Il a �t� propos� pour la premi�re fois dans les ann�es 70 d'att�nuer les changements climatiques mondiaux par la foresterie (Dyson, 1977), mais il a fallu attendre la fin des ann�es 90 pour que des n�gociations internationales examinent cette possibilit� � l'�chelle de la plan�te, demandent que soit d�fini et �valu� le r�le des for�ts et proposent un m�canisme pour la collaboration internationale.
En 1992, la Convention-cadre sur les changements climatiques (CCCC) a �t� adopt�e du fait que le monde entier se pr�occupait du r�chauffement de la plan�te. La Convention vise � stabiliser la concentration de gaz � effet de serre (GES) dans l'atmosph�re pour tenter de r�duire les perturbations anthropiques du syst�me climatique mondial. Les pays industrialis�s et les pays en transition parties � la CCCC (inscrits sur la liste de l'Annexe 1 - Parties) se sont engag�s � effectuer des inventaires nationaux des �missions de gaz � effet de serre et des puits de carbone, et � faire en sorte de progresser vers les objectifs volontaires de r�duction des �missions. � la troisi�me session de la Conf�rence des Parties, tenue � Kyoto (Japon), en d�cembre 1997, un autre instrument juridiquement contraignant, dit Protocole de Kyoto, a �t� adopt�. Trente-neuf pays d�velopp�s (liste l�g�rement modifi�e des pays de l'Annexe 1 - Parties) ont pris l'engagement de r�duire leurs �missions de GES d'au moins 5 pour cent par rapport aux niveaux de 1990, entre 2008 et 2012. Les Parties peuvent s'acquitter de cet engagement en r�duisant les sources ou en prot�geant ou en renfor�ant les puits de gaz � effet de serre. Le Protocole de Kyoto pr�voit l'inclusion de changements r�sultant d'activit�s humaines directement li�es au changement d'affectation des terres et � la foresterie, et limit�es au boisement, au reboisement et aux mesures visant � �viter le d�boisement.
Le Protocole de Kyoto �tablit aussi un cadre pour la cession de �cr�dits de pollution� entre les Parties. Il introduit trois m�canismes flexibles permettant aux pays signataires de s'acquitter int�gralement ou partiellement de leurs engagements: projets entrepris conjointement par les pays de l'Annexe 1 (activit�s ex�cut�es conjointement), projets entre pays de l'Annexe 1 et autres pays (M�canisme pour un d�veloppement propre) et �change de droits d'�missions. Bien que le Protocole de Kyoto ne soit pas encore en vigueur et que l'on n'ait pas encore 14 d�cid� si les for�ts seront incluses, en tant que puits, dans les m�canismes flexibles, l'impact potentiel du r�sultat des n�gociations impose un examen attentif du r�le des for�ts dans le contexte du changement climatique.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'�volution du climat 15 (IPCC) estime que la temp�rature moyenne globale de la superficie terrestre a augment� de 0,3 � 0,6 �C au cours du si�cle �coul� (IPCC, 2000). On pr�voit que le r�chauffement de la plan�te provoquera au cours du prochain si�cle d'importantes variations des r�gimes climatiques qui risquent d'avoir des effets n�fastes sur les biomes r�gionaux et mondiaux. Il est d�sormais g�n�ralement admis que la premi�re cause de cette modification de la temp�rature de la plan�te est l'augmentation des concentrations de gaz � effet de serre dans l'atmosph�re, principalement de dioxyde de carbone (CO2), de m�thane (CH4) et d'oxyde nitreux (N2O). Le CO2, qui est le plus important de ces gaz , est responsable d'environ 65 pour cent de l'effet de serre. L'augmentation des concentrations atmosph�riques de CO2 , depuis le d�but de la r�volution industrielle, a �t� provoqu�e par les activit�s anthropiques, en particulier par la combustion de combustibles fossiles, la production de ciment et le d�boisement.
Les �cosyst�mes terrestres jouent un r�le important dans le cycle du carbone � l'�chelle mondiale. D'apr�s les estimations, 125 gigatonnes (Gt) 16 de carbone sont �chang�es chaque ann�e entre la v�g�tation, les sols et l'atmosph�re, ce qui repr�sente les deux cinqui�mes des �changes totaux de carbone entre la terre et l'atmosph�re (voir figure 18).
FIGURE 18 Estimation du cycle du carbone actuel, � l'�chelle mondiale1 |
1TTous les chiffres sont indiqu�s en gigatonnes (Gt) de carbone (1 gigatonne = 1 milliard de tonnes). Note: L'ampleur des flux entre l'atmosph�re, les oc�ans et la biosph�re terrestre est encore mal connue et actuellement � l'�tude. |
Les for�ts contribuent pour environ 80 pour cent � ces �changes. En effet, elles absorbent du carbone, mais en lib�rent aussi. Le d�boisement est une importante source d'�missions de carbone: il est presque certain que les d�boisements des ann�es 80 ont provoqu� un quart des �missions anthropiques totales de CO2 (Houghton, 1999) 13..Il a toutefois �t� sugg�r� que pendant les 50 ann�es � venir, la biosph�re terrestre soit g�r�e de mani�re � conserver ou � fixer entre 60 et 87 Gt de carbone dans les for�ts, et entre 23 et 44 Gt de carbone dans les terres agricoles (Brown et al., 1996).
Le carbone s'accumule dans les �cosyst�mes forestiers car ils absorbent du CO2 atmosph�rique qui est assimil� dans la biomasse. Le carbone est retenu dans la biomasse vivante (bois sur pied, branches, feuilles et racines) et dans la biomasse morte (liti�re, d�bris de bois, mati�re organique du sol et produits forestiers). Toute activit� ayant une incidence sur le volume de biomasse pr�sent dans la v�g�tation et dans le sol est susceptible de fixer du carbone provenant de l'atmosph�re ou de lib�rer du carbone dans l'atmosph�re. Globalement, les for�ts renferment � peine plus de la moiti� du carbone pr�sent dans la v�g�tation terrestre et dans le sol, soit quelque 1 200 Gt de carbone (voir figure 19).
FIGURE 19 Stocks de carbone terrestre, par type d'�cosyst�me |
Note: 1 gigatonne (Gt) = 1 milliard de tonnes. Source: Dixon et al., 1994; Schlesinger, 1997. |
Les for�ts bor�ales contiennent plus de carbone que tout autre �cosyst�me terrestre (26 pour cent des stocks totaux de carbone terrestre), contre 20 pour cent et 7 pour cent respectivement pour les for�ts tropicales et temp�r�es (Dixon et al., 1994). La v�g�tation des for�ts a une densit� en carbone beaucoup plus �lev�e que tout autre type de v�g�tation des autres �cosyst�mes terrestres (voir figure 20).
FIGURE 20 Densit� de carbone au-dessus du sol de certains types de v�g�tation |
Source: IPCC, 2000. |
Le carbone retenu dans le sol et dans la liti�re des �cosyst�mes forestiers repr�sente aussi une part importante des r�serves totales. � l'�chelon mondial, le carbone du sol repr�sente plus de la moiti� du carbone stock� dans les for�ts, avec toutefois des variations consid�rables suivant les types d'�cosyst�mes et de for�ts. Entre 80 et 90 pour cent du carbone pr�sent dans les �cosyst�mes des zones bor�ales est stock� sous forme de mati�re organique, alors que, dans les for�ts tropicales, le carbone est � peu pr�s �galement r�parti entre la v�g�tation et le sol (voir tableau 10).
TABLEAU 10
Densit� et stock de carbone, dans la v�g�tation et les sols des diff�rents �cosyst�mes | ||||||
�cosyst�me |
Pays/r�gion |
Densit� du carbone de la v�g�tation (tonnes/ha) |
Densit� du carbone du sol (tonnes/ha) |
Stock de carbone dans la v�g�tation (Gt) |
Stock de carbone dans le sol (Gt) |
Stock total de carbone (Gt) |
Bor�al |
F�d�ration de Russie |
83 |
281 |
74 |
249 |
323 |
Canada |
28 |
484 |
12 |
211 |
223 | |
Alaska |
39 |
212 |
2 |
11 |
13 | |
Temp�r� |
�tats-Unis |
62 |
108 |
15 |
26 |
41 |
Europe |
32 |
90 |
9 |
25 |
34 | |
Chine |
114 |
136 |
17 |
16 |
33 | |
Australie |
45 |
83 |
18 |
33 |
51 | |
Tropical |
Asie |
132-174 |
139 |
41-54 |
43 |
84-97 |
Afrique |
99 |
120 |
52 |
63 |
115 | |
Am�rique |
130 |
120 |
119 |
110 |
229 | |
Note: 1 gigatonne (Gt) = 1 milliard de tonnes. |
Cette diff�rence s'explique principalement par l'influence de la temp�rature sur les taux relatifs de production et de d�gradation de la mati�re organique. � des altitudes �lev�es (climats plus frais), la mati�re organique du sol s'accumule, car elle est produite � un rythme plus rapide qu'elle ne se d�compose. En revanche, � basse altitude, les temp�ratures plus chaudes favorisent une d�composition rapide de la mati�re organique du sol et le recyclage ult�rieur des �l�ments nutritifs.
La distribution de tous les biomes forestiers a �t� consid�rablement modifi�e depuis la moiti� de la derni�re �re glaciaire (il y a environ 18 000 ans), o� le climat �tait � la fois plus frais et plus aride qu'aujourd'hui. Les for�ts bor�ales et temp�r�es du nord se sont contract�es sous l'effet de l'avanc�e des couches de glace et de la toundra par le nord et de l'expansion de la v�g�tation semi-d�sertique et de la toundra par le sud, alors que les for�ts ombrophiles tropicales ont �t� r�duites � de petits �lots, � mesure que la savane s'�tendait. La quantit� de carbone stock�e dans les biomes terrestres �tait inf�rieure de 25 � 50 pour cent � son niveau actuel. Les r�serves de carbone terrestre �taient � leur maximum, pendant la p�riode holoc�ne inf�rieure chaude et humide, il y a environ 10 000 ans; elles ont ensuite d�clin� d'environ 200 Gt pour tomber � leur niveau actuel (2 200 Gt de carbone), probablement parce que le climat est progressivement devenu plus frais et plus aride.
Alors qu'avant le XIXe si�cle, les activit�s humaines - feu, utilisation de combustibles et d�boisement - n'avaient qu'une faible influence sur le stockage de carbone terrestre, depuis le d�but de la r�volution industrielle, elles ont un effet majeur sur le cycle du carbone � l'�chelle mondiale. Entre 1850 et 1980, plus de 100 Gt de carbone - soit environ un tiers des �missions anthropiques totales de carbone de la p�riode - ont �t� lib�r�es dans l'atmosph�re par suite de changements dans l'utilisation des terres (Houghton, 1996).
Jusqu'� la fin du XIXe si�cle, c'est principalement dans les r�gions temp�r�es que les for�ts ont �t� d�frich�es ou d�grad�es. Au XXe si�cle, la superficie de for�ts temp�r�es s'est, dans une large mesure, stabilis�e et les for�ts tropicales sont devenues la principale source d'�missions de CO2 provenant d'�cosyst�mes terrestres (Houghton, 1996). Aujourd'hui, le couvert forestier est en l�g�re hausse dans les pays d�velopp�s: entre 1980 et 1995, il a augment� en moyenne de 1,3 million d'hectares par an (FAO, 1999d). Au cours des derni�res d�cennies, de nombreuses r�gions de for�ts temp�r�es (comme l'Europe et l'est de l'Am�rique du Nord) sont devenues de modestes puits � carbone gr�ce � l'�tablissement de plantations, au recr� des for�ts sur des terres agricoles abandonn�es et � l'accroissement du volume sur pied dans les for�ts. � l'inverse, les for�ts tropicales sont devenues une importante source d'�missions de carbone; dans les zones tropicales, le taux de d�boisement a �t� estim� � 15,5 millions d'hectares par an durant la p�riode 1980-1995 (FAO, 1999d).
On estime que, dans les ann�es 80, les �missions nettes de carbone dues � un changement d'affectation des terres ont �t� de 2 � 2,4 Gt par an (voir figure 21), ce qui repr�sente entre 23 et 27 pour cent des �missions anthropiques totales (Houghton, 1999; Fearnside, 2000). Le d�boisement des for�ts tropicales est responsable de la majorit� des �missions de carbone r�sultant d'un changement dans l'utilisation des sols. Le br�lage de la biomasse lib�re aussi d'autres gaz � effet de serre, notamment du m�thane et de l'oxyde nitreux.
FIGURE 21 �missions de carbone d�rivant d'un changement d'utilisation des terres |
Source: Houghton, 1999. |
Le br�lage de la biomasse foresti�re est � l'origine de 10 pour cent des �missions mondiales de m�thane. La d�gradation des for�ts se traduit aussi par une perte de carbone. Les �missions annuelles nettes d�rivant de la d�gradation des for�ts tropicales durant les ann�es 80 sont estim�es � 0,6 Gt de carbone (Houghton, 1996). En Asie tropicale, la perte de carbone imputable � la d�gradation des for�ts est pratiquement �gale � celle provoqu�e par la d�forestation.
Il est de plus en plus �vident que les alt�rations des concentrations de gaz atmosph�riques dues aux activit�s humaines ont une incidence sur le cycle du carbone dans les for�ts. Les concentrations de CO2 atmosph�rique � l'�chelle mondiale sont pass�es de 280 ppm avant la r�volution industrielle � 370 ppm en l'an 2000, et les taux de retomb�es d'azote dans les for�ts situ�es � proximit� de r�gions industrielles ont sensiblement augment�. Ces deux effets conduiront probablement � une augmentation de la croissance et de la productivit� des plantes. Dans des parcelles d'�chantillonnage permanentes �tablies dans des for�ts climaciques d'Am�rique du Nord et du Sud, la biomasse foresti�re a sensiblement augment� ces derni�res ann�es. Le renforcement de l'absorption du carbone dans les r�gions foresti�res est �galement d�montr� par des mesures microm�t�orologiques des flux de CO2 au-dessus des for�ts et par des �valuations des distributions du CO2 atmosph�rique � l'�chelle des continents. Selon certaines �tudes, gr�ce aux effets combin�s de la d�forestation, du recr� des for�ts d�grad�es et du renforcement de la croissance des for�ts existantes, entre 1 et 3 Gt de carbone sont absorb�es chaque ann�e, ce qui compense � peu pr�s les �missions mondiales dues � la d�forestation (Mahli, Baldocchi et Jarvis, 1999).
Si la temp�rature � la surface de la terre augmente comme pr�vu au cours du XXIe si�cle, tous les �cosyst�mes conna�tront la p�riode de changement climatique la plus rapide depuis la fin de la derni�re �re glaciaire. Ce changement affectera la distribution et la composition des for�ts et les strat�gies de gestion devront tenir compte des perspectives de d�placement rapide des zones climatiques et des limites des �cosyst�mes.
L'Encadr� 16 pr�sente les impacts pr�vus sur les principaux types de for�ts, dans le cadre de sc�narios ressortant des mod�les IPCC des changements climatiques mondiaux au XXIe si�cle. Si les mod�les sont relativement coh�rents dans leurs pr�visions du r�chauffement de la plan�te, ils le sont moins en ce qui concerne les variations des r�gimes pluviom�triques. Tous ces sc�narios supposent qu'il n'y aura pas de grande �surprise� 19. Sur la base des sc�narios de pr�visions climatiques de l'IPCC, les changements cl�s attendus vers la fin du XXIe si�cle sont les suivants:
Des pr�visions climatiques r�gionales sont n�cessaires pour d�terminer les effets sur les for�ts. En g�n�ral, les pr�visions relatives aux temp�ratures r�gionales sont fiables. Les plus fortes hausses de temp�ratures se v�rifieront dans les r�gions d'altitude du Nord, alors que les augmentations seront plus faibles plus pr�s des tropiques et dans les r�gions � forte influence oc�anique. Les pr�cipitations augmenteront � l'�chelle mondiale mais, au niveau r�gional, les pr�visions sont moins fiables. Globalement, les principaux changements climatiques d�terminant les taux de croissance des for�ts seront les hausses de temp�ratures � des latitudes sup�rieures, et les variations des pr�cipitations, � des latitudes inf�rieures. Toutes les r�gions, o� la temp�rature augmentera et o� les pr�cipitations resteront inchang�es ou s'affaibliront, enregistreront une diminution notable de l'humidit� du sol qui limitera la croissance des v�g�taux et augmentera les risques d'incendie. D'importants incendies risquent de d�truire de vastes �tendues de for�t.
Des peuplements forestiers existants survivront peut-�tre pendant quelque temps sous le nouveau climat, mais les r�actions � long terme d�pendront de la capacit� qu'auront les esp�ces de s'adapter aux nouvelles conditions ou de modifier leur r�partition g�ographique. Cette capacit� sera d�termin�e par la variation inter et intrasp�cifique des r�actions physiologiques aux variations de la temp�rature, de la concentration de CO2, de l'humidit� du sol et, dans quelques zones, de l'accroissement des d�p�ts d'azote. Elle sera aussi fonction des types de sol et des relations �cologiques entre les esp�ces qui affectent la pollinisation, la dispersion et les d�g�ts dus � des attaques d'herbivores ou de ravageurs et d'agents pathog�nes. La nature du paysage et l'intensit� des activit�s humaines auront aussi une influence. Par exemple, le morcellement des habitats aura une incidence sur la capacit� qu'ont les esp�ces de modifier leur aire de r�partition g�ographique pour s'adapter � l'�volution des �cosyst�mes. Les montagnes pourront �tre des refuges particuli�rement importants en cas de r�chauffement climatique car de nombreuses esp�ces pr�f�reront d�placer leur aire de r�partition � une altitude plus �lev�e vers un climat plus frais, plut�t qu'� des latitudes sup�rieures sur de grandes distances. Les modifications de la r�partition des esp�ces pourront conduire � de nouveaux assemblages d'esp�ces et � la disparition de certaines autres.
Les alt�rations du couvert forestier pourraient avoir des effets de r�troaction sur le climat en modifiant les temp�ratures de surface et en influen�ant les concentrations de CO2 atmosph�rique. Les for�ts ont un alb�do plus faible (c'est-�-dire qu'elles r�fl�chissent moins de lumi�re) que d'autres �cosyst�mes et, gr�ce � leurs syst�mes radiculaires �tendus, elles atteignent plus facilement l'eau du sol que d'autres types de v�g�tation. De ce fait, elles absorbent plus d'�nergie solaire, ce qui peut conduire � un r�chauffement, et perdent plus d'eau par �vaporation, ce qui peut entra�ner un refroidissement. Dans les zones tropicales, les processus d'�vaporation tendent � dominer et l'effet net des for�ts est de rafra�chir et d'humidifier l'atmosph�re, alors qu'� des altitudes plus �lev�es, les effets de l'alb�do sont plus importants, d'o� un r�chauffement local.
Trois strat�gies peuvent �tre adopt�es pour g�rer le carbone des for�ts (voir tableau 11). La premi�re consiste � augmenter la quantit� ou le taux d'accumulation du carbone par la cr�ation ou le renforcement de puits de carbone (fixation du carbone). La seconde consiste � pr�venir ou � r�duire le taux de lib�ration du carbone d�j� fix� dans les puits existants (conservation du carbone). La troisi�me consiste � r�duire la demande de combustible fossile en augmentant l'utilisation de bois, sous forme de produits durables (substitution de mat�riels � forte consommation d'�nergie, comme l'acier et le b�ton), ou de biocombustibles (substitution du carbone). Ces strat�gies peuvent �ventuellement �tre combin�es. Un certain nombre d'initiatives de fixation et de conservation du carbone ont d�j� �t� mises au point, notamment des Activit�s ex�cut�es conjointement 20 dans le cadre des projets de changement d'affectation des terres et de foresterie de la CCCC, en rapport avec le carbone.
Le potentiel de fixation du carbone des activit�s de boisement ou de reboisement est fonction de l'esp�ce, de la station et du type d'am�nagement adopt�, et, par cons�quent, tr�s variable. Normalement, les taux de fixation, en tonnes de carbone par hectare et par an, du boisement/reboisement sont de 0,8 � 2,4 tonnes dans les for�ts bor�ales, de 0,7 � 7,5 tonnes dans les r�gions temp�r�es et de 3,2 � 10 tonnes dans les r�gions tropicales (Brown et al., 1996). Le potentiel de fixation des activit�s agroforesti�res est encore plus variable, et d�pend de la densit� de plantation et des objectifs de production du syst�me.
En supposant que les disponibilit�s mondiales de terre sont de 345 millions d'hectares pour les activit�s de boisement/reboisement et d'agroforesterie, Brown et al., (1996) estiment qu'environ 38 Gt de carbone pourraient �tre fix�es au cours des 50 prochaines ann�es (30,6 Gt gr�ce � des activit�s de boisement/reboisement et 7 Gt gr�ce � l'adoption accrue de pratiques d'agroforesterie) (voir figure 22).
Les activit�s sylvicoles qui accroissent la productivit� des �cosyst�mes forestiers, comme les �claircies pratiqu�es en temps voulu, peuvent accro�tre jusqu'� un certain point la quantit� de carbone stock�e dans les for�ts. Toutefois, par rapport aux activit�s de boisement/reboisement, les variations des syst�mes de sylviculture ont un effet faible sur les stocks totaux de carbone (Dixon et al., 1993).
Si le moyen le plus efficace de r�duire les concentrations atmosph�riques de CO2 est la r�duction d'�missions de combustion des carburants, en termes de modification d'usage des terres et for�ts, la conservation des stocks de carbone forestier existant est techniquement le potentiel le plus �lev� pour une att�nuation des changements climatiques. �tant donn� que la majorit� des �missions de carbone d�rivant de la d�forestation se produisent dans les ann�es qui suivent le d�frichage, une r�duction du taux de d�boisement a un effet plus imm�diat sur les niveaux globaux de CO2 atmosph�rique que les mesures de boisement/reboisement, gr�ce auxquelles il est possible d'absorber des volumes similaires de carbone atmosph�rique, mais sur une p�riode beaucoup plus longue.
Les possibilit�s de conserver le carbone gr�ce au maintien du couvert forestier d�pendent du niveau de r�f�rence suppos� pour les op�rations de d�boisement non li�es � des projets (�op�rations de routine�). En principe, on pourrait conserver entre 1,2 et 2,2 Gt de carbone chaque ann�e, si le d�boisement cessait compl�tement (Dixon et al., 1993). Cependant, les recettes provenant du carbone pourraient certes am�liorer la rentabilit� �conomique des terres foresti�res, mais les projets devront aussi s'attaquer aux causes profondes du d�boisement et de l'utilisation insoutenable des for�ts pour parvenir � conserver le carbone. Brown et al., (1996) estiment qu'une r�duction du d�boisement dans les r�gions tropicales devrait permettre de conserver entre 10 et 20 Gt de carbone d'ici 2050 (0,2 � 0,4 Gt par an).
Il est possible de conserver le carbone stock� dans les for�ts en utilisant des pratiques de gestion am�lior�es. La plus prometteuse est la technique d'exploitation � impact limit� dans les zones tropicales. Les pratiques d'exploitation foresti�re traditionnelles peuvent endommager gravement le peuplement r�siduel, puisque jusqu'� 50 pour cent des arbres laiss�s en place sont ab�m�s ou meurent (Kurpick, Kurpick et Huth, 1997). Les techniques d'exploitation � impact limit� permettent de r�duire de 50 pour cent ces d�g�ts (Sist et al., 1998) et, partant, de diminuer le niveau des �missions de carbone associ�es � l'abattage des arbres. Nabuurs et Mohren (1993) ont calcul� que la masse de carbone pouvant �tre conserv�e � long terme, gr�ce aux techniques d'exploitation � impact limit� dans la for�t ombrophile tropicale, se situe entre 73 et 97 tonnes par hectare. �tant donn� que, d'apr�s les estimations, on exploite chaque ann�e 15 millions d'hectares de for�ts tropicales (Singh, 1993), g�n�ralement consid�r�es comme non durables (Poore, 1989), les possibilit�s d'accro�tre les stocks de carbone sont importantes. Les quantit�s suppl�mentaires de carbone conserv�es gr�ce aux techniques d'exploitation � impact limit� sont calcul�es en partant du principe que les m�thodes d'exploitation conventionnelle seraient poursuivies en l'absence d'intervention, et il est difficile de quantifier les variations des stocks de carbone associ�es aux modifications des pratiques d'exploitation (IPCC, 2000 Chapitre 4).
Les feux incontr�l�s provoquent chaque ann�e d'importantes pertes de carbone dans les for�ts. Certaines conditions m�t�orologiques d�rivant du changement climatique, comme le renforcement du ph�nom�ne El Ni�o, augmentent les risques d'incendie. Les pratiques de gestion des feux offrent la possibilit� de conserver les stocks de carbone des for�ts. Toutefois, la gestion des feux ne sera efficace que si les efforts de pr�vention et de lutte contre les incendies sont combin�s avec des remaniements des politiques d'utilisation des sols et des mesures visant � r�pondre aux besoins des populations rurales. Il peut aussi se r�v�ler difficile d'�valuer les donn�es de d�part pour les projets de pr�vention des feux, qui d�pendront des interactions entre des facteurs humains et des facteurs stochastiques, comme les conditions m�t�orologiques.
Les biocombustibles fournissent actuellement 14 pour cent des approvisionnements mondiaux en �nergie primaire. Dans les pays en d�veloppement, les biocombustibles repr�sentent un tiers des approvisionnements �nerg�tiques totaux. Si les biocombus-tibles que l'on utilise aujourd'hui �taient remplac�s par de l'�nergie d�riv�e de combustibles fossiles, 1,1 Gt de carbone suppl�mentaire par an serait rejet�e dans l'atmosph�re (IPCC, 2000, Chapitre 5). � la diff�rence de la combustion des combustibles fossiles, l'utilisation de biocombustibles produits selon des m�thodes durables n'aboutit pas � rejet net de CO2 dans l'atmosph�re, car le CO2 lib�r� gr�ce � la combustion des biocarburants est absorb� par la biomasse qui repousse. La substitution de combustibles fossiles par des biocombustibles durables entra�nera donc une r�duction des �missions de CO2 directement proportionnelle au volume de combustibles fossiles qui est remplac�. Les pr�visions relatives au r�le que joueront � l'avenir les biocarburants pour satisfaire les besoins en �nergie s'�chelonnent entre 59-145 x 1018 J pour 2025 et 94-280 x 1018 J pour 2050 (Bass et al., 2000). L'utilisation future d�pendra dans une large mesure du d�veloppement de technologies permettant une utilisation efficace des biocarburants, comme la gaz�ification des produits ligneux.
Les nouvelles plantations � biocombustible auront aussi un effet positif � long terme du point de vue de la fixation, car elles remplacent une utilisation des sols pour laquelle le taux de fixation est plus bas. Dans une for�t am�nag�e pour l'obtention de biocombustibles (en particulier taillis � courte rotation), la densit� moyenne de carbone � long terme est inf�rieure � celle d'une for�t non exploit�e ou d'une plantation � longue rotation, mais cette for�t retient plus de carbone que la majorit� des utilisations des terres non li�es � la foresterie. Inversement, si les for�ts naturelles sont remplac�es par des taillis � courte rotation pour la production de biocombustibles, l'effet b�n�fique de la substitution des combustibles fossiles sera annul� par les �missions d�rivant de la conversion de la for�t.
En rempla�ant des mat�riaux qui lib�rent d'importants volumes de dioxyde de carbone - que ce soit durant la transformation (ciment), ou par la consommation d'�nergie (acier) - on pourrait aussi r�duire consid�rablement les �missions nettes de CO2.
Il existe actuellement 16 projets internationaux d'activit�s ex�cut�es conjointement qui ont �t� approuv�s et qui comportent un volet Changement d'affectation des terres et de foresterie (CCCC, 2000). Le tableau 22 r�sume les caract�ristiques d'un ensemble repr�sentatif de projets CATF, qui sont en cours d'ex�cution et couvrent environ 3,5 millions d'hectares (IPCC, 2000, Chapitre. 5). Quatre-vingt-trois pour cent de cette superficie est am�nag�e pour la conservation du carbone dans les for�ts existantes, soit en prot�geant les for�ts (interdiction totale d'exploitation), soit en les am�nageant (production durable). Ces projets permettent de conserver � long terme de 40 � 108 tonnes par hectare (am�nagement des for�ts), et entre 4 et 252 tonnes (protection des for�ts). Sur l'ensemble de leur dur�e d'ex�cution, l'effet de fixation de ces projets est estim� � 5,7 millions de tonnes de carbone (am�nagement des for�ts) et � 40-108 millions de tonnes (protection des for�ts). Cent quatre-vingt mille hectares suppl�mentaires sont g�r�s pour des activit�s de boisement/reboisement et compenseront 21 des �missions estim�es � 21,7 millions de tonnes de carbone durant le cycle d'ex�cution des projets. Deux projets, couvrant 200 000 ha, comprennent des activit�s d'agroforesterie et devraient compenser 10,8 millions de tonnes de carbone suppl�mentaires.
TABLEAU 12 Comparaison de certains projets CATF | ||||||
Source: IPCC, 2000, Chapitre 5. |
Le co�t par tonne de carbone des projets d�crits dans le tableau 12 s'�chelonne entre 0,1 et 15 dollars EU. Toutefois, les m�thodes employ�es pour le calcul des co�ts de la fixation du carbone varient selon les projets et il sera peut-�tre n�cessaire de r�viser � la hausse les estimations � long terme. L'absorption effective du potentiel de fixation de carbone d�pendra des co�ts compar�s de la r�duction des �missions provenant du secteur de l'�nergie; selon certaines �tudes, le march� du carbone issu du secteur forestier serait inf�rieur � 1 Gt.
Outre le probl�me de savoir calculer les co�ts de fixation du carbone, l'autre question importante est de d�finir la m�thode pour en effectuer la comptabilit�.
L'encadr� 17 illustre la comptabilit� du carbone au niveau national et au niveau des projets.
L'encadr� 18 donne quelques exemples des activit�s entreprises dans le cadre de projets CATF.
Les for�ts sont une composante importante du cycle du carbone � l'�chelle mondiale. Elles sont li�es par une interaction r�ciproque aux changements climatiques et leur gestion ou leur destruction aura un impact significatif sur l'�volution du r�chauffement de la plan�te au XXIe si�cle.
Les �cosyst�mes forestiers renferment plus de la moiti� du carbone terrestre total. Ils assurent environ 80 pour cent des �changes de carbone entre les �cosyst�mes terrestres et l'atmosph�re. Bien que les �cosyst�mes forestiers absorbent entre 1 et 3 Gt de carbone chaque ann�e, gr�ce � la repousse des arbres dans les for�ts d�grad�es, au reboisement et aux effets de la fertilisation au gaz carbonique et � l'azote, ils en lib�rent � peu pr�s autant (2 Gt) chaque ann�e, � cause du d�boisement. Dans les ann�es 80, le d�boisement a probablement �t� � l'origine d'un quart des �missions anthropiques totales de carbone.
Si les changements climatiques projet�s se mat�rialisent, ils auront probablement des effets spectaculaires et prolong�s sur les for�ts. Les �cosyst�mes forestiers devraient survivre pendant quelques temps � ces changements climatiques, mais � plus long terme, leurs r�actions d�pendront de la capacit� des esp�ces � s'adapter aux nouvelles conditions ou � modifier leur r�partition g�ographique.
L'am�nagement forestier peut contribuer aux objectifs de r�duction des �missions et faciliter les efforts de limitation des �missions de CO2 (voir figure 23). La conservation des stocks de carbone existant dans les for�ts pourrait �tre une strat�gie plus efficace que la fixation du carbone. Toutefois les mesures sylvicoles � elles seules ne sont pas suffisantes pour enrayer l'accroissement des concentrations de CO2 dans l'atmosph�re. Elles ne peuvent que compl�ter les efforts visant � r�duire les �missions de carbone dues � la combustion des combustibles fossiles.
FIGURE 23 Potentiel estim� des sources et des puits de carbone, pour diff�rents modes d'utilisation des terres |
![]() Note: Pour les activit�s de boisement et de reboisement, le taux potentiel suppose que 30 pour cent des terres adapt�es sont utilis�es, alors que le taux maximal suppose que toutes les terres disponibles sont utilis�es. Pour la r�duction du d�boisement, le taux potentiel est bas� sur les estimations de Brown et al., 1996; le taux maximal suppose un d�clin r�gulier des d�boisements tropicaux, qui sont cens�s cesser compl�tement au bout de 50 ans. |
Le Protocole de Kyoto pourrait avoir des r�percussions profondes sur le secteur forestier. Mais la nature pr�cise de ses effets d�pendra du type d'activit�s foresti�res qui seront jug�es admissibles pour att�nuer les changements climatiques et des r�gles et des normes qui seront appliqu�es aux projets potentiels. Les opinions divergent quant au r�le de la foresterie dans le cadre du �M�canisme pour un d�veloppement non polluant� (MDNP) pr�vu dans le Protocole.
Ceux qui sont contraires � l'inclusion de la foresterie dans le MDNP font valoir que les mesures visant � encourager la fixation du carbone risquent de conduire � des investissement excessifs dans des activit�s foresti�res � l'�chelle industrielle, ce qui aurait des cons�quences n�gatives sur le plan social et du point de vue de la diversit� biologique. Certains observateurs craignent que la possibilit� de recourir � la foresterie, comme moyen de r�aliser � peu de frais les objectifs de r�duction des �missions, ne d�tourne les investisseurs des initiatives visant � r�duire les �missions � la source. La durabilit� et l'�valuation des effets des projets forestiers suscitent aussi des pr�occupations.
En revanche, les partisans de l'inclusion de la foresterie estiment que le fait d'investir dans des initiatives de conservation de qualit�, d'agroforesterie et d'am�nagement durable des for�ts peut �tre avantageux sur le plan social, �conomique et de la biodiversit�, et font valoir que le surcro�t de valeur �conomique (ou en carbone) qui est attribu� aux for�ts pourrait donner l'impulsion n�cessaire pour relancer les efforts d'am�nagement durable des for�ts.
14 Juin 2001.
15 L'IPCC a �t� �tabli en 1988 par l'Organisation m�t�orologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Il donne � la communaut� mondiale, et plus particuli�rement aux parties � la CCCC, des informations scientifiques, techniques et socio�conomiques, ainsi que des avis au sujet des changements climatiques provoqu�s par l'homme.
16 1 milliard de tonnes est �gal � une gigatonne, indiqu�e par le sigle Gt, dans d'autres passages du texte.
17 Les donn�es concernant les �missions de carbone dues � un changement d'affectation des terres dans les ann�es 90 ne sont pas encore disponibles.
18 Le contenu de cette section est extrait du document (sous presse) du CMSC. L'information est reproduite avec l'aimable autorisation du Centre mondial de surveillance de la conservation.
19 Ces changements pourraient englober la brusque lib�ration de m�thane par les d�p�ts oc�aniques ou l'oxydation des r�serves de carbone du sol des for�ts du Nord, deux ph�nom�nes qui conduiraient � une acc�l�ration du r�chauffement, ou � un ralentissement de la circulation thermohaline de l'Atlantique Nord pouvant d�boucher sur un refroidissement du climat.
20 Tous les projets sont des projets pilotes relevant de la CCCC, ayant pour objet de tester et d'�valuer la faisabilit� des objectifs de la Convention, gr�ce � des efforts de coop�ration entre les Parties visant � �viter, fixer ou r�duire les �missions de gaz � effet de serre (GES).
21 Dans ce contexte, on entend par compensation du carbone la quantit� de carbone atmosph�rique retir�e � l'atmosph�re et retenue dans la v�g�tation et le sol sur une p�riode convenue (100 ans est la p�riode convenue par l'IPCC pour calculer le potentiel de r�chauffement), pour compenser le for�age radiatif d'une �mission d'une quantit� donn�e de CO2 ou d'un autre gaz � effet de serre.