Si la production et le niveau de vie des communautés de pêcheurs doivent augmenter sans porter préjudice aux stocks de poisson, il faut concevoir de nouvelles stratégies gestionnaires, les exécuter et en évaluer l'efficacité; elles exigent la participation non pas seulement des services publics et des communautés de pêcheurs locales mais aussi des négociants en poisson et des organisations bénévoles privées. Les relations entre négociants et pêcheurs sont bien moins connues pour la pêche intérieure que pour la pêche côtière; il semble toutefois que le même type \?\ e “rapport de symbiose” (Lawson, 1983: 10) soit en cause. Dans certains cas, le pêcheur continental transforme et vend ses propres captures; d'autres membres de sa famille peuvent faire fonction de négociants (en fait, le commerce du poisson constitue une façon pour les femmes de pêcheurs de participer à la pêcherie, tout en élevant leur niveau de vie et celui de leurs enfants). Parfois aussi les pêcheurs peuvent devenir négociants à plein temps; les négociants constituent parfois aussi une population tout à fait distincte.
Quelle que soit la situation, dans tous les pays tropicaux, des négociants-artisans, livrés à eux-mêmes, se sont montrés capables de livrer du poisson sur les principaux marchés de façon au moins aussi rationnelle que la plupart des entreprises para-étatiques et des coopératives commerciales. Le commerce du poisson est générateur d'emplois pour un nombre relativement élevé de personnes qui, à défaut, pourraient être au chômage ou sous-employées; différents types de collaboration à l'avantage réciproque, entre pêcheurs et négociants ont été décrits.
Il convient de procéder à des recherches beaucoup plus approfondies, cependant on voit assez fréquemment des négociants ouvrir des crédits aux pêcheurs, à tout le moins dans les pêcheries à petite échelle d'Afrique de l'Ouest. La pénurie de crédits est un obstacle majeur au développement de la pêche intérieure vu le coût croissant du matériel, aussi les planificateurs devraient-ils y regarder à deux fois avant de chercher à modifier les normes applicables à la commercialisation du poisson. Après avoir analysé un système indigène de commercialisation chez les Fantés de la Côte du Cap, au Ghana, Gladwin tend à faire accorder aux participants indigènes - y compris les négociants et les pêcheurs - une confiance accrue lorsqu'il écrit que les institutions indigènes existantes peuvent servir de véhicule du développement sans que l'on ait à craindre qu'ils altèrent le tissu social traditionnel ou qu'ils aient un impact négatif sur le rôle des femmes dans la société (1980: 131). Se référant à la pêche intérieure, Hayward montre comment les pêcheurs et les négociants des plaines de la Kafué coopèrent pour obtenir un prix économique pour les uns et les autres. On pourrait s'attendre à ce que certains pêcheurs ou négociants vendent en dessous du prix courant pour s'assurer le marché. L'action coopérative des négociants et des pêcheurs présents, qui négocient avec le “coupable” pour l'amener à aligner son prix avec la norme en vigueur interdit une telle pratique … Cette “cartélisation” des prix fait obstacle aux pratiques déloyales de part et d'autre (1982: 19).
Les organisations bénévoles privées, ou des groupes de bénévoles soutenus par des bailleurs de fonds, ont également un rôle important à jouer, comme intermédiaire ou comme source d'effectifs, de crédits et d'équipements insuffisants. Les relations entre certains services publics, y compris ceux des pêches et les communautés locales, sont si médiocres que divers experts jugent que leur intervention garantit l'échec de tout programme. Se référant aux efforts de reboisement en Haïti, Murray (cité par Cernea, 1985) affirme que si un planteur souhaitait tuer dans l'oeuf un projet de plantation, pour s'assurer qu'il ne fonctionnera pas, aucun mécanisme de sabotage ne serait plus efficace que de placer ce projet sous le contrôle d'un ministère. Une telle façon de voir n'est pas limitée à Haïti ou aux projets de foresterie. En énumérant les facteurs de succès des nombreux projets de pêche artisanale de l'U.S. Peace Corps dans les tropiques, un conseiller des pêches de cet organisme a inscrit en tête de sa liste “l'indépendance à l'égard du gouvernement et des bailleurs de fonds internationaux” (1984, communication verbale).
Des opinions aussi extrêmes peuvent trouver leur application à certains projets artisanaux; cependant il importe essentiellement d'amener les gouvernements à formuler et à exécuter des stratégies nationales de gestion, notamment à l'égard de l'appui politique, technique et financier. D'autre part, de très nombreuses organisations bénévoles privées (PVO) sont à même de jouer un rôle capital, comme intermédiaires entre des gouvernements et des communautés de pêcheurs soupçonneuses, et comme agents d'exécution de plein droit. On peut citer l'exemple pour cette dernière fonction de “Family Farms” en Zambie. Cette PVO a récemment étendu ses activités très rentables en planifiant et en exécutant des programmes de colonisation de terres nouvelles, y compris des communautés de pêcheurs dans les plaines de la Kafué, l'objectif à long terme consistant à aider ces communautés à se protéger contre l'incursion des étrangers.
Pour combiner droit d'accès limité avec participation et contrôle locaux, il faut pouvoir compter sur des organisations locales qui bénéficient de la loyauté des communautés de pêcheurs dans lesquelles elles existent, qui ont un sens sur le plan économique et qui sont capables, à condition de bénéficier de l'assistance extérieure voulue, de gérer à long terme une pêcherie fluviale multispécifique. Les fonctions de ces organisations, à savoir adaptation socioculturelle, viabilité économique et orientation vers la conservation sont intentionnelles. A moins que ces organisations n'accordent aux communautés de pêcheurs un intérêt économique majeur à la gestion des stocks de poisson sous une forme socialement acceptable, le mécanisme de gestion est destiné à faire long feu.
L'approche visant à “mettre l'individu en avant” est relativement nouvelle en développement rural; elle a cependant été vivement encouragée dans les plus récents rapports et évaluations de la Banque mondiale (Emmerson, 1980; Pollnac, 1981 et Cernea, 1985). Dans le rapport intitulé “Rethinking Artisanal Fisheries Development: Western Concepts. Asian Experiences”, Emmerson se fait le champion d'une approche bio-anthropologique qui combine la sensibilité aux ressources ichtyologiques et aux communautés de pêcheurs (alors qu'il s'occupe essentiellement de communautés de pêcheurs maritimes, l'accent mis par Emmerson est tout aussi valable pour les pêches intérieures). Pollnac, étudiant plus spécifiquement les coopératives de pêcheurs, met l'accent sur la nécessité d'une recherche visant les nombreuses communautés d'artisans-pêcheurs … Les variations régionales concernant les facteurs sociaux et culturels doivent être prises en compte et la coopérative, structurée de manière à répondre aux besoins régionaux et locaux (p. iii). Commentant en termes généraux une gamme beaucoup plus étendue de projets de la Banque mondiale, Kottak (in Cernea, 1985) affirme que son observation peut-être la plus significative est que l'attention aux questions sociales est rentable en termes économiques concrets, comme on le constate par une amélioration significative des rapports économiques.
Les communautés qui participent à la pêche intérieure sont très diversifiées; en outre, une même communauté peut changer rapidement si la pêcherie est commercialisée. Certaines communautés, en minorité décroissante, demeurent très artisanales, relativement isolées et assez auto-suffisantes. D'autres peuvent faire partie de sociétés très complexes, dotées d'une organisation hiérarchique qui s'attache les communautés par une vaste gamme de liens économiques, socio-politiques et idéologiques. Dans la plupart de ces sociétés, la pêche est pratiquée à temps partiel et constitue une activité saisonnière, encore que l'on connaisse des exceptions très notables. Bien que les pêcheurs à temps partiel soient généralement aussi cultivateurs, la pêche peut être combinée avec de nombreuses activités productives, y compris l'élevage et le commerce du poisson. Dans ces conditions, il est impossible de surimposer une organisation d'un type déterminé aux communautés de pêcheurs et espérer réussir. Comme le note Pollnac, la coopérative de pêcheurs est l'organisation le plus souvent utilisée pour assurer des services aux communautés de pêcheurs. Leur taux d'échec est très élevé en zone tropicale et, selon Pollnac, cela est imputable en partie au fait que l'on n'a prêté que peu d'attention, dans l'évaluation des projets, aux facteurs socioculturels associés à leur succès ou à leur échec potentiels (p. i). En d'autres termes, rien ne saurait remplacer un type de recherche adaptée aux circonstances.
Les formes locales d'organisation à des fins gestionnaires devraient être compatibles avec la culture; certaines observations générales conviennent aux pêcheries intérieures artisanales, quel que soit leur degré de commercialisation. En examinant les organisations locales en faveur des pauvres, van Heck (1979) distingue entre organisation normale et participative. Les premières tendent à découler d'initiatives gouvernementales ou étrangères, et l'on trouve parmi elles les organisations locales appelées conseils de circonscription ou de communauté et les coopératives. Elles peuvent jouer un rôle important dans le développement rural, et il en est souvent ainsi; toutefois elles ne sont que rarement fondées sur des institutions locales au niveau de la collectivité, et sont le plus souvent surimposées par les autorités. Aussi, en Asie méridionale, le panchayat de village ne correspond que rarement aux communautés villageoises réelles; il s'agit d'une unité plus grande, mandatée par le gouvernement et qui agrège un certain nombre de communautés existantes. Il en va de même pour le ward (et les comités de développement de wards) en Afrique centrale. Dans l'un et l'autre cas, ces organisations ont été conçues par des étrangers à des fins électorales et de développement. Et dans l'un et l'autre cas, elles sont presque universellement dominées par une élite rurale restreinte mais puissante, qui manifeste un manque d'intérêt à peu près universel à l'encontre des pauvres qui les entourent (van Heck, 1979: 2; cf. aussi Chambers, 1983).
Les communautés de pêcheurs sont souvent les plus déshéritées d'entre les pauvres et, en Asie méridionale comme ailleurs, on les considère comme très inférieures, les organisations classiques ne représentant que rarement leurs intérêts. Dans ces conditions, van Heck conclut - et nous en sommes d'accord - qu'il faut mettre en place des organisations distinctes auxquelles les pauvres participent et dont ils assurent l'administration. Dans certains cas, leur création peut partir du centre, parfois aussi, il peut être essentiel de prévoir une assistance extérieure. En tout état de cause, une telle assistance est indispensable, soit en guise d'orientation avec le soutien des sanctions légales, soit sous la forme d'une assistance plus directe à la création et à l'administration d'une structure organique valable.
La “Community Land Company” (entreprise terrienne communautaire) de Reynolds (1981), que nous avons rebaptisée “Local Participatory Shareholders Organization” (LPSO) pour accroître son applicabilité à la gestion hydrique et éliminer le terme “company” ambigu. Elle constitue une structure particulièrement attrayante combinant un droit d'accès limité et la participation et le contrôle de la communauté au plan local.
Le concept de Reynolds découle de ses travaux de foresterie communautaire pour le compte de la Ford Foundation en Inde centrale, et est en cours d'application expérimentale dans la région du Sebungwe, sous les auspices du Gouvernement du Zimbabwe. Sans que l'on vise ici à en faire une panacée, il illustre toutefois le type d'organisation locale susceptible de constituer un mécanisme efficace combinant une gestion rationnelle des ressources et le contrôle local. Ouvert potentiellement à tous les membres adultes de la communauté, la LPSO vise aussi à donner à tous ses membres un intérêt économique dans les ressources ichtyologiques de la communauté.
Alors qu'elle est applicable aux communautés de pêcheurs traditionnelles, qu'elles demeurent relativement peu commercialisées ou qu'elles aient acquis un caractère plus commercial, la structure des LPSO devrait, dans les cas déterminés, être fondée sur des recherches adaptées. Une orientation communautaire pourrait convenir à de nombreuses sociétés alors que, dans d'autres (telles que les communautés de pêcheurs nilotiques dans le Sudd, au Soudan) l'unité d'organisation appropriée peut être le lignage, une série de lignages (ou de clans) chargée de zones adjacentes. Dans d'autres cas, les Hayas du lac Victoria, par exemple, des guildes de pêcheurs pourraient être l'unité la plus appropriée, et ainsi de suite. Il importe de ne pas surcharger les organisations locales, dès le départ, de trop nombreuses fonctions, mais il serait toutefois souhaitable qu'en temps voulu celles-ci soient fédérées jusqu'au niveau de la circonscription ou de la pêcherie. Elles pourraient aussi être articulées de différentes façons avec les coopératives de consommateurs ou de commercialisation, ainsi qu'avec les centres communautaires de pêcheurs. Dans ce cas encore, il est capital que leur vocation de participation et leur fonction primordiale, assurant aux membres de la communauté un intérêt économique dans une ressource sans la dégrader, ne subissent pas d'interprétation.
Dans l'optique de Reynolds (1981, et Goz, 1983), chaque LPSO est officiellement créée en tant que personalité juridique (susceptible de recevoir des prêts) et chaque ménage est constitué par deux actionnaires égaux, à savoir les deux époux; des recherches adaptées aux circonstances pourraient toutefois mettre en évidence d'autres bases d'attribution des parts. Déterminée par des limites fixes (fixées par les communautés locales en coopération avec le gouvernement local et le service des pêches ou toute autre institution gouvernementale), la ressource à aménager serait répartie en fonction du nombre d'actionnaires.
La notion de partage est une caractéristique constante des communautés des pêcheurs traditionnelles, les exemples anthropologiques recueillis dans la littérature par Emmerson sur les communautés de pêcheurs côtiers asiatiques montrent l'importance des normes sociales du partage et de l'échange, qui régissent la répartition des captures dans une pêcherie de subsistance (1980: 28). Notre propre recherche bibliographique sur les pêches continentales nous amène à une conclusion identique, à savoir que les quantités de poisson débarquées sont largement dispersées dans la famille et parmi d'autres membres de la communauté. La commercialisation fait échec aux normes de partage, mais le concept de parts dans une LPSO devrait néanmoins être conforme à la culture des nombreuses communautés de pêcheurs. Ainsi, chez les Hayas, chaque membre d'une guilde de six à douze pêcheurs possède une part de l'équipement collectif. Les parts sont transmissibles par héritage (y compris aux femmes) et les revenus sont répartis conformément à la taille de chaque part, à condition que l'actionnaire ou son subrogé participe aux activités de la journée (Cory et Hartnoll, 1970: 185–186). Les actions peuvent être vendues, les membres de la guilde ayant toutefois un droit de préemption.
L'exemple des Hayas est rapporté avec un minimum de détails car il correspond au concept de Reynold selon qui les parts de la LPSO peuvent être mises aux enchères entre les membres de la communauté. Cette vente aux enchères dans le cadre de la LPSO présente deux avantages majeurs. En premier lieu, elle permet aux actionnaires âgés ainsi qu'aux autres, qui ne participent pas activement à la pêche, de tirer de leur participation à la LPSO quelque avantage financier. Ensuite, elle amène à fixer un “prix courant” des parts, susceptible de servir de base à la taxation, l'un des mécanismes pour obtenir le soutien des services du gouvernement local au niveau du ward et de la circonscription, résidant dans une meilleure assiette de leur contribution. Il faut par contre élever certaines contraintes, pour empêcher les membres les plus prospères de l'organisation d'accumuler un nombre de parts disproportionné, soit pour leur propre compte soit en tant qu'hommes de paille ou de partenaires d'étrangers qui financent l'opération.
L'affermage des actions pendant une période déterminée pourrait constituer l'une des façons de protéger les droits des actionnaires, les actions revenant au propriétaire ou à ses héritiers après un certain nombre d'années. Des membres de la famille, du ménage ou de tout autre sous-groupe proche du bailleur pourraient avoir des droits de préemption, et l'on pourrait envisager que les actionnaires soient agrégés en sous-groupes qui deviendraient les véritables actionnaires, s'efforçant alors de maintenir un équilibre convenable entre les parts des différents sous-groupes. En conditions idéales, la détermination du type d'engins employés serait à charge du “conseil d'administration” de la LPSO, les fonctionnaires du gouvernement n'ayant qu'un rôle consultatif; sinon, les LPSO pourraient se trouver affligées de resrictions inefficaces sur les engins comme celles qui contribuent pour une large part au problème actuel, dès lors, surtout, que des pêcheurs plus déshérités sont en cause. C'est dans ce cas que les saisons de fermeture ou des zones interdites pourraient constituer une technique de gestion.
Comme on l'a noté précédemment, la Local Participatory Shareholder's Organization ne saurait être une panacée. Elle représente néanmoins un potentiel parce que, pour une part, elle est rationnelle dans son principe (dans la mesure où elle combine un droit d'accès restreint à la participation locale et à des mécanismes tels que l'actionariat, le vente aux enchères et l'affermage) tandis que d'autre part elle serait conforme aux systèmes socioculturels des communautés de pêcheurs locales. Dans tous les cas, sa réalisation présente de nombreux problèmes potentiels (plus grand nombre de participants; présence d'étrangers, y compris des pêcheurs migrants, etc.) qu'il faudra affronter sur le vif. Ce qu'il faut, c'est adopter une approche-pilote dans un petit nombre de zones choisies judicieusement, où des organisations prototypes seraient conçues, mises en place, surveillées et évaluées avec une forte participation locale à tous les stades. Des organisations de bénévoles privées pourraient être amenées à jouer là un rôle particulièrement important, notamment dans les cas où la méfiance entre communautés de pêcheurs et services des pêches est ancienne. L'une des questions les plus délicates réside dans l'ampleur du droit de contrôle laissé aux gouvernements sur la base de ressources au stade initial de l'exécution. A long terme, Reynolds envisage une fédération de LPSO au plan national (où le gouvernement serait représenté, l'administration étant assurée par des membres élus), chargée des “infractions”.
Bien que la commercialisation des opérations de pêche traditionnelles se poursuive à un rythme accéléré dans toutes les zones tropicales, certaines pêcheries non commercialisées (stade un) demeurent, en particulier le long des affluents de l'Amazone, dans d'autres parties des basses terres humides en Afrique et en Asie tropicales. Presqu'inévitablement, ces pêcheries sont isolées, artisanales et vulnérables - incapables, à elles seules, de résister à la mainmise des étrangers. Si elles doivent choisir entre la survie dans leur état actuel ou la commercialisation de leurs opérations, elles doivent s'organiser et recevoir un appui étranger. Vu leur distribution limitée et leur petite échelle, une option particulièrement attrayante consiste à les intégrer dans des zones d'accès restreint tels que les parcs nationaux, les zones de gestion des ressources naturelles et les parcs ethniques.
L'idée consiste à accorder aux participants à des pêcheries encore traditionnelles un droit d'accès - sur une base de subsistance et de limitation des échanges - aux ressources ichtyologiques des parcs nationaux ou des aires de gestion de la faune sauvage, faisant intervenir les communautés locales. En échange du droit de pêche et de la protection du gouvernement contre les étrangers, les titulaires du droit d'accès doivent aider le gouvernement à protéger la base de ressources en ne pratiquant que des méthodes agréées et en aidant à contrôler le braconnage du gibier, du poisson, de la flore, des minéraux et des autres ressources naturelles. Faute de respecter leur part du marché, ils perdent leur droit de pêche.
L'idée d'inclure les communautés locales de pêcheurs dans l'écologie des parcs nationaux tend à être immédiatement rejetée lorsqu'elle est soumise aux services des parcs et autres (l'auteur principal en a fait l'expérience en Zambie, au Nigéria et au Sri Lanka), il apparaît toutefois qu'elle a fonctionné dans un certain nombre de cas, en zone tempérée comme dans les tropiques. Dans les zones tempérées plus peuplées, on tend à oublier que certains parcs ont été en fait construits autour des communautés agricoles qui avait des droits de propriété antérieurs. De nos jours, ces communautés constituent un élément attractif dans les parcs de Snowdonia (Pays de Galles), et du Duc des Abruzzes (Italie).
Dans les tropiques, la situation était très différente. Mal informées des cultures locales, les autorités coloniales déplaçaient habituellement d'autorité les populations locales lors de la création de parcs nationaux. Néanmoins, dans quelques cas, les populations locales ont été autorisées à pêcher pour leur subsistance à l'intérieur des limites des parcs; parfois aussi des plans destinés à leur en permettre l'accès sont à l'examen. Parmi les exemples du premier cas, on peut citer le Parc national d'Akagera, au Rwanda, le Parc national de Virunga, au Zaïre, le Parc national de Lockinvar en Zambie, les parcs et zones de protection du gibier au bord du lac Kariba, au Zimbabwe, ainsi que le Parc et les zones sanctuaires entourant le réservoir de Senanayake Samudra au Sri Lanka.
Il nous a malheureusement été impossible d'obtenir des informations récentes sur la situation actuelle de la pêche dans les parcs et les zones d'aménagement concernés dans ces cinq cas. Sauf en Zambie (où la pêche a cessé pour des motifs étrangers) il semblerait toutefois qu'un droit d'accès limité soit maintenu, ce qui donne à penser que l'expérience a été assez favorable alors que, au Sri Lanka, les autorités envisageaient sérieusement, en 1981, d'éliminer la pêche nocturne par suite de l'augmentation du braconnage et de chasse illicite. Une telle réglementation, si elle était appliquée, ferait empirer les relations déjà conflictuelles entre pêcheurs et gestionnaires des ressources, en éliminant les méthodes de pêche les plus rationnelles, sans que le braconnage et l'accès illégal en soient nécessairement réduits. Il nous semble qu'il conviendrait de préférer l'approche bio-anthropologique d'Emmerson, en vertu de laquelle les administrateurs des parcs et les pêcheurs examinent s'ils peuvent travailler ensemble en tant que partenaires.
Bien évidemment, il est souhaitable d'évaluer ces situations, de façon à déterminer leurs avantages et leurs inconvénients, et tenter d'autres expériences. La croyance commune, selon laquelle l'intégration des pêcheurs entraînera automatiquement un accroissement du braconnage n'est pas nécessairement fondée, à condition que les pêcheurs soient amenés à prendre un intérêt économique aux ressources ichtyologiques, étant bien entendu que le droit de pêche leur sera retiré si le braconnage augmente. Ils devraient théoriquement accepter de protéger leur droit d'accès en s'opposant effectivement à la pénétration illégale des étrangers. Selon Scudder, et en dépit du fait que l'expérience qu'il rapporte ait été trop brève pour permettre une évaluation proprement dite, la pêche, en Zambie, par une communauté multi-ethnique de pêcheurs voisins (y compris les Batwas indigènes) avait effectivement amené une réduction du braconnage de l'antilope “lechwe” à Lockinvar, avant que la décision d'autoriser la pêche n'ait été renversée; il faut toutefois vérifier ces impressions.
On peut encore citer l'exemple de l'Equateur, où l'Office du développement des forêts (qui est l'autorité de tutelle des parcs nationaux) a désigné au moins une réserve de protection de la faune, qui pourrait présenter deux séries d'avantages pour les communautés d'Amérindiens adjacentes. En premier lieu, certains seraient recrutés pour servir de gardes forestiers, afin de protéger la base de ressources. D'autre part, on pourrait autoriser les communautés locales à poursuivre leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche à l'intérieur des limites de la réserve (Vickers, 1983, communication écrite). Toutefois, l'exécution de ces plans a été remise à plus tard, et il nous a été impossible d'obtenir des informations plus récentes que 1980.
Les “parcs ethniques” sont des zones d'aménagement des ressources naturelles placées sous la jurisdiction des populations tribales, qui consentent à leurs membres un droit d'accès limité à la base de ressources. On en connaît certains exemples aux Etats-Unis (le plus important est le Parc tribal des Navajos dans la Monument Valley) mais pour les tropiques, nous ne possédons d'information que sur un cas. Il s'agit de la tentative en cours chez les Indiens Cunas du Panama d'établir, le long de leur frontière méridionale, un parc forestier réserve, avec une assistance technique et financière étrangère (Chapin, 1984). Ce parc, conçu pour arrêter la mainmise étrangère sur des cultures en assolement, en convertissant une zone de forêts peu denses en réserve scientifique à l'intention de la recherche internationale et du tourisme, n'est pas destiné à l'utilisation des ressources locales. Toutefois, la notion de parc ethnique s'applique essentiellement à des zones tampons entourant les parcs nationaux dans d'autres parties de l'Amérique latine, ou encore en Afrique ou en Asie. On peut à cet égard citer les cas de la forêt de Ituri, au Zaïre, ou le long du fleuve Semliki, qui sépare le Zaïre de l'Ouganda, ou encore les zones tribales entourant le Parc national de Chitwan, au Népal.
Si les populations locales le souhaitent, les gouvernements nationaux peuvent aussi les autoriser, voire les encourager à faire désigner, dans certaines situations particulières, tout leur territoire comme parc ethnique. Les Indiens Cocamillas du Pérou en sont un exemple. Selon Stocks, ils ont constitué, en 1979, une fédération des Cocamillas comptant de 4 000 à 7 000 habitants. Depuis lors, les Cocamillas se sont efforcés, d'un commmun accord, d'obtenir des titres de propriété sur leurs terres, demeurées propriété communautaire et des garanties pour que leur lac reste affecté à leur subsistance (1983: 244). Protégeant leurs fonds de pêche de façon militante, les Cocamillas constituent, pour le Gouvernement du Pérou, une chance exceptionnelle de collaborer avec les populations locales à l'élaboration de nouvelles formes de gestion des pêcheries.
Accorder aux communautés de pêcheurs traditionnelles un droit d'accès restreint aux ressources ichtyologiques des parcs nationaux et autres secteurs d'aménagement des ressources naturelles constitue une notion attrayante et ce pour différentes raisons. En premier lieu, cela permet, du moins pour certains membres de la communauté, de maintenir un mode de vie traditionnel s'ils le souhaitent. En second lieu - mais cela n'est pas encore généralement prouvé - cela donne aux autorités des parcs d'autres mécanismes de protection de ces parcs, en concédant aux populations locales un intérêt économique à la gestion des ressources.
Bien que la situation varie de parc en parc, les braconneurs les plus efficaces sont souvent des étrangers: entrepreneurs vivant à la ville et qui dirigent des attaques massives sur le gibier et les ressources forestières en zone interdite. Lorsqu'ils emploient des populations locales comme chasseurs, comme guides et comme rabatteurs, l'avantage économique pour ces dernières n'est sans doute pas très élevé. Il devrait alors être possible d'obtenir une coopération locale en consentant aux communautés adjacentes des avantages économiques directs à la gestion des parcs, non seulement en autorisant le prélèvement du poisson excédentaire dans le parc même et celui du poisson et du gibier dans les zones avoisinantes, mais aussi en répartissant les recettes et en encourageant les membres de la communauté à chercher un emploi dans les services forestiers, en développant les facilités pour touristes et en gérant plus rationnellement leur propre base de ressources en constituant des LPSO. Une telle démarche vient d'être tentée en collaboration entre un certain nombre de services publics et l'Université du Zimbabwe, dans la région de Sebungwe (Goz, 1983).
Une autre façon de combiner un droit d'accès restreint et un contrôle local consisterait à encourager ou à autoriser certaines populations indigènes à constituer des parcs sur leurs territoires traditionnels ou à déclarer leur secteur tout entier territoire de pêche réservé. Bien que ce dernier cas présente des analogies avec les parcs nationaux pour la population, il en diffère en ce sens que la responsabilité de la gestion incombe tout d'abord aux communautés en cause (comme dans l'exemple des Cunas et des Cocamillas) et non au gouvernement.
Si nous avons préconisé la décentralisation du contrôle aux collectivités locales dans tout cet ouvrage, il importe, dans la présente section, de mettre le rôle du gouvernement au premier rang dans la mesure où c'est à lui qu'incombe l'exécution des politiques générales à l'avantage de la pêche artisanale. Il lui faut plus précisément formuler, institutionnaliser, encourager et appuyer des politiques de gestion novatrices, qui lient un droit d'accès restreint à la participation locale, aux niveaux de la collectivité et de la circonscription. Bien que les politiques générales débordent notre propos, il importe néanmoins de mentionner que les politiques des prix, entre autres, peuvent dans une large mesure favoriser ou menacer les pêcheries locales.
Ainsi, dans un certain nombre de pays, le versement de subventions à la consommation favorise en fait l'importation de poisson congelé, au détriment de l'offre locale de poisson capturé par des artisans-pêcheurs ou de poisson séché et fumé produit par la pêche artisanale dans les pays voisins (Lawson, 1974). Le même auteur (1983: 9) décrit aussi les cas où, en Afrique de l'Ouest, des importations de produits congelés subventionnées ont un effet néfaste sur l'effort de pêche local. Au Bénin, par exemple, on dit que la pêche en brousse est affectée dans la mesure où les propriétaires ne peuvent plus investir aux niveaux antérieurs, leurs coûts n'étant pas couverts par les prix de vente actuels du poisson (p. 9). A cet égard, la politique des prix mine les types mêmes d'intensification locale qui mériteraient un appui majeur (cf. 9.4.1 7).
Les experts des pêches internationaux prêtent une attention de plus en plus soutenue à la nécessité d'élaborer de nouvelles politiques gestionnaires, mais les services des pêches ne leur accordent encore que peu d'appui. Des réglementations en matière des pêches, héritées d'anciens régimes coloniaux, mettant l'accent sur des restrictions inefficaces et inapplicables en matière d'engins, pénalisant les pêcheurs les plus déshérités tendent à être maintenues comme en Inde, où l'Indian Fisheries Act de 1897, largement dépassé, demeure le cadre dans lequel des règlements sont pris par le Gouvernement central comme par ceux des Etats (Jhingran et Tripathi, (1977: 49).
En dehors de quelques observations relatives aux coopératives instaurées par les gouvernements, un seul des rapports que nous ayons reçus des services des pêches mettait l'accent sur les organisations à participation locale en tant que stratégie de gestions. On n'a pas davantage mentionné la limitation de l'accès aux communautés de pêcheurs fluviaux. Il semblerait, que l'on continue d'accorder l'essentiel de l'intérêt à la production (qui a constitué le thème presque exclusif du symposium de 1976 sur le développement et l'utilisation des ressources des pêches intérieures dans la région Indo-Pacifique). Si cela est vrai, il est très important que la FAO et d'autres bailleurs de fonds internationaux metters\?\ l'accent, notamment par le biais de leurs programmes de formation et projets pilotes, sur la nécessité d'accorder davantage d'attention aux stratégies de gestion qui exigent à la fois un droit d'accès restreint et une participation locale.
Dans sa préface à une publication de la FAO (1979) intitulée Participation of the Poor in Rural Organisations, Moreno (alors Directeur de la Division des Ressources humaines, des Institutions et de la Réforme agraire) écrivait que les analystes et les planificateurs du développement ont hésité à encourager autrement que de façon très marginale la participation des populations rurales, les gouvernments de même que les organisations intergouvernementales n'ayant guère été désireux d'envisager les changements de structure et de procédure nécessaires dans les systèmes socio-économiques existants pour permettre une participation effective (iv). De façon plus spécifique, cela s'applique aussi à la pêche fluviale, peut-être davantage qu'à toute autre activité, vu le nombre relativement restreint d'habitants en cause, leur rang assez inférieur et - sauf pour certaines associations de négociants - leur manque d'impact politique.
Ce qu'il faut, pour corriger cette situation, c'est une politique nationale qui encourage la formation aux fins du développement et de la gestion d'organisations rurales adaptées aux cultures et qui répondent aux besoins des membres des collectivités locales qui les administrent. Le soutien accordé par les gouvernements aux coopératives et aux organisations de développement rural et villageois est insuffisant, dans la mesure où il s'agit de ce que van Heck (1979) appelle des organisations “standard”, par opposition à des organisations “de participation”. Dominées par les élites rurales, elles ne représentent que rarement les intérêts de toute la collectivité, d'où il s'ensuit qu'elles sont généralement inutilisables aux fins de la gestion.
Ces dernières années, de nombreux gouvernements nationaux, notamment en Afrique et en Asie, ont milité en faveur de la décentralisation politique au niveau des gouvernements locaux et des conseils de circonscription et de ward. Il s'agit là d'un pas très important vers une augmentation de la participation locale. Reconnaissant que la centralisation fiscale est également nécessaire aux fins du développement, certains gouvernements expérimentent de nouvelles façons de répartir les revenus avec les conseils de circonscription de ward et d'en créer à leur intention. On peut citer à cet égard les exemples du Népal, où le Ministère des finances établit actuellement des services du Trésor é l'échelle de la circonsription et du Zimbabwe, où le Département de la faune sauvage et des parcs nationaux a réalisé un programme expérimental (“opération windfall”) de partage des revenus des opérations de décimation du gibier avec les conseils des circonscriptions voisines. Exemple plus précis encore de notre propos, une loi a été adoptée au Népal au niveau national (mais non encore appliquée) en vue de transférer de nombreuses forêts gérées à l'échelle nationale aux conseils de circonscription (panchayat) aux fins de contrôle local. Bien que nous ne disposions pas d'exemple analogue pour les pêches intérieures, le contrôle des enclos à poissons, des parcs à huîtres et la capture des alevins de Chanos incombe parfois aux municipalités philippines (Smith et Panayotou, 1984).
Cette tendance à la décentralisation politique, si elle était approfondie pour inclure aussi une certaine décentralisation aux fins du développement et de la gestion, pourrait amener directement une orientation en faveur de la création de ce que nous avons appelé des “local participatory shareholding organisations”.
Il demeure rare que les gouvernements appliquent le concept d'accès restreint aux communautés utilisant des fonds de pêche fluviale, alors même qu'il est appliqué à l'échelle nationale à la pêche maritime et, à certaines pêcheries côtières au Japon (Asada et Hirasawa, en préparation) et aux Philippines (Smith et Panayotou). Les principales exceptions sont l'affermage et la mise aux enchères de certaines étendues de fleuves à des coopératives locales, comme c'est le cas en Inde méridionale (Srinivasan et Sreenivasan, 1977). De toute évidence, des efforts de formation majeurs de la FAO s'imposent ici.
L'affermage de pêcheries encloses a de longs antécédents dans les civilisations de l'Asie du Sud et du Sud-Est, les gouvernements nationaux se fondant sur l'expérience des Etats antérieurs. En règle générale l'affermage s'adresse à des individus et non à des collectivités; cependant en Inde méridionale l'essentiel du fleuve Cauvery (y compris ses affluents et ses canaux de distribution) est affermé chaque année à des coopératives de pêcheurs (Srinivasan et Sreenivasan, 1977: 170).
Bien que moins fréquente pour la pêche fluviale et moins liée aux pratiques des civilisations plus anciennes, la mise aux enchères est également pratiquée par les gouvernements nationaux dans la région indo-pacifique. Si elle est plus fréquente pour la pêche côtière et si elle a davantage de chances d'intéresser des individus et des entreprises étrangères, on assiste cependant à des enchères en faveur des coopératives de pêcheurs, portant sur des fonds de pêche le long du fleuve Cauvery au Tamil Nadu (p. 167).
En règle générale, il nous apparaît que la balance entre ventes aux enchères et affermage favoriserait cette dernière forme. Bien que des enchères à durée fixe puissent constituer un mécanisme plus efficace, celui-ci, en élargissant la gamme des enchérisseurs potentiels, tend à favoriser les étrangers par rapport aux indigènes et, à l'intérieur d'une collectivité, l'élite plus favorisée par rapport aux “gens du commun”. Ses retombées sont, en conséquence, moindres, qu'il s'agisse de création d'emplois et de distribution du revenu. Etant donné son caractère exclusif, il peut encourager le braconnage par des membres insatisfaits de la collectivité. Abstraction faite de ces observations, il convient toutefois d'évaluer avec soin l'équilibre entre les deux techniques, non seulement dans des pêcheries différentes mais aussi, historiquement, dans la même pêcherie. Pour fixer un prix courant, aux fins de l'affermage, on devrait autoriser des enchères sur certains biefs de fleuves, avec ou sans exclusion (exemples: ouverts à tout ressortissant du pays, à tout résident de la circonscription, à toute coopérative ou LPSO riveraine du fleuve, etc.). A mesure du développement des LPSO ou de leurs équivalents, on pourrait ouvrir une proportion croissante de réseaux orographiques aux enchères, dans l'intention d'éliminer les LPSO les moins rentables, le droit d'accès restreint n'étant pas destiné à devenir une garantie d'utilisation locale lorsque cette utilisation est peu rationnelle sur le plan économique et écologique.
La durée des baux doit être adaptée aux circonstances, toutefois la tendance, en Asie du Sud et du Sud-Est est aux baux d'assez brève durée, parfois pas plus d'un an (comme dans les cas du Tamil Nadu cité précédemment). Même lorsque les organisations locales sont pratiquement certaines que leur bail annuel sera renouvelé, les baux à court terme ne sont pas très rationnels sur le plus écologique, alors qu'ils peuvent constituer une source annuelle de revenu pour le bailleur. Pour réduire le risque d'une surpêche à court terme et encourager un désir de conservation à long terme, il serait préférable de consentir des baux à plus longue échéance. Pour ce qui est du calcul de la valeur financière du bail, on peut procéder de différentes façons. Lorsque des baux réservés aux communautés locales sont combinés avec des enchères, ce sont ces dernières qui fixent les prix. Lorsqu'il n'y a pas d'enchères, le coût du bail peut être calculé sur la base de fermage antérieur, corrigé pour tenir compte de l'inflation ou de circonstances particulières telles que les problèmes locaux imputables à la sécheresse, à un chômage accru, etc.
Les saisons de fermeture ou les zones interdites s'imposent à l'esprit en tant que stratégies de gestion pour un certain nombre de raisons. En premier lieu, les unes comme les autres sont largement employées dans les cultures tropicales, comme stratégies de gestion fortuite ou intentionnelle, les saisons de fermeture étant en général associées aux étangs communautaires en Afrique, les lieux interdits, souvent liés à des sanctuaires religieux (Awachie, 1979: 40). On a montré aussi que ces notions sont, dans une certaine mesure, acceptables pour les pêcheurs aux stades ultimes de la commercialisation, comme un mécanisme perçu comme étant de nature à réduire la pression sur certaines espèces prisées. D'ailleurs, elles sont pratiquées, semble-t-il avec succès, par un certain nombre de gouvernements notamment asiatiques (mais aussi, dans une certaine mesure en Afrique; cf. Lawson, 1983: 7, qui rapporte un intéressant exemple ivoirien de coopération entre des pêcheurs, une banque qui leur a fait crédit et le service des pêches). Quatrièmement, pour se substituer à un certain nombre de restrictions portant sur les engins de pêche; elles sanctionnent dans une moindre mesure les pêcheurs déshérités; enfin et cinquièmement leur application est relativement aisée, qu'il s'agisse des fonctionnaires des pêches ou de représentants des organisations de pêcheurs, tout individu pêchant pendant la saison de fermeture étant tout à fait visible pour quelqu'un qui est en mesure de signaler l'infraction.
Là aussi, toutefois, il importe de souligner que l'époque et la durée des saisons de fermeture doivent tenir compte à la fois de l'intérêt des stocks de poisson et de celui des pêcheurs. Lorsque les pêcheurs à temps partiel se consacrent à l'agriculture pendant la saison des pluies, l'interdiction de pêcher pour protéger des populations en train de frayer ne provoquerait guère de difficultés (ce qui est sans doute l'une des raisons pour lesquelles de nombreux pêcheurs du Kariba sont bien disposés envers le rétablissement d'une saison de fermeture de trois mois). Par contre, elles peuvent avoir des incidences différentes sur les pêcheurs à plein temps, notamment s'ils sont sédentaires.
L'attribution de permis de pêcher avec un engin déterminé (navires ou filets) s'est révêlée être un mécanisme relativement efficace dans les pêches intérieures dans le seul cas où elles sont aisément accessibles (lacs de petite taille comme le lac Kyle au Zimbabwe) ou encore à l'intérieur ou le long des limites de parcs nationaux strictement surveillés par des patrouilles (Matusadona, par exemple, sur la rive du lac Kariba). Son efficacité peut d'ailleurs être accrue si les crédits ou d'autres avantages sont réservés aux détenteurs de permis (Lawson, 1983: 5).
L'efficacité du système d'attribution des permis décroit dans les marécages et là où des milliers de pêcheurs à temps partiel exploitent des fleuves en crue. On pourrait y recourir comme à un mécanisme de détermination des parts dans le cadre d'une LPSO ou d'une coopérative, notamment lorsque le nombre de leurs membres augmente de telle sorte que l'on se trouve face à un problème de propriété communautaire au sein même de la pêcherie restreinte. Dans ces conditions, les actionnaires pourraient être non pas des individus ou des ménages mais des lignages, des guildes, des unités résidentielles, etc. Chaque unité serait alors habilitée à employer un contingent, périodiquement révisé, d'engins: le nombre d'embarcations, pourrait être inférieur au nombre total d'individus pêchant activement. Le poisson capturé, ou les recettes sur ventes, seraient alors réparties entre les “membres” selon des modalités localement acceptables.
Pour des motifs économiques et socioculturels, les restrictions relatives aux engins sont les méthodes de gestion conventionnelles les plus inefficaces et les plus inévitables. Les engins les plus rationnels sont fréquemment interdits, de sorte que les opérateurs le plus qualifiés sont pénalisés, les pêcheurs les plus déshérités étant eux aussi relativement défavorisés en ce sens qu'ils sont le plus susceptibles d'employer des filets à petit maillage, des poisons ou d'autres engins localement disponibles et abordables. Ces restrictions devraient être périodiquement remises en cause par tous les services des pêches, compte tenu de leur justification scientifique (ainsi, Simpson, montrait dès les années trente que les poisons végétaux locaux ne posaient aucun problème de gestion dans les conditions pratiquées parmi les Kamarakotos), de leur applicabilité et de leurs répercussions sur les plus défavorisés.
Bien évidemment, certaines restrictions sont essentielles, notamment lorsqu'elles portent sur des engins très dangereux pour l'écosystème tout entier: utilisation aveugle d'insecticides modernes et de dynamite. L'exécution, par les services gouvernementaux, est souvent inefficace même dans ce cas, ce qui fait ressortir une fois de plus l'importance d'organisations puissantes de participation locale qui, bénéficiant de l'appui du gouvernement, peuvent jouer un rôle dans l'application des règlements. Un autre type de restrictions essentielles consiste à décider, sur les lacs et les grandes étendues d'eau, où se trouve la limite entre pêche côtière et zone au large des côtes, permettant le chalutage. La détermination de ces limites suppose l'intervention du gouvernement, mais l'exigence du respect des normes devrait commencer dès le stade des organisations locales.
Compte tenu des pressions puissantes qui s'exercent sur la pêche de capture, qu'elle soit maritime ou intérieure, les experts et les services des pêches mettent de plus en plus l'accent sur l'aquaculture en tant que dispositif permettant de faire face à une demande croissante de protéines animales à un prix assez bas. A l'heure actuelle, les plus grands progrès ont été réalisés en Asie. L'aquaculture, pratiquée de longue date en Indonésie, entrait pour environ 40 pour cent dans la production de poisson des eaux intérieures au milieu des années soixante-dix, les travaux de développement ayant bénéficié de l'appui des gouvernements prenant un essor considérable au cours des années quatre-vingts. Les profits sont peut-être suffisamment élevés pour que certains agriculteurs baissent le prix de leurs rizières en agrandissant les fossés qui entourent leurs propriétés (1984, communication écrite de K. Meecham). En Inde, l'aquaculture assurait plus de 50 pour cent du rendement des pêches intérieures au milieu des années soixante-dix, et des plans sont en cours pour doubler la production d'ici le milieu des années quatre-vingts (Jhingran et Tripathi, 1977: 42). En Malaisie comme aux Philippines, l'aquaculture est devenue la plus prioritaire des grandes activités de pêche intérieure (Ji, 1977 et Datingaling, 1977, respectivement).
Lorsque l'aménagement des ressources naturelles est intensifié, les avantages économiques qu'en tirent les participants peuvent être compétitifs avec ceux de l'agriculture, comme le montre l'exemple de l'Indonésie (Java). En Inde (Gujarat) la foresterie sociale a montré le même potentiel, certains cultivateurs abandonnant la production de cultures vivrières pour cultiver des arbres à des fins industrielles. Il importe évidemment de préciser les incidences de ces tendances sur d'autres types de production rurale (en particulier les productions de cultures vivrières) et d'établir qui en sont les principaux bénéficiaires. Dans le cas du Gujarat, des fermiers prospères sont susceptibles, davantage que les collectivités, de bénéficier des efforts de foresterie sociale d'une manière disproportionnée, et Henderson (1984, communication écrite) note que les projets des petits éleveurs de poisson aboutissent souvent dans les mains d'entrepreneurs ou d'autres membres prospèros de la collectivité. Cette tendance caractérise assez généralement aussi le stade quatre de la pêche fluviale et les gouvernements devraient s'attacher bien davantage à chercher des moyens d'accroitre la proportion des bénéficiaires au niveau de la communauté.
Il importe de procéder à des recherches plus poussées. Il nous semble toutefois que l'aquaculture a non seulement avantagé de façon disproportionnée les membres les plus prospères de la collectivité mais, qu'elle a aussi profité aux cultivateurs, par opposition aux cultivateurs/pêcheurs et aux pêcheurs proprement dits. S'il en est bien ainsi, il faut chercher des moyens de faire participer plus activement les communautés de pêcheurs à l'aquaculture et aux autres efforts d'intensification. Plusieurs rapports font état d'hostilités entre aquaculteurs et pêcheurs de capture (Kapetsky, 1981: 34), il n'est cependant pas prouvé que, comme le croient certains experts, les pêcheurs soient opposés à l'aquaculture et à d'autres formes d'intensification. Bien au contraire, un certain nombre de communautés de pêcheurs ont intensifié et diversifié leur effort de pêche en construisant des monticules pour accéder à des zones sous-utilisées, en élargissant des étangs de plaines d'inondation et en en créant d'autres, enfin, en construisant des parcs dans la brousse. Le problème réside davantage dans le choix des communautés de pêcheurs adaptées aux projets d'intensification et de faire en sorte que ces projets répondent à la situation locale sur le plan culturel. Constatant que cette intensification en plaine d'inondation, sous la forme de parcs à poisson et de canaux, représente pour les pêcheries de la Kafué en Zambie et celles du haut Zambèze la prochaine étape logique d'une utilisation plus rationnelle des ressources aquatiques de la nation, pour accroître et stabiliser l'offre de poisson, face à une population accrue, Hayward n'en avertit pas moins que de tels programmes sont destinés à échouer s'ils ne sont pas adaptés de façon subtile aux conditions locales (1983a: 162).
Ce qui est nécessaire, en fait, ce sont des politiques gouvernementales d'intensification de plus grande envergure, qui se proposent deux objectifs. Le premier consisterait à insérer les communautés de pêcheurs existantes dans les programmes d'intensification, procédure qui pourrait être réalisée par le biais d'un type quelconque d'organisation de participation ou par l'intermédiaire d'organisations standard comme les coopératives. L'autre but consisterait à renforcer encore l'accent actuellement mis sur l'aquaculture, pour que l'on envisage de construire des monticules dans les marécages sous-utilisés et les pêcheries peu profondes en plaines d'inondation (Scudder, 1970 et 1978), des parcs et des cages à poisson ainsi que d'établir et d'améliorer des étangs à poissons en zone de crue. Dans une série de publications (1976 et 1979 en particulier), Awachie a présenté un certain nombre de méthodes de gestion de ce qu'il appelle “l'élevage naturel de poisson en plaines d'inondation”. Ces exemples concernent le Nigéria où, compte tenu du faible coût de leur mise en place, les lacs et les étangs naturels en plaines d'inondation ont récemment attiré l'attention des communautés de pêcheurs locales (1974: 41). Ces méthodes visant à les transformer en étangs à poisson et leur aménagement ont toutefois des incidences mondiales. Il en est de même des suggestions de Kapetsky concernant l'utilisation des méthodes de pêche en branchages en vue d'améliorer la gestion des pêches en lagunes et en estuaires (1981: 46).
Moins révolutionnaires que certaines formes d'aquaculture, les démarches ci-dessus ont bien plus de chances d'emporter l'accord des communautés de pêcheurs. Kapetsky fait remarquer (p. 40) qu'elles seraient bien plus voisines du processus graduel d'évolution technologique, préconisé par Lawson (1977) que l'adoption de toute autre méthode de pisciculture exigeant une formation technologique plus poussée et le soutien technologique de services de vulgarisation et de laboratoires de recherches appliquées, ce qui risque d'imposer un effort financier aux pays en développement. En d'autres termes, ces démarches sont rationnelles non seulement sur le plan local mais aussi en termes de ressources disponibles dans les institutions gouvernementales.
Lawson et Robinson, dans un article sur les problèmes de gestion de la pêche artisanale en Afrique de l'Ouest citent un certain nombre d'autres techniques de gestion applicables à la pêche fluviale (1983a: 285–89). Tout en doutant qu'il soit possible d'infléchir les politiques nationales d'importation de denrées alimentaires à l'avantage de l'aménagement des pêcheries, les auteurs suggèrent que les responsables des politiques commerciales évaluent de façon plus approfondie leurs incidences sur les producteurs locaux. En tant que moyen de réduire indirectement l'effort de pêche, ils signalent les restrictions de crédit pour l'achat d'engins de pêche, le contrôle des moyens de production d'importation tels que les moteurs hors-bord et les pièces de rechange et l'augmentation du prix des intrants. Le recours à de telles mesures mérite certes d'être considéré, toutefois leur effet sur diverses catégories de pêcheurs doit être établi avec soin. Les restrictions de crédit et l'augmentation du prix des intrants, par exemple, grèvent davantage les membres les plus défavorisés de la communauté de pêcheurs, qui sont le plus nécessiteux d'une aide.
D'autres techniques de gestion peuvent être dirigées vers les négociants de poisson, par opposition aux pêcheurs, et les plus extrêmes d'entre elles sont l'interdiction de donner aux structures commerciales un statut officiel. Si on les considère comme un moyen de forcer la pêcherie à en revenir à un niveau de subsistance, ces restrictions sont non seulement difficiles à appliquer, mais constituent en outre une discrimination contre les consommateurs urbains à faible revenu, pour lesquels le poisson a des chances de constituer la source la moins onéreuse de protéines animales, sans même mentionner les négociants eux-mêmes.
Dans le cas de certaines pêcheries ayant atteint le stade quatre, ou de mainmise sur les pêcheries traditionnelles par des étrangers avant même que la communauté n'ait connu une commercialisation majeure, la situation peut s'être détériorée au point que le recours aux forces de sécurité s'impose avant que l'on puisse entreprendre de nouvelles initiatives de gestion. Les forces de sécurité sont davantage pour nous l'armée que la police. Leur emploi témoigne de l'échec des stratégies de gestion en vigueur. Il s'agit d'une solution finale désespérée, susceptible de permettre la mise en oeuvre ultérieure d'une autre démarche.
Rarement employés aux fins du développement, les militaires ont périodiquement été appelés à s'acquitter de tâches urgentes. On peut citer le cas de l'évacuation, apparemment efficiente, par l'armée ghanéenne, des résidents du bassin du lac Volta, lorsque les inondations à l'arrière du barrage du Volta menaçaient la vie des nouveaux colons. Sans faire appel à la force armée, les effectifs des services de la faune sauvage et des parcs nationaux se comportent souvent comme du personnel de sécurité lorsqu'ils combinent le recours à l'aviation et un balayage militaire au sol, en tant que tactique contre le braconnage. Considérant le nombre de pêcheurs en cause, ainsi que l'éloignement et les difficultés du terrain, seules les forces de sécurité disposent des ressources nécessaires pour entreprendre ce type d'opérations en liaison avec la pêche.
Le recours aux forces de sécurité peut être envisagé comme une tactique initiale de gestion dans deux types de situations. La première, lorsque les pêcheries locales sont littéralement inondées de pêcheurs expatriés, dont la présence même interdit aux pêcheurs locaux et immigrés d'utiliser les stocks de poisson de leur propre pays. On peut, à cet égard, donner l'exemple de la migration des voltïques au lac Kossou en Côte d'Ivoire. L'autre situation est liée à un conflit réel ou potentiel entre pêcheurs locaux et pêcheurs étrangers, parfois ressortissants d'un même pays, ou encore dans le cas où de trop nombreux pêcheurs emploient des méthodes trop efficaces, y compris des méthodes illicites. Parmi les exemples d'une telle situation on peut relater les conflits entre capitalistes étrangers et communautés de pêcheurs traditionnelles le long de certaines parties de l'Amazone ou encore la faillite des contrôles sociaux parmi les milliers d'exploitants des plaines de la Kafué, illustrée par la fréquence des vols de filets maillants et l'emploi de méthodes illicites.
On répétera que le recours à des forces de sécurité dans ces cas constitue une mesure draconienne. Néanmoins, il s'agit parfois d'une première étape indispensable au rétablissement de l'autorité du gouvernement, en vue de créer les bases nécessaires pour transférer des droits d'accès restreints à des organisations de participation installées sur place, ou d'autres institutions localement agréées.
Si la tendance actuelle à une décentralisation politique au niveau de la circonscription se poursuit, une décentralisation du contrôle sur les ressources naturelles telles que les forêts, la faune sauvage et la pêche peut s'ensuivre. Bien que l'on s'attende à ce que les conseils de circonscription prennent des règlements en matière de conservation, dans le domaine de l'utilisation des terres agricoles, et qu'ils s'occupent de leur exécution, la responsabilité de la gestion des ressources naturelles continue en général d'être investie dans les gouvernements nationaux. Certains pays, cependant, tel que le Népal, ont pris des lois visant à décentraliser une partie de l'aménagement des forêts au niveau de la circonscription.
Vu la dispersion des ressources ichtyologiques, ainsi que l'insuffisance des effectifs gouvernementaux, les faiblesses des moyens de transport et des crédits au niveau du service, il peut apparaître rationnel, sur une base expérimentale, d'accorder aux conseils de circonscription une certaine latitude sur le contrôle des ressources ichtyologiques que la circonscription a aidé à développer et qui contribuent à l'assiette des contributions de la circonscription. Nous hésitons à être plus spécifiques, car nous avons mis l'accent sur la décentralisation des mesures de gestion en faveur des communautés au-delà du niveau de la circonscription et du ward et sur le danger latent de voir les conseils de circonscription dominés par une élite restreinte, qui s'efforcera d'exploiter les ressources naturelles à son propre avantage.
Le problème du contrôle par l'élite est très réel, même lorsqu'il s'agit des pâturages dits communaux ou d'autres terres au niveau de la communauté (ainsi, Cernea notait, en 1981, un exemple pakistanais où les élites locales avaient usurpé les territoires communaux, interdisant simultanément l'accès aux autres). C'est pourquoi nous avons mis l'accent sur les organisations d'actionnaires à participation effective, au niveau de la communauté. D'ailleurs, les conseils de circonscription peuvent apporter une contribution véritable au développement des pêches (comme dans le cas des pêcheries du lac Kariba). Ils sont d'ailleurs censés constituer le gouvernement représentatif des communautés qui la composent. En tant que tels ils devraient incontestablement tirer un avantage financier de leurs ressources ichtyologiques territoriales. La question de savoir s'ils devraient aussi jouer un rôle majeur dans la gestion restera ouverte pour l'instant.
Nous avons déjà vu en détail les organisations communautaires locales (9.2) aussi nous bornerons-nous à quelques observations complémentaires. Notre principal argument a consisté à affirmer que l'aménagement des pêcheries devrait être de plus en plus centralisé en faveur d'organisations représentant les intérêts des communautés de pêcheurs le plus directement concernées, avec l'appui des services gouvernementaux et autres. Ce qui importe, ce n'est pas la forme effective de l'organisation ou son titre, mais la mesure dans laquelle elle est institutionnalisée parmi les bénéficiaires envisagés. Pour favoriser une telle institutionnalisation, nous avons souligné la nécessité, pour ces organisations, d'être culturellement valables, d'être effectivement ouvertes à la participation et d'être opérationnellement rentables sur le plan économique. En tant que modèle théorique, les organisations locales d'actionnaires participants répondent aux deuxième et troisième de ces critères. Ainsi, dans les pêcheries plus stratifiées de l'Afrique de l'Ouest, il est plus judicieux, à tout le moins initialement, de faire appel aux responsables traditionnels de la pêche. L'exemple du Ghana est intéressant à cet égard: selon Lawson (1983: 11–13), le rôle institutionnel des chefs de pêche et de leurs anciens réémerge, environ 200 chefs de pêche étant organisés en un système national. Il s'agit en l'occurrence de la pêche côtière, mais des fonctions analogues existaient dans certaines communautés de l'Ouest africain pratiquant la pêche intérieure.
Lorsqu'ils conservent des partisans, de tels responsables devraient pouvoir jouer un rôle de gestionnaires, bien que nous estimions qu'à long terme ils ne constituent guère un substitut pour des organisations ou la participation à une place majeure.
Ces incertitudes quant à la meilleure façon de procéder expliquent pourquoi des recherches non préjudicielles s'imposent au cours de la période d'évaluation, afin de déterminer quel type d'organisation répond à un ensemble donné de conditions. De telles recherches sont particulièrement importantes pour les pêcheries récentes multi-ethniques, qui font place à la fois à des pêcheurs locaux et à des immigrantes, établis en permanence, mais moins aptes à admettre le contrôle des responsables traditionnels. Etant donné que nous avons affaire à des situations dynamiques, il faudrait compléter les recherches par une observation et une évaluation de l'évolution ultérieure.
Une minorité restreinte de la population totale de pêcheurs, à savoir les pêcheurs migrants, connaissent un problème particulier auquel il faut s'attacher. Ce problème a des incidences économiques et politiques, outre que sur la gestion. En effect, il n'est pas peu fréquent que les pêcheurs migrants soient mieux dotés de capitaux et plus expérimentés que les pêcheurs locaux; en outre, ils proviennent d'autres circonscriptions, d'autres régions, et s'agissant de l'Afrique tropicale, d'autres pays. Dans un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest, de fortes pressions visent à évincer les pêcheurs expatriés, les Voltaïques en Côte d'Ivoire en sont un exemple. Les pêcheurs Ewes du Ghana sont également confrontés à l'hostilité lorsqu'ils émigrent dans les eaux du Nigéria et d'ailleurs (Lawson, 1983: 5). Quant aux hostilités intranationales, elles ont souvent une base ethnique. Chaque pays doit alors élaborer des politiques propres à protéger les intérêts des communautés de pêcheurs locales, de même que ceux des pêcheurs migrants.
On voit difficilement comment on pourrait faire une place aux pêcheurs migrants dans les LPSO. On pourrait envisager de mettre aux enchères à leur intention certains droits de pêche au niveau de la circonscription et de la communauté, d'affermer et d'attribuer des permis d'utilisation de certains engins pour encourager des opérations de pêche efficaces; les LPSO pourraient aussi être appelées, dans certaines conditions, à mettre aux enchères tout ou partie de leur droit d'accès restreint, en faveur des pêcheurs migrants, pour une période déterminée. Le plus souvent, toutefois, on peut espérer que des secteurs pourraient être réservés aux pêcheurs migrants, là où la concurrence avec les communautés de pêcheurs locaux est moins vive.
Compte tenu des relations étroites entre de nombreux négociants et les artisans-pêcheurs, un certain nombre d'auteurs ont suggéré qu'au lieu d'essayer d'imposer à ces derniers des restrictions en matière de maillage, les négociants pourraient être sanctionnés dès lors qu'ils vendraient des spécimens trop petits appartenant à des espèces menacées. Une telle mesure, plus facile à appliquer, pourrait constituer une option attrayante dans certains cas. On a affirmé qu'une telle procédure n'affecterait pas les alevins consommés ou vendus sur place, les services publics chargés de réglementer n'ayant guère de moyens de contrôle sur ces débouchés, quel que soit l'ensemble des techniques de gestion retenu.
On ne saurait s'attendre à ce que les organisations non gouvernementales jouent un rôle actif dans l'aménagement des pêcheries; elles peuvent cependant se révéler précieuses en tant que services de vulgarisation et de formation, notamment lorsqu'une grande méfiance caractérise les relation entre communauté de pêcheurs et services du gouvernement. Lorsqu'une stratégie de gestion aura été formulée, elle peut être appelée à jouer un rôle particulier tout d'abord en éduquant les pêcheurs puis en les aidant à s'organiser pour exécuter des mesures de gestion. “Family Farms” vient d'entreprendre une tentative en ce sens en Zambie, cependant, à moins que l'appui du gouvernement ne soit acquis, il n'est guère probable que les communautés de pêcheurs et les organisations non gouvernementales à elles seules puissent restaurer un système de gestion rationnel dans les pêcheries au stade quatre.