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Partie V
Politiques et programmes nutritionnels

Chapitre 33

Evaluation, analyse et surveillance de la nutrition

Les probl�mes nutritionnels sont complexes par leurs �tiologies et il existe de nombreuses maladies de carence. Quand on sait comment ces maladies surviennent, on est plus � m�me de les gu�rir et, mieux, de les pr�venir. La capacit� de les pr�voir rend leur pr�vention plus r�aliste.

Toutes sortes de donn�es peuvent �clairer le risque de malnutrition au sein d'une communaut� ou d'un pays. Entre 1946 et 1975, de grandes enqu�tes ont �t� conduites dans de nombreux pays, qui ont permis de recueillir un large �ventail de donn�es di�t�tiques, cliniques, biochimiques, anthropom�triques et socio�conomiques. Ces enqu�tes �taient souvent destin�es � d�celer une s�rie de carences en vitamines et en min�raux ainsi que la MPE. Ces �tudes �taient on�reuses car elles n�cessitaient des laboratoires bien �quip�s et un personnel nombreux. Beaucoup des premi�res enqu�tes men�es dans plus de 20 pays ont �t� financ�es, et en partie conduites, par le Comit� interminist�riel pour la nutrition pour le compte de la d�fense nationale am�ricaine. Par la suite, des institutions internationales comme la FAO ont aid� les pays � r�aliser de vastes enqu�tes nationales. Aux Etats-Unis, de grandes enqu�tes nutritionnelles ont �t� r�alis�es dans 10 Etats entre 1968 et 1971.

Toutes ces �tudes ont apport� une masse de donn�es sur l'�tat nutritionnel, en g�n�ral pour un �chantillon repr�sentatif de la population. Malheureusement, la collecte de ces donn�es ne semble pas avoir induit beaucoup d'actions pour rem�dier aux probl�mes r�v�l�s.

Vers 1975, un consensus s'est fait jour: des enqu�tes aussi d�taill�es n'�taient plus n�cessaires et, la MPE chez le jeune enfant semblant �tre le probl�me majeur, des �tudes simplifi�es, recueillant seulement des mesures anthropom�triques et quelques indicateurs di�t�tiques et socio�conomiques, devaient suffire. Les �valuations nutritionnelles ont donc �t� de plus en plus bas�es sur les mesures de poids et de taille. On est �galement pass� des enqu�tes nationales � des enqu�tes plus localis�es et, dans certains pays comme le Kenya, � la collecte r�guli�re de donn�es afin de fournir des tendances. Dans les ann�es 80, ces enqu�tes anthropom�triques ont �t� plus ou moins remplac�es par des m�thodes d'�valuation rapide qui recueillaient davantage de donn�es mais avec des techniques nouvelles. Au m�me moment, on s'est orient� vers le recueil simultan� de donn�es qualitatives et quantitatives et vers les enqu�tes consacr�es � une carence d�termin�e, la carence en iode par exemple.

Lorsqu'on veut appr�cier l'�tat nutritionnel d'une communaut�, il est important de d�terminer les objectifs, la m�thode d'analyse et les actions possibles. Il faut utiliser l'exp�rience acquise et choisir le mode de recueil des donn�es le plus appropri�. Par exemple, dans un vaste camp de r�fugi�s qui vient de se cr�er, il peut �tre judicieux de ne pas se limiter � des mesures anthropom�triques; autrefois, l'�tat nutritionnel n'�tait jug� que sur ces mesures, et des carences comme le scorbut ou la pellagre passaient inaper�ues. Les sociologues peuvent �tre mis � contribution pour choisir les donn�es qualitatives les plus utiles et la meilleure mani�re de les recueillir et de les analyser.

Les grandes enqu�tes on�reuses qui recueillent toutes sortes de donn�es ne se justifient plus, sauf si l'on est raisonnablement s�r que les donn�es aboutiront � un programme d'action et si l'on dispose des ressources n�cessaires. Dans de nombreux pays, des enqu�tes de ce genre ont �t� r�alis�es sans susciter beaucoup d'actions concr�tes. On estime qu'il faut disposer de 10 fois le co�t de l'�tude pour mettre en œuvre le programme destin� � rem�dier au probl�me qu'elle doit mettre en �vidence. Il est donc important de limiter le recueil de donn�es au strict n�cessaire et de simplifier au maximum les enqu�tes. Une partie des donn�es recueillies peut servir � l'�valuation des programmes et � la surveillance nutritionnelle.

TYPES DE DONN�ES N�CESSAIRES � L'�VALUATION ET � l'ANALYSE DE L'�TAT
NUTRITIONNEL

Aujourd'hui, le principal int�r�t d'une enqu�te peut �tre de d�terminer l'�tat nutritionnel au niveau familial ou local plut�t que national. Les 10 �l�ments suivants peuvent �tre utiles pour �valuer l'�tat nutritionnel au sein d'une communaut�:

Seuls les cinq premiers �l�ments feront l'objet d'une discussion dans cet ouvrage, car les enqu�tes assez vastes pour recueillir toutes les informations ci-dessus sont rares.

Examens cliniques

Les examens cliniques sont souvent n�glig�s dans les �valuations de l'�tat nutritionnel. De plus, nombre de pays d'Afrique, d'Asie et d'Am�rique latine manquent cruellement de donn�es vitales, de chiffres pr�cis en mati�re de production agricole et de laboratoires de biochimie. Il est difficile d'y obtenir des informations sur les pratiques alimentaires locales. Dans ces conditions, les examens cliniques et anthropom�triques sont les moyens les plus simples, pratiques et sens�s de mesurer l'�tat nutritionnel de groupes d'individus.

L'�tat nutritionnel d'une communaut� est la somme des �tats nutritionnels des individus qui la composent. Toutefois, il suffit d'en examiner un �chantillon repr�sentatif. Th�oriquement, ces sujets devraient �tre choisis au hasard et non pris dans des groupes particuliers d'�ge, de sexe, de religion, de classe sociale ou de lieu de r�sidence. L'�chantillonnage stratifi� est pr�f�rable dans certaines circonstances; une �tude de pr�valence de la MPE chez les enfants devrait se limiter � l'examen des enfants de moins de 5 ans. Lorsque la date de naissance est inconnue, il faut estimer l'�ge � l'aide de points de rep�re locaux tels que des �v�nements agricoles, sociaux ou historiques.

L'examen clinique devrait �tre pratiqu� par une personne ayant une formation m�dicale. Il est bien s�r possible de former des profanes � reconna�tre les signes d'une stomatite angulaire, des dents marbr�es ou un œd�me, mais les donn�es risquent d'�tre incompl�tes et de fausser les r�sultats. La personne recherchant la dermatose du kwashiorkor ou les modifications cutan�es de la pellagre devrait aussi savoir reconna�tre une gale ou un ecz�ma. Par contre, les mesures anthropom�triques peuvent �tre prises par du personnel non m�dical.

Pour �viter les oublis, l'examen clinique devrait �tre syst�matique, et l'examinateur devrait cocher la pr�sence ou l'absence des �l�ments recherch�s sur un formulaire pr��tabli. On trouvera � la page suivante la version modifi�e d'un questionnaire qui a �t� utilis� en Afrique de l'Est. Il est conseill� de faire l'examen de la t�te aux pieds. L'examen neurologique peut quelquefois �tre omis, car les signes sont assez rares et il est difficile et prend du temps.

Donn�es anthropom�triques

Les donn�es anthropom�triques peuvent �tre recueillies par le personnel m�dical au cours de l'examen clinique mais il est souvent plus simple et plus rapide de le faire faire s�par�ment par une personne non m�dicale fiable.

Poids. Le poids est la mesure la plus importante. Chez l'enfant, son interpr�tation d�pend de la connaissance de son �ge. La mesure doit �tre faite sur un sujet pieds nus et le moins habill� possible. Les balances � ressort sont moins fiables que les balances � fl�au qui ont �t� fournies � de nombreux dispensaires par l'UNICEF. Dans les internats scolaires, on trouve souvent une bonne balance destin�e � peser les sacs de denr�es � la cuisine. Dans un village, on peut en emprunter une chez le directeur du march� ou le propri�taire d'une boutique. Pour les enfants de moins de 2 ans, une balance sp�ciale pour b�b� est n�cessaire � une mesure pr�cise.

Taille. La taille est aussi une mesure importante, et son interpr�tation chez l'enfant d�pend de la connaissance de son �ge. La mesure se fait �videmment pieds nus. Il existe plusieurs types de toise, mais on peut se contenter d'un m�tre � ruban ou d'une r�gle. Voici la marche � suivre:

Choisir un mur vertical avec un sol de niveau. Faire une marque horizontale de 2 cm de long � 1 m de hauteur (60 cm pour les enfants), puis fixer � cette ligne le bas d'un m�tre � ruban d'un m�tre (avec une punaise ou du scotch). Il suffit alors que la personne � mesurer se tienne debout contre ce mur (figure 17). La taille est d�termin�e � l'aide d'un morceau de bois pourvu d'un angle droit (plut�t que rectangulaire).

Pour les jeunes enfants, la mesure est plus d�licate. Un syst�me convenable consiste en une planche de 120 x 40 x 2 cm � l'extr�mit� de laquelle est fix�e � angle droit une autre planche de 40 x 30 cm. Un m�tre � ruban m�tallique est fix� � la premi�re planche, et le m�me morceau de bois triangulaire pos� contre les pieds permet de d�terminer la taille. Une solution moins satisfaisante consiste � recourir � un banc de bois que l'on trouve dans beaucoup de dispensaires et d'�coles, � le graduer en cm � partir de 50 cm du mur et � le placer dans un coin contre le mur � la demande.

L'enfant doit �videmment �tre couch� � plat, les jambes tendues (voir figure 17). Dans le cadre d'une recherche, ou lorsque le budget le permet, le recours � une v�ritable toise est souhaitable.

Examen clinique nutritionnel (destin� au personnel m�dical)

Nom .............................................................

Sexe..............................................................

Enceinte?.......................................................

Taille..............................................................

H�moglobine...................................................

H�matocrite.....................................................

Date....................................................................

Age.....................................................................

Allaitante?............................................................

Poids...................................................................

P�rim�tre brachial.................................................

Pli cutan� tricipital.................................................

Cheveux

1. Manque de brillant?......................................

2. D�pigmentation?..........................................

3. Changement de texture ................................

(fin ou clairsem�)?............................................

4. Facilement arrachable..................................

Face

1. Lunaire?.......................................................

2. P�leur?.........................................................

Yeux

1. X�rose conjonctivale ou x�rophtalmie ?..........

2. K�ratomalacie?............................................

3. Epaississement conjonctival?........................

4. Taches de Bitot?...........................................

5. Vascularisation conjonctivale?........................

6. Taie corn�enne?............................................

Bouche

1. Stomatite angulaire?......................................

2. Ch�ilite?.......................................................

3. Cicatrices angulaires?...................................

4. Gencives saignantes ou spongieuses?............

5. Dents marbr�es?...........................................

6. Nombre de dents cari�es (C)..........................

7. Nombre de dents manquantes (M)...................

8. Nombre de dents obtur�es (O).........................

9. Total dents CMO.............................................

Glandes

Thyro�de.............................................................

Goitre................................................................

Degr� (0,1,2,3)....................................................

Augmentation parotide?........................................

Peau

1. X�rose?.............................................................

2. Hyperk�ratose folliculaire?...................................

3. Mosa�que (dallage irr�gulier)?...............................

4. Dermatose pellagreuse?.......................................

5. H�morragies (p�t�chies ou ecchymoses)?.............

6. Dermatose �cailleuse?.........................................

7. Dermatose scrotale ou vulvaire?.............................

8. œd�mes?..............................................................

9. Ulc�res?...............................................................

Muscles

1. Fonte?..................................................................

Squelette

1. Gonflement des �piphyses?....................................

2. Chapelet rachitique/perles sur les c�tes?..................

3. D�formations?.........................................................

4. H�matomes sous-p�riost�s?....................................

Syst�me nerveux central..........................................

1. Modifications du comportement (apathie, tristesse).....

2. Troubles sensoriels?.................................................

3. Sensibilit� du mollet?................................................

4. Perte des r�flexes rotulien et achill�en ?.....................

5. Faiblesse motrice?.....................................................

Organes internes

1. H�patom�galie?.........................................................

2. Spl�nom�galie?.........................................................

Remarques (inclure d'autres anomalies)...........................

Lectures de s�ries de mesures. Une succession de mesures de taille et de poids faites � intervalles r�guliers, d'un mois par exemple, donne des renseignements int�ressants. Chez un adulte, une perte de poids indique que l'apport �nerg�tique est inf�rieur aux d�penses. Une prise de poids indique l'inverse. Lors d'une famine, une s�rie de mesures effectu�es chez des adultes permet de v�rifier si les secours sont appropri�s ou en temps opportun, de voir si une perte de poids survient durant la p�riode de soudure. Chez un enfant, une s�rie de mesures mensuelles de poids et de taille donne une excellente id�e de son �volution nutritionnelle. Il est utile de conserver la trace des mesures r�alis�es dans les �coles, les dispensaires et les centres communautaires. Ces mesures peuvent �tre effectu�es par du personnel m�dical ou non m�dical. M�me des mesures successives de poids sans mesures de la taille sont utiles.

Si l'on dispose d'une seule mesure, on peut la comparer � des mesures standard et exprimer le poids et la taille d'un enfant en pourcentage de ce qu'il devrait �tre � son �ge ou en �carts types ou valeurs Z. On trouvera � l'annexe 2 ces tables bas�es sur les valeurs de r�f�rence du Centre national des statistiques de sant� des Etats-Unis (NCHS) comme le recommande l'OMS.


Rapport poids/taille. Quand on a mesur� le poids et la taille, on peut les comparer au rapport P/T standard. M�me si l'on ne conna�t pas l'�ge de l'enfant, on peut, dans une certaine mesure, �valuer son poids par rapport au poids attendu pour sa taille en �carts types ou en valeurs Z. Une autre m�thode couramment utilis�e consiste � mesurer l'indice de masse corporelle (IMC) (voir les d�tails au chapitre 23).

P�rim�tre brachial (MUAC). La mesure de la circonf�rence du bras gauche � mi-hauteur entre l'acromion de l'�paule et l'ol�cr�ne de la pointe du coude est de plus en plus utilis�e comme indice nutritionnel. Il faut se servir de rubans de mesure en fibre de verre qui ne s'�tirent pas. La m�thode ne donne pas de renseignements aussi pr�cis que la pes�e, mais elle a l'avantage d'�tre facile et peu on�reuse et praticable en l'absence de balance. De plus, entre l'�ge de 8 mois et de 5 ans, le MUAC augmente tr�s peu: on peut consid�rer qu'un MUAC de 13,5 cm est normal quel que soit l'�ge de l'enfant entre huit mois et cinq ans. Un MUAC entre 12 et 13,5 cm t�moigne d'une malnutrition mod�r�e, et en dessous de 12 cm, c'est une malnutrition grave. Le MUAC est particuli�rement adapt� � la mesure par du personnel peu form� ou � l'�valuation rapide de l'�tat nutritionnel dans une zone de famine.

P�rim�tre cr�nien (PC) et thoracique (PT). On peut mesurer le PC avec le m�me ruban que le MUAC en le pla�ant horizontalement autour de la t�te, juste au-dessus des sourcils et des oreilles et autour de la partie la plus saillante de l'occiput. Le PC est li� � la taille du cerveau, mais celle-ci n'est pas li�e � l'intelligence au niveau individuel.

Le PT se mesure horizontalement sur la ligne mamelonnaire. Jusqu'� l'�ge de 6 mois, le PT est plus petit que le PC. Au-del� de 6 mois, un PT plus petit indique une croissance m�diocre du thorax.

Epaisseur du pli cutan�. Cette mesure n�cessite un compas (photo 69) destin� � mesurer l'�paisseur de la peau et de la graisse sous-cutan�e en appliquant une pression constante sur une zone d�termin�e. On fait habituellement cette mesure au niveau du triceps ou de la r�gion sous-capsulaire. Elle est tr�s utile pour �valuer la quantit� de graisse, donc les r�serves d'�nergie disponibles. Malheureusement, ce compas est rarement disponible dans les petits h�pitaux, et encore moins dans les dispensaires. Comme ce n'est pas un �quipement co�teux, il serait facile d'y rem�dier. Les deux mod�les les plus utilis�s sont celui de Harpenden, fabriqu� en Angleterre, et celui de Lange, fabriqu� aux Etats-Unis.

Examens biologiques

De nombreux examens sont utiles � l'�valuation de l'�tat nutritionnel, mais rares sont ceux qui peuvent �tre r�alis�s hors des grands h�pitaux. Nous nous limitons ici � ceux qui sont facilement r�alisables.

H�moglobine. Une mesure pr�cise du taux d'HB est de loin l'examen de laboratoire le plus utile d'une enqu�te nutritionnelle. Mais les instruments de mesure pr�cis sont rares dans les h�pitaux de district et les dispensaires. Il en existe maintenant qui sont bon march� et raisonnablement pr�cis.

La m�thode de cyanm�th�moglobine est recommand�e � l'h�pital et pour la recherche sur le terrain. Le sang est recueilli par piq�re d'un doigt, du lobe de l'oreille ou du talon. On ajoute deux �chantillons de sang de 0,02 ml � une solution de Drabkin (cyanide-ferricyanide) et on conserve le m�lange au frais et � l'abri de la lumi�re. La mesure se fait le m�me jour avec un spectrophotom�tre ou un autre appareil.

H�matocrite ou volume des cellules sanguines. Cette mesure �galement importante dans le diagnostic de l'an�mie se fait en remplissant un tube capillaire de sang pr�lev� au bout du doigt ou dans une veine. Une centrifugeuse �lectrique ou manuelle s�pare les globules rouges du plasma. L'h�matocrite est le pourcentage du volume sanguin compos� de globules rouges.

Num�ration des globules rouges et �talements. Le comptage des globules rouges est difficile et n'apporte pas beaucoup de renseignements suppl�mentaires. Par contre, il est facile de faire un �talement de sang sur une lame de verre, ce qui permet de v�rifier la taille et l'uniformit� des globules rouges, donc facilite le diagnostic de paludisme et d'h�moglobinopathies qui peuvent expliquer certaines an�mies.

Prot�ines s�riques. La mesure des prot�ines totales et de l'albumine et des globulines ne peut se faire que dans un laboratoire bien �quip�. Ces donn�es sont utiles en cas de kwashiorkor, mais ne contribuent pas beaucoup au diagnostic de MPE mod�r�e ou b�nigne.

Examen des selles, des urines et du sang � la recherche de parasites. Apr�s l'estimation de l'h�moglobine, les examens les plus importants dans une enqu�te nutritionnelle sont la recherche de parasites en raison des liens �troits entre infestation parasitaire et malnutrition. Il faut rechercher, au niveau individuel et communautaire, des œufs d'ankylostome, d'ascaris, de Trichuris et de Schistosoma mansoni dans les selles, de l'albumine et S. haematobium dans les urines et des plasmodiums dans le sang. Ces examens sont r�alisables dans la majorit� des dispensaires car ils ne requi�rent qu'un microscope, une centrifugeuse � main, des lames et des tubes et quelques r�actifs courants. Les pr�cautions d'usage s'imposent lors du recueil et de l'�vacuation des �chantillons. Il faut si possible quantifier la charge parasitaire.

Lors d'une enqu�te, il est pr�f�rable de ne pas les faire en m�me temps que l'examen clinique, mais l'apr�s-midi ou le lendemain. S'il s'agit d'une communaut� importante, il est judicieux de les pratiquer sur un �chantillon seulement comme les enfants d'une �cole. Les r�sultats donneront une pr�valence raisonnablement pr�cise de l'ankylostomiase et du paludisme par exemple dans la communaut�. Il est plus facile et plus hygi�nique, surtout pour les examens de selles, de se limiter � un petit groupe que de recueillir des �chantillons aupr�s d'une foule venant de loin et rassembl�e pour le pr�l�vement.

Examens biochimiques. Certains examens biochimiques (voir chapitres 13 � 20) sont utiles pour �valuer les carences en min�raux et en vitamines. Bien que les d�ficits en vitamine A et en iode soient les principaux probl�mes de sant� publique de beaucoup de pays en d�veloppement, peu d'h�pitaux locaux poss�dent des laboratoires capables de les �valuer. Il en va de m�me pour la pellagre, le d�ficit en riboflavine et le rachitisme. On trouvera au tableau 33 les principales carences et les examens correspondants.

Enqu�tes alimentaires

Evaluer de fa�on pr�cise la consommation alimentaire d'une communaut� demande beaucoup plus de temps que de se faire une id�e g�n�rale de son �tat nutritionnel gr�ce � des mesures anthropom�triques et un examen clinique. Il y a deux types principaux d'enqu�tes. L'une consiste en l'observation directe d'un �chantillon de la communaut� et en mesures et pes�es des aliments pendant un temps donn�. L'autre consiste � interroger un �chantillon plus large de la communaut� sur sa consommation. La premi�re demande beaucoup de temps, la deuxi�me d�pend de la m�moire, de l'int�grit� et de l'intelligence des sujets interrog�s. Aucune ne tient compte de la consommation pass�e ni des incertitudes sur la composition de certains aliments. Ces m�thodes compliqu�es sont rarement justifi�es. Il est souvent pr�f�rable de recourir � des m�thodes plus simples, dont les r�sultats �clairent les causes de malnutrition et sugg�rent des mesures correctives. Les diff�rentes m�thodes sont discut�es ci-apr�s.

Observation. La seule fa�on d'�valuer l'alimentation est de mesurer et peser tous les ingr�dients pendant une dur�e suffisamment repr�sentative. L'�quipe se rend dans les familles et mesure et p�se tous les aliments qui sont pr�par�s, cuits, consomm�s ou jet�s.

On essaie aussi de mesurer la part consomm�e par les diff�rents membres de la famille, ce qui est difficile dans les pays o� toute la famille mange dans un plat commun. Quand on a mesur� la quantit� de nourriture consomm�e par chacun en une journ�e, il faut calculer la quantit� de chaque nutriment gr�ce aux tables de composition. Ce type d'enqu�te n�cessite une �quipe d'au moins deux personnes qui couvrent deux � quatre familles � la fois, soit environ 20 familles en un mois. Il est pr�f�rable de ne voir qu'un nombre r�duit mais repr�sentatif de familles correctement plut�t que d'essayer d'en voir beaucoup de fa�on moins approfondie.

Investigation ou m�moire. L'interrogatoire direct ne donne pas une �valuation pr�cise de la quantit� d'�nergie ou de nutriments consomm�s, mais il donne une id�e de la fr�quence des repas, des modes de pr�paration et des aliments habituellement consomm�s.

Dans les pays en d�veloppement, un enqu�teur se rend au domicile et pose des questions � la femme du chef de famille. Les r�ponses sont not�es sur un formulaire pr��tabli. Les r�sultats d�pendent donc enti�rement de la m�moire du sujet interrog� et de son attitude vis-�-vis de l'enqu�teur. Le sujet fournit souvent inconsciemment des r�ponses erron�es ou peut avoir une raison cach�e d'induire l'enqu�teur en erreur. Si le sujet pense, par exemple, que l'enqu�te vise � d�terminer s'il est judicieux d'envoyer des secours alimentaires ou d'augmenter leur quantit�, il aura tendance � majorer la gravit� de la situation en sous-estimant les quantit�s consomm�es et la vari�t� des aliments. Si, par contre, il pense que l'enqu�teur essaie d'�valuer son niveau de vie ou de d�veloppement, il peut enjoliver la situation par fiert�.

La m�thode habituelle consiste � demander au sujet ce qu'il a consomm� pendant les 24 heures pr�c�dentes. Il est judicieux d'avoir des ustensiles locaux tels qu'un bol, une tasse ou une cuill�re pour calculer approximativement le volume des aliments.

Une autre m�thode consiste � faire remplir un questionnaire par des personnes sachant lire et �crire. Les enfants des �coles peuvent ainsi noter chaque matin pendant une semaine ce qu'ils ont mang� la veille. La proc�dure doit �tre r�p�t�e � chaque saison. Cette investigation ne renseigne pas sur les quantit�s consomm�es mais indique les aliments de base de chaque famille et la fr�quence de consommation d'aliments comme la viande, le poisson, les œufs, les fruits et les l�gumes, ainsi que les variations saisonni�res. Cette information qualitative peut �galement �tre recueillie aupr�s d'autres groupes de population.

Observation et investigation combin�es. L'enqu�teur se rend dans des maisons pr�alablement s�lectionn�es et demande � la femme du chef de famille de lui montrer quels aliments elle a l'intention de pr�parer ce jour-l�. Il p�se les aliments et note le nombre, l'�ge et le sexe des membres de la famille, puis r�p�te la proc�dure dans la maison suivante. Cette m�thode est �videmment beaucoup plus rapide.

Cependant, la personne interrog�e peut n'avoir aucune id�e de ce qu'elle va pr�parer ou en exag�rer la quantit�. De plus, on ne recueille aucune information sur les aliments jet�s et sur la consommation respective des membres de la famille, alors qu'un nutritionniste m�dical a toujours envie de savoir ce que re�oit un b�b� ou une femme enceinte.

Une enqu�te de ce type r�alis�e en Afrique sous la direction de statisticiens a rapport� une consommation de plus de 5 000 kcal par personne et par jour alors que la malnutrition s�vissait dans la r�gion et que l'apport r�el �tait sans doute proche de 2 000 � 2 200 kcal. Les personnes interrog�es avaient donc manifestement essay� d'impressionner l'enqu�teur sur leurs conditions de vie.

R�duction des erreurs dues au hasard et des erreurs syst�matiques. Toutes les m�thodes de recueil de donn�es sur l'alimentation sont entach�es d'erreurs qui alt�rent la fiabilit� des r�sultats, voire am�nent � des conclusions erron�es. Elles peuvent �tre dues au hasard ou �tre syst�matiques. On peut tenter de les limiter gr�ce � diverses pr�cautions mais sans atteindre une pr�cision absolue.

Les erreurs dues au hasard sont li�es � la pr�cision de la m�thode utilis�e, et leur impact sur les conclusions diminue avec le nombre d'observations. De plus, ces erreurs se compensent souvent et ne sont donc pas tr�s pr�occupantes.

Ce n'est pas le cas des erreurs syst�matiques, qui, elles, sont souvent cumulatives et augmentent avec le nombre d'observations, et sont donc sont plus pr�occupantes.

Les erreurs syst�matiques r�sultent de plusieurs types de biais. Les biais li�s � l'enqu�teur comprennent les erreurs de notation des r�ponses, l'oubli de certaines questions et l'absence de v�rification de la compr�hension des questions. Les biais li�s au sujet comprennent les r�ponses inexactes mais conformes � ce que le sujet pense �tre la r�ponse attendue (parfois dans le but de para�tre mieux ou moins bien loti qu'il n'est), l'�valuation erron�e de la quantit� de certains aliments consomm�s et la non-compr�hension de certaines questions.

Une autre difficult� r�side dans l'appr�ciation du volume d'une ration ou d'un aliment, une m�morisation m�diocre des aliments consomm�s et l'oubli de ceux qui sont consomm�s en dehors des repas. Il peut aussi y avoir des erreurs de traduction des quantit�s consomm�es en g et en ml ou en nutriments. Enfin, le codage est sujet � des erreurs.

Pour minimiser ces erreurs, on peut recourir au contr�le de qualit�, � la formation, au recyclage et � l'�valuation des enqu�teurs, des op�rateurs de saisie et des analystes; � l'utilisation de questionnaires standardis�s et de formulaires de recueil de donn�es bien faits; � l'utilisation syst�matique d'aliments mod�les de diff�rentes tailles et de r�cipients locaux; enfin et surtout � la conviction du personnel que l'exactitude des donn�es a une importance vitale. Les enqu�teurs doivent comprendre qu'il est pr�f�rable d'admettre des erreurs que de tenter de les cacher, voire de falsifier les donn�es. Les sujets doivent savoir qu'il vaut mieux admettre qu'ils ne savent pas ou ne se rappellent pas que de donner une r�ponse fausse.

Tableau 37

Manifestations des principales carences nutritionnelles

Maladie

Nutriment

Pr�valence

Manifestations cliniques

Examens biologiques

MPE, kwashiorkor, marasme

Prot�ines, �nergie

Tr�s �lev�e

Retard de croissance, amaigrissement

  • dans le kwashiorkor: œd�mes, dermatose en peinture �caill�e, h�patom�galie, alt�ration des cheveux, troubles du comportement
  • dans le marasme: extr�me maigreur avec perte de toute la graisse sous-cutan�e

Kwashiorkor: diminution des prot�ines s�riques totales et surtout de l'albumine, chute des enzymes digestives Marasme: diminution de l'hydroxyproline urinaire

X�rophtalmie

Vitamine A

Elev�e

H�m�ralopie, x�rose conjonctivale, taches de Bitot, x�rose corn�e et ulc�rations, k�ratomalacie, taie corn�enne

Diminution de la vitamine A s�rique Alt�ration de la r�ponse � une dose de vitamine A

B�rib�ri, enc�phalopathie de Wernicke

Thiamine

Mod�r�e/faible

Faiblesse, neuropathie p�riph�rique, ar�flexie, ataxie, perte de poids, œd�mes, dyspn�e, d�faillance cardiaque Chez le b�b�: tachycardie, aphonie, d�faillance cardiaque Dans le syndrome de Wernicke: ataxie, troubles oculaires, psychose

Modification de la cytologie conjonctivale Faible activit� transk�tolase plasmatique ou �rythrocytaire, diminution de la thiamine sur les urines de 24 heures, par g de cr�atinine urinaire et plasmatique.

Ariboflavinose

Riboflavine

Elev�e

Ch�ilite, stomatie angulaire, glossite, dermatose s�borrh�ique, notamment des organes g�nitaux

Augmentation de la gluthation r�ductase �rythrocytaire, diminution de la riboflavine sur les urines de 24 heures ou par g de cr�atinine

Pellagre

Niacine

Mod�r�e/faible

Dermatose des zones expos�es, diarrh�e, stomatite, confusion mentale, d�pression et psychose

Diminution du N-m�thyl-nicotinamide sur les urines de 24 heures ou par g de cr�atinine

Scorbut

Vitamine C (acide ascorbique)

Faible

Gencives gonfl�es et saignantes, p�t�chies et autres h�morragies cutan�es, d�pression, faiblesse Chez le b�b�: gonflements osseux sensibles, position en grenouille

Diminution de la niacine plasmatique Diminution de la vitamine C leucocytaire et s�rique

An�mie m�galoblastique

Folates, vitamine B12

Moyenne

Anorexie, asth�nie, dyspn�e, œd�me mall�olaire, ch�ilite

Diminution de l'h�moglobine, hypersegmentation des leucocytes polynucl�aires, globules rouges volumineux ou m�galoblastiques, baisse des folates s�riques

Rachitisme, ost�omalacie

Vitamine D

Mod�r�e/faible

Dans le rachitisme: craniotab�s, d�formations osseuses, chapelet, genu varum, cyphose, irr�gularit�s du cr�ne

Baisse du 25-hydroxy-chol�calcif�rol plasmatique. Augmentation des phosphatases alcalines plasmatiques

An�mie microcytaire

Fer

Tr�s �lev�e

Dans l'ost�omalacie: douleurs osseuses, cyphose, d�formations osseuses, t�tanie, d�marche dandinante

Diminution h�moglobine et ferritine s�riques et saturation transferrine, augmentation de la protoporphyrine �rythrocytaire libre, globules rouges hypochromiques microcytaires

Carence en iode, goitre, cr�tinisme

Iode

Tr�s �lev�e

Asth�nie, faiblesse, dyspn�e, p�leur cutan�omuqueuse, parfois pica

Baisse de l'iode urinaire

D�ficit en zinc

Zinc

Faible

Goitre, chez les enfants de m�re d�ficiente: cr�tinisme, retard mental, surdimutit�, strabisme

Diminution du zinc plasmatique

Caries

Fluor et autres causes

Tr�s �lev�e

Acrodermatite ent�ropathique et dermatose bulleuse, nanisme, hypogonadisme Caries, perte de dents Si exc�s de fluor, fluorose dentaire

 

Statistiques vitales

Les donn�es concernant les naissances et les d�c�s ne sont pas enregistr�es de fa�on exhaustive et pr�cise dans tous les pays, et la situation a peu de chances de changer dans les ann�es � venir. Mais ces donn�es sont tellement importantes dans diff�rents domaines de la sant� publique, dont l'�tat nutritionnel, que leur collecte m�me dans de petites zones d'un pays est int�ressante. Par exemple, le taux de mortalit� infantile est un bon indicateur de la sant� et de l'�tat nutritionnel d'une communaut�. La mortalit� n�onatale (0 � 30 jours) et la mortinatalit� sont �galement int�ressantes.

Dans les pays en d�veloppement, la mortalit� juv�nile (1 � 5 ans) est la plus utile pour le nutritionniste. Elle donne une bonne id�e de la pr�valence de la MPE bien qu'elle ne soit pas repr�sentative de l'�tat nutritionnel de toute la communaut�.

Elle constitue aussi un bon indicateur de d�veloppement. Dans des pays comme la Scandinavie, l'ex-URSS, l'Am�rique du Nord et le Royaume-Uni, elle est inf�rieure � 1 pour 1 000, alors que dans la majeure partie de l'Afrique et de l'Asie, elle est au moins 35 fois plus �lev�e. La mortalit� infantile est de 7 pour 1 000 en Su�de et de 35 � 150 pour 1 000 dans la plupart des pays africains.

Bien qu'il soit impossible pour un enqu�teur ou une �quipe de recueillir toutes ces donn�es, il est possible d'en obtenir quelques-unes au cours de l'enqu�te, en demandant par exemple aux femmes mari�es en �ge de procr�er combien d'enfants elles ont mis au monde et combien sont encore en vie aujourd'hui.

Ces deux r�ponses permettent de conna�tre le pourcentage d'enfants qui sont morts et le taux de fertilit�. On peut aussi demander � la m�re l'�ge de ses enfants vivants, l'�ge approximatif auquel ses enfants sont morts et la cause suppos�e de leur d�c�s, avec tout le tact requis.

Il faut se souvenir que l'on ne recueille ainsi que des estimations grossi�res mais tr�s utiles, et surtout que ces informations sont les seules disponibles pour quelque temps encore.

Autres donn�es utiles

D'autres donn�es sanitaires sont utiles � l'�valuation de l'�tat nutritionnel: l'incidence des diarrh�es, de la rougeole et d'autres affections (voir chapitre 3: relation entre nutrition, infections, sant� et maladies).

Comme la s�curit� alimentaire d�pend de la production (voir chapitres 2 et 35), les donn�es agricoles sont utiles pour estimer la probabilit� de s�curit� alimentaire. De m�me, les donn�es �conomiques permettent d'appr�cier le climat nutritionnel d'un pays ou d'une r�gion: revenus, pouvoir d'achat, prix des denr�es et syst�me de distribution. Les donn�es des scientifiques sont utiles � l'�valuation de l'�tat nutritionnel, de la qualit� des aliments et de la s�curit� alimentaire.

Techniques participatives et �valuations rapides

Dans le domaine de la nutrition, comme dans le domaine social et agricole notamment, on r�alise de plus en plus que les m�thodes participatives de recueil de donn�es ont de nombreux avantages. L'implication de la communaut�, donc des b�n�ficiaires potentiels, d�s le d�but, leur participation � l'�valuation et � l'analyse plut�t qu'� la mise en œuvre du projet seulement, s'est r�v�l�e tr�s utile. En effet, cette participation contribue � sensibiliser la population, � mobiliser les ressources locales, � responsabiliser les gens et � assurer la p�rennit� de l'action entreprise. Les membres de la communaut�, villageois ou citadins, comprennent mieux leurs probl�mes de nutrition ou de sant� et les causes r�elles de ces probl�mes. Ils proposent des solutions et jouent un r�le central dans la mise en œuvre des interventions. Cette forme de d�veloppement participatif, que l'on recommande maintenant pour la nutrition, a �t� bien d�crit il y a 30 ans par Paulo Freire, qui travaillait au Br�sil et l'avait appel� "conscientisation" de la communaut�. Elle consiste � aider la communaut� � mieux comprendre les causes et les cons�quences de ses probl�mes nutritionnels, et surtout � d�terminer comment elle peut s'unir pour les surmonter.

Au cours de la derni�re d�cennie, une s�rie de techniques et d'outils d'�valuation participative ont vu le jour. Des entretiens semi structur�s avec des personnes s�lectionn�es ou des groupes focaux sont combin�s � l'observation (transect walk) et aux techniques de visualisation (cartographie, calendriers saisonniers, exercices de classement, courbes des temps et diagrammes de Venn). Ces techniques sont particuli�rement utiles pour comprendre les habitudes alimentaires et les croyances aff�rentes, les droits, les contraintes et le r�le des diff�rents membres de la famille vis-�-vis de la nutrition (s�curit� alimentaire, sant� et soins). Le choix des techniques et leur combinaison sera d�termin� par les besoins d'information et le temps dont disposent les membres de la communaut�. Il faut toujours croiser les informations obtenues par diff�rentes techniques. Il faut analyser les donn�es recueillies au fur et � mesure pour relever les incoh�rences et les manques de fa�on � les combler lors de l'�tape suivante.

L'id�al est de r�aliser l'�valuation participative conjointement par la communaut� et du personnel local, puisqu'il s'agit d'un processus continu qui devrait faire partie int�grante des activit�s de d�veloppement communautaire (l'identification et la s�lection des activit�s destin�es � assurer la s�curit� alimentaires et la nutrition des foyers, le suivi et l'�valuation et, enfin, la reformulation).

L'acceptation de m�thodes participatives d'�valuation rapide constitue le deuxi�me changement important dans les �valuations de l'�tat nutritionnel. Ces m�thodes permettent d'avoir rapidement un panorama de la situation, qui permet d'identifier les questions n�cessitant davantage de donn�es. On peut ensuite les compl�ter � la demande par des enqu�tes formelles ou un recueil de donn�es de routine. Ces m�thodes rapides empruntent � l'anthropologie et aux sciences sociales la possibilit� de recueillir conjointement des donn�es quantitatives et qualitatives. Elles sont prometteuses, car elles apportent des informations utiles sans qu'il soit n�cessaire de recourir � des enqu�tes complexes ou � de grands �chantillons. Bien qu'habituellement effectu�es par des experts internationaux ou nationaux, elles devraient associer le personnel local travaillant dans le d�veloppement qui pourra assurer le suivi dans le cadre de ses activit�s.

SURVEILLANCE NUTRITIONNELLE

La surveillance nutritionnelle est un ensemble d'activit�s destin�es � rassembler des informations pour aider la prise de d�cisions politiques et programmatiques susceptibles d'influencer l'�tat nutritionnel. Elle comporte habituellement le recueil r�gulier, l'analyse et le compte rendu de donn�es nutritionnelles. Elle diff�re des enqu�tes par le caract�re continu ou p�riodique de la collecte de donn�es. Pendant des ann�es, on a recueilli toutes sortes d'informations pour prendre des d�cisions, mais la surveillance n'est devenue une des activit�s principales que depuis la publication d'un rapport d'un comit� d'experts FAO/UNICEF/OMS intitul� Methodology of nutritional surveillance (OMS, 1976).

En raison des multiples facteurs qui influencent l'�tat nutritionnel, le suivi nutritionnel et ses indicateurs proviennent de plusieurs disciplines et vont de la m�t�orologie � la production alimentaire.

Comme la nutrition est li�e aux conditions sociales, �conomiques, sanitaires et agricoles notamment, l'�tat nutritionnel refl�te le niveau de d�veloppement d'une soci�t�. Certains indicateurs nutritionnels sont souvent de meilleurs reflets d'un d�veloppement �quitable que les indicateurs �conomiques classiques comme le produit national brut.

Informations destin�es � la prise de d�cision

La surveillance nutritionnelle, tout comme les enqu�tes, n'est utile que si les donn�es recueillies servent � am�liorer l'�tat nutritionnel de la population. La faiblesse de nombreux programmes de surveillance est que les donn�es recueillies n'ont pas servi � r�soudre les probl�mes nutritionnels. Pour diverses raisons, les d�cideurs n'en ont pas tenu compte pour agir. Pourquoi? Soit parce que l'on avait d�j� assez de donn�es au d�part, soit que le type de donn�es n�cessaires n'avait pas �t� fourni ou qu'il n'y avait pas une volont� ou des ressources suffisantes pour r�soudre les probl�mes. On admet en g�n�ral que l'information doit �tre fournie sous une forme ais�ment compr�hensible et en temps opportun.

Autrefois, les nutritionnistes et le personnel de sant� recueillaient des donn�es et les transmettaient aux d�cideurs en esp�rant qu'une intervention suivrait. Il est beaucoup plus judicieux d'y r�fl�chir de fa�on approfondie. La premi�re �tape apr�s l'identification des questions principales devrait �tre de discuter et de passer en revue les politiques et les programmes susceptibles d'y rem�dier et de d�terminer comment prendre des d�cisions visant � influencer ces politiques et ces programmes. Cet exercice am�nerait les d�cideurs � d�terminer eux-m�mes les donn�es dont ils ont besoin pour prendre des d�cisions. Gr�ce � cette approche, les donn�es correspondraient aux besoins des d�cideurs et auraient des chances d'�tre r�ellement utilis�es. Les donn�es seraient analys�es et discut�es avec eux, et on pourrait d�cider des actions � entreprendre. Ensuite, on d�terminerait l'impact de ces actions.

Avant d'initier la surveillance, on devrait s'assurer qu'il existe une bonne communication entre la population et les institutions recueillant les donn�es, et que celles-ci parviendront � la fois � la population et aux institutions qui ont un pouvoir de d�cision.

Evaluation et suivi des probl�mes nutritionnels

Les indicateurs d'�tat nutritionnel sont l�gion. En voici une s�lection qui a �t� utilis�e en surveillance nutritionnelle (FAO/OMS, 1992b).

Il faut choisir localement les indicateurs les plus adapt�s, de pr�f�rence peu nombreux et se pr�tant � un recueil r�gulier et facile. Dans les pays en d�veloppement, l'indicateur le plus largement utilis� est le rapport poids/�ge. Cependant, ces donn�es sont rarement repr�sentatives, car recueillies dans des h�pitaux ou des centres de protection maternelle et infantile. Or, pour la surveillance nutritionnelle, les donn�es devraient �tre repr�sentatives de la population cibl�e (par exemple, les enfants de 6 � 36 mois d'un district donn�) et devraient �tre recueillies p�riodiquement. On peut obtenir ce type de donn�es dans des sites sentinelles soigneusement choisis. Cependant, bien que les donn�es de poids/�ge donnent une id�e de l'�tat nutritionnel et de ses tendances �volutives si elles sont recueillies r�guli�rement, elles ne donnent aucune indication sur les causes de malnutrition. Ces d�terminants sous-jacents peuvent �tre regroup�s en trois cat�gories: s�curit� alimentaire, sant� et soins (voir chapitre 1). On collecte souvent des donn�es en routine sur certaines de ces causes.

Lors de crises alimentaires, des indicateurs d'alerte rapide peuvent permettre d'agir avant le stade de famine av�r�e. Ces indicateurs peuvent �tre bas�s sur les pr�visions en mati�re de disponibilit� alimentaire et de prix des denr�es. Dans les pays o� les s�cheresses sont fr�quentes, la pluviom�trie est un facteur d'alerte rapide; il faut y ajouter l'�tat et les pr�visions des r�coltes, le suivi des r�serves, des mises sur le march� et des prix. Des familles sentinelles peuvent fournir des informations utiles quantitatives (rendements agricoles et stocks familiaux) et parfois qualitatives (vues subjectives de la s�curit� alimentaire familiale et alerte lorsque les familles doivent vendre leurs biens pour acheter de la nourriture).

Lorsqu'on envisage les relations entre la sant� et la nutrition, on envisage g�n�ralement les infections (rougeole, coqueluche, diarrh�es, infections respiratoires, parasites intestinaux et paludisme) et leur suivi. Les principales interventions de sant� m�ritent aussi un suivi: les vaccinations, la th�rapie de r�hydratation orale, les consultations r�guli�res, l'�ducation pour la sant� et la nutrition, l'assainissement et l'am�lioration de l'acc�s � l'eau.

Pour suivre les pratiques de soins et leur impact sur la nutrition, il faut recueillir des donn�es sur l'allaitement et le sevrage, le temps dont disposent les m�res pour s'occuper des enfants et les activit�s concurrentes, le traitement respectif des filles et des gar�ons, les r�ponses des familles au manque d'app�tit ou � des probl�mes de sant� etc.

La majorit� des indicateurs discut�s ci-dessus sont directement li�s � la MPE, mais beaucoup sont aussi associ�s � des carences en micronutriments. L'absence de s�curit� alimentaire, une incidence �lev�e de maladies et des pratiques de soins m�diocres ont un impact n�gatif sur l'apport en vitamine A et en fer tout comme sur la MPE. On peut suivre les carences sp�cifiques en contr�lant, par exemple, les taux de c�cit� nocturne pour la vitamine A et le niveau d'h�moglobine pour le d�ficit en fer. On peut aussi recueillir des donn�es objectives dans des familles sentinelles ainsi que des donn�es sur la consommation alimentaire.

Le recours aux m�thodes d'�valuation rapide est aussi potentiellement tr�s utile dans le suivi des interventions nutritionnelles. On peut recueillir des donn�es qualitatives notamment sur le fonctionnement des programmes.

TABLEAU 38

Les quatre types de surveillance nutritionnelle

Objectif

Type

Pr�venir les diminutions critiques de consommation alimentaire � court terme

Alerte pr�coce et intervention

Am�liorer les effets nutritionnels des politiques de d�veloppement exprim�es � travers des programmes

Planification de la politique nutritionnelle et des interventions

Rationaliser et maximiser l'efficacit� des programmes de sant� et de nutrition

Gestion et �valuation

Evaluer et/ou contr�ler les indicateurs d'�tat nutritionnel comme base pour diriger les ressources vers des probl�mes nutritionnels particuliers

Sensibilisation et plaidoyer

Syst�mes de surveillance nutritionnelle

Il existe quatre types de surveillance qui diff�rent par leurs objectifs (tableau 38). Certains pays n'en ont qu'un, d'autres plusieurs et parfois les quatre � la fois. Quand on en utilise plusieurs, ils peuvent �tre coordonn�s de mani�re organis�e et avoir des donn�es communes.

Alerte pr�coce et intervention. La surveillance nutritionnelle a �t� initialement mise en place pour pr�venir les gouvernements des pays pauvres de l'imminence de crises alimentaires � la mani�re de la surveillance des grandes end�mies. En effet, des maladies comme la peste ou le chol�ra doivent �tre notifi�es chaque semaine par chaque district au minist�re de la sant�, qui les transmet � l'OMS. De m�me, en cas de famine, le nombre de d�c�s ou de malnutritions graves peut �tre recueilli et rapport�. Contrairement aux flamb�es �pid�miques des maladies, les famines s'accompagnent de nombreux cas de malnutrition.

La surveillance nutritionnelle rapporte au gouvernement des indicateurs qui le pr�viennent d'un d�sastre nutritionnel imminent. Ces indicateurs font partie de la liste fournie plus haut: modes de production, prix des denr�es, stocks alimentaires et pertes de poids corporel.

Les donn�es n�cessaires � un syst�me d'alerte rapide doivent �tre choisies dans chaque pays ou chaque r�gion touch�e. Il faut que le syst�me soit sensible et puisse pr�dire les crises m�me si celles-ci ne se concr�tisent pas toujours.

Des pr�cipitations inf�rieures � un certain seuil pendant deux ou trois mois d'une p�riode critique pour les r�coltes peut constituer le premier indicateur. Des donn�es sur les cultures importantes avant la r�colte fournissent d'autres indications utiles. On peut ensuite surveiller les estimations de production alimentaire et de consommation. Enfin, on peut contr�ler des indicateurs d'�tat nutritionnel proprement dits comme le poids des adultes et des enfants dans des familles pauvres.

Dans certains pays, des indicateurs indirects se sont r�v�l�s utiles: la mise en gage de possessions domestiques, la substitution d'un aliment favori comme le riz par un autre comme le manioc, ou la mesure r�elle des r�serves alimentaires de foyers sentinelles.

En Indon�sie, une alerte rapide a �t� mise en place dans des districts enclins aux s�cheresses. Les donn�es recueillies au niveau du district �taient rapidement transmises au fonctionnaire qui avait l'autorisation d'agir imm�diatement. Un syst�me de s�curit� alimentaire a �t� �tabli au niveau de chaque district, si bien que, d�s que la surveillance indiquait un d�ficit alimentaire, les march�s locaux recevaient une provision de riz de fa�on � �viter une hausse des prix et une p�nurie. Si les donn�es avaient d� remonter jusqu'� la capitale pour une analyse pr�alable � la prise de d�cision, comme cela se passe dans la plupart des pays, la r�action aurait �t� trop tardive. Cet exemple illustre parfaitement la n�cessit� d'obtenir des donn�es et de les transmettre rapidement aux personnes ayant autorit� pour agir. Ce besoin n'est malheureusement pas souvent satisfait: les donn�es deviennent des rapports lus par des gens qui sont loin du probl�me et � partir desquels on ne fait pas grand chose.

Surveillance nutritionnelle pour la planification de la politique et des programmes nutritionnels. Les gouvernements et les autorit�s locales peuvent utiliser de nombreux indicateurs, dont ceux mentionn�s ci-dessus, pour influencer la planification des politiques et des programmes. Ces donn�es peuvent concerner l'�tat nutritionnel proprement dit ou de multiples autres facteurs qui influencent la nutrition. On peut, par exemple, recueillir r�guli�rement des donn�es anthropom�triques pour d�crire les tendances �volutives de la MPE. On peut analyser ces donn�es pour distinguer les groupes de population les plus touch�s, les provinces les plus affect�es par la malnutrition, les groupes sociaux les plus d�favoris�s ou les autres facteurs de sant� les plus li�s � la MPE. L'�tape suivante peut consister � choisir des interventions directes (un centre de suppl�mentation nutritionnelle ou de l'�ducation nutritionnelle) pour les groupes les plus touch�s et � proposer des am�liorations des politiques existantes (cr�dits aux petits exploitants, augmentation de la productivit� et vente d'aliments de base subventionn�s aux citadins n�cessiteux) pour influencer favorablement l'�tat nutritionnel.

Le Costa Rica a, depuis 1978, un syst�me national de surveillance et d'information nutritionnelle destin� � axer les interventions sur les populations les plus pauvres et les r�gions d�favoris�es. Les donn�es anthropom�triques recueillies comprennent la taille des enfants � leur entr�e � l'�cole primaire et le poids des enfants plus jeunes mesur�s lors des visites � domicile. L'un des buts de cette surveillance est d'utiliser les programmes existants de fa�on plus efficace en ciblant les familles pauvres qui ont le plus de MPE.

Les interventions peuvent �tre strictement nutritionnelles (distribution de suppl�ments, de fer) ou non nutritionnelles mais cens�es avoir un impact nutritionnel (vaccination antirougeoleuse, eau et assainissement, r�duction de la charge de travail des femmes).

Surveillance nutritionnelle pour la gestion et l'�valuation. La surveillance peut servir � �valuer des programmes visant � am�liorer l'�tat nutritionnel et contribuer � leur gestion. Par exemple, les donn�es du contr�le de la croissance sur cinq ans peuvent permettre d'appr�cier si un syst�me de cr�dit aux agriculteurs a am�lior� l'�tat nutritionnel des enfants, ou des donn�es sur la c�cit� nocturne servent � appr�cier l'effet des activit�s de mara�chage sur l'apport en vitamine A.

Les donn�es peuvent servir d'outil de gestion interne pour juger l'efficacit� avec laquelle les diff�rentes r�gions d'un pays atteignent leurs objectifs ou comparer l'impact de deux options destin�es � r�soudre le m�me probl�me nutritionnel.

Surveillance nutritionnelle pour la sensibilisation. Les scientifiques ont souvent des r�ticences � plaider en faveur du sujet qu'ils �tudient, pensant � tort qu'il ne s'agit pas d'une approche scientifique. Il est pourtant tr�s souhaitable que tous ceux qui sont impliqu�s dans la nutrition plaident en faveur des interventions. L'existence de probl�mes de nutrition graves dans une r�gion qui dispose de nourriture et de services de sant� est inacceptable, et il est juste de plaider en faveur d'interventions qui r�duisent la malnutrition.

La surveillance consiste dans ce cas en un recueil de donn�es sur la pr�valence de la MPE ou de carences en micronutriments ou d'autres indicateurs li�s aux pr�c�dents pour obtenir des soutiens pour les interventions. Ce soutien peut �tre sollicit� en faisant conna�tre au gouvernement les probl�mes d�couverts ou en amenant le gouvernement � agir en m�diatisant le probl�me. L'id�e est de pousser les responsables des politiques � allouer des ressources et une assistance � la mise en place des interventions nutritionnelles dans les communaut�s touch�es. On a, par exemple, constat� au Chili que la diminution des suppl�ments alimentaires aux familles pauvres avait amen� une d�t�rioration de l'�tat nutritionnel. Les tenants de la suppl�mentation ont alors utilis� les donn�es anthropom�triques du syst�me de suivi de la croissance qui montrait une augmentation r�cente des taux de malnutrition chez les enfants. Devant ces r�sultats, le gouvernement a restaur� les suppl�ments.

Le cycle de surveillance nutritionnelle

Le tableau 39 illustre les 10 �tapes de base de la surveillance nutritionnelle. Celles-ci forment un cycle: quand l'�tape 10 est atteinte, il faut recommencer. Les cinq premi�res �tapes comportent l'�valuation, le recueil et l'analyse de donn�es. Les �tapes 6 � 10 comprennent la prise de d�cision et la mise en œuvre cons�cutive des interventions.

La surveillance nutritionnelle fait partie d'un syst�me de gestion des donn�es. Elle est concr�tement destin�e � fournir aux d�cideurs les informations qui les aideront � choisir les meilleures interventions. Il ne reste plus qu'� esp�rer que ces d�cisions seront prises par des personnes exp�riment�es qui ont l'autorit�, les capacit�s et les ressources suffisantes pour agir dans le bon sens.

TABLEAU 39

Les principales �tapes de la surveillance nutritionnelle

Domaine

Evaluation

Mise en œuvre

Impact

1. -Identification du probl�me, dont l'impact attendu de l'action qui sera entreprise

10. -Impact r�el

Intervention

2. -Politiques et strat�gies d'intervention propos�es

9. -Mise en œuvre bas�e sur la d�cision

D�cision

3. -D�cisions potentielles concernant la politique et les interventions

8. -D�cision prise en fonction de l'information

Information

4. -Information n�cessaire � la prise de d�cision

7. -Analyse des donn�es transform�es en information

Donn�es

5. -Donn�es n�cessaires pour g�n�rer des informations

6. Recueil des donn�es



PHOTO 69

Ce compas sert � mesurer l'�paisseur du pli cutan� du triceps

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