux points de la côte pourraient convenir.

5.1.4 Assistance extérieure recommandée

Des experts à court terme devraient être trouvés pour donner des avis au personnel national dans les domaines ci-après: ingéniérie aquicole, en vue de concevoir des systèmes de mytiliculture; mécanisation du traitement des moules pendant la croissance; construction d'étangs; conception des écloseries; pisciculture lagunaire; pisciculture intensive en étangs; technologie des écloseries; collecte des alevins, culture d'aliments vivants et culture de mollusques; nutrition et technologie des aliments artificiels, hygiène des coquillages, et qualité de l'eau.

Deux techniciens nationaux devraient être envoyés pour un stage d'un mois afin de visiter des exploitations de mytiliculture commerciale, et trois autres devraient recevoir une formation d'un mois sur des stations de pisciculture en lagune et d'élevage de muges.

L'équipement spécialisé recommandé est le suivant: une machine pour nettoyer et trier les moules, du matériel de stérilisation de l'eau, du matériel d'analyse de l'eau, une péniche de travail avec treuil hydraulique et moteur, et des grillages à poissons.

5.2 Recommandations concernant le développement de l'aquaculture en Roumanie

La mission a eu l'impression que la Roumanie avait accompli un travail considérable de recherche et de planification, qui fournira les bases nécessaires du développement d'une industrie de mariculture. La mission est dans l'ensemble en accord avec les plans généraux de développement. Particulièrement encourageants sont les éléments acquis dans le domaine de la science fondamentale, sur lesquels la mariculture pourra s'appuyer à mesure qu'elle se développera et que de nouveaux problèmes surgiront.

Les recommandations particulières de la mission sont les suivantes:

5.2.1 Développement de la pisciculture dans le lac Istria

Ce site se prête à une expérimentation et à une démonstration des techniques de pisciculture. Il est facilement accessible par la route et a une bonne alimentation en eau saumâtre. Le sol est légèrement sableux mais retient bien l'eau et, avec des étangs convenablement construits, l'érosion peut ne pas être excessive.

Les expériences préliminaires ont donné de bons résultats, environ 1 000 kg/ha de muges cabots ont été obtenus. La croissance est un peu lente cependant, en raison des basses températures annuelles moyennes (11°C). Le muge cabot demande trois ans pour atteindre une taille commerciale de 0,6 à 0,8 kg. L'esturgeon prend encore plus longtemps: il faut 5 ans pour Huso huso et 6 ans pour les autres espèces.

Il n'est pas bon d'élever des poissons en étangs en culture intensive pendant des périodes aussi prolongées. Aussi est-il recommandé d'utiliser les deux étangs de 250 ha pour la reproduction. Ils devraient être empoissonnés, à faibles densités, en alevins de muges cabots, d'esturgeons, de flets ou d'autres espèces, qu'on laisserait grandir pendant deux ou plusieurs années en milieu naturel. Dans le cas du muge par exemple, à la fin de la seconde année, les gros poissons peuvent être piégés sélectivement en utilisant le système italien avec grillages du type “valliculture”. Avec ce système, le petit poisson reste libre de nager pour revenir dans l'étang, tandis que les poissons plus gros sont piégés. Les poissons de taille commerciale peuvent être vendus. Les poissons légèrement plus petits peuvent être transportés en étangs et croître en culture intensive avec alimentation artificielle pendant une autre saison. La température minimale de l'eau en hiver n'étant que de -1°C, il ne devrait pas être difficile de faire hiverner le muge.

Les recherches qui seront conduites sur la nouvelle station de recherche pourraient fournir à la Bulgarie et à la Turquie de précieuses orientations dans des domaines tels que l'hivernage, la mise au point d'aliments artificiels, l'aménagement des étangs, etc.

5.2.2 Mytiliculture en lagunes

Les essais actuels de mytiliculture en eau libre dans la mer Noire semblent dépourvues d'intérêt pratique, car les vagues provoquées par les tempêtes entraîneront de grosses pertes de moules et endommageront les stations de pisciculture. Il est recommendé d'essayer plutôt de cultiver des moules sur des pieux dans le lac Sinoe. Il faudrait recueillir de jeunes moules dans les eaux de la mer Noire et les transporter dans des stations d'élevage installées dans le lac.

Les conditions d'environnement dans le lac semblent favorables. Les températures estivales maximales atteignent 29,5°C et la glace ne se forme pas en hiver. La faible salinité pourrait poser un problème dans certains endroits, mais sera probablement suffisamment élevée à proximité du raccordement avec la mer.

La mission recommande que l'on entreprenne un essai de mytiliculture dans le lac Sinoe, le centre principal de la coopération technique en matière de mytiliculture se situant en Bulgarie.

5.2.3 Culture intensive de crevettes Penaeidae

La technologie de la crevetticulture intensive est encore au stade de l'élaboration. Ses besoins énergétiques sont élevés, car la crevette Penaeidae demande des températures tièdes et une eau propre pour croître. Dans les zones tempérées, l'eau doit être chauffée et recyclée à travers des filtres pour empêcher l'accumulation de métabolites nuisibles. A la connaissance des membres de la mission, il n'existe pas d'exemple réussi d'entreprise commerciale de ce type qui pourrait être proposé pour les zones tempérées de Roumanie. La plupart du temps, il s'agit d'activités intéressant les régions tropicales ou semi-tropicales, où les coûts d'énergie sont bien moindres.

Une alimentation artificielle très efficace est aussi une des conditions de ce type d'aquaculture. Nos connaissances concernant la nutrition de la crevette sont encore minces et les meilleures formules d'aliments sont des exclusivités. Si l'on commence à cultiver la crevette, il est indispensable de passer un accord pour fabriquerles aliments sur place.

Compte tenu de ces considérations et de difficultés diverses, la mission ne recommande pas l'élevage de la crevette Penaeidae, autrement que pour la recherche, à moins que les coûts et les risques ne soient pris en charge par la société qui préconise l'élevage de la crevette en Roumanie. Quant au personnel et aux crédits du gouvernement, il est probable qu'ils seraient utilisés de façon plus profitable dans d'autres secteurs.

5.2.4 Recherche

Les recherches conduites à ce jour sont de haut niveau et devraient se poursuivre. Elles apporteront les éléments nécessaires pour résoudre les problèmes qui se poseront dans l'avenir à mesure qu'ils se présenteront, ce qui ne fait pas de doute, dans des domaines tels que les parasites, les maladies et la nutrition. Elles auront leur utilité non seulement pour la Roumanie, mais aussi pour d'autres pays de la région qui ne disposent pour le moment, en ce qui concerne la recherche, que d'installations et d'un personnel limités.

5.2.5 Assistance extérieure recommandée

Il faudrait trouver des experts à court terme chargés de donner des avis au personnel national et de l'aider dans les domaines ci-après: ingéniérie aquicole, en ce qui concerne la conception et la construction des étangs; conception de systèmes de mytiliculture, et conception de barrages et grillages du type utilisé en valliculture; culture lagunaire, pisciculture intensive en étangs d'eau saumâtre; collecte des alevins et conchyliculture; nutrition et technologie des aliments pour animaux; ainsi que physiologie de la reproduction.

Deux fonctionnaires nationaux devraient être envoyés pour un voyage d'étude d'un mois pour voir des élevages de muge et des centres de collecte des alevins, ainsi que des opérations de valliculture en Italie. Un fonctionnaire devrait être envoyé pour suivre pendant un mois un stage de mytiliculture. Le matériel spécialisé recommandé est le suivant: matériel d'analyse de l'eau, péniche de travail avec treuil hydraulique et moteur; petite embarcatione avec moteur hors bord; écrans à poisson; pompes à eau, distributeurs automatiques d'aliments, etc.

5.3 Recommandations concernant le développement de l'aquaculture en Turquie

Le gouvernement avait demandé que la mission évalue le potentiel des muges cabots, moules, truites de mer, esturgeons et turbots. La mission a formulé les recommandations ci-après:

5.3.1 Muges cabots

Certains endroits offriraient des constitutions appropriées à un élevage industriel de muges assez important. Le climat est doux, la température de l'eau n'atteint jamais le point de congélation. Les pluies sont modérées (73,5 cm par an dans la région de Samsun). Les muges cabots sont très prisés de la population et atteignent un prix élevé. Il semble qu'il y ait suffisamment d'alevins sauvages pour soutenir des activités aquicoles. Compte tenu de ces facteurs, la mission recommande que des efforts soient déployés pour développer la culture des muges cabots, en particulier de M. cephalus. Comme la technologie de cet élevage est relativement bien connue, il ne devrait pas être trop difficile d'adapter aux conditions locales des techniques mises au point ailleurs, et la mission recommande que cette activité de développement reçoive la plus haute priorité.

Sur la côte de la mer Noire, la zone de delta de la rivière Rouge près de Bafra convient très bien. Le développement pourrait commencer par l'installation de vannes de commande de l'eau et de grillages à poissons dans les raccordements entre les lacs et la mer. Il faudrait construire un certain nombre d'étangs. Les petits muges pris dans les grillages à poissons pourraient servir à empoissonner les étangs où ils hiverneraient et acquerraient une taille plus grande au cours de la saison suivante. Avec une certaine expérience de la pisciculture en étangs, on pourra commencer à empoissonner avec des alevins au lieu de poissons plus gros. Pour préparer cette étape, il faudrait étudier l'abondance et les caractèristiques saisonnières des alevins.

Les données concernant l'aménagement de la pisciculture en étangs, les taux d'empoissonnement, l'alimentation artificielle et la technologie des aliments pour animaux mis au point auprès du centre principal roumain pour l'élevage du muge seront très utiles pour développer cette activité en Turquie.

5.3.2 Moules

La mission n'a pas trouvé en Turquie les vastes baies protégées qui conviennent à la culture sur radeaux, bien qu'une bonne partie du littoral entre Samsun et Rize ait été inspectée. Les températures de l'eau, qui varient de 20 à 23°C, devraient permettre une bonne croissance. La productivité n'a pas été bien étudiée, mais elle serait plus faible que dans les eaux européennes. L'amplitude des marées (10 cm) favoriserait la culture sur radeaux, mais il est indispensable d'assurer une protection adéquate des radeaux et il est douteux que cela puisse se faire en mer libre. Des vents nord-nord-ouest soufflent en hiver, soulevant à l'occasion des vagues de 2 mètres. On dit que dans certains endroits les vagues atteignent parfois 7 m mais, d'après l'état du rivage, il ne semble pas que les vents d'hiver puissent causer beaucoup de dommages.

La méthode de la culture sur le fond repose sur les principes ci-après: apport suffisant et régulier de naissain; zones protégées avec fond marin stable, et qualité de l'eau favorisant une bonne croissance et on bon engraissement. On n'a pas trouvé trace de jeunes moules dans aucune zone et, s'il existe probablement des endroits bien protégés avec des fonds stables, la qualité de l'eau ne pourrait être évaluée sans un programme de recherche.

Si la température de l'eau, l'amplitude des marées et l'absence de tempêtes hivernales favorisent la culture sur radeaux ou sur râteliers suspendus, on n'a pas trouvé de zones fermées offrant une bonne protection. Aucune expérience n'a été faite en vue d'établir les zones de fixation et les taux de fixation. De telles expériences permettraient aussi de voir si les conditions s'améliorent quand on s'éloigne du fond et fourniraient des renseignements précieux sur les taux de croissance. Elles pourraient être réalisées à relativement peu de frais en utilisant des cordages suspendus à des bouées en un certain nombre de points.

Les renseignements de base dont on dispose concernant les taux de croissance, les indices de condition, la qualité de l'eau et la productivité des moules dans les eaux turques de la mer Noire, ne sont pas suffisants pour qu'on puisse en tirer des indications significatives sur le potentiel réel. Ils laissent à penser que la culture loin du fond serait limitée par le manque de zones protégées, étendues et nombreuses. La culture sur le fond pourrait être entravée par l'absence de gisements de naissain étendus et stables ou par la disponibilité de zones de réimplantation qui permettraient d'améliorer les conditions et d'assurer la croissance.

Etant donné les possibilités limitées et l'inexistence de la demande de moules alors qu'on a constaté le potentiel d'autres espèces et la nécessité de cultiver l'esturgeon et le muge en particulier, la mission ne saurait recommander la mise en route d'un projet de mytiliculture en mer Noire à ce stade.

La Direction des produits aquatique devrait cependant être encouragée à entreprendre un projet de recherche qui servirait à délimiter les zones de fixation et qui indiquerait les améliorations qui pourraient être obtenues, le cas échéant, par des essais à l'écart du fond en ce qui concerne la croissance et la condition des moules. Ce projet pourrait être réalisé à peu de frais, en suspendant des cables à des bouées en certains points et en surveillant l'évolution de la situation.

5.3.3 Truite de mer

La mission n'a pas été en mesure de se procurer suffisamment de renseignements pour décider s'il est opportun de créer une écloserie destinée à produire de jeunes truites pour empoissonner la mer. Il faudrait pour cela des renseignements détaillés sur les antécédents de ce stock et une estimation précise de sa situation actuelle. La mission recommande que les études nécessaires soient réalisées afin de recevoir les informations avant qu'une décision soit prise.

5.3.4 Esturgeon

La rivière Rouge et la rivière Verte constituent des frayères naturelles pour l'esturgeon et les stocks qu'elles abritent alimentaient jadis une pêcherie de taille appréciable. Cette pêcherie a beaucoup décliné et sa production risque de diminuer encore à la suite de la construction d'un barrage.

L'expérience acquise en URSS a montré l'avantage que l'on pouvait tirer en lâchant en mer des alevins produits en écloseries. Grâce à un réempoissonnement bien conçu, l'URSS produit actuellement entre 25 et 27 000 t d'esturgeons par an dans les mers Caspienne et d'Azov. Les mesures prises en URSS pour repeupler la mer Noire avec des esturgeons cultivés originaires de la mer Caspienne, gardés dans des centres d'alevinage puis lâchés à la mer, se sont traduites par une augmentation de 50 pour cent du nombre total d'Acipenseridae entre 1971 et 1976. Suite aux progrès réalisés par l'URSS, l'Iran a entrepris des projets analogues dans la mer Caspienne et la Roumanie prépare aussi un programme de ce genre.

Les calculs faits par les Roumains quant aux bénéfices du repeuplement, d'après l'expérience faite en URSS, sont moins optimistes que ceux du Départment des pêches qui se fondent sur des projections iraniennes. Le taux de retour escompté des lâchers roumains n'est que de 1 pour cent et l'âge moyen au retour est, d'après les projections, de 18 à 20 ans pour H. huso de 50 kg et de 15 ans pour A. stellatus de 15 à 20 kg. Le Départment des pêches projette un retour de 3 pour cent à un âge moyen de 7 à 8 ans. La mission est d'avis que l'idée de lâcher de jeunes esturgeons en mer est viable. Etant donné que le délai qui s'écoulera avant que la première classe de poissons soit récoltée est assez long, entre 8 et 15 ans, elle a sur la place du développement une priorité inférieure à l'exploitation du muge. Il est néanmoins indispensable d'obtenir l'avis technique des experts avant de mettre définitivement au point des plans de développement. Le point le plus urgent concerne le choix d'un emplacement pour l'écloserie. Une écloserie d'esturgeons exige une eau très propre - alors que, à l'endroit proposé et visité par la mission, l'eau de la rivière est extrêmement trouble. Il faudrait évaluer d'autres sites possibles, en particulier ceux où l'on pourrait utiliser l'eau propre évacuée des barrages. Il faudrait déterminer la taille optimum au moment du lâcher ainsi que les points où il devrait être réalisé.

Bien que les autorités roumaines ne soient pas très désireuses d'insérer leur programme esturgeon dans un projet régional, leur expérience pourrait être utile à la Turquie.

5.3.5 Turbot

La mission n'est pas favorable à la culture du turbot. Il s'agit là d'une technologie qui n'est pas encore au point et ses avantages ne sont pas encore clairement établis. Plusieurs pays, y compris l'URSS, ont des expériences en cours pour mettre au point une technologie viable pour l'élevage du turbot. Il se pourrait que celle-ci devienne une activité de développement intéressante en Turquie à l'avenir mais, pour le moment, les efforts devraient se concentrer sur des espèces telles que le muge et l'esturgeon dont la rentabilité est mieux assurée. D'ici là, l'écloserie de poissons d'eaux saumâtres qui existe en Bulgarie aura réuni l'expérience nécessaire pour la culture du turbot de la mer Noire.

5.3.6 Assistance extérieure recommandée

En dehors des avantages qui découleront d'une coopération avec les autres pays de la mer Noire, il faudrait une assistance extérieure supplémentaire. La mission recommande ce qui suit:

  1. Muge

  2. Esturgeon

  3. Truite de mer


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