J. Fries et J. Heermans
Le présent article passe en revue certains des principaux problèmes que soulève la gestion des forêts naturelles dans les régions arides et semi-arides d'Afrique. Il se fonde sur l'expérience des auteurs et les résultats de l'Atelier FAO sur l'aménagement et la gestion participative des forêts naturelles en zone sahélienne, tenu à Ouagadougou (Burkina Faso) en mai 1990.
Jöran Fries est associé au Centre international de développement rural de l'Université suédoise des sciences agronomiques, à Uppsala (Suède).
John Heermans est spécialiste indépendant en foresterie et gestion des ressources naturelles. Il est basé dans le Vermont (Etats-Unis).
Le défaut de plans d'aménagement des forêts, ainsi que de moyens pour mettre en uvre des plans de ce genre, est l'une des causes fondamentales de la dégradation de l'environnement et de la réduction du couvert forestier naturel en Afrique. Cette situation tient en grande partie au fait que les efforts entrepris dans le passé ont été axés sur la foresterie de plantation et l'introduction d'essences exotiques à croissance rapide, plutôt que sur la gestion des forêts existantes.
L'aménagement forestier tel que conçu par les pouvoirs publics a souvent consisté en l'extirpation de la «broussaille inutile» pour faire place à des plantations industrielles ou à des forêts villageoises. Beaucoup de ces efforts ont échoué, pour toute une variété de raisons: les coûts de la plantation ont été sous-estimés; la production a été surestimée; enfin, et c'est là peut-être le plus important, on a négligé de faire appel à la participation de la population locale (et même à celle de techniciens locaux) au stade de la conception des projets. Le résultat final de cette approche a été que l'on a conduit de très nombreuses recherches et réuni une grande quantité d'informations sur la croissance des espèces exotiques et les méthodes de sylviculture à leur appliquer, tandis que l'on a acquis relativement peu d'expérience en matière d'aménagement des forêts naturelles. En outre, les systèmes traditionnels d'aménagement ont été défavorisés par les gouvernements qui continuent d'exercer leur autorité sur de vastes zones forestières pâturées et défrichées à l'aveuglette, peu de contrôle étant exercé par les agents forestiers (qui s'efforcent d'appliquer les lois alors qu'il n'existe pas de plan d'aménagement des forêts). La planification de l'utilisation des terres et l'aménagement des forêts naturelles justifient une priorité immédiate, si l'on veut éviter que les ressources forestières restantes en Afrique aride et semi-aride ne diminuent encore ou même ne disparaissent complètement.
Afrique de l'Ouest
Pour ce qui est des précipitations, on peut reconnaître deux types de zones semi-arides en Afrique de l'Ouest: la ceinture saharo-sahélienne, qui reçoit entre 150 et 600 mm de pluie par an, et la ceinture soudano-sahélienne, qui en reçoit de 600 à 1000 mm (voir carte). L'isohyète 600 mm traverse les parties septentrionales du Sénégal, du Burkina Faso et du Nigéria, tandis que la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad ont la plus grande partie de leurs territoires au nord de cette ligne. La majorité des forêts naturelles de la région se trouvent au sud de celle-ci, exception faite des forêts-galeries consistant principalement en Acacia nilotica et des forêts claires de gommiers (Acacia senegal). Le présent article se concentre sur la zone soudano-sahélienne entre les isohyètes 600 et 1000 mm et sur les pays suivants: Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal et Tchad. Le Nigéria a été omis en raison de l'absence d'information concernant spécifiquement les forêts sahéliennes de la partie septentrionale du pays.
Jackson et al. (1983) décrivent comme suit la composition des forêts en Afrique semi-aride: «La sous-espèce raddiana d'Acacia tortilis prédomine dans les zones les plus sèches. A mesure que s'élève la pluviométrie, d'autres acacias lui succèdent, comme A. senegal et A. laeta, tandis que A. seyal préfère les sols plus lourds et que l'on rencontre des zones peuplées de Commiphora africana et Ziziphus mauritania. Dans les zones caractérisées par une pluviométrie encore plus intense, les Combretaceae commencent à dominer la végétation avec Anogeissus leiocarpa, Combretum glutinosum, C. micranthum et Guiera senegalensis. Les forêts qui leur succèdent abritent Isoberlinia doka, Pterocarpus erinaceus, Daniellia oliveri et Khaya senegalensis. Dans les zones les plus humides, des peuplements denses peuvent se former. Enfin, apparaissent au Sénégal, dans la Casamance, des espèces plus typiques de la forêt tropicale humide, tels que Daniellia ogea et Erythrophleum ivorence.
TABLEAU 1. Estimations des superficies couvertes de végétation ligneuse naturelle à la fin de 1980
Pays |
Formations à prédominance d'arbres1 |
Formations de végétation ligneuse et jachères1 |
Superficie annuellement défrichée1 |
Terrains boisés secs2 |
(milliers d'hectares) |
||||
Burkina Faso |
7200 |
14700 |
60 |
|
Mali |
8800 |
17300 |
40 |
|
Niger |
2900 |
11900 |
60 |
|
Sénégal |
11045 |
14160 |
49 |
|
Tchad |
13500 |
24050 |
80 |
|
Afrique de l'Ouest |
43445 |
82110 |
289 |
|
Botswana |
32560 |
52560 |
30 |
51900 |
Ethiopie |
27150 |
62450 |
10 |
70500 |
Kenya |
2360 |
40465 |
20 |
46300 |
Malawi |
4271 |
4651 |
150 |
1000 |
République-Unie de Tanzanie |
42040 |
59950 |
120 |
54100 |
Somalie |
9050 |
62100 |
10 |
60900 |
Soudan |
47650 |
146250 |
500 |
127000 |
Zambie |
29510 |
40310 |
30 |
23200 |
Zimbabwe |
19900 |
20800 |
70 |
38000 |
Afrique orientale et australe |
214581 |
489526 |
940 |
472900 |
1 Source: FAO, 1981
2 Source: Wormald, 1984
De nombreuses zones sont caractérisées par une forêt largement affectée par l'activité humaine et dans laquelle certaines essences essentiellement appréciées pour leurs produits sont conservées, tandis que le reste de la forêt est défriché pour céder la place aux cultures, laissant ainsi une savane-parc. Dans les régions plus sèches, les espèces principales de cette forêt «anthropogène» sont Adansonia digitata, le baobab et Acacia albida. Dans les parties les plus humides de cette région, de vastes zones sont peuplées de Vitellaria paradoxa (karité), Butyrospermum paradoxum, Parkia biglobosa (néré) et Tamarindus indica.
Certaines formations végétales ne se trouvent que dans des situations édaphiques spécifiques, comme les sous-espèces nilotica et tormentosa d'Acacia nilotica dans les zones inondées de façon saisonnière, et les mangroves (Rhizophora, Avicennia) dans les régions inondées périodiquement par de l'eau salée ou saumâtre. Il faut également mentionner les palmeraies de palmiers «doum» (Hyphaene thebaica) et de «rôniers» (Borassus aethiopium). Les premiers poussent typiquement le long des cours d'eau temporaires et au bord des fleuves dans les zones très arides, tandis que les seconds se répartissent plus largement dans les zones plus humides.»
Le tableau 1 montre la superficie totale de la végétation ligneuse naturelle dans les cinq pays précités. A noter que certaines parties de ces zones se trouvent au sud de l'isohyète 1000 mm et n'appartiennent donc pas strictement à la région semi-aride. Le tableau reproduit également des estimations faites par la FAO (1981) du défrichement annuel des formations où prédominent les arbres. La proportion totale pour les cinq pays est de 0,67 pour cent, chiffre qui semble peu élevé. Il est certain que la réduction annuelle de la superficie occupée par les forêts est beaucoup plus importante dans les zones à forte densité de population. Par exemple, au Burkina Faso, Ouadba (1983) a étudié l'évolution du couvert forestier et de l'utilisation des terres dans une zone située à 50 km d'Ouagadougou. Examinant une superficie de 8000 ha, il a comparé des photographies aériennes prises en 1958 et 1979 (voir tableau 2).
Les résultats ont montré que la forêt naturelle a presque complètement disparu au cours de cette période de 21 ans, au profit de zones cultivées et de jeunes jachères.
TABLEAU 2. Couverture végétale et mode d'utilisation des terres en pourcentage de la superficie totale examinée, au Burkina Faso
Type de terre |
1958 |
1979 |
(pourcentage) |
||
Terres cultivées et jeunes jachères |
0,2 |
72,3 |
Vieilles jachères |
15,6 |
22,4 |
Végétation naturelle (forêt) |
73,9 |
1,4 |
Autres types |
4,3 |
3,9 |
Total |
100,0 |
100,0 |
Source: Ouadba, 1983.
TABLEAU 3. Forêts «réservées» à l'usage du gouvernement dans cinq pays d'Afrique de l'Ouest (1980)
Pays |
Superficie |
(km2) |
|
Burkina Faso |
7270 |
Mali |
11307 |
Niger |
2118 |
Sénégal |
13550 |
Tchad |
4500 |
Total |
38745 |
Source: Jackson et al, 1983.
TABLEAU 4. Prix de gros du bois de feu empilé: répartition par éléments du coût
Eléments du coût |
Coût par stère1 |
(FCFA) |
|
Rémunération directe des bûcherons |
610 |
Fonds de roulement de la coopérative |
200 |
Taxe forestière |
300 |
Fonds d'aménagement pour l'entretien de la forêt |
500 |
Total |
1610 |
1 1 stère = 1 m3.
Afrique orientale et australe
Dans son rapport intitulé The management of the natural forests in the arid and semiarid zones of East and Southern Africa (Aménagement des forêts naturelles dans les zones arides et semi-arides d'Afrique orientale et australe), Wormald (1984) examine la situation dans les pays suivants: Botswana, Ethiopie, Kenya, Malawi, République-Unie de Tanzanie, Somalie, Soudan, Zambie et Zimbabwe. Excluant les forêts «miombo» les plus humides, Wormald divise la zone restante en deux types de végétation principaux: «Dans le nord (Ethiopie, Somalie, Kenya et jusqu'en République-Unie de Tanzanie), les fourrés et le «bush» à feuillage caduc d'Acacia et de Commiphora somalo-masaï [prédominent]. Les espèces représentées comprennent Acacia tortilis, A. seyal, A. nilotica, A. senegal, A. albida, A. xanthophloea, A. mellifera, A. drepanolobium, A. etbaica, A. reficiens, Commiphora spp., y compris C. molmol dont le gemmage est pratiqué pour recueillir la myrrhe en Somalie, diverses espèces de Combretum spp., Adansonia digitata, Terminalia brownii et T. prunicides.
Dans le sud, la végétation miombo [prédomine] avec Brachystegia spiciformis, B. longifolia, B. boehmii, B. microphylla, Pterocarpas angolensis, Julbernardia peniculata, J. globiflora, Afzelia cuanzensis, Burkea africana, Commiphora spp., Combretum spp., Pericopsis angolensis et Dalbergia melanocylon. »
La superficie totale couverte par les formations à prédominance d'arbres dans les neuf pays inclus dans l'étude de Wormald était de 215 millions d'ha en 1981 (FAO, 1981). Une partie de ce territoire est certainement trop humide pour être appelée aride ou semi-aride. Toutefois, la comparaison entre les chiffres FAO concernant les formations végétales ligneuses et les chiffres concernant les terrains boisés secs dans les neuf pays étudiés par Wormald montre que le chiffre total pour les formations ligneuses est proche du chiffre total donné par Wormald pour les terrains boisés secs, quoiqu'il y ait quelques différences d'un pays à l'autre.
Selon la FAO (1981), près de 1 million d'ha, soit 0,44 pour cent de ces formations à prédominance d'arbres, sont défrichés chaque année. De même qu'en Afrique de l'Ouest, on peut conjecturer que le défrichage est inégalement réparti et se concentre dans les zones à forte densité de population et les zones proches des centres urbains. Un exemple vaut la peine d'être mentionné, à savoir celui des basses-terres situées au sud d'Addis-Abeba où les forêts d'acacia-savane qui occupaient de vastes superficies pendant les 20 dernières années ont été transformées en forêts claires avec des arbres dispersés. Dans ce cas, le défrichement a une double raison, à savoir la production de bois de feu et le pâturage intensif (Peterson Ole, communication orale).
L'intérêt que suscitent la conservation et l'aménagement des forêts naturelles d'Afrique de l'Ouest remonte à l'époque coloniale où les forêts étaient «réservées» à l'usage du gouvernement. Selon Jackson et al.. (1983), aux alentours de 1980 la superficie de ces «forêts classées» représentait, dans les cinq pays d'Afrique de l'Ouest, 9 pour cent de la superficie totale des formations à prédominance d'arbres (voir tableau 3). Il faut ajouter à ce chiffre les superficies beaucoup plus importantes mises de côté en tant que parcs nationaux ou réserves de gibier.
L'intention était que la conservation, l'aménagement et l'utilisation de ces forêts classées seraient assurés par les gouvernements respectifs. Mais, malgré l'intérêt manifesté en théorie pour l'aménagement des forêts naturelles, on n'a presque rien fait de concret. Certains des principaux obstacles au développement de l'aménagement des forêts naturelles en Afrique ont également été hérités des gouvernements coloniaux d'autrefois, à savoir les pratiques et approches périmées. Les forestiers continuent de s'occuper principalement d'élever des jeunes plants dans des pépinières pour les nombreux programmes de boisement et de plantation. Les forêts naturelles, par ailleurs, ont fait l'objet d'un certain protectionnisme. L'abattage d'arbres sur pied à des fins commerciales reste illégal dans la majorité des pays, le résultat étant que les peuplements surâgés prédominent dans une grande partie des terrains boisés et forêts nationales. Simultanément, le pâturage incontrôlé empêche la régénération.
Lorsque des efforts de conservation ont été entrepris, ils ont souvent été axés sur des forêts nationales très dégradées, en négligeant les zones en relativement bon état. Beaucoup de forêts et terrains boisés dégradés en Afrique sont «stables» dans cet état; souvent, les importants capitaux qu'exige le boisement pourraient être mieux investis dans l'aménagement de terrains boisés et de forêts qui sont plus ou moins intacts et qui pourraient être gérés de façon durable aux fins de la production de bois, produits d'origine animale et autres.
Wormald (1984) conclut son étude de neuf pays d'Afrique orientale et australe dans les termes suivants: «L'aménagement des terrains boisés publics et communaux est négligeable. Même dans les réserves forestières, l'aménagement n'est pas intensif et n'implique pas beaucoup plus que le brûlage précoce dans les miombos et les forêts de teck, et la conduite de patrouilles pour contrôler le pâturage et les incursions de l'agriculture.» Le seul exemple d'aménagement plus intensif de forêts naturelles identifié par Wormald concernait la production de gomme arabique, provenant principalement d'Acacia senegal au Soudan. Récemment, un certain nombre d'initiatives ont été prises, plusieurs d'entre elles étant axées sur l'aménagement de la faune; dans l'ensemble, toutefois, l'aménagement des forêts naturelles dans la sous-région est encore minimal.
En contraste avec ce tableau globalement négatif, quelques progrès décisifs en matière d'aménagement des ressources naturelles font apparaître des possibilités considérables de gérer durablement et profitablement les forêts naturelles en Afrique occidentale semi-aride, sous réserve que les activités soient planifiées et conduites en étroite coopération avec la population locale. Trois de ces «cas de succès» sont brièvement décrits ci-après.
Forêt de Guesselbodi (Niger)
La forêt de Guesselbodi est située à environ 25 km à l'est de Niamey, au Niger, dans une zone où il tombe environ 700 mm de pluie par an. En 1981, une initiative a été prise en vue d'aménager 5000 ha de «bush» très dégradés au cours des années précédentes par suite de la coupe excessive de bois, du surpâturage, des incendies et de l'érosion consécutive. Des photographies aériennes montraient que de 40 à 60 pour cent de la couverture végétale avaient disparu entre 1950 et 1979.
De petits rameaux sont étalés sur le sol et décomposés par les termites
Un garde à dos de chameau dans la forêt de Guesselbodi
Régénération de Combretum nigricans après traitement en taillis
La stratégie d'aménagement a reposé sur le concept de participation populaire, selon lequel les villageois utiliseraient la forêt pour produire le revenu nécessaire pour assurer la continuité de l'opération. Conformément au plan d'aménagement qui a été appliqué à partir de 1983, la forêt a été divisée en 10 parcelles d'environ 500 ha chacune. Chaque année, une de ces parcelles est récoltée et traitée, ce qui donne une rotation de 10 ans, correspondant au temps nécessaire aux espèces dominantes (appartenant principalement au genre Combretum) pour atteindre de nouveau une taille exploitable après une coupe de rajeunissement.
Tous les arbres dont le tronc dépasse un certain diamètre minimal (3 cm pour Guiera senegalensis et 4 cm pour toutes les autres espèces de Combretum) sont abattus, et le bois de feu commercial est empilé au bord de la route pour être vendu. Les plus petits rameaux sont étalés sur des terres dénudées où ils sont décomposés et mélangés à la terre par les termites. Cela a pour effet d'améliorer l'état du sol et sa teneur en matière organique, ainsi que d'accroître l'infiltration de l'eau. Les débris jouent également le rôle de piège pour les feuilles et autres matières organiques transportées par le vent. Ces mesures sont associées à d'autres, telles que la construction de buttes de pierres ou de terre, ou la plantation d'arbres et d'herbe dans des trous semi-circulaires. Le résultat est un micro-environnement qui favorise la croissance.
Les zones défrichées sont protégées contre le pâturage pendant les trois premières années, mais elles peuvent ensuite être utilisées pour un pâturage contrôlé. La récolte de l'herbe comme fourrage est également autorisée à certaines époques de l'année.
Ce système d'aménagement vise à assurer la stabilité et même l'accroissement de la production, puisqu'il est économiquement à la portée de la population proche, qui peut s'acquitter de la tâche dans son propre intérêt. Le revenu de la vente du bois de feu et des droits de pâturage, et autres avantages tels que la récolte de fourrage pour l'alimentation à l'étable, la culture et la chasse peuvent permettre de couvrir la majorité des frais engagés pour la récolte, les mesures antiérosion, la protection, etc. Au moment de la rédaction du présent article, l'action entreprise dans la forêt de Guesselbodi a presque réussi à assurer la durabilité de la production, et des activités de suivi sont en cours en vue d'améliorer encore les méthodes d'aménagement et la rentabilité.
Forêt de Nazinon (Burkina Faso)
Ce projet a été entrepris en 1986. La forêt de Nazinon se trouve à 90-120 km au sud d'Ouagadougou, dans une zone recevant de 800 à 900 mm de pluie par an. Elle recouvre une superficie de 25000 ha, divisée en unités d'aménagement de 2000 à 4000 ha. Chacune de ces unités est elle-même divisée en 20 parcelles; les arbres sont abattus à raison d'une parcelle par an, ce qui donne une rotation de 20 ans.
Conformément aux règles préliminaires établies, 50 pour cent du volume récoltable sont abattus. On épargne délibérément les arbres vigoureux et bien formés de certaines essences susceptibles d'assurer plus tard un revenu plus important.
Le bois est vendu à des acheteurs privés qui le transportent jusqu'à Ouagadougou pour le revendre. Ils paient 1610 FCFA le stère (1 m3) de bois de feu empilé (voir au tableau 4 la répartition des coûts).
Le montant total reçu permet donc de couvrir tous les frais, y compris les frais d'aménagement de la forêt. Le fonds d'aménagement permet de prendre en charge le coût de la formation des villageois/travailleurs forestiers et certains coûts sylvicoles, tels que l'ensemencement direct des zones dégradées à la suite d'un précédent défrichage au profit de cultures. Il vaut la peine d'indiquer que l'ensemencement direct d'essences indigènes a été pratiqué avec un degré de succès considérable sur plus de 2000 ha, même dans une épaisse végétation herbacée.
Des recherches sont en cours pour déterminer les effets des systèmes de coupe actuellement appliqués et des opérations sylvicoles. Le problème technique le plus grave est à l'heure actuelle celui des incendies de forêt. La mise à feu contrôlée précoce est une solution possible, mais il faudra entreprendre davantage de recherches sur la question.
Ranch de gibier de Nazinga (Burkina Faso)
Le Ranch de gibier de Nazinga se trouve à l'intérieur du grand complexe de forêts naturelles situé dans le sud du Burkina Faso, où la pluviométrie annuelle moyenne est d'environ 900 mm. Le centre du ranch de 940 km2 se trouve à 200 km au sud d'Ouagadougou.
Après plusieurs années consacrées à la planification, le projet a été mis en route en 1979, afin d'améliorer la situation écologique de la zone au profit de la faune en organisant un approvisionnement en eau permanent grâce à de petits barrages, et en luttant contre les feux de forêt et la chasse illicite. Tout le travail devait être effectué par la population locale qui devait aussi être associée aux profits de la chasse contrôlée (ranching).
Les résultats positifs ont été bientôt apparents. La population animale a presque doublé entre 1983 et 1989, année où il y avait près de 500 éléphants, 300 buffles, 500 phacochères et 7000 antilopes. L'accroissement de la faune sauvage s'est accompagné d'une intensification du tourisme; au cours de la saison 1988/89,2500 visiteurs se sont rendus dans la zone.
En 1988, le projet a commencé à organiser des activités de chasse contrôlée, y compris l'élimination systématique des bêtes de réforme par le personnel du projet et la vente consécutive de la viande, ainsi que des safaris (chasse sportive et collecte de trophées). La première saison de chasse (de décembre 1988 à juin 1989) a procuré un revenu brut de 135000 dollars des Etats-Unis, dont 45 pour cent provenant de la vente de près de 20 tonnes de viande, 37 pour cent de la chasse sportive et pour la collecte de trophées, et 18 pour cent des visites touristiques. Après déduction des dépenses courantes, le gain net s'est établi à 37000 dollars.
Au cours de la même période, plus de 80 biologistes ont conduit des études sur le ranch même, produisant plus de 150 rapports sur les sols, la végétation, la consommation et la production, ainsi que sur les régimes alimentaires, les habitats préférés, la reproduction et la composition des carcasses des ongulés.
On escompte que le ranch de gibier de Nazinga restera profitable pour la population des alentours, qu'il permettra d'acquérir une précieuse expérience et que les résultats des recherches entreprises stimuleront des initiatives analogues en Afrique de l'Ouest et dans d'autres parties du monde (NDLR: voir l'article intitulé Aménagement de la faune sauvage au Zimbabwe: le programme CAMPFIRE, à la page 20 du présent numéro d'Unasylva).
Il ressort clairement de ce qui précède que de nombreux préalables doivent être satisfaits si l'on veut protéger les forêts naturelles en Afrique semi-aride et les aménager en vue d'une exploitation soutenue. Une première étape vers un aménagement territorial approprié sera la redélimitation des forêts. Dans de nombreux cas, les frontières originelles des forêts nationales n'ont plus de sens, parce que de vastes superficies de ces forêts ont été complètement converties à d'autres utilisations des terres. Ce processus exigera l'identification et le classement par ordre de priorité des zones qui offrent les meilleures possibilités d'aménagement durable. Indépendamment de l'aménagement territorial au niveau macro, il importe également de mettre au point des plans locaux ou «micro-plans» définissant les territoires des villages et délimitant des zones pour l'agriculture, la foresterie, les pâturages, etc. La définition du régime foncier et des droits des utilisateurs devrait faire partie intrinsèque de ces plans. Par exemple, la décision prise par le Gouvernement du Niger, en mai 1990, de donner aux communautés villageoises l'usufruit des forêts locales et des droits d'aménagement correspondants dans la mesure où des plans ont été adoptés à cet effet (Associates in Rural Development, 1991) est certainement un pas dans la bonne direction.
Les plans d'aménagement doivent créer une situation telle qu'il est dans l'intérêt de la population locale d'aménager et d'utiliser la forêt sur une base durable. Cela signifie qu'il faut la faire participer à la formulation aussi bien qu'à la mise en uvre de ces plans.
Enfin, pour réduire la pression exercée sur les ressources forestières par une agriculture en expansion, il faut aider les agriculteurs à perfectionner leurs méthodes, de manière à assurer à la fois la durabilité et l'amélioration du rendement des terres exploitées.
Il est évident qu'un enrichissement considérable des connaissances est indispensable pour satisfaire à toutes ces conditions préalables, et être ainsi en mesure de protéger et d'aménager les forêts naturelles aux fins d'une utilisation durable.
Dans toute l'Afrique aride et semi-aride, la recherche sylvicole a une longue histoire. Les efforts se sont toutefois axés en priorité sur des essais d'implantation de diverses essences, plutôt que sur des études des forêts naturelles. Les responsables de l'aménagement des forêts et de la formation qui s'intéressent à l'aménagement des forêts naturelles sont obligés de se contenter de rares informations ou de faire des extrapolations hasardeuses à partir de textes sylvicoles européens ou américains qui peuvent être d'une applicabilité limitée dans le contexte africain.
Quelques-uns des domaines dans lesquels il est urgent d'entreprendre des recherches sont les suivants: valeur que présentent pour la population les produits des forêts naturelles tels que le bois (utilisé comme combustible, pour la construction et à d'autres fins), les produits alimentaires le fourrage les fibres et les médicaments; méthodes d'aménagement et possibilités d'influencer la production de ces divers produits; facteurs influençant le traitement en taillis et la production des taillis; facteurs influençant la production de semences, la régénération et les possibilités d'amélioration du couvert forestier et de la composition des forêts par le moyen de l'ensemencement direct et de la plantation; importance des incendies de forêt et possibilités de les combattre et de les maîtriser; méthodes d'exploitation forestière et de débardage adaptées aux zones arides; gestion de la faune sauvage; méthodes d'inventaire aux fins de l'identification et de l'évaluation des forêts naturelles, et de la planification de l'aménagement.
Pour son travail sur le projet en faveur de la forêt de Guesselbodi au Niger, le coauteur de l'article, John Heermans, a reçu, avec son homologue au Niger, Sani Siddi, le prix 1990 de l'Innovation for Development Association (IDEA). L'IDEA s'occupe d'appuyer dans le monde en développement des innovations utiles de nature à favoriser le développement technologique et économique, tout en prenant en considération les conditions sociales et écologique. L'IDEA reçoit un soutien financier de la Fondation Sven et Dagmar Sahlén et de l'Agence suédoise d'aide au développement international(ASDI). |
Cette liste est loin d'être exhaustive, mais elle est certainement suffisante pour montrer la grande variété des tâches que suppose l'aménagement des forêts naturelles. Il convient d'ajouter que le manque de données concrètes ne devrait pas servir d'excuse pour différer les efforts d'aménagement. Ce qu'il faut plutôt, c'est prendre des initiatives en utilisant les connaissances existantes et poursuivre la recherche active dans le cadre des activités pratiques.
Les éléments d'une stratégie associant activités pratiques et recherche pourraient être les suivants:
· Identifier les forêts naturelles existantes sur la base d'images-satellites et de photos aériennes, lorsqu'il en existe.· Sélectionner une ou plusieurs zones forestières d'un intérêt évident pour la population locale et étudier la valeur qu'elles revêtent effectivement pour elle.
· Etablir, en collaboration avec la population locale, un plan d'aménagement provisoire pour les forêts sélectionnées.
· Former et organiser les villageois, et mettre des activités en route tout en assurant leur suivi.
· Commencer simultanément des essais de recherche en utilisant diverses méthodes socio-économiques, biologiques et techniques possibles. Le choix des sujets de recherche sera ensuite effectué en fonction des problèmes rencontrés pendant la mise en uvre des activités d'aménagement.
Dans le cas où des activités d'aménagement sont déjà en cours, des activités de surveillance continue et de recherche devraient leur être associées, afin de faciliter l'identification des méthodes qui donnent de bons résultats et des améliorations à apporter.
Les recherches concernant l'aménagement des forêts naturelles peuvent être entreprises à trois niveaux différents au moins. Le premier niveau concerne les recherches directement conduites dans le cadre de projets de développement intéressant l'aménagement des forêts naturelles. Le deuxième niveau concerne les recherches dont la nécessité a été identifiée par un projet, mais dont la conduite sera confiée à une organisation indépendante, par exemple un institut de recherche ou une université se trouvant à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Le troisième niveau concerne les travaux entrepris par une institution de recherche sans rapport avec un projet particulier. Dans le premier cas, les recherches seront directement financées par le budget du projet; dans les deux autres, des dispositions devront être prises en vue d'un financement adéquat par des sources aussi bien intérieures qu'extérieures.
Les forêts naturelles des régions semi-arides d'Afrique disparaissent rapidement, mais, exception faite de quelques succès obtenus en Afrique de l'Ouest, il n'a pas été fait grand-chose pour aménager ces forêts en vue d'améliorer durablement leur production. Pourtant, les résultats des efforts entrepris à l'échelle pilote et fondés dans une large mesure sur la participation des communautés locales démontrent clairement la possibilité d'obtenir des rendements durables et d'assurer un maximum d'avantages à la population.
Le manque de données sur la composition, les ressources ligneuses, la biologie, les techniques d'amélioration, etc., des forêts situées en Afrique aride et semi-aride ne devrait pas faire obstacle à l'application immédiate de mesures d'aménagement. Il convient plutôt d'associer la conduite de recherches à des tentatives pratiques d'aménagement, afin d'éviter le risque de voir les forêts disparaître avant que les recherches entreprises n'aient produit des résultats utiles.
ARD (Associates in Rural Development). 1991. A conceptual approach to the conservation and management of natural forests in sub-Saharan Africa. Washington, D.C., USAID.
Clément, J. 1982. Estimation des volumes et de la productivité: données concernant les pays de l'Afrique francophone au nord de l'Equateur et recommandations pour la conduite de nouvelles études. Nogent-sur-Marne, CTFT. 68 p.
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