Le cadre conceptuel discuté au chapitre 1 suggère qu'un bon état nutritionnel requiert suffisamment de nourriture, de soins et de santé. Ce chapitre traite des principales manières dont la protection et la promotion de la santé contribuent à une croissance et à un développement optimaux des enfants et à un bon statut nutritionnel de toute la population.
Les chapitres 3, 12 à 24 et 34 ont relaté chacun un problème de santé et de nutrition particulier, de sa prévention et de son traitement, notamment dans le cadre des soins de santé primaires. D'autres chapitres ont examiné les approches alimentaires de l'amélioration de la santé et de la nutrition. Nous n'y reviendrons pas. Ce chapitre veut mettre en lumière certaines stratégies appropriées de promotion de la santé et plus particulièrement de la nutrition. Ce chapitre comporte donc une réflexion sur les soins de santé primaires, le traitement hospitalier de la malnutrition, les centres de réhabilitation nutritionnelle, le suivi et la promotion de la croissance, les vaccinations, la réhydratation orale, le contrôle des parasitoses et du sida.
Dans les pays en développement, la prévention des infections est une priorité et repose sur l'éducation, l'hygiène, l'eau, l'assainissement, les vaccinations et des services de santé curatifs appropriés. On peut souvent réduire la transmission des maladies infectieuses grâce à des modifications de comportements, d'où le caractère vital de l'éducation qui informe le public sur les causes des infections et leur prévention. Certains des messages peuvent être directement liés à la nutrition, par exemple la promotion de l'allaitement maternel dans la prévention de la diarrhée ou l'hygiène alimentaire dans la prévention des maladies à transmission féco-orale.
Même si les mesure de santé publique méritent la priorité, il faut aussi que les soins curatifs soient aisément accessibles et adéquats. De même, les médicaments essentiels, y compris les suppléments nutritionnels, doivent être disponibles.
En 1978, à Almaty au Kazakhstan (qui était alors Alma-Ata en URSS), l'OMS et l'UNICEF ont présidé la Conférence internationale sur les soins de santé primaires. Cette conférence à défini les soins de santé primaires, les a mis à l'ordre du jour et les a recommandés aux ministères de la santé des pays en développement comme une stratégie centrale. La nutrition en est une part importante.
Le but d'ensemble des soins de santé primaires est l'atteinte par tous du meilleur niveau de santé possible. La santé est définie comme un état de bien-être total physique, mental et social plutôt que la simple absence de maladie. Les soins de santé primaires qui s'occupent des causes primaires de la maladie sont la première interface entre la population et le système de soins. Les planificateurs de programmes mettent l'accent sur les besoins de mesures préventives, d'initiatives locales et d'approches intersectorielles pour affronter les facteurs sociaux et économiques qui contribuent à une santé médiocre. Les participants de la conférence ont conclu que les soins de santé primaires devraient inclure la garantie d'une nourriture suffisante et d'une nutrition correcte pour chacun; d'un accès à l'eau potable et d'une formation en éducation sanitaire; d'un soutien aux programmes de santé maternelle et infantile, notamment l'espacement des naissances et les vaccinations; l'introduction de l'éducation sanitaire; des soins appropriés en cas de maladies ou de blessures; et la prévention et le contrôle des maladies endémiques ainsi qu'un approvisionnement en médicaments essentiels.
Les soins de santé primaires existaient sous différentes formes avant la conférence d'Alma-Ata. Mais leur contenu n'avait pas été défini et leur importance en matière de santé et de bien-être n'avait pas été reconnue par les dirigeants de la santé mondiale. Après la période coloniale, certains pays avaient un système de santé plus efficace que d'autres. On a alors essayé de mettre en place des programmes qui mettaient l'accent sur les soins préventifs et les agents de santé communautaires, très similaires aux programmes actuels.
Quelques pays africains, dont la République-Unie de Tanzanie, ont eu un certain succès dans les années 60, en restructurant les services de santé pour réduire le déséquilibre urbain-rural. Ils ont aussi mis l'accent sur les services préventifs plutôt que curatifs et le recours à des travailleurs villageois au lieu des médecins et des soins à base hospitalière. Les planificateurs de programmes se sont concentrés sur la nutrition, la protection maternelle et infantile (PMI) et le contrôle des maladies infectieuses, qui sont maintenant tous considérés comme partie intégrante des soins de santé primaires. Cette approche a été décrite dans plusieurs publications.
La conférence d'Alma-Ata a été organisée pour plusieurs raisons majeures. Premièrement, au cours des années 60-70, l'espoir placé par les grands économistes dans des stratégies de développement a été brisé. Ces stratégies mettaient l'accent sur un développement industriel basé sur la construction d'infrastructures coûteuses, nécessitant de gros investissements en capital, comme des méga-usines, de grands barrages, des centrales électriques et des autoroutes surdimensionnées reliant les capitales aux autres villes. Cette stratégie de développement a échoué plus souvent qu'elle n'a marché et elle a laissé de côté ceux qui avaient le plus besoin d'aide. Des ressources énormes ont été dilapidées dans des stades olympiques, des aéroports internationaux et des centres de conférence luxueux qui ne changeaient pas grand-chose à la qualité de vie de la majorité de la population. Pendant ce temps, les activités sanitaires, sociales et agricoles étaient délaissés. Les dépenses de santé se concentraient sur des hôpitaux urbains ou "palais de la maladie" onéreux n'offrant que des services curatifs destinés principalement aux citadins fortunés. Ce modèle de développement a enrichi les riches et appauvri les pauvres. Cependant, maintenant les pauvres sont de mieux en mieux organisés et commencent à revendiquer une plus grande part des ressources, de santé notamment. L'intérêt pour les soins de santé primaires s'est accru parce qu'il aide ceux qui en ont le plus besoin.
Deuxièmement, l'idée que les techniques modernes seules n'étaient pas la solution aux grands problèmes de santé s'est peu à peu imposée et on a remis en question le modèle médical occidental, l'adéquation entre la formation occidentale et le contexte des pays en développement et, enfin, l'éthique et les intentions véritables de certains grands laboratoires pharmaceutiques. On a progressivement réalisé le lien étroit entre les conditions sociales et l'incidence des maladies et l'impact positif de l'amélioration des conditions sociales et économiques sur la santé. On s'est alors davantage préoccupé du développement agricole et rural. L'exemple chinois a illustré le rôle des changements socioéconomiques (dans ce cas précis, un meilleur accès à la terre et des possibilités d'emploi pour les pauvres) dans la santé; ils permettaient aussi aux communautés de générer elles-mêmes les ressources nécessaires aux services de santé. Le développement de la production agricole a été considéré comme la pierre angulaire du développement rural. Le personnel de santé a commencé à reconnaître que les auxiliaires et les tradipraticiens avaient un rôle crucial dans le maintien de la santé, surtout dans les zones rurales isolées (c'est là que l'OMS a remplacé le terme de sorcier par celui de guérisseur traditionnel). Les scientifiques ont appris que les médecines, occidentale et traditionnelle, contribuaient beaucoup moins à la prévention des maladies et de la malnutrition que le développement socioéconomique. Il est maintenant clair que les soins de santé primaires, avec leur accent sur la prévention plutôt que sur les soins curatifs et leur recours intensif à des auxiliaires ou à des travailleurs non professionnels, contribuent à la mise en uvre des changements nécessaires dans le milieu médical.
Le troisième facteur qui amena l'organisation de la conférence et son approbation des soins de santé primaires était la reconnaissance croissante de l'importance de l'autosuffisance de la communauté et de la famille. En République-Unie de Tanzanie, par exemple, l'approche Ujamaa, dans laquelle l'émancipation des personnes et des communautés est la clé, a été promue à l'échelle nationale. Ce concept signifie que la population doit apprendre quels sont les facteurs responsables de la survenue et de la persistance des maladies et de la malnutrition et comment les contrôler. En Chine, les médecins aux pieds nus ont été un bon exemple d'implication locale. Avec une formation technique limitée, des villageois ont réussi à améliorer la santé des populations rurales et à ramener le contrôle des soins de santé au niveau local.
Ces changements des croyances, attitudes et pratiques en matière de santé se sont répandus dans les pays capitalistes aussi bien que socialistes, pays industrialisés aussi bien que pays en développement. (La publication de l'OMS Participation et santé [OMS, 1975b] illustre plusieurs exemples encourageants de programmes de santé basés sur la participation communautaire et l'autosuffisance.) Cependant, il fallait davantage d'assistance des organisations internationales pour diffuser le message autour du monde, pour aider à la mise en route des programmes et coordonner les efforts des différents pays.
La déclaration d'Alma-Ata, le credo des soins de santé primaires, à été adoptée le 12 septembre 1978 par les délégués de plus de 100 pays dans le but d'améliorer la santé du monde. Cette déclaration, qui présentait une vision idéale des soins de santé primaires, comportait un ensemble vaste mais assez flou d'objectifs pour atteindre "la santé pour tous". Ces objectifs se répartissaient en deux catégories: ceux destinés à aider la restructuration des systèmes de santé pour augmenter leur efficacité et leur équité (impact médical); et ceux destinés à créer une autosuffisance locale grâce à la participation communautaire et au contrôle des soins et des ressources.
Le premier groupe d'objectifs visait surtout à améliorer la santé des populations le plus vite possible. Les objectifs étaient basés sur des critères bien définis comme la mortalité infantile et la prévalence des maladies et permettaient une évaluation quantitative des résultats de nature à encourager les communautés, le personnel de santé et les décideurs politiques. L'accent a été mis sur l'augmentation de la couverture des services, le recours à des techniques appropriées et de nouvelles approches visant à rendre le systèmes de santé plus efficace et plus équitable.
Les objectifs relatifs à l'autosuffisance mettent l'accent sur la participation locale en encourageant le développement des ressources humaines (émancipation sociale) et pas seulement celui des infrastructures. Ils comprennent également la décentralisation de la planification et de la prise de décision en matière de santé et la croissance des institutions locales.
Sept caractéristiques essentielles des soins de santé primaires
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L'adhésion aux principes des soins de santé primaires a eu des implications majeures pour les gouvernements puisqu'elle les engageait à:
L'expérience de mise en uvre des soins de santé primaires pendant 15 ans à montré que de nombreux gouvernements, tout en adoptant les principes théoriques, ne progressaient guère dans les applications pratiques. Le fossé s'élargit entre les intentions que les gouvernements affichent et les politiques qu'ils veulent ou peuvent réellement mettre en uvre. Bien que la déclaration d'Alma-Ata ait clairement défini les soins de santé primaires, leurs objectifs, leurs composantes et le concept d'ensemble, les principes ont été appliqués de manières bien différentes.
Alors que de nombreux dirigeants ont soutenu verbalement ce concept, leurs objectifs implicites sont souvent restés en conflit total avec ceux des soins de santé primaires. Pour la majorité de ceux qui contrôlent un système politique, le maintien de la stabilité, la préservation des structures et des relations économiques et sociales existantes et le monopole des pouvoirs politiques constituent les priorités. Quand on essaie d'y plaquer des priorités en matière de santé, on crée des contradictions majeures qui entravent le développement des soins de santé tels que définis à Alma-Ata.
Dans les 18 années qui ont suivi la conférence d'Alma-Ata, on a progressivement reconnu l'importance des soins de santé primaires dans le cadre de stratégies destinées à bénéficier à ceux que les précédents efforts de développement avaient laissé de côté. Mais le concept a été difficile à institutionnaliser. Lorsque les soins de santé primaires sont pratiqués selon les principes d'Alma-Ata, ils sont perçus comme une menace par les intérêts en place, comme la profession médicale et l'élite urbaine.
Même les pays à fort engagement gouvernemental, comme la Thaïlande, trouvent que les implications de la redistribution des ressources, du contrôle communautaire et du souci de l'ensemble des facteurs qui entravent la bonne santé sont trop menaçantes pour être acceptables. Au Viet Nam, qui a radicalement restructuré ses systèmes économique et sanitaire, il a été très difficile de surmonter la disparité ville/campagne, de changer les attitudes du corps médical et de maintenir les progrès en matière de santé et de nutrition accomplis antérieurement. Ces deux cas illustrent la nécessité d'une volonté politique farouche et quelques obstacles potentiels au succès des soins de santé primaires.
Les nombreux objectifs des soins de santé primaires sont souvent en conflit entre eux et créent des contradictions entre la théorie et la réalité du programme, entre l'autosuffisance et l'équité, et entre la fourniture des services de santé et la place de la participation communautaire. Surmonter ces problèmes requiert une approche équilibrée pendant un temps prolongé et une reconnaissance du fait que des situations différentes nécessitent des stratégies et des approches différentes.
Ces dernières années, sous l'influence internationale, il y a eu un abandon progressif des services de santé gratuits dans les pays en développement avec les programmes d'ajustement structurel du Fonds monétaire international, l'Initiative de Bamako de l'UNICEF et l'évolution de nombreux pays vers une économie de marché de type capitaliste. Il est dorénavant courant de payer les soins hospitaliers et les médicaments. Par contre, la santé est maintenant considérée davantage comme une priorité du développement que comme un service d'assistance. La Banque mondiale a montré sa volonté d'augmenter l'assistance aux pays en développement pour améliorer leurs services de santé et leur santé publique. La décennie à venir pourrait voir une avancée de la médecine préventive, notamment de la nutrition, en tant que composante des soins de santé primaires mais aussi de nouveaux programmes traitant de problèmes de santé ou de nutrition spécifiques. L'objectif de santé pour les pauvres bénéficiera d'une délégation de la direction des programmes de soins de santé primaires du centre (généralement le ministère de la santé dans la capitale) vers la périphérie. Ce sont alors les institutions médicales locales qui associeront les communautés à la planification et à la mise en uvre de leurs propres actions de santé.
L'objectif ultime de la majorité des programmes de nutrition devrait être d'atteindre un stade où aucun enfant n'a besoin d'un traitement pour malnutrition, que ce soit en hôpital ou en consultation externe. Aucun pays n'ayant atteint ce stade, le traitement reste un élément du programme de contrôle. Il peut se faire à trois niveaux: le traitement hospitalier d'une malnutrition grave menaçant le pronostic vital; la réhabilitation nutritionnelle d'une malnutrition modérée ou le traitement après sortie de l'hôpital; et, enfin, le traitement préventif et celui d'une malnutrition bénigne dans une PMI, un centre de nutrition ou une consultation de suivi de la croissance. Dans les trois cas, la prévention devrait faire partie des services proposés. Mais tous les pays n'ont pas un système organisé pour offrir ces trois types de traitement.
On admet généralement qu'il faut hospitaliser: un enfant gravement malade qui risque de mourir à cause d'un kwashiorkor ou d'un marasme, un nourrisson fiévreux avec une cornée sur le point de se perforer à cause d'une xérophtalmie ou un petit nourrisson gravement déshydraté.
Certains nutritionnistes ont brossé un tableau alarmant de l'hospitalisation, suggérant qu'elle contribuait plus à la mortalité qu'elle ne traitait la malnutrition. Le taux de mortalité est effectivement élevé chez les enfants hospitalisés pour MPE grave dans de nombreux pays. La durée de séjour est souvent longue et les enfants meurent souvent chez eux quelques semaines après leur sortie ou reviennent avec une rechute comme en témoignent les données dont nous disposons. Il n'y a pas eu d'études statistiquement significatives de traitement de malnutrition grave en hôpital ou en consultation externe. Néanmoins, des résultats médiocres ne devraient pas aboutir à la condamnation universelle du traitement hospitalier des enfants très malades. Le personnel de santé devrait plutôt réfléchir à ce qui peut être fait pour améliorer les choses. Il y a trop de services de pédiatrie où les conditions offrent peu d'espoir aux enfants gravement atteints. Peu d'hôpitaux sont capables d'offrir un traitement idéal et un environnement permettant de bons soins et une prévention pour l'avenir.
Les taux de mortalité varient considérablement d'un hôpital à l'autre; ils reflètent non seulement la qualité des soins mais aussi la gravité des cas admis. Certains parents n'amènent leurs enfants que lorsqu'ils sont pratiquement à l'agonie. Quelquefois, il y a une telle demande de lits d'hôpital et une telle affluence en consultation externe que seuls les cas les plus graves peuvent être admis. Deux hôpitaux qui offrent la même qualité de traitement peuvent avoir un taux de mortalité différent selon qu'ils admettent seulement les cas graves ou également les cas modérés.
Le taux de mortalité se situe souvent autour de 25 pour cent mais peut atteindre 40 pour cent ou parfois seulement 10 pour cent. La majorité des décès survient dans les 48 heures suivant l'admission. Il faut alors contrôler l'hypothermie, l'hypoglycémie et traiter les infections (voir chapitre 12). Tout le personnel de santé doit être bien formé à la prise en charge pratique des cas. De bons soins sont indispensables, surtout l'alimentation, mais la majorité d'entre eux peuvent être assurés par des auxiliaires bien formés.
Pendant la phase de convalescence, le traitement doit comporter un volet éducatif. La mère (ou son substitut) doit être admise à l'hôpital et participer au traitement, surtout à l'alimentation de l'enfant. A mesure que l'enfant guérit, on lui donne des aliments semi-solides puis solides, qui doivent être disponibles localement, bon marché et acceptables. Peu de services pédiatriques ont une installation, un personnel ou une politique permettant de pratiquer l'éducation nutritionnelle des patients et des parents bien qu'il s'agisse d'une part essentielle du traitement destiné à éviter les rechutes. Chaque fois que cela est possible, les parents doivent apprendre en participant aux tâches.
Il faut tout faire pour limiter la durée de l'hospitalisation de l'enfant, ce qui réduit le coût pour la famille et l'Etat et ne mobilise pas trop longtemps la mère loin de sa maison et d'autres enfants qui peuvent avoir également des problèmes de santé. De plus, les séjours prolongés, de plusieurs mois, qui sont habituels dans certains hôpitaux augmentent les risques d'infection nosocomiale. Même si l'on sait que la guérison d'un marasme est très lente, bien plus que celle d'un kwashiorkor, il est rarement utile que l'enfant reste à l'hôpital plus de quelques semaines.
La raison majeure pour laquelle la guérison est si lente à l'hôpital tient probablement à l'insuffisance de la ration alimentaires quotidienne. Les enfant peuvent bénéficier d'un apport très élevé en énergie, et à un moindre degré en protéines, jusqu'à une quasi-normalisation de leur rapport poids/taille. Mais il faut un personnel fiable pour assurer que les enfants soient nourris suffisamment et assez souvent.
La disponibilité d'un bon service de suivi éviterait bien des rechutes et rendrait les médecins plus enclins à laisser sortir les enfants rapidement. Le personnel de l'hôpital devrait organiser des consultations à l'hôpital ou dans la communauté, là où les suppléments alimentaires sont gratuits ou subventionnés et des visites à domicile par des auxiliaires formés à cet effet.
Les centres de récupération nutritionnelle (CRN) ont été largement promus dans les années 60 et 70 comme la réponse principale aux problèmes de malnutrition dans les pays en développement. Cette approche était peu réaliste. Ces centres existent maintenant dans de nombreux pays, mais ils jouent un rôle mineur au sein des services de nutrition. Chaque pays doit décider s'il a besoin de ces centres ou s'il existe une alternative pour la réhabilitation des enfants modérément mal nourris ou pour les cas plus graves après leur sortie de l'hôpital.
Les CRN étaient initialement conçus soit comme des lieux de séjour où l'enfant restait nuit et jour soit comme des centres de jour où il passait quelques heures avec l'objectif d'éduquer la mère à cette occasion. Ces centres, créés surtout dans les années 70 en Asie, en Afrique et en Amérique latine et dans les Caraïbes ont un mode de fonctionnement variable mais généralement un ensemble d'objectifs communs.
Un centre de récupération nutritionnelle diffère d'une garderie sur plusieurs points importants:
Les CRN offrent un second niveau de traitement: les enfants le plus gravement atteints sont d'abord hospitalisés, et les cas, les plus bénins sont traités en consultation externe. Les centres accueillent les enfants gravement mal nourris après leur sortie de l'hôpital pendant l'importante phase de récupération; les enfants modérément mal nourris; et les enfants légèrement mal nourris qui ne progressent pas suffisamment en consultation externe. Après leur sortie du centre, les enfants poursuivent leur traitement dans une consultation externe qui est parfois située dans le centre de réhabilitation nutritionnelle.
Les CRN ont toujours été conçus comme offrant une éducation nutritionnelle de qualité. Leur fonctionnement doit également être peu coûteux et les services offerts beaucoup moins chers que ceux d'un hôpital. Ce devrait être une maison ordinaire d'un village ou d'une ville gérée par deux femmes de la communauté qui auraient reçu une formation pratique en matière de nutrition et d'alimentation des enfants. Sa capacité devrait être d'environ 30 enfants qui recevraient au moins trois bons repas par jour, resteraient huit à 10 heures par jour, cinq ou six jours par semaine pendant trois à cinq mois. Les mères des enfants pourraient contribuer au fonctionnement du centre à raison d'un jour par semaine par rotation, ce qui non seulement réduirait les besoins en personnel mais leur offrirait un apprentissage utile. Ce peut être l'occasion d'enseigner de meilleures méthodes d'alimentation des enfants avec les aliments locaux et d'aborder d'autres sujets relatifs à la santé et à l'hygiène.
Un centre de récupération nutritionnelle peut jouer un rôle important dans l'amélioration de la nutrition. Cependant, un centre moyen ne va accueillir que 120 enfants environ par an (30 enfants pendant trois mois). De plus, peu de pays ont assez de centres pour accueillir les enfants modérément mal nourris. Si ces centres veulent avoir un impact réel sur la nutrition de la communauté, ils doivent offrir une éducation nutritionnelle de qualité et fonctionner comme des lieux d'enseignement et de démonstration.
Les PMI existent depuis de nombreuses années et certains ont joué un rôle important dans la diminution de l'incidence de certains déficits nutritionnels. Dans les pays industrialisés par exemple, le rachitisme était très prévalent et était une cause majeure de mortalité il y a quelques décennies. La création de PMI où l'on donnait de l'huile de foie de morue et où l'on examinait les enfants a contribué à sa disparition.
Même les enfants en bonne santé, que leur famille soit riche ou pauvre, bénéficient de visites régulières à un PMI et les PMI sont conçus dans ce but dans les pays industrialisés. Dans les pays en développement, par contre, il n'y a pas vraiment d'avantage à séparer les enfants bien portants des malades.
En effet, les PMI sont censés offrir tous les éléments préventifs et curatifs des soins de santé de l'enfant. Cependant, il peut être avantageux de séparer ces activités importantes de la consultation externe de l'hôpital, souvent bondée.
Il n'y a pas de règle universelle pour indiquer quels services un centre de PMI devrait offrir, mais il devrait, dans la mesure du possible, être relié à un service de santé plus sophistiqué, généralement un hôpital. Ce peut être une relation étroite, par exemple quand le centre fait partie d'un hôpital général ou pédiatrique; ou il peut se limiter à une supervision occasionnelle par l'hôpital de district. Dans ce dernier cas, il faut organiser un système de suivi des patients et un moyen de transport. Le personnel des centres de PMI va des pédiatres bien formés aux auxiliaires dotés d'une formation minimale en santé de l'enfant et en nutrition.
On a beaucoup écrit sur les méthodes de communication en matière de santé et de nutrition pour un public analphabète ou peu instruit. Le personnel devrait se concentrer sur la valeur de l'allaitement maternel, l'importance de l'espacement des naissances et les problèmes de santé ou de nutrition spécifiques à la région. Si, par exemple, la diarrhée est un problème important, il faut mettre l'accent sur les mesure préventives et le traitement à domicile par thérapie de réhydratation orale.
Les centres de PMI, souvent appelées "dispensaires des moins de 5 ans" dans les pays en développement anglophones, devraient également offrir des services curatifs au moins pour les problèmes mineurs. Quant aux services préventifs, ils doivent inclure au moins deux composantes, les services de vaccination et de nutrition.
Les vaccinations doivent être disponibles, de préférence gratuites et il faut encourager les parents à y amener leurs enfants. Dans la plupart des cas, les vaccinations comprennent le triple antigène DTC (diphtérie-tétanos-coqueluche), le BCG contre la tuberculose, le vaccin oral contre la polio et le vaccin vivant atténué contre la rougeole. Certains centres offrent aussi une prophylaxie contre le paludisme.
Ces centres fournissent deux types de services de nutrition: la distribution de suppléments nutritionnels aux enfants mal nourris et le suivi de la croissance et du développement des enfants en général.
Les suppléments sont destinés à compléter les aliments reçus à domicile. Il s'agit le plus souvent d'aliments riches en protéines. Mais on a réalisé que les retards de croissance modérés résultaient rarement d'un déficit isolé en protéines mais plutôt d'une insuffisance d'apport alimentaire global. C'est pourquoi un supplément qui fournit une énergie concentrée et aussi des protéines est le plus souvent adapté.
En plus des suppléments alimentaires proprement dits, ces centres peuvent fournir des suppléments destinés à contrôler les déficits communs dans la région: une dose de 200 000 UI (60 000 ER) de vitamine A (palmitate de rétinol) tous les quatre mois avec 20 UI de vitamine E en zone d'endémie de la xérophtalmie (si l'enfant ne peut pas avaler la gélule, il suffit de l'ouvrir avec des ciseaux et de mettre la poudre sur la langue). On peut aussi donner de l'iode ou du fer selon les besoins.
La seconde activité, et peut-être la plus importante, consiste à suivre la croissance et le développement des enfants. Il faut cependant garder à l'esprit que la promotion d'une bonne croissance et d'un développement psychologique optimal ne relève pas des services de santé mais des parents, des familles et des communautés.
Les organisations internationales, les gouvernements, les familles et bien d'autres entreprennent des actions, des programmes et des stratégies de promotion de la croissance et du développement. Mais la stratégie majeure consiste en la surveillance et la promotion de la croissance.
Dans les années 80, on à commencé à promouvoir l'utilisation de la courbe de croissance de Morley (voir ci-dessous) dans les centres de PMI de nombreux pays en développement. La surveillance de la croissance était la première stratégie du plan GOBI de l'UNICEF (acronyme de "growth monitoring, oral rehydration, breastfeeding, immunization" signifiant surveillance de la croissance, réhydratation orale, allaitement maternel et vaccinations) qui a amélioré la santé des enfants à travers le monde. Comme le suivi de la croissance à lui seul n'améliore pas les choses, on l'appelle maintenant "surveillance et promotion de la croissance".
La surveillance et la promotion de la croissance devraient autant que possible être intégrées dans les activités des soins de santé primaires et ne pas constituer un programme vertical séparé. Elles devraient se focaliser sur le maintien d'une bonne croissance de tous les enfants et non servir surtout à réhabiliter les enfants dont la croissance est médiocre. Si l'on veut suivre tous les enfants, il est souhaitable de les inclure dès le plus jeune âge, car la croissance se ralentit généralement lors du passage de l'allaitement maternel exclusif à une alimentation mixte.
Cette stratégie fait l'objet de nombreuses controverses. On lui reproche de mobiliser l'attention et les ressources. Les autres activités en faveur du développement global de l'enfant sont également favorables à sa croissance physique, mais, comme cette dernière est la plus facile à mesurer, c'est sur elle que la mesure du bien-être de l'enfant se concentre.
Dans les années 60, les centres de PMI ont commencé à promouvoir la croissance, la nutrition et la bonne santé des enfants et les courbes de croissance sont devenues la pièce maîtresse de ces activités. Le concept à été raffiné dans les années 80, et l'UNICEF a promu la surveillance de la croissance à l'aide de courbes de croissance. On considérait cela comme un effort majeur de réduction de la malnutrition et de réhabilitation des enfants mal nourris.
A chaque visite en un centre de PMI, tout enfant devrait être pesé et mesuré. Les centres de PMI doivent disposer de balances précises et de bons outils simples pour mesurer la taille. L'enregistrement du poids et de la taille a trois buts importants: il peut contribuer à détecter les enfants vulnérables à la malnutrition; il permet d'évaluer les effets du traitement; et, surtout, il permet de suivre la croissance de chaque enfant.
L'objectif des centres de PMI est passé de la prévention de la malnutrition au maintien d'un rythme de croissance suffisant. L'expérience a montré que des états comme le kwashiorkor ou le marasme étaient précédés par des mois, voire des années, de ralentissement puis d'arrêt de la croissance, sauf dans le cas où un kwashiorkor survient rapidement après une rougeole, une coqueluche ou une diarrhée. On sait aussi maintenant que les enfants ayant une malnutrition modérée ou même bénigne ont néanmoins un taux de mortalité bien plus élevé que les enfants qui ont une croissance normale.
Maintenir une croissance suffisante est devenu un objectif positif à la fois pour le personnel et les mères. Dès qu'un enfant ne prend pas de poids pendant plusieurs semaines, il mérite une attention particulière; le centre de PMI doit conseiller la mère sur la manière d'améliorer son alimentation et éventuellement lui donner quelques suppléments. Il faut ensuite déterminer l'efficacité de ces mesures en poursuivant la courbes de croissance. En l'absence d'amélioration, il faut référer l'enfant au niveau de soins suivant ou au médecin.
De nombreux pays utilisent la courbe de croissance créée par Morley au Nigéria (figure 18). Plusieurs éléments la rendent supérieure aux courbes précédentes: l'âge de l'enfant est bien visible grâce à un calendrier; elle comporte un résumé des maladies de l'enfant, de son état nutritionnel et de ses vaccinations. Le fait que ce soit la mère qui la garde et non le centre de PMI et que des visites à domicile servent à évaluer le travail du centre stimule les deux parties. Les différentes informations enregistrées permettent de savoir si l'enfant est particulièrement vulnérable et l'indication des courbes de croissance normales la rend plus parlante.
L'intérêt du calendrier est multiple: les autres courbes indiquaient l'âge en mois ce qui, après 1 an, devient difficile, donc source d'erreurs, et fastidieux à calculer dans un centre PMI très fréquentée. De plus, en regard de la courbe, on note des incidents comme le sevrage, la naissance d'un puîné ou une maladie grave. Ces éléments essentiels sont lisibles en quelques secondes.
La courbe devrait être colorée et solide et remise à la mère dans une enveloppe de plastique résistante. Elle doit être considérée comme sa propriété et non celle du centre de PMI. L'expérience a montré que peu de courbes étaient perdues, et probablement moins que le nombre moyen de dossiers égarés dans le système de classement d'un petit hôpital.
Dans cette courbe de poids, la ligne du haut représente la croissance pondérale d'un enfant sain, celle du bas correspond au 10e centile ou à une norme quelconque que tout enfant devrait dépasser. C'est moins la position, entre ces deux lignes, du tracé de la croissance de l'enfant pesé qui importe, que la progression du tracé entre deux mesures. Celle-ci devrait être constamment ascendante et en gros parallèle aux deux lignes de référence.
Le suivi et promotion de la croissance est conçu comme une stratégie préventive destinée à donner à la mère le pouvoir de garder son enfant bien nourri. Il vise à promouvoir une bonne santé et une bonne nutrition et non à traiter la malnutrition. Il serait donc plus intéressant que le personnel de santé essaie de savoir comment les mères font pour garder leurs enfants en bonne santé et bien nourris plutôt que de savoir pourquoi elles n'y arrivent pas. La stratégie devrait recourir davantage à l'éloge et au renforcement positif.
Il faut cependant inclure une stratégie de prise en charge des quelques échecs du programme, sous forme de conseils visant à modifier le comportement de la mère ou au besoin de traitement de l'enfant, voire d'hospitalisation.
Les efforts doivent tendre vers le renforcement positif plutôt que vers les actions correctrices. En tant qu'outil de diagnostic, le suivi et promotion de la croissance doit davantage rechercher ce que les mères font bien plutôt que ce qu'elles font mal. Et aussi rechercher, dès que la courbe s'infléchit, quelles sont les erreurs et comment y remédier de façon réaliste. Par contre, le suivi et promotion de la croissance est peu utile pour suivre des enfants plus âgés atteints de retard statural modéré ou grave, surtout en l'absence d'amaigrissement.
Dans tous les cas, l'implication de la mère doit être au centre du programme. Le suivi et promotion de la croissance est un exercice participatif qui implique dialogue et discussion et non sermons et réprimandes. Les mères devraient aussi participer à l'organisation du suivi et de la promotion de la croissance (lieu et horaire des séances) et être consultées sur des sujets comme l'importance de l'intimité et de la confidentialité dans leur culture (faut-il par exemple peser les enfants nus ou habillés?).
Ces paragraphes présentent une vision idéale du suivi et promotion de la croissance tel qu'il devrait être et non tel qu'il est réellement mise en uvre en Asie, en Afrique et en Amérique latine. La plupart du temps, le suivi et promotion de la croissance ignore ces principes et se limite à des pesées régulières accompagnées de conseils exclusivement destinés aux mères dont les enfants vont mal. Ces conseils sont souvent peu réalistes, et les mères sont publiquement critiquées. Le personnel ne prend pas le temps de dialoguer ni d'éduquer et considère souvent le suivi et promotion de la croissance uniquement comme un moyen de diagnostic de la malnutrition. Parfois, il sert à choisir les enfants qui recevront des aliments de sevrage gratuits ou subventionnés. Ce type d'activités peut être un élément de suivi et promotion de la croissance, mais son plein bénéfice ne sera jamais obtenu sans la communication, le dialogue, l'émancipation et la responsabilisation des mères et des communautés décrites ci-dessus.
Dans le pire des cas, le personnel se borne à une pesée routinière, reporte le poids sur la courbe mais ne se sert pas du résultat et ne donne pas de conseils à la mère par manque de temps ou de formation. Le suivi et promotion de la croissance devient alors un gaspillage inutile de diverses ressources, notamment du temps de la mère. Dans certaines sociétés, il existe des préjugés culturels contre la pesée des jeunes enfants qui entravent l'introduction du suivi et promotion de la croissance ou requièrent des efforts de communication particuliers.
Motifs d'attention particulière apparaissant sur la courbeVoici neuf facteurs de risque ou motifs d'attention particulière:
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Dans un suivi et promotion de la croissance qui fonctionne correctement, la plupart des enfants devrait être enrôlés peu après la naissance. Lorsque les enfants ne sont vus qu'à 2 ou 3 ans, ils sont souvent déjà plus ou moins gravement mal nourris et le suivi de leur croissance ne peut plus grand-chose pour eux, surtout s'ils ont un retard statural. En général, la croissance est normale jusqu'à 4 mois là où l'allaitement maternel est habituel. Ces premiers mois sont donc la période idéale pour établir un dialogue et renforcer les comportements positifs de la mère. La période de danger se situe entre 4 et 18 mois; il est souhaitable que la mère informe à l'avance le personnel de santé sur la durée présumée de l'allaitement maternel, la façon dont elle pense réaliser le sevrage, les vaccinations et comment elle compte faire face à des maladies comme une diarrhée ou une infection respiratoire aiguë. C'est alors que le personnel doit dialoguer et discuter des différentes stratégies visant à préserver la santé et la bonne croissance de l' enfant pendant cette période délicate.
Pour dialoguer avec les mères, le personnel doit connaître et comprendre les pratiques locales d'éducation des enfants et l'environnement culturel, social et alimentaire. Sinon, les messages risquent de ne pas être pertinents, pratiques ou faisables, ou même peu crédibles pour la mère. Le personnel doit aussi connaître les principaux facteurs susceptibles d'entraver la croissance: savoir qu'après 6 mois l'allaitement maternel exclusif n'est plus suffisant et doit être complété; qu'un excès de suppléments, par contre, réduit trop les tétées et tarit le lait maternel; que certains aliments sont volumineux mais pauvres en énergie, mais qu'on peut accroître leur valeur énergétique; que l'allaitement maternel doit être prolongé autant que possible mais complété par des repas fréquents; que les infections altèrent la croissance, mais que leur traitement par la diète ne fait qu'aggraver les choses et qu'il faut continuer à donner du lait maternel et d'autres aliments pendant la majorité des maladies.
Pour discuter de tous ces problèmes, le personnel doit disposer de suffisamment de temps avec chaque mère, d'une formation suffisante et d'une bonne compréhension de la santé et de la nutrition au-delà du simple suivi de la croissance. Avoir la bonne attitude est peut-être le plus important.
On peut adopter comme règle que chaque agent de santé dispose de 15 minutes au moins avec chaque mère ainsi que des capacités de communication et du savoir nécessaires. Il doit surtout savoir écouter et susciter des informations et donner une rétroinformation positive, des encouragements et des conseils appropriés. Une partie de ces capacités est liée à la formation, mais il est clair que certaines personnes ont des aptitudes innées à la communication et à l'écoute.
Une autre règle est d'intégrer le suivi et promotion de la croissance aux soins de santé primaires, car la majorité des messages de la stratégie fait partie intégrante des soins de santé primaires. Il faut éviter de faire se déplacer les mères plusieurs fois pour traiter des maladies bénignes, vacciner leurs enfants, recevoir de la vitamine A ou un anthelmintique, des conseils sur la réhydratation orale, une consultation prénatale ou un conseil d'espacement des naissances. En fait, le personnel du suivi et promotion de la croissance doit vérifier que tous les enfants présents ont été vaccinés contre les six maladies cibles du programme élargi de vaccination (PEV), que les mères connaissent la prévention de la déshydratation, etc. Le suivi et promotion de la croissance peut faire partie des soins de santé primaires ou les englober; il peut constituer une occasion de contacts réguliers de l'enfant avec les services de santé et servir de catalyseur du renforcement des activités de soins de santé primaires. Inversement, il est plus facile d'exécuter les activités du suivi et promotion de la croissance dans le cadre de soins de santé primaires qui fonctionnent bien. Les efforts d'amélioration de l'un contribuent au bon fonctionnement de l'autre.
Un bon conseil consiste à être spécifique en matière de conseils et d'éducation sanitaire et nutritionnelle et de se limiter au cas particulier de chaque mère et enfant. Le dialogue doit donner à la mère l'impression que c'est elle-même qui élabore une stratégie réaliste et réalisable de préservation de la bonne santé et de la croissance de son enfant, car c'est ainsi qu'elle percevra les bénéfices du temps investi dans cette tâche. Le contenu des messages doit être simple et tenir compte de la situation familiale.
Enfin, le suivi et promotion de la croissance devrait se faire le plus près possible des lieux de vie des enfants; à un moment pratique pour les parents; en groupes assez limités pour permettre un dialogue individuel et éviter les longues attentes; et organisé pour convenir aux familles plus qu'au personnel de santé. Par exemple, en ville, où les mères travaillent à l'extérieur, les séances pourraient avoir lieu le dimanche et le personnel être en congé le lundi. Si l'on veut encourager la fréquentation, il faut coupler le suivi et promotion de la croissance avec d'autres services (déparasitage, vitamine A, traitement antipaludique, traitement de maladies bénignes). En milieu rural, le suivi et la promotion de la croissance doit être lié à et soutenu par un centre de santé.
Certains médecins ont affirmé que les suppléments alimentaires ne devaient pas être remis lors des séances de suivi et la promotion de la croissance, même pour un enfant mal nourri car cela pourrait avoir un impact négatif sur le programme, mais cette opinion n'est pas unanime. Dans le célèbre projet intégré de nutrition de Tamil Nadu de la Banque mondiale, des suppléments alimentaires gratuits sont distribués aux enfants nécessiteux, la sélection se basant largement sur les courbes de croissance.
Dans certains cas, le suivi et promotion de la croissance peut se faire lors de visites à domicile, option généralement appréciée des mères et assurant une bonne couverture, surtout auprès des familles les plus négligées habituellement. Il s'agit cependant d'une méthode onéreuse parce que le personnel ne peut voir que quelques enfants par jour.
Bien que le suivi et promotion de la croissance relève d'un concept simple et d'une technique bon marché, il est rarement bien fait car il exige une bonne organisation, des ressources suffisantes, des infrastructures appropriées, une formation soigneuse et une supervision étroite du personnel; il faut parfois aussi vaincre des barrières culturelles.
Le succès ou l'échec du suivi et promotion de la croissance dépend de la façon dont l'information obtenue et les courbes de croissance sont utilisées. La pesée et le marquage sur la courbe doivent être suivis d'une action de la mère ou du personnel pour être bénéfiques. Le suivi et promotion de la croissance est l'une des méthodes qui contribuent à une croissance optimale. Y a-t-il d'autres méthodes plus faciles et moins chères de promotion de la santé et du développement dans les pays en développement? La réponse ne peut venir que du ministère de la santé local.
La vaccination n'est pas une intervention nutritionnelle directe; elle ne sera donc pas discutée en détail ici, ni en théorie ni en pratique. Cependant, étant donné l'impact des maladies infectieuses de l'enfance sur la nutrition, la vaccination doit accompagner les interventions nutritionnelles plus directes. Ce serait une négligence d'omettre les vaccinations dans un ensemble d'actions à visée nutritionnelle.
La rougeole, le tétanos et la coqueluche, maladies pour lesquelles il existe des vaccins depuis longtemps, tuent encore près de 3 millions d'enfants chaque année et altèrent l'état nutritionnel de nombreux survivants. Il est cependant encourageant de constater que bien des pays en développement, même les plus pauvres, ont vacciné 80 pour cent de leurs enfants.
La rougeole reste, parmi les maladies cibles de la vaccination, la plus meurtrière et la plus étroitement liée à l'état nutritionnel. Elle tue particulièrement les enfants qui ont un déficit en vitamine A ou une MPE. On sait aussi que la fourniture de vitamine A aux enfants mal nourris atteints de rougeole diminue la mortalité.
Dans les pays en développement, les vaccinations recommandées comprennent celles contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (DTC), ainsi que contre la rougeole, la polio et la tuberculose (BCG). Le calendrier recommandé par l'OMS est fourni dans l'encadré ci-contre.
On trouvera dans des manuels de vaccinations des informations sur les autres vaccins existants.
La diarrhée, qu'elle soit d'origine virale, bactérienne, parasitaire ou toxique, est un problème majeur de santé publique dans les pays en développement (voir chapitre 3). Elle contribue de façon substantielle à la morbidité et à la mortalité. Le contrôle de la diarrhée mérite donc la priorité (photos 73 et 74). Enfin, on connaît bien l'interaction entre diarrhée et malnutrition.
Depuis 20 ans, l'OMS et l'UNICEF ont plaidé sans relâche pour la thérapie de réhydratation orale (TRO) qui est devenue une stratégie nationale dans la majorité des pays. La diarrhée tue, surtout les enfants, par déshydratation (photo 75), elle-même due aux pertes de liquides et d'électrolytes dans les selles et parfois les vomissements.
Jusqu'à il y a une vingtaine d'années, le traitement qui pouvait sauver la vie des patients consistait principalement en perfusion intraveineuse d'eau, d'électrolytes et de glucose. On a ensuite découvert, en étudiant notamment des patients atteints de choléra donc de diarrhée profuse et aqueuse, que l'administration d'une solution par voie orale marchait aussi bien. En 1978, un éditorial du Lancet a affirmé que "la découverte du couplage du sodium et du glucose dans l'intestin grêle, donc de l'accélération de l'absorption d'eau et d'électrolytes en présence de glucose, a été le progrès médical majeur de ce siècle".
Calendrier vaccinal de l'OMSLe calendrier vaccinal requis par l'OMS est le suivant:
Lors des campagnes de masse ou si un enfant se présente après l'âge de 6 mois, il faut adopter le schéma suivant:
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Les sachets de réhydratation orale sont maintenant largement disponibles et de plus en plus utilisés. L'OMS recommande la composition suivante:
Un sachet doit être dilué dans un litre d'eau bouillie.
Il ne fait aucun doute que, dans les hôpitaux, le recours à la réhydratation orale plutôt qu'à la réhydratation intraveineuse a constitué un grand progrès. Ce traitement peut aussi être utilisé en consultation externe à condition d'être bien supervisé.
Ces dernières années, on a également montré que l'allaitement maternel devait être poursuivi pendant la diarrhée aussi abondamment et fréquemment que possible. On sait également que l'ancien principe de laisser l'intestin au repos en cas de diarrhée était erroné et qu'il faut au contraire poursuivre les aliments et les boissons. Des recherches plus récentes ont montré que le sucre ordinaire (saccharose) et l'amidon (glucide des céréales et des racines amylacées) favorisaient également l'absorption de l'eau et des solutés. C'est pour cette raison que les solutions à base de céréales et les solutions traditionnelles sont de plus en plus reconnues et acceptées.
Cependant, dans la plupart des sociétés, les enfants atteints de diarrhée reçoivent en fait des aliments et des boissons ordinaires. C'est une pratique qu'il faut encourager, et il est inutile de promouvoir l'usage de la solution de réhydratation orale dans ce cas.
La promotion agressive de la solution de réhydratation orale en sachets doit être revue. Ces sachets ont été conçus pour l'hôpital et fonctionnent très bien dans ce cadre, mais leur promotion à domicile, où il existe d'autres solutions aussi satisfaisantes (voir figure 19) comme l'allaitement maternel, les plats familiaux et les boissons habituelles, peuvent éviter la déshydratation s'ils sont donnés assez tôt.
Il faut aussi garder à l'esprit le fait que la TRO n'empêche pas la diarrhée, mais c'est un traitement curatif qui évite le décès. La prévention de la diarrhée requiert une amélioration de l'assainissement, un accès à l'eau propre, une bonne hygiène personnelle, environnementale et alimentaire, une éducation sanitaire et un meilleur niveau de vie pour les pauvres.
Actuellement, 2 milliards de personnes dans le monde ont des parasites intestinaux, surtout dans les pays en développement et les zones tropicales. Le plus prévalent est Ascaris lumbricoides, le plus grand des vers ronds qui infecte environ 1,2 milliard de personnes, soit un cinquième de la population mondiale. Les deux ankylostomes humains, Necator americanus et Ankylostomia duodenale infectent environ 800 millions de personnes. Ces parasites n'ont pas fait l'objet de l'attention qu'ils méritent de la part des médecins, des autorités de santé publique et des organisations internationales. Ces parasites et d'autres, comme Trichuris trichuria et les bilharzies, ont pourtant un impact très négatif sur l'état nutritionnel et le développement de l'enfant. Or, le contrôle de ces infections est réalisable et relativement bon marché et bénéficierait à des millions de gens, ce qui aurait également un impact positif sur le développement.
On a maintenant des preuves qu'une infestation massive par ascaris retarde la croissance des enfants et contribue à la malnutrition. Plusieurs études ont montré une reprise de croissance chez des enfants déparasités par rapport aux groupes témoins non traités. L'ascaridiase entrave aussi la digestion du lactose et des lipides ainsi que l'absorption de la vitamine A et d'autres micronutriments. Une infestation massive contribue donc à la MPE et aux autres déficits (photos 76 et 77).
L'ankylostomiase constitue la plus importantes des helminthiases parce qu'elle cause ou aggrave les anémies par déficit en fer qui sont très prévalentes dans le monde.
Ces deux helminthiases réduisent l'appétit, donc l'apport alimentaire, induisent une malabsorption, donc des pertes nutritionnelles, le tout aboutissant à une MPE ou à divers déficits. Les trichuriases provoquent aussi une diarrhée. Tout cela réduit la productivité des adultes et les performances scolaires des enfants. La baisse de productivité peut à son tour entraver la capacité à produire ou à acheter de la nourriture, donc aggraver la pauvreté et la malnutrition, qui, elles-mêmes, vont favoriser les infestations. Ce cercle vicieux affecte des communautés entières (figure 20). On apprécie mieux actuellement le coût économique de ces infections.
Les programmes qui consistent soit à réduire la prévalence de l'infestation ou à déparasiter ceux qui sont infectés auront un impact favorable sur l'état nutritionnel de communautés entières.
Dans de nombreuses régions du monde, le polyparasitisme, c'est-à-dire la présence de plusieurs parasites en même temps dans les intestins, est très fréquent. Au Kenya par exemple, sur 1 000 écoliers, 96 pour cent avaient des ankylostomes, 95 pour cent, des T. trichuria et 50 pour cent, des ascaris dans les selles. La moitié de ces enfants souffrait de malnutrition bénigne ou modérée et 40 pour cent, d'anémie (hémoglobine inférieure à 12g/dl).
A long terme, le contrôle des helminthiases requiert des mesures qui réduisent simultanément les autres infections liées à la contamination fécale, comme l'amélioration de l'assainissement, de la distribution d'eau, des logements, de l'hygiène personnelle et environnementale et du niveau de vie, ainsi qu'une meilleure compréhension des connaissances de la prévention et de la transmission des maladies. La construction de latrines est à l'ordre du jour des ministères de la santé en Asie, en Afrique et en Amérique latine depuis plus de 50 ans. En dépit de cela, dans de nombreux pays, la prévalence, et quelquefois l'intensité des helminthiases reste aussi élevée qu'auparavant. De plus, le nombre de personnes infectées croît avec la population.
Le traitement de ces infections a pourtant beaucoup progressé. Dans les années 50, il fallait avoir recours à des produits toxiques comme le tétrachloroéthylène pour traiter l'ankylostomiase et l'antimoine pour la schistosomiase alors qu'il existe maintenant des médicaments oraux sûrs comme l'albendazole et le praziquantel. Le traitement régulier des vers intestinaux est maintenant faisable, sûr et souvent très efficace. Le déparasitage à grande échelle est une stratégie à l'ordre du jour. C'est une mesure de santé publique en plus du bénéfice individuel qu'elle procure aux personnes traitées. Si l'on traite régulièrement de grands nombres de personnes, surtout des enfants, la contamination de l'environnement diminuera et, même si les réinfections surviennent, elles seront moins massives, car il faut un certain temps pour arriver aux charges parasitaires élevées qui sont si nocives. Au bout d'un certain temps, les infestations diminuent à la fois en termes de prévalence et d'intensité.
Au cours des 15 dernières années, chaque fois que des enfants ont été déparasités, l'intervention a été très populaire et a suscité une demande intense des communautés voisines car les mères sont généralement contentes de voir leurs enfants débarrassés des vers. Et les instituteurs affirment que les enfants traités travaillent mieux.
De plus, le déparasitage peut être un point d'entrée dans les soins de santé primaires. Dans 12 villages du Tamil Nadu en Inde, les mères étaient beaucoup plus enclines à amener leurs enfants pour les pesées et le suivi de croissance après le traitement par albendazole.
On dispose maintenant de nombreux médicaments. On utilisait jusqu'à présent les sels de pipérazine pour l'ascaridiase et le biphénium pour l'ankylostomiase (plus efficace sur A. duodenale que sur Necator). Le lévamisole en dose unique est efficace dans l'ascaridiase; le pyrantel est utile pour le traitement des ascaris et d'A. duodenale; le mébendazole (deux fois 100 mg/jour pendant trois jours) est efficace contre les ascaris et les deux ankylostomiases; l'albendazole en dose unique de 400 mg a une efficacité comparable.
Le paludisme est une parasitose encore plus importante qui tue des millions de personnes tous les ans, en rend très malades des millions d'autres et est très difficile à contrôler. Sa relation avec la nutrition est moins claire que celle des helminthiases, mais il cause une anémie hémolytique qui est préoccupante surtout chez les femmes en âge de procréer et les enfants. Le contrôle du paludisme requiert une collaboration étroite entre les communautés, les ministères de la santé, les spécialistes de l'environnement et de l'éducation notamment. Le vaccin est toujours à l'étude. Le traitement est compliqué par la fréquence croissante des résistances. Les moustiquaires imprégnées constituent une bonne prévention. Enfin, le contrôle implique une action sur les moustiques et leurs sites de reproduction.
La pandémie du sida est un problème sanitaire, social et économique dans de nombreux pays en développement. Le virus détruit le système immunitaire et se manifeste par des signes cliniques de sida avéré, cinq à 10 ans après la contamination. C'est à ce moment que la maladie altère l'état nutritionnel par le biais d'une anorexie, d'infections de la bouche qui entravent l'alimentation, etc.; c'est pour cela que le sida est appelé "slim disease" ("la maladie de la maigreur") en Ouganda. C'est aussi pour cela que les clients des prostituées préfèrent maintenant des femmes rondes plutôt que minces, estimant qu'ils courent moins de risques.
La transmission de la maladie de la mère à l'enfant peut se faire in utero, à la naissance ou, plus rarement, lors de l'allaitement maternel (voir chapitre 7). Il est utile de répéter ici la conclusion à laquelle sont arrivés l'OMS et l'UNICEF, qui conseille aux mères d'allaiter malgré tout dans toutes les régions où la malnutrition et les maladies infectieuses sont les principales causes de décès des nourrissons et où la mortalité infantile est élevée, car le risque de transmission du VIH est inférieur au risque de décès par les autres causes. Des recherches récentes ont montré que les femmes enceintes qui consommaient suffisamment de vitamine A avaient moins de risques de contaminer leur enfant.
Un autre lien entre sida et nutrition est le nombre croissant d'orphelins dont les parents sont morts du sida, notamment en Afrique. Ces enfants ont un risque élevé de malnutrition.
Dans certains pays, les décès dus au sida et le nombre croissant de malades ont entraîné un manque de main-d'uvre agricole qui entrave la production et la distribution d'aliments. Dans certaines communautés rurales, ce déficit a déjà un impact sur la sécurité alimentaire de nombreuses familles.
Le sida a aussi des conséquences démographiques en raison du fort taux de mortalité des enfants et des adultes jeunes. Celle-ci augmente le taux de dépendance, c'est-à-dire le rapport entre les personnes dépendantes (enfants, personnes âgées, malades) et le nombre d'adultes productifs, ce qui à un impact négatif sur la sécurité alimentaire.
Il existe des principes de prévention du sida qui sont universels et d'autres qui varient d'un pays à l'autre en fonction des comportements spécifiques favorisant la transmission. Un certain niveau de surveillance combiné à des études épidémiologiques est toujours utile à la mise en uvre de stratégies préventives appropriées. Il est notamment utile de déterminer les comportements à risque de transmission sachant que chaque société a des normes de comportements, des pratiques sociales et culturelles et même des modes de communication particuliers qui modifient les méthodes de prévention.
Comme la prévention consiste à réduire les pratiques dangereuses, il faut connaître la prévalence de ces pratiques dans chaque société. Aux Etats-Unis, par exemple, on a réduit les risques de transmission par transfusion sanguine mais on s'est peu occupé des problèmes d'aiguilles contaminées chez les toxicomanes. Ces deux comportements ont probablement un impact limité sur l'épidémie au Brésil, en Inde ou en Ouganda.
Dans chaque pays, les efforts d'éducation devraient considérer les trois modes de transmission du VIH (sexuelle, sanguine et mère-enfant), les expliquer et aussi expliquer comment le virus n'est pas transmis. On sait qu'aux Etats-Unis, par exemple, 25 pour cent des gens croient à une transmission par le biais des moustiques ou d'un cuisinier contaminé ou par un don de sang. En Afrique, on accuse souvent la sorcellerie ou une vengeance divine liée à une transgression morale. L'éducation doit être sensible à la culture locale et conforme aux normes sociales. Les éducateurs doivent être crédibles pour les personnes les plus vulnérables, principe qui est souvent ignoré.
L'obstacle majeur à la prévention en Afrique est peut-être le fatalisme ambiant. En Afrique de l'Est, quand un bébé meurt, quand le toit de la maison s'effondre ou que la récolte est perdue, on dit en swahili "shauri tu Mungu", ce qui se traduit par "c'est la volonté de Dieu". Ce fatalisme a cependant une fonction utile puisqu'il permet aux pauvres qui ont peu de contrôle sur leurs vies de mieux accepter l'adversité. De nombreuses personnes négligent les risques soit par fatalisme soit en pensant que "cela n'arrive qu'aux autres", et c'est le principal obstacle à la prévention du sida par l'éducation.
Autant il est difficile d'éviter un rhume ou une pneumonie, autant il est possible d'éviter les comportements dangereux qui transmettent le sida. C'est pourquoi la prévention repose sur l'éducation par tous les moyens de communication possibles: organisations communautaires et groupes de femmes; médias et services de santé; organisations religieuses et sociales; écoles et collèges; artistes et politiciens. L'éducation ne doit pas attendre les conclusions des sociologues mais celles-ci permettent de la réorienter au fur et à mesure.
La seule façon absolument certaine d'éviter le sida, c'est de s'abstenir de tout rapport sexuel et de tout contact avec du sang ou des dérivés sanguins. Le niveau de prévention suivant consiste à n'avoir de rapports sexuels qu'avec un partenaire séronégatif et fidèle. On peut encore limiter le risque en utilisant systématiquement et correctement un préservatif, pratique trop souvent rejetée par les hommes de tous les continents. De plus, dans de nombreuses régions, notamment en Afrique rurale, leur disponibilité est insuffisante et leur prix excessif par rapport aux revenus moyens.
Une stratégie plus durable consiste à donner aux femmes beaucoup plus de contrôle qu'elles n'en ont sur leur comportement sexuel et sur les décisions relatives à leur santé. Les femmes doivent avoir le droit de se protéger d'infections par des maris ou des partenaires volages. L'instruction des femmes, davantage d'opportunités de travail et des salaires corrects y contribueraient. Le sida progresse actuellement très vite dans certains pays d'Asie comme l'Inde, les Philippines et la Thaïlande, à tel point qu'on prévoit qu'en 2005 il y aura plus de sujets séropositifs en Asie qu'en Afrique.
Dans le domaine de la santé, une prévention et un traitement plus énergiques des différentes maladies sexuellement transmissibles (syphilis, chancre, gonorrhée) contribuerait à limiter la propagation du sida. Il est important d'établir un diagnostic précoce de la contamination, puis du sida et de conseiller de façon appropriée la personne infectée et son/sa partenaire. Il faut donc que les tests de dépistage soient plus facilement disponibles dans les pays en développement et que les sujets séropositifs comprennent le risque qu'ils font courir à leurs partenaires et qu'ils doivent pratiquer soit l'abstinence soit le "sexe sans risques". Cependant, cette stratégie n'est pas réaliste pour les prostituées par exemple à moins que des programmes ne leur offrent d'autres sources de revenus. Enfin, le dépistage à grande échelle est onéreux pour les pays en développement.
Le sida a un impact particulier sur les femmes, non seulement parce que 2 millions d'entre elles vont en mourir en Afrique, mais surtout parce qu'elles en subissent toutes les conséquences. En effet, ce sont les femmes qui s'occupent des malades et des orphelins; des femmes déjà surchargées de travail prennent le relais de leurs maris morts du sida; et, enfin, ce sont elles qui subissent les conséquences socioéconomiques et agricoles de l'épidémie. C'est pourquoi elles doivent occuper des postes clés dans la conception et la mise en uvre des programmes de lutte contre le sida et en être le pivot. Il faut donner aux femmes les connaissances, les informations, les ressources et les capacités nécessaires pour mieux faire face à la maladie et à ses conséquences d'une manière moins revendicatrice, plus efficace et plus humaine. Pour fonder ces efforts sur des connaissances sûres, il faut soutenir la recherche en sciences sociales.
Il faut aussi se souvenir que, même si le sida est un fléau terrible qui va consommer beaucoup de ressources, les pays en développement connaissent d'autres problèmes de santé parfois plus importants ou plus répandus et demandant plus d'attention. Le paludisme tue encore plus que le sida et les helminthiases et la malnutrition sont plus prévalentes que lui. Les ressources consacrées au sida ne devraient pas réduire le budget consacré à la santé mais provenir plutôt d'une réduction des dépenses militaires ou d'une assistance extérieure.
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Timbre du Nicaragua montrant une déshydratation par diarrhée et une réhydratation orale
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Affiche d'Indonésie montrant l'importance de la diarrhée
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Enfant présentant des signes de déshydratation due à une diarrhée
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Malnutrition modérée chez une petite fille du Kenya avec un abdomen très ballonné
PHOTO 77
Vers ronds excrétés par la petite fille de la photo 76 après avoir reçu un traitement anthelmintique