La malnutrition prot�ino-�nerg�tique (MPE) du jeune enfant est actuellement le probl�me nutritionnel le plus grave dans de nombreux pays en Asie, en Am�rique latine, au Proche-Orient et en Afrique. Un d�ficit calorique en est la cause principale. On ne dispose pas de donn�es pr�cises sur sa pr�valence dans le monde, mais les estimations de l'OMS sugg�rent que la MPE serait pass�e de 42,6 pour cent des enfants de moins de 5 ans en 1975 � 34,6 pour cent en 1995. Cependant, dans certaines r�gions, ce d�clin a �t� moins rapide que l'accroissement de la population, si bien que dans certaines zones d'Afrique et d'Asie du Sud, le nombre d'enfants souffrant de MPE a augment� en valeur absolue. Dans le monde entier, le nombre d'enfants de faible poids est pass� de 195 millions en 1975 � environ 200 millions fin 1994, soit plus d'un tiers de la population des enfants de moins de 5 ans.
Le retard de croissance est le premier sympt�me important de MPE. Il est habituellement d� � une consommation insuffisante d'aliments et de calories, et il est aggrav� par les infections. Un enfant qui souffre d'un retard de croissance peut �tre plus petit ou plus l�ger qu'il ne devrait l'�tre � son �ge, ou trop maigre pour sa taille.
Le cadre conceptuel expos� au chapitre 1 sugg�re que trois conditions sont n�cessaires pour �viter la malnutrition et le retard de croissance: disponibilit� et consommation suffisantes d'aliments; bonne sant� et acc�s aux soins; soins appropri�s et bonnes habitudes alimentaires dans la famille. Si l'une de ces conditions fait d�faut, une MPE a des chances de survenir.
Bien que le terme de MPE soit r�cent, le probl�me, lui, est connu depuis longtemps. On l'appelait auparavant "malnutrition prot�inocalorique" et "d�ficit prot�ino�nerg�tique".
Le terme MPE recouvre en fait un ensemble d'�tats cliniques allant des plus b�nins aux plus graves. Une malnutrition mod�r�e se traduit simplement par une croissance m�diocre, alors que les formes les plus graves, le kwashiorkor (accompagn� d'œd�mes) et le marasme nutritionnel (amaigrissement majeur), sont souvent mortelles.
On sait depuis longtemps qu'un apport alimentaire tr�s insuffisant (famine ou p�nurie) entra�ne un amaigrissement pouvant aboutir au d�c�s par �puisement. Mais ce n'est qu'en 1930 que Cicely Williams, qui travaillait au Ghana, a d�crit en d�tail une maladie qu'elle a appel�e de son nom local, "kwashiorkor", qui signifie "maladie de l'enfant d�plac�". Le kwashiorkor a fait l'objet d'une grande attention � partir des ann�es 50. Il �tait d�crit comme la forme majeure de malnutrition et on le croyait d� � un d�ficit prot�ique. On a donc pens� que la solution consistait � augmenter les rations d'aliments riches en prot�ines pour les enfants � risque, et on rel�gue au deuxi�me plan le probl�me du marasme et du d�ficit �nerg�tique. Actuellement, on pense que la MPE r�sulte d'un apport alimentaire insuffisant ou d'une mauvaise utilisation des aliments et non d'un d�ficit d'un nutriment particulier comme les prot�ines. On a aussi constat� progressivement le r�le majeur des infections. On sait maintenant que le marasme est souvent plus fr�quent que le kwashiorkor, mais on ne sait pas pourquoi un enfant souffre plut�t d'un syndrome que de l'autre. Par ailleurs, on a pris conscience que ces deux formes cliniques graves ne constituent que la partie �merg�e de l'iceberg. Dans la majorit� des pays pauvres, la pr�valence ponctuelle du kwashiorkor et du marasme r�unis est de 1 � 5 pour cent, alors que 30 � 70 pour cent des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition b�nigne ou mod�r�e diagnostiqu�e par anthropom�trie.
La malnutrition prot�ino-�nerg�tique r�sulte d'un d�ficit en macronutriments et non en micronutriments. Malgr� son appellation, on admet � pr�sent qu'elle provient avant tout d'un d�ficit calorique d� � un apport alimentaire insuffisant. Le d�ficit calorique est plus fr�quent et plus important que le d�ficit prot�ique. La MPE est tr�s souvent associ�e � des infections et � des d�ficits en micronutriments. Des soins insuffisants, comme des repas trop peu fr�quents, jouent �galement un r�le.
Il ne faut cependant pas limiter les causes de la MPE et autres d�ficits courants dans les pays en d�veloppement � un apport alimentaire insuffisant. Pour que la nutrition soit satisfaisante, plusieurs conditions doivent �tre remplies: les aliments doivent �tre accessibles � la famille en quantit� correcte; l'enfant doit recevoir plusieurs repas �quilibr�s � intervalles ad�quats; il doit avoir de l'app�tit; la digestion et l'absorption des aliments doivent �tre bonnes; le m�tabolisme doit �tre normal; et il ne doit pas y avoir de probl�me qui emp�che les cellules d'utiliser ces nutriments ou qui entra�ne des pertes anormales. Tout facteur entravant les conditions pr�cit�es peut induire une malnutrition, notamment une MPE. L'�tiologie peut �tre complexe, car certains des facteurs contribuant � une MPE, surtout chez le jeune enfant, sont li�s � la fois � l'h�te, � l'agent (l'alimentation) et au milieu ambiant. On peut �galement classer les causes sous-jacentes selon qu'elles sont li�es � la s�curit� alimentaire, � la sant� (y compris la protection vis-�-vis des infections et le traitement des maladies) ou aux soins (y compris les habitudes maternelles et familiales en mati�re d'allaitement, de sevrage et de fr�quence des repas).
Voici quelques facteurs contribuant � la MPE:
La pr�maturit� ou un petit poids de naissance pr�disposent au marasme. L'absence d'allaitement due au d�c�s de la m�re, une s�paration d'avec la m�re, un lait maternel absent ou insuffisant peuvent �galement d�clencher une malnutrition dans des soci�t�s pauvres o� l'allaitement maternel est la seule fa�on de nourrir les b�b�s correctement. Tout ce qui emp�che une m�re d'allaiter son enfant dans une famille o� l'utilisation du biberon serait difficile, voire dangereuse, peut conduire � la malnutrition. Ce peut �tre la publicit� en faveur des laits en poudre comme le manque de soutien de l'allaitement par les professionnels de sant�. Par contre, l'allaitement exclusif sans adjonction d'autres aliments apr�s l'�ge de 6 mois peut lui aussi emp�cher une croissance correcte et aboutir � un kwashiorkor ou � un marasme.
Le concept selon lequel le kwashiorkor r�sulte d'un d�ficit prot�ique, et le marasme d'un d�ficit calorique, est simpliste car les causes en sont bien plus complexes. Des causes endog�nes et exog�nes font qu'un enfant va souffrir de kwashiorkor, de marasme, ou de cet �tat interm�diaire appel� "kwashiorkor marastique". Si un enfant consomme beaucoup moins d'aliments qu'il ne faut, il tire son �nergie de ses graisses de r�serve et de ses muscles. La n�oglucog�n�se h�patique s'acc�l�re et la graisse sous-cutan�e et les muscles fondent. On a �mis l'id�e que, dans ce contexte, surtout si l'apport prot�ique est tr�s faible par rapport � l'apport glucidique (ph�nom�ne aggrav� par des pertes azot�es li�es aux infections), diverses modifications m�taboliques surviennent et contribuent � l'apparition des œd�mes. L'eau et le sodium sont retenus et se combinent en dehors du syst�me cardiovasculaire dans les tissus, cr�ant des œd�mes. Le v�ritable r�le des infections n'a pas �t� totalement �lucid�, mais on sait que certaines infections augmentent consid�rablement l'�limination d'azote urinaire d�riv� des acides amin�s des muscles.
Il n'y a pas encore de consensus sur la v�ritable cause des œd�mes caract�ristiques du kwashiorkor. La majorit� des chercheurs s'accorde sur l'importance du d�ficit en potassium et de la r�tention de sodium. Quelques �l�ments �tayent l'argument classique selon lequel les œd�mes sont un signe d'apport prot�ique insuffisant. Il est possible, par exemple, d'induire un �tat similaire au kwashiorkor avec une st�atose h�patique et des œd�mes chez des porcs et des babouins dont l'apport alimentaire est d�ficient en prot�ines. Des arguments �pid�miologiques montrent aussi que le kwashiorkor est plus fr�quent en Ouganda, o� le plat de base est la banane plantain, pauvre en prot�ines, que dans des r�gions voisines o� l'aliment de base est une c�r�ale.
Deux nouvelles hypoth�ses ont �t� avanc�es r�cemment. La premi�re attribue le kwashiorkor � un empoisonnement par une aflatoxine. La seconde met l'accent sur l'importance des radicaux libres dans sa pathog�n�se; on a imagin� que la plupart des signes cliniques du kwashiorkor pourraient �tre dus � un exc�s de stress g�n�rateur de radicaux libres. Cette th�orie nouvelle, qui n'a pas encore fait l'objet de v�rifications approfondies, sugg�re toutefois que, m�me si le kwashiorkor est d� aux radicaux libres, il ne survient que chez des enfants mal nourris et sujets aux infections. M�me si cette th�orie est v�rifi�e, elle ne ferait qu'expliquer l'un des m�canismes pathog�nes du kwashiorkor. Elle ne changerait rien au fait que seuls l'am�lioration de l'apport alimentaire et la lutte contre les infections permettent de r�duire significativement le kwashiorkor et le marasme. Ni la th�orie de l'aflatoxine ni celle des radicaux libres n'ont �t� exp�rimentalement prouv�es et il n'y a pas d'arguments convaincants en faveur de l'hypoth�se d'une inadaptation individuelle � l'origine d'une MPE grave. Il est �tonnant qu'aucune �tude n'ait pu mettre en �vidence de diff�rences ou de similitudes de l'apport alimentaire entre les enfants atteints de kwashiorkor et ceux atteints de marasme sans œd�me.
Dans les kwashiorkors graves, il y a habituellement des signes biochimiques et souvent cliniques de d�ficits en micronutriments, ce qui n'est pas surprenant chez un enfant mal nourri. Dans le kwashiorkor comme dans le marasme, et m�me dans la MPE mod�r�e, l'examen clinique et les tests de laboratoire montrent des signes �vidents de d�ficit, qu'il s'agisse de vitamine A, de fer et/ou de zinc. Par contre, on n'a gu�re de preuves de la responsabilit� de l'un de ces d�ficits dans la gen�se de la MPE ou m�me des œd�mes.
Quelle que soit la v�ritable �tiologie de la MPE, il faut, pour la pr�venir, � la fois augmenter la quantit� de l'apport alimentaire, assurer l'�quilibre de l'alimentation et lutter contre les infections.
La MPE est souvent compar�e � un iceberg dont seuls 20 pour cent sont �merg�s. La partie �merg�e correspond aux formes graves: kwashiorkor, marasme et kwashiorkor marastique. Leur diagnostic clinique est relativement facile. Par contre, les enfants souffrant de malnutrition mod�r�e ou b�nigne n'ont pas de signes cliniques �vidents de malnutrition; ils sont souvent plus petits ou plus maigres, ils ont parfois un retard de d�veloppement psychologique ou d'autres signes plus difficiles � d�tecter. Ces formes de malnutrition ne sont d�cel�es que par anthropom�trie, c'est-�-dire mesure de la taille, du poids, et souvent du p�rim�tre brachial et de l'�paisseur du pli cutan�.
Comme le montre la figure 5, la pr�valence de la malnutrition hautement visible et avanc�e (kwashiorkor, marasme et kwashiorkor marastique) est de 1 � 5 pour cent sauf dans les zones de famine. La malnutrition mod�r�e et b�nigne atteint 30 � 70 pour cent en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Souvent dans ces r�gions, seuls 15 � 50 pour cent des enfants de 6 mois � 5 ans n'ont pas de MPE. Le diagramme montre que les d�ficits prot�ique et calorique jouent un r�le, mais celui du d�ficit calorique est plus important. Le d�ficit prot�ique est pr�pond�rant dans le kwashiorkor et le d�ficit calorique dans le marasme. La proportion d'enfants dans chaque cat�gorie de malnutrition d�pend bien s�r de la fa�on dont ces cat�gories sont d�finies. Les deux formes graves ont des signes cliniques tr�s diff�rents: on admet g�n�ralement que le trait dominant du kwashiorkor est l'œd�me alors que celui du marasme est l'amaigrissement extr�me. Quand ces deux signes sont pr�sents, il s'agit d'un kwashiorkor marastique.
La classification dite de Wellcome des formes graves de MPE a �t� largement utilis�e pendant plus de 20 ans (voir tableau 19). Elle a le m�rite de la simplicit� car elle est bas�e sur deux mesures seulement: le pourcentage du poids standard pour l'�ge et la pr�sence ou non d'œd�mes. La cat�gorie "mal nourris" inclut tous les enfants qui ont une MPE mod�r�e ou mod�r�ment grave mais sans œd�mes et dont le poids est au moins de 60 pour cent du poids standard pour l'�ge. Actuellement, on pr�f�re utiliser les �carts types pour d�terminer les seuils, mais cela ne modifie pas beaucoup la classification.
Dans les ann�es 50 et 60, l'�valuation du degr� de malnutrition �tait bas�e presque exclusivement sur le pourcentage du poids standard pour l'�ge. En Am�rique latine notamment, on utilisait la classification de Gomez (tableau 20).
Au d�but des ann�es 70, des professionnels de la nutrition se sont mis � signaler les inconv�nients du recours exclusif au poids pour l'�ge. Une autre m�thode a alors �t� mise au point pour classer les malnutritions l�g�res et mod�r�es en fonction du poids et de la taille. Par la suite, trois cat�gories ont �t� d�finies:
Cette classification distingue les influences pass�es et pr�sentes sur l'�tat nutritionnel. Elle permet de d�terminer si une suppl�mentation nutritionnelle a des chances d'am�liorer sensiblement l'�tat de l'enfant et renseigne le praticien sur l'histoire de la malnutrition du patient. Elle est aussi pratique pour les enqu�tes et la surveillance nutritionnelles. D'une mani�re g�n�rale, le retard de croissance est plus r�pandu que l'amaigrissement dans le monde.
TABLEAU 19
Classification de Wellcome des formes graves de MPE
Pourcentage du poids standard pour l'�ge |
œd�mes |
Pas d'œd�mes |
60-80 |
Kwashiorkor |
Malnutrition |
< 60 |
Kwashiorkor marastique |
Marasme nutritionnel |
TABLEAU 20
Classification de Gomez de la malnutrition bas�e sur le rapport poids/�ge
Classification |
Pourcentage du poids standard pour l'�ge |
Normal |
> 90 |
Premier degr� (malnutrition b�nigne) |
75-89,9 |
Deuxi�me degr� (malnutrition mod�r�e) |
60-74,9 |
Troisi�me degr� (malnutrition avanc�e) |
< 60 |
Comme on l'explique au chapitre 33, qui traite de l'�valuation du statut nutritionnel, on recommande actuellement de d�terminer le degr� de malnutrition en fonction des �carts types par rapport aux courbes de croissance du Centre national des statistiques de sant� des Etats-Unis (NCHS), qui sont publi�es par l'OMS. Dans les rapports publi�s par les pays qui sont bas�s uniquement sur le rapport poids/�ge, on utilise le terme de "maigre" pour parler des enfants dont le poids est inf�rieur � moins deux �carts types des normes du NCHS pour les enfants de moins de 5 ans. Dans une population normale, il n'y a que 2 � 3 pour cent des enfants � �tre en dessous de ce seuil. Une pr�valence plus �lev�e est un indice de probl�me nutritionnel. Si on mesure �galement la taille des enfants, on peut affiner la classification et distinguer ceux qui sont amaigris, ceux qui ont un retard de croissance ou les deux � la fois.
Il revient aux d�cideurs et au personnel de sant� de d�finir les crit�res de croissance en fonction desquels estimer la malnutrition, r�aliser des enqu�tes et mettre en place une surveillance. Ces derni�res ann�es, les normes OMS/NCHS ont �t� de plus en plus largement adopt�es bien qu'elles ne diff�rent pas tellement des pr�c�dentes normes de Harvard et de Denver. On a constat� que ces normes internationales s'appliquaient aux enfants des pays en d�veloppement puisque la croissance des enfants privil�gi�s dans ces pays ne s'en �carte pas sensiblement et que la croissance m�diocre des enfants d�favoris�s tient bien davantage � des facteurs sociaux, notamment le cycle infection-malnutrition, qu'� des diff�rences ethniques ou g�ographiques.
L'importance fonctionnelle d'une malnutrition b�nigne ou mod�r�e n'est pas encore totalement �lucid�e. Des �tudes r�alis�es dans diff�rents pays montrent que la mortalit� cro�t de fa�on r�guli�re avec la d�gradation du statut nutritionnel. Des enqu�tes effectu�es chez des adolescents du Guatemala ont montr� que ceux qui avaient eu un retard de croissance dans leur petite enfance, �taient plus petits, avaient de moins bons r�sultats scolaires et que leurs performances physiques et leurs tests de d�veloppement psychologique �taient moins bons que ceux des enfants des m�mes villages ayant eu une croissance satisfaisante dans leurs premi�res ann�es. Ces r�sultats donnent � penser qu'une MPE pr�coce a des cons�quences n�gatives � long terme.
La lutte contre la MPE est au cœur des politiques et programmes nutritionnels de la plupart des pays en d�veloppement. La r�duction, et si possible la pr�vention, des malnutritions b�nignes et mod�r�es diminuera ipso facto les malnutritions graves. C'est pourquoi, et bien qu'il puisse �tre tentant, en particulier pour le corps m�dical, de mettre l'accent sur le marasme et le kwashiorkor, il est souvent plus judicieux de consacrer les ressources disponibles � lutter contre les formes mod�r�es de malnutrition qui r�duiront � leur tour les formes graves.
Le kwashiorkor est l'une des formes graves de MPE. Il affecte surtout les enfants de 1 � 3 ans, mais on le voit � tout �ge. L'alimentation de ces enfants est carenc�e en �nergie, en prot�ines et en autres nutriments. Elle consiste souvent en glucides qui peuvent �tre volumineux et ne sont pas offerts � l'enfant assez fr�quemment. Le kwashiorkor est souvent associ� �, ou d�clench� par des maladies infectieuses comme la diarrh�e, les infections respiratoires, la rougeole, la coqueluche ou les parasitoses intestinales. Ces infections entra�nent une perte d'app�tit qui contribue � pr�cipiter l'enfant vers une forme grave de malnutrition. D'autre part, les infections, notamment accompagn�es de fi�vre, augmentent les pertes azot�es qui ne peuvent �tre compens�es que par des prot�ines alimentaires.
Le diagnostic de kwashiorkor repose sur l'histoire de l'enfant, les sympt�mes rapport�s et les signes cliniques observ�s (figure 6). Les examens biologiques ne sont pas indispensables mais contribuent � �clairer les cas individuels. Dans tous les cas, il existe des œd�mes � des degr�s divers, un retard de croissance, une fonte musculaire et une infiltration graisseuse du foie. On peut aussi voir des modifications du comportement, des anomalies des cheveux, une dermatose typique, une an�mie, une diarrh�e et divers signes de carences en autres micronutriments (photos 16 et 17).
œd�mes. L'accumulation de liquide dans les tissus entra�ne un gonflement qui existe dans tout kwashiorkor � des degr�s divers. Cela commence par un l�ger gonflement des pieds qui remonte le long des jambes et peut ensuite toucher les mains ou la t�te. Pour v�rifier la pr�sence d'œd�me, l'infirmier doit appuyer avec son pouce ou un autre doigt au-dessus de la cheville. En cas d'œd�me, le creux qui se forme va mettre quelques secondes � dispara�tre.
Retard de croissance. C'est un signe constant. Si on conna�t l'�ge pr�cis de l'enfant, on constatera qu'il est plus petit qu'il ne devrait �tre et, sauf s'il a des œd�mes tr�s importants, plus l�ger (en g�n�ral, 60 � 80 pour cent du poids normal ou inf�rieur � moins de 2 �carts types). Ce retard peut passer inaper�u si les œd�mes sont importants ou si l'on ignore l'�ge de l'enfant.
Amaigrissement. La fonte musculaire est typique mais peut �galement �tre masqu�e par les œd�mes. Cependant, les bras sont presque toujours maigres.
St�atose du foie. Ce signe est d�couvert lors de toute autopsie de kwashiorkor. Il peut se traduire par une augmentation de volume palpable du foie (h�patom�galie).
Modifications du comportement. Ces troubles sont fr�quents mais pas syst�matiques. L'enfant est habituellement apathique, ne manifeste pas d'int�r�t pour son environnement mais devient irritable si on le d�range ou si on le d�place. Il reste dans la m�me position, a l'air malheureux et ne sourit pas. Son app�tit est toujours m�diocre.
Alt�rations des cheveux. Les cheveux d'un enfant asiatique, sud-am�ricain ou africain sont habituellement noirs et �pais et refl�tent la lumi�re. En cas de kwashiorkor, les cheveux deviennent plus soyeux et plus fins. Les cheveux africains se d�frisent. La brillance dispara�t, la chevelure devient terne et sans ressort et se d�colore souvent en brun plus ou moins roux. On peut facilement et sans douleur en arracher de petites touffes. Au microscope, ces touffes ont des alt�rations des racines et sont plus fines que la normale. Leur r�sistance � la traction est diminu�e. En Am�rique latine, on voit des bandes de d�coloration (correspondant aux p�riodes de malnutrition successives) qui ont �t� appel�es le "signe du drapeau" (signo de la bandera).
Alt�rations cutan�es. Les dermatoses ne sont pas constantes. Elles surviennent d'abord dans les zones de frottement ou de pression comme le p�rin�e, les creux poplit�s et les coudes. On voit appara�tre des taches hyperpigment�es qui peuvent desquamer et qui ressemblent � une vieille peinture cloqu�e par le soleil, d'o� leur nom de "dermatose �cailleuse". En dessous de ces �cailles, la peau est d�pigment�e et atrophique comme une cicatrice de br�lure.
An�mie. Une an�mie est presque toujours pr�sente en raison du manque de prot�ines n�cessaires � la synth�se des globules sanguins, et elle est souvent major�e par un manque de fer, une ankylostomiase, une infestation palustre, etc.
Diarrh�e. Les selles sont habituellement molles et contiennent des aliments non dig�r�s. Elles ont quelquefois une odeur tr�s prononc�e, elles peuvent �tre aqueuses ou stri�es de sang.
Visage lunaire. Cet aspect caract�ristique est d� au gonflement des joues soit par l'œd�me soit par une infiltration graisseuse.
Signes li�s � d'autres d�ficits. La quantit� de graisse sous-cutan�e r�siduelle donne une id�e du degr� de d�ficit en �nergie. On voit souvent des alt�rations de la bouche et des l�vres typiques des carences en vitamines B, parfois une x�rophtalmie t�moignant d'une carence en vitamine A ou des signes de d�ficit en zinc ou autres micronutriments.
Syndrome n�phrotique. La confusion est possible puisque, dans les deux cas, il existe des œd�mes. Mais dans le syndrome n�phrotique, l'urine contient beaucoup d'albumine ainsi que des d�bris. Dans le kwashiorkor, il y a au plus des traces d'albumine. Le diagnostic repose sur la dermatose et les autres signes. Enfin, l'ascite fr�quente dans le syndrome n�phrotique est rare dans le kwashiorkor et ce dernier est une cause beaucoup plus courante d'œd�mes dans les pays en d�veloppement.
An�mie grave due � une ankylostomiase. L'an�mie peut suffire � expliquer l'œd�me, mais elle s'associe souvent au kwashiorkor. Si l'an�mie est isol�e, il n'y a pas d'autres signes cutan�s que la p�leur. De toutes fa�ons, il est toujours utile de v�rifier les selles.
Dysenterie chronique. Il n'y a pas d'œd�me.
Pellagre. Elle est rare chez le jeune enfant. Les l�sions cutan�es peuvent ressembler � celles du kwashiorkor, mais elles affectent surtout des zones expos�es au soleil, pas le p�rin�e par exemple. La pellagre comporte une diarrh�e et une perte de poids mais pas d'œd�me ni d'alt�rations des cheveux.
Dans la majorit� des pays, le marasme, deuxi�me forme grave de MPE, est maintenant beaucoup plus r�pandu que le kwashiorkor. Le marasme est li� � un d�ficit de nourriture en g�n�ral, donc d'�nergie. Il peut survenir � tout �ge jusque vers 3 1/2 ans mais, contrairement au kwashiorkor, il est plus fr�quent avant l'�ge de 1 an. Le marasme est une forme de famine et ses causes sont innombrables. Quelle qu'en soit la raison, l'enfant ne re�oit pas suffisamment de lait maternel ou d'un substitut adapt�.
Les maladies infectieuses et parasitaires sont les facteurs d�clenchants les plus fr�quents: rougeole, coqueluche, diarrh�e, paludisme et diverses parasitoses, de m�me que les infections chroniques comme la tuberculose. La pr�maturit�, le retard mental et les troubles digestifs comme les vomissements ou une malabsorption, ainsi que l'interruption de l'allaitement, constituent d'autres causes habituelles.
TABLEAU 21
Comparaison des aspects cliniques du kwashiorkor et du marasme
Caract�ristique |
Kwashiorkor |
Marasme |
Retard de croissance |
Pr�sent |
Pr�sent |
Amaigrissement |
Pr�sent |
Marqu� |
œd�mes |
Pr�sents (parfois mod�r�s) |
Absents |
Alt�rations des cheveux |
Fr�quentes |
Moins fr�quentes |
Troubles du comportement |
Tr�s fr�quents |
Rares |
Dermatose �cailleuse |
Habituelle |
Non pr�sente |
App�tit |
M�diocre |
Normal |
An�mie |
Parfois grave |
Mod�r�e |
Graisse sous-cutan�e |
Diminu�e mais pr�sente |
Absente |
Visage |
Parfois _d�mati� |
Emaci�, simiesque |
Infiltration graisseuse du foie |
Pr�sente |
Absente |
Le tableau 21 compare les aspects cliniques du kwashiorkor et du marasme. Voici les principaux signes du marasme (photos 18 et 19)
Retard de croissance. Dans tous les cas, l'enfant ne grandit pas normalement. Le poids est toujours tr�s faible pour l'�ge quand ce dernier est connu (inf�rieur � 60 pour cent moins 3 �carts types de la moyenne). Dans les cas graves, la fonte musculaire est �vidente: les c�tes sont saillantes, le visage a un aspect simiesque caract�ristique; les membres sont tr�s �maci�s; le ventre, lui, est souvent ballonn�. L'enfant semble n'avoir plus que la peau sur les os. A un stade avanc�, on ne peut pas ne pas le reconna�tre, et une fois qu'on l'a vu, on ne peut plus l'oublier.
Amaigrissement. La fonte musculaire est extr�me et il n'y a plus - ou si peu - de graisse sous-cutan�e. La peau est flasque et pliss�e, surtout au niveau des fesses et des cuisses. En pin�ant la peau entre deux doigts, on ne trouve plus de couche de graisse sous-cutan�e.
Vivacit�. Ces enfants ne sont pas apathiques comme ceux atteints de kwashiorkor. Au contraire, leurs yeux enfonc�s ont une apparence �veill�e et ils ont souvent l'air moins malheureux et moins irritables.
App�tit. L'app�tit est conserv�, voire f�roce. Ces enfants sucent souvent leurs doigts, leurs v�tements ou n'importe quoi en faisant des bruits de succion.
Anorexie. Quelques enfants sont anorexiques.
Diarrh�e. Les selles sont parfois molles, mais ce n'est pas constant. Une diarrh�e infectieuse pr�cipite souvent l'�volution vers le marasme.
An�mie. Une an�mie est habituelle.
Ulc�res cutan�s. Il peut y avoir des ulc�rations cutan�es en regard des os les plus saillants. Mais il n'y a ni œd�me, ni dermatose �cailleuse.
Alt�rations des cheveux. Il peut y avoir des alt�rations similaires � celles du kwashiorkor mais il y a plus souvent une modification de la texture que de la couleur des cheveux.
D�shydratation. Bien que ce ne soit pas vraiment un signe du marasme, la d�shydratation l'accompagne souvent. Elle r�sulte d'une diarrh�e grave et/ou de vomissements.
Le diagnostic de kwashiorkor marastique s'applique aux enfants qui pr�sentent des traits des deux affections. Dans la classification de Wellcome, ce terme s'applique aux enfants atteints de malnutrition grave, pr�sentant � la fois des œd�mes et un poids pour l'�ge inf�rieur � 60 pour cent. Ces enfants pr�sentent tous les signes de marasme, notamment l'amaigrissement, la disparition de la graisse sous-cutan�e et le retard de croissance, et, en plus des œd�mes constamment pr�sents, ils peuvent avoir diff�rents signes de kwashiorkor comme la dermatose �cailleuse, les alt�rations des cheveux, les troubles du comportement et l'h�patom�galie. La diarrh�e est tr�s fr�quente.
L'int�r�t des examens biologiques dans le diagnostic ou l'�valuation de la MPE est limit�. Quelques dosages biochimiques sont alt�r�s dans les deux formes graves de MPE, alors qu'ils ne le sont pas en cas de malnutrition mod�r�e.
Dans le kwashiorkor, les prot�ines totales du s�rum sont diminu�es, surtout l'albumine. Cette r�duction est moins marqu�e dans le marasme. Au contraire, les globulines sont souvent normales, voire �lev�es, en raison des infections. La diminution de l'albumine n'appara�t que dans un kwashiorkor cliniquement �vident. Le taux d'albumine ne permet pas de pr�dire l'�volution d'une malnutrition mod�r�e vers un kwashiorkor, alors que, dans un kwashiorkor av�r�, sa diminution est proportionnelle � la gravit�.
On admet g�n�ralement qu'un taux d'albumine inf�rieur � 3 g/dl est bas, et qu'en dessous de 2,5 g/dl le d�ficit est s�rieux (voir tableau 22). On estime aussi que 2,8 g est le seuil d'alerte indiquant une �volution imminente vers une MPE grave.
Le taux d'albumine s�rique est un examen facile et peu on�reux qui, contrairement aux examens ci-dessous, peut �tre fait dans des laboratoires modestes.
Les taux de deux autres prot�ines s�riques, la pr�albumine et la transferrine, sont �galement utiles et pas trop difficiles � mesurer. Elles diminuent toutes deux dans le kwashiorkor et peuvent aider � en estimer la gravit�. Mais le taux de transferrine est li� au statut du fer, ce qui r�duit son int�r�t comme indicateur de kwashiorkor.
Le taux de la prot�ine porteuse du r�tinol est �galement diminu� dans le kwashiorkor et, � un degr� moindre, dans le marasme. Mais il peut aussi �tre influenc� par des affections h�patiques, un d�ficit en vitamine A ou en zinc et une hyperthyro�die.
D'autres examens utilis�s ou recommand�s dans le diagnostic et l'�valuation de la MPE ont un int�r�t limit�, notamment:
Aucun de ces tests n'est sp�cifique et la plupart ne sont pas r�alisables dans le laboratoire d'un h�pital de district.
TABLEAU 22
Taux d'albumine s�rique chez les enfants
mal nourris
Taux (g/dl) |
Signification |
> ou = 3,5 |
Normal |
3-3,4 |
Subnormal |
2,5-2,9 |
Bas |
< ou = 2,5 |
Pathologique |
Source: Alleyne et al., 1977.
Tous les enfants atteints de kwashiorkor grave, de marasme ou de kwashiorkor marastique devraient �tre hospitalis�s avec leur m�re. L'enfant devrait �tre examin� avec soin, notamment pour rechercher une infection, pulmonaire en particulier, pneumonie ou tuberculose, puis pes� et mesur�. Il faudrait ensuite pratiquer des examens des selles, d'urine et de sang (dosage de l'h�moglobine et recherche de paludisme).
Il arrive que l'enfant ne puisse pas �tre trait� � l'h�pital; dans ce cas, il faut le traiter au mieux dans le dispensaire le plus proche. Si l'enfant est encore allait�, il faut �videmment poursuivre l'allaitement.
Alimentation. Le traitement repose souvent sur le lait �cr�m� en poudre1 qui peut �tre reconstitu� sur place en ajoutant une cuill�re � caf� de poudre de lait � 25 ml d'eau bouillie et en m�langeant soigneusement. Il faut donner � l'enfant 150 ml de ce m�lange par kg de poids corporel et par jour, r�partis en six repas, toutes les quatre heures environ. Un enfant de 5 kg doit donc recevoir 5 x 150 = 750 ml par jour divis�s en six repas, soit 125 ml par repas, obtenu en ajoutant cinq cuill�res � caf� de poudre � 125 ml d'eau.
Il faut donner le lait � l'enfant � l'aide d'une tasse et d'une cuill�re. Si cela s'av�re difficile parce que l'enfant n'a pas beaucoup d'app�tit ou parce qu'il est gravement malade, la meilleure solution consiste � utiliser une sonde nasogastrique: en poly�thyl�ne de 50 cm de long et de 1 mm de diam�tre int�rieur. La sonde passe par une narine, et il faut fixer l'extr�mit� sur la joue avec du sparadrap ou un pansement � l'oxyde de zinc. On peut la laisser en place sans probl�mes pendant cinq jours. L'id�al est de faire passer le lait en continu, comme s'il s'agissait d'une perfusion. Sinon, on peut pousser le lait � l'aide d'une seringue � intervalles r�guliers environ toutes les quatre heures. Avant et apr�s chaque repas, il faut injecter 5 ml d'eau ti�de bouillie pour �viter l'obstruction de la sonde.
Il existe des m�langes plus �labor�s que le lait �cr�m� en poudre ordinaire, que l'on peut administrer de la m�me mani�re � la cuill�re ou par sonde gastrique. La plupart de ces m�langes contiennent une huile v�g�tale (s�same, graines de coton), de la cas�ine (prot�ine du lait purifi�e), du sucre et du lait en poudre �cr�m�. L'huile augmente l'apport calorique et la densit� du m�lange, tout en �tant mieux tol�r�e que les graisses du lait entier. L'adjonction de cas�ine accro�t le co�t mais r�duit souvent la dur�e d'hospitalisation, ce qui la justifie. Il existe une formule de ce m�lange baptis� "SCOM" (Sugar, Casein, Oil, Milk, c'est-�-dire sucre, cas�ine, huile, lait) qui est facile � m�moriser: une dose de sucre, une dose de cas�ine, une dose d'huile, une dose de lait �cr�m� en poudre auxquelles on ajoute de l'eau pour obtenir 20 doses. Le m�lange sec peut �tre stock� un mois dans une bo�te m�tallique herm�tique. Il suffit, pour pr�parer un repas, de pr�lever la quantit� de poudre n�cessaire dans un r�cipient et d'ajouter l'eau, et de remuer, ou mieux fouetter, le m�lange pour le rendre homog�ne. Comme pour le lait �cr�m� en poudre ordinaire, il faut en administrer 150 ml/kg/jour, soit pour un enfant de 5 kg, six repas de 125 ml obtenus en m�langeant quatre cuill�res � caf� du m�lange sec � 125 ml d'eau; 30 ml de ce m�lange procurent 28 kcal, 1 g de prot�ines et 12 mg de potassium.
R�hydratation. Les enfants qui ont une diarrh�e grave et/ou accompagn�e de vomissements sont souvent d�shydrat�s. Une perfusion intraveineuse n'est n�cessaire que si les vomissements sont incoercibles ou si l'enfant refuse de boire. L'utilisation d'une solution de r�hydratation orale (SRO) standard suffit comme dans toute diarrh�e (voir chapitre 37). Pour les enfants gravement mal nourris, il peut �tre avantageux de diluer davantage la SRO, en m�langeant par exemple � 1,5 litre d'eau bouillie un sachet pr�vu pour 1 litre.
Hypothermie. M�me dans les pays tropicaux, la temp�rature nocturne diminue souvent consid�rablement, que ce soit dans les h�pitaux ou ailleurs. Un enfant mal nourri a du mal � maintenir sa temp�rature et peut laisser celle-ci chuter. En l'absence de traitement, l'hypothermie est une des causes de d�c�s de ces enfants. Alors qu'� la maison l'enfant dort avec sa m�re qui le r�chauffe, � l'h�pital, il est seul et parfois expos� � des courants d'air. D�s que la temp�rature descend au-dessous de 36�C, il faut r�chauffer l'enfant: l'habiller chaudement, le couvrir et maintenir la pi�ce la plus chaude possible. On peut aussi utiliser des bouillottes remplies d'eau chaude. Il faut v�rifier fr�quemment la temp�rature.
M�dicaments. Bien qu'il soit utile d'�tablir des protocoles de traitement des malnutritions graves dans les h�pitaux, chaque enfant doit n�anmoins faire l'objet d'un traitement personnalis� et adapt� � ses besoins.
Les infections sont si courantes chez les mal nourris que les antibiotiques sont souvent prescrits de fa�on syst�matique. On utilise souvent la benzyl-p�nicilline IM � raison d'un million d'unit�s par jour r�parties en plusieurs prises pendant cinq jours; ou l'ampicilline � raison de 4 comprim�s � 250 mg par jour; ou l'amoxicilline � raison de 3 comprim�s � 125 mg par jour. On a moins souvent recours � la gentamycine ou au chloramph�nicol.
Dans les zones d'end�mie palustre, il est souhaitable d'administrer un demi comprim� de chloroquine (125 mg) par jour pendant trois jours, puis une fois par semaine. Dans les cas graves et en cas de vomissements, il faut utiliser la chloroquine injectable.
En cas d'an�mie grave, il convient de transfuser puis d'administrer du sulfate de fer trois fois par jour.
Si l'examen des selles met en �vidence des ankylostomes, des ascaris ou d'autres parasites, il faut donner de l'albendazole ou un produit similaire une fois que l'�tat de l'enfant s'est un peu am�lior�.
Etant donn� la fr�quence de la tuberculose chez les enfants mal nourris, il faut syst�matiquement la rechercher et administrer le traitement adapt�, le cas �ch�ant.
Avec le traitement ci-dessus, un enfant atteint de kwashiorkor grave doit commencer � perdre ses œd�mes entre le troisi�me et le septi�me jour, et donc perdre du poids. Parall�lement, la diarrh�e se calme ou dispara�t, les l�sions cutan�es commencent � s'estomper et l'enfant retrouve un peu de sa vivacit�.
Quand la diarrh�e a disparu, que les œd�mes ont fondu et que l'app�tit est revenu, il faut arr�ter la sonde gastrique si c'est la m�thode qui a �t� utilis�e. On peut poursuivre l'alimentation � base de SCOM ou de lait �cr�m� en poudre ordinaire � la tasse et � la cuill�re, en aucun cas au biberon. En cas d'an�mie, il faut commencer un traitement par fer oral et donner un demi comprim� de chloroquine par semaine.
Les enfants pr�sentant un marasme grave consomment souvent des quantit�s de calories impressionnantes et leur prise de poids est rapide. Par contre, la dur�e totale du traitement et la dur�e de l'hospitalisation sont souvent plus longues que pour le kwashiorkor.
Dans les deux cas, la prise de poids d�bute en g�n�ral au cours de la deuxi�me semaine. Tout en continuant l'administration de lait, il faut introduire progressivement une alimentation vari�e afin de fournir les calories, les prot�ines, les min�raux et les vitamines n�cessaires.
Pour �viter les rechutes, il est n�cessaire de faire participer la m�re ou la personne qui s'occupe de l'enfant aux repas. Il faut lui expliquer ce que l'on donne et pourquoi. Pour assurer sa coop�ration dans l'imm�diat et la mise en œuvre des recommandations � la maison � l'avenir, il faut utiliser � l'h�pital des ingr�dients disponibles � domicile, ou au moins disponibles dans la r�gion. Dans une r�gion o� le ma�s est l'aliment de base, on peut donner � l'enfant une bouillie de ma�s en ajoutant du lait �cr�m� en poudre. Pour un enfant plus �g�, on peut ajouter deux fois par jour des arachides �cras�es � sa bouillie ou lui donner des arachides grill�es. On peut donner aussi quelques cuill�res de fruits m�rs (papaye, mangue, orange, etc.). Lors des deux repas principaux, la m�re peut ajouter une petite portion des l�gumes verts, des l�gumineuses, du poisson ou de la viande qu'elle pr�pare pour le reste de la famille en prenant soin de bien les �craser. On peut donner des aliments riches en prot�ines comme des l�gumineuses, des arachides, de la viande, du lait ferment� ou des œufs. Si les œufs sont disponibles et culturellement acceptables, on peut les donner brouill�s, durs ou m�lang�s crus � une bouillie et montrer � la m�re comment les pr�parer. Les prot�ines animales sont souvent trop ch�res, mais elles peuvent �tre remplac�es par un m�lange de c�r�ales et de l�gumineuses. Si les aliments riches en vitamines sont rares, il convient d'administrer un suppl�ment vitaminique car ni le lait �cr�m� en poudre ni le SCOM ne sont riches en vitamines.
Tout comme le ma�s cit� plus haut, l'alimentation peut aussi bien �tre bas�e sur du riz ou du bl�. Si l'aliment de base est le manioc ou la banane plantain, pauvres en prot�ines, il faut s'assurer d'un bon apport prot�ique par ailleurs.
Apr�s la sortie de l'h�pital ou le traitement � domicile s'il s'agit d'un cas b�nin, il faut suivre l'enfant en consultation, de pr�f�rence en dehors de la foule bruyante des consultations g�n�rales, soit l'apr�s-midi soit dans une consultation de protection maternelle et infantile. La personne qui re�oit la m�re doit travailler au calme et avoir assez de temps pour lui expliquer ce qu'on attend d'elle et v�rifier que les recommandations ont �t� comprises. Il est inop�rant de se contenter de tendre � la m�re un sachet de lait en poudre ou d'un suppl�ment quelconque ou encore de se contenter de peser l'enfant sans donner de conseils.
Une prise de poids satisfaisante est un bon indicateur de progr�s. Il faut donc peser l'enfant � chaque visite et noter le poids sur une courbe de fa�on � le visualiser autant pour l'agent de sant� que pour la m�re.
Le suivi repose sur la fourniture d'un suppl�ment nutritionnel adapt�, mais il est pr�f�rable de l'int�grer aux repas. Il faut donner � la m�re une cuill�re-doseur et lui expliquer combien elle doit en ajouter aux autres aliments chaque jour selon le poids de l'enfant. Il est pr�f�rable de m�langer les suppl�ments, notamment le lait �cr�m� en poudre, aux aliments de l'enfant (� une bouillie de c�r�ales par exemple) plut�t que de faire une pr�paration s�par�e. Il faut s'enqu�rir du nombre de repas offerts � l'enfant: s'il n'est nourri que deux fois comme le reste de la famille, il faut demander � la m�re de lui donner deux repas de plus.
Lorsque cela est possible, une bonne solution consiste � donner le SCOM en consultation externe sous forme de m�lange sec, pr�t � l'emploi en sacs de poly�thyl�ne ferm�s.
La majorit� des d�c�s d'enfants gravement mal nourris survient dans les trois premiers jours d'hospitalisation. Le taux de d�c�s d�pend de nombreux facteurs, notamment la gravit� de la malnutrition, l'�tat de l'enfant et la qualit� du traitement. Dans certaines soci�t�s, les enfants sont amen�s � l'h�pital tr�s tard, alors qu'ils sont mourants, et le taux de d�c�s est alors tr�s �lev�.
Le pronostic d�pend de la cause et de la gravit� de la maladie. Chez un enfant atteint de marasme grave avec des poumons tr�s endommag�s par une tuberculose, le pronostic est �videmment m�diocre. Le pronostic d'un marasme mod�r� sans infection est bien meilleur. La r�ponse au traitement est meilleure pour les kwashiorkors que pour les marasmes.
Il est souvent difficile de savoir quoi faire quand l'enfant est gu�ri, surtout s'il a moins de 1 an. Parfois l'enfant a perdu sa m�re ou elle est malade ou elle n'a pas assez de lait. Il est vital d'apprendre � la personne qui va s'occuper de l'enfant comment le nourrir correctement. Si c'est le p�re qui a amen� l'enfant, il faut demander � une femme de la famille de passer quelques jours � l'h�pital avant la sortie de l'enfant. Il faut lui apprendre � nourrir l'enfant avec une tasse et une cuill�re et � ne jamais utiliser de biberon sauf si l'enfant a moins de 3 mois. Le meilleur syst�me consiste � pr�parer une bouillie peu �paisse � partir de l'aliment de base local auquel on ajoute deux cuill�res � caf� de lait �cr�m� en poudre (ou d'un autre suppl�ment riche en prot�ines) et deux cuill�res d'huile par kg de poids et par jour. Si l'enfant a plus de 6 mois, il faut �galement expliquer quels autres aliments ajouter. Il faut demander � la m�re ou � son substitut de revenir en consultation une fois par semaine si elle n'habite pas trop loin (dans un rayon de 10 km) ou une fois par mois dans le cas contraire. Il faut lui remettre des suppl�ments pour une dur�e l�g�rement plus longue que l'intervalle pr�vu entre deux consultations. Pour les autres aliments adapt�s � l'enfant, on trouvera des d�tails au chapitre 6.
L'alimentation doit absolument apporter suffisamment d'�nergie et de prot�ines. On compte g�n�ralement 120 kcal et 3 g de prot�ines par kg et par jour. Un enfant de 10 kg doit donc recevoir 1 200 kcal et 30 g de prot�ines chaque jour. Cependant, un enfant atteint de marasme est capable de consommer et d'utiliser 150 � 200 kcal et 4 � 5 g de prot�ines par kg et par jour.
On sait maintenant que la MPE touche les adultes, surtout dans les communaut�s qui manquent chroniquement de prot�ines. Ces patients sont tr�s maigres pour leur taille sauf s'ils ont des œd�mes majeurs, leurs muscles ont fondu et leur graisse sous-cutan�e a disparu. Les troubles du comportement sont fr�quents: le malade a l'air de se d�sint�resser de son sort et de vivre hors de la r�alit�. Il est difficile d'attirer son attention et plus encore de la fixer. L'app�tit est m�diocre et le patient est faible.
Il y a presque toujours des œd�mes � un degr� variable qui peuvent parfois masquer l'amaigrissement. Les œd�mes peuvent affecter l'ensemble du corps, mais ils pr�dominent au niveau des jambes et du scrotum. Le visage est souvent gonfl�. On les appelle "œd�mes de famine" et on a rapport� de nombreux cas en Indon�sie et en Papouasie-Nouvelle-Guin�e.
Les selles sont fr�quentes, molles et naus�abondes. L'abdomen est souvent distendu mais on peut ais�ment palper les organes tant la paroi est mince. La palpation induit des gargouillis et des mouvements p�ristaltiques. Les patients consid�rent souvent leur maladie comme la cons�quence d'une gastro-ent�rite et recourent fr�quemment, avant d'aller � l'h�pital, � des purgatifs, pharmaceutiques ou fabriqu�s � partir de plantes locales, ou encore � des lavements � base de poivre, ce qui aggrave �videmment leur �tat.
Les cheveux sont ab�m�s et la peau est s�che et squameuse, ressemblant � un dallage irr�gulier, surtout en regard des tibias. Les parotides sont souvent gonfl�es, fermes et caoutchouteuses � la palpation.
Il y a presque toujours une an�mie souvent grave. La tension art�rielle est faible. Il n'y a que des traces d'albumine dans les urines.
L'an�mie peut se confondre avec une MPE car elle provoque des œd�mes, mais aussi une dyspn�e et une cardiom�galie habituellement absentes dans la MPE, et elle ne s'accompagne pas d'alt�rations des cheveux et de la peau ou des parotides. Cependant, les deux maladies sont �troitement li�es et souvent concomitantes.
Contrairement au kwashiorkor qui est rare, le marasme est tr�s fr�quent et r�sulte de cinq causes principales.
Apport alimentaire insuffisant. Tout enfant ou adulte dont l'apport alimentaire est tr�s pauvre en calories aura des signes de marasme pouvant aboutir au d�c�s. Les famines sont dues soit � des guerres ext�rieures ou int�rieures, soit � des catastrophes naturelles comme la s�cheresse, les inondations ou les tremblements de terre et provoquent les m�mes sympt�mes de marasme chez les adultes que chez les enfants: amaigrissement, diarrh�e, infections, etc.
Infections. Ce sont surtout les infections chroniques non trait�es ou incurables. Actuellement, il s'agit surtout du sida d� au virus VIH qui provoque un amaigrissement majeur � mesure que la maladie progresse. C'est de l� que vient le nom de "slim disease" ("maladie de la maigreur") qu'on lui a attribu� en Ouganda depuis longtemps (voir chapitre 3). La tuberculose � un stade avanc� et d'autres infections aboutissent au m�me tableau.
Malabsorption. L'incapacit� g�n�tique ou acquise de l'appareil digestif � dig�rer ou absorber certains aliments aboutit �galement � un marasme en l'absence de traitement: mucoviscidose, maladie c_liaque, sprue, etc.
Cancers. A un stade avanc�, tous les cancers entra�nent une cachexie chez tous les patients.
Troubles du comportement alimentaire. L'anorexie mentale qui touche surtout les adolescentes dans les pays riches ainsi que d'autres perturbations psychologiques peuvent aboutir � une MPE.
Le traitement doit � la fois combattre la cause de la MPE, si c'est possible, et renutrir le patient. On peut traiter une tuberculose ou une amibiase, mais pas un cancer avanc� ou un sida. La renutrition repose sur les m�mes principes que chez l'enfant. Les proc�dures de nutrition en situation d'urgence et de r�habilitation des victimes de famine d�crites au chapitre 24 s'appliquent � la MPE de l'adulte.
La pr�vention de la MPE en Asie, en Afrique et dans les Am�riques constitue un d�fi majeur, bien plus ardu que la lutte contre des carences isol�es en iode ou en vitamine A, parce que ses causes sont multiples et complexes, et surtout parce qu'il n'existe pas une strat�gie unique, universelle, peu co�teuse et p�rennisable qui permette d'en r�duire la pr�valence ou la gravit�.
La cinqui�me partie de ce manuel comporte diverses strat�gies destin�es � r�duire la pr�valence de la MPE. Elle sugg�re des politiques et des programmes nutritionnels adapt�s, et diff�rents chapitres sont consacr�s � la s�curit� alimentaire, � la protection de la sant� et aux pratiques assurant une alimentation correcte. Ces chapitres offrent des conseils pour faire face aux trois causes principales de la MPE, c'est-�-dire le manque de nourriture, de soins et les maladies, inclus dans le cadre conceptuel du chapitre 1. D'autres chapitres discutent des solutions � certains aspects particuliers du probl�me, comme l'am�lioration de la qualit� et de la s�curit� des aliments, la promotion d'une alimentation et d'un style de vie sains, la disponibilit� alimentaire et la mani�re d'incorporer les objectifs nutritionnels aux politiques et programmes de d�veloppement. Toute cette partie met l'accent sur l'am�lioration de la qualit� de vie des populations par le biais de la lutte contre la pauvret�, l'am�lioration de l'alimentation et la promotion de la sant�, ainsi que sur la n�cessit� d'augmenter l'apport �nerg�tique des personnes � risque de MPE.
A la fin des ann�es 50 et 60, on estimait que la MPE �tait due surtout � un manque de prot�ines, et la solution semblait �tre le recours � des aliments riches en prot�ines. Cette strat�gie malencontreuse a d�tourn� l'attention du premier besoin, qui �tait celui d'un apport alimentaire suffisant aux enfants. Actuellement, on met beaucoup moins l'accent sur les aliments de sevrage riches en prot�ines et sur les efforts �ducatifs visant � augmenter la consommation de viande, de poisson ou d'œufs qui sont inabordables pour la majorit� des familles dont les enfants souffrent de MPE.
Bien que les prot�ines soient essentielles, la MPE est plus souvent li�e � un apport alimentaire insuffisant qu'� un d�faut de prot�ines. Quand une alimentation � base de c�r�ales locales r�pond aux besoins caloriques, elle r�pond g�n�ralement aussi aux besoins prot�iques, surtout si elle est accompagn�e d'une petite quantit� de l�gumineuses. Il faut donc s'attacher en premier lieu � assurer un apport suffisant et � r�duire les infections.
Il faut s'efforcer de promouvoir et de prot�ger l'allaitement maternel et les bonnes pratiques de sevrage, d'augmenter la consommation par les jeunes enfants de c�r�ales, de l�gumineuses et autres aliments de sevrage locaux; de pr�venir et de contr�ler les infections bact�riennes ou parasitaires; d'augmenter la fr�quence des repas des jeunes enfants; et, si cela s'av�re appropri�, d'encourager une plus grande consommation d'huiles et de graisses diverses qui augmentent l'apport calorique sans accro�tre le volume des repas. L'impact de ces mesures sera d'autant plus marqu� qu'elles s'accompagneront d'une surveillance de la croissance, de vaccinations, de th�rapie de r�hydratation orale pour les diarrh�es, de traitement pr�coce des maladies courantes, de d�parasitages r�guliers et d'attention aux causes sous-jacentes de MPE que sont la pauvret� et l'in�galit�. Certaines de ces mesures peuvent �tre mises en œuvre dans le cadre des soins de sant� primaires. Tous les lecteurs qui s'int�ressent � la pr�vention de la MPE trouveront plus de d�tails dans la cinqui�me partie de ce manuel.
PHOTO 15
Marasme avec amaigrissement extr�me � Rotterdam (Pays-Bas) pendant la seconde guerre mondiale
PHOTO 16
Dermatose caract�ristique des cuisses, des bras et du dos et œd�mes des jambes et du visage masquant la fonte musculaire chez un enfant atteint de kwashiorkor
PHOTO 17
œd�mes, alt�rations cutan�es et ulc�ration du coude chez un enfant atteint de kwashiorkor
PHOTO 18
Marasme chez un enfant colombien
PHOTO 19
Disparition manifeste de la graisse sous-cutan�e chez un enfant philippin atteint de marasme
1 Il faut s'assurer que l'enfant re�oit tous les micronutriments dont il a besoin. Il est d�conseill� d'utiliser du lait �cr�m� en poudre non vitamin�.