Franz Schmithüsen
FRANZ SCHMITHÜSEN s'occupe, au Département des forêts de la FAO, de la législation forestière et des contrats d'exploitation.
Les contrats d'exploitation forestière - souvent désignés sous le nom de concessions forestières - comprennent toutes les formes de dispositions juridiques tels que permis, licences, baux, accords et contrats qui confèrent à un individu ou à une société le droit de prospecter le potentiel forestier (contrats d'exploration), de couper et enlever les bois commerciaux (contrats de coupe de bois), ou d'aménager le terrain boisé en vue de la fourniture continue de matière première (contrats d'aménagement forestier). Les contrats d'exploitation forestière peuvent également comporter le droit de construire et entretenir des routes forestières et autres moyens de communication, d'établir des campements d'exploitation, et d'installer des usines de transformation du bois.
La plupart des contrats d'exploitation forestière sont accordés par les gouvernements ou par des organismes publics autonomes pour des terres forestières de l'Etat et autres domaines publics boisés, tels que les forêts appartenant aux communes ou aux collectivités coutumières; les gouvernements peuvent aussi accorder des contrats pour des terrains dont la propriété définitive n'a pas encore été décidée mais sur lesquels l'Etat peut exercer une certaine forme de contrôle. Une telle combinaison entre une propriété publique des terres et une utilisation privée ou semi-privée de la matière première qu'elles portent peut amener à une intégration partielle ou complète de la production forestière et de l'industrie de transformation sans porter atteinte à la propriété et à l'aménagement des terres proprement dites.
Une analyse complète des aspects juridiques et économiques des contrats d'exploitation forestière a fait l'objet du manuel Contrats d'exploitation forestière sur domaine public, publié par la FAO en 1971. Dans le présent article, l'auteur fait le point des améliorations récemment apportées à la législation qui régit l'octroi de ces contrats et examine certains problèmes majeurs qui mettent actuellement obstacle à l'application des politiques nationales en matière de concessions forestières.
Entre 1962 et 1973, la production totale de bois en grumes non résineux dans les pays en développement est passée de 723 à 951 millions de mètres cubes. Les recettes totales provenant de l'exportation des produits forestiers de ces pays sont passées de 544 à 3 423 millions de dollars pour la même période; on a noté un accroissement particulièrement rapide en Extrême-Orient et en Afrique, où la valeur totale des exportations est passée respectivement de 257 à 2 314 millions et de 191 à 692 millions de dollars. La grande majorité de cette production provient de la ceinture forestière tropicale, dont les ressources ligneuses ont pris une importance croissante sur le marché mondial. Dans plusieurs pays de la zone tropicale, l'exploitation forestière s'est donc révélée un puissant stimulant de la croissance économique, fournissant une contribution importante à l'accroissement des recettes d'exportation, de l'emploi, des investissements industriels et des recettes publiques. Cette mobilisation des ressources de la forêt tropicale a été associée à l'affectation de vastes superficies de forêts dans le cadre de contrats d'exploitation. D'après une estimation approximative au cours des vingt dernières années, environ 100 millions d'hectares de forêts tropicales ont été alloués aux industriels pour l'exploitation du bois; en outre, 20 à 25 millions d'hectares font actuellement l'objet de demandes, ou sont offerts au titre de nouvelles affectations par les gouvernements. L'évolution la plus spectaculaire a eu lieu dans le Sud-Est asiatique et en Afrique occidentale, qui comptent à l'heure actuelle plus des deux tiers des surfaces de concessions forestières estimées dans les pays tropicaux (voir tableau page 58).
Dans le Sud-Est asiatique, les trois principaux producteurs de feuillus tropicaux, l'Indonésie, les Philippines et la Malaisie, ont à ce jour concédé une superficie totale de forêts de quelque 26 millions d'hectares. Aux Philippines, la distribution de vastes surfaces de forêts s'est faite principalement au début des années soixante, et on peut supposer que les 8,5 millions d'hectares actuellement alloués couvrent la plus grande partie des forêts commercialement exploitables du pays. La superficie totale concédée au titre de permis, licences et conventions en Malaisie peut être estimée à environ 5,5 millions d'hectares, dont une part considérable en permis annuels ou licences à court terme d'une durée inférieure à 10 ans. L'Indonésie indiquait pour 1973 une superficie totale de 12,5 millions d'hectares de forêts allouées par accords contractuels définitifs avec autorisation d'exploiter; en outre, 4 millions d'hectares feraient l'objet d'accords contractuels mais n'étaient pas encore définitivement alloués; enfin, environ 10 millions d'hectares étaient prospectés et se trouvaient à divers stades de demandes de concession. Si l'on considère que la superficie totale des forêts actuellement classées comme exploitables est de l'ordre de 40 millions d'hectares, ces chiffres indiquent qu'une part importante des forêts commercialement exploitables est déjà sous contrat ou fait l'objet de demandes d'exploitation. La Papouasie Nouvelle-Guinée a aussi accordé des contrats d'exploitation à une grande échelle. La superficie actuellement concédée se situe aux alentours de 1 million d'hectares, et le gouvernement a acquis encore 1 million d'hectares destinés à de futures exploitations forestières. Des contrats d'exploitation de diverse nature existent également dans la plupart des autres pays du Sud-Est asiatique, tels que la Thaïlande (où 300 licences et permis sont actuellement en vigueur pour la majeure partie des forêts exploitables du pays), les îles Salomon et Fidji.
En Afrique occidentale, la superficie totale de forêts denses tropicales actuellement en exploitation ou présumées commercialement intéressantes selon les normes d'exploitation actuelles peut être estimée approximativement à 75 millions d'hectares, dont un peu plus de la moitié (environ 40 millions d'hectares) sont déjà couverts par des contrats d'exploitation. Le trait le plus frappant est le fait que plus des deux tiers des forêts actuellement sous contrat ont été cédées au cours des cinq ou dix dernières années. Une distribution particulièrement rapide de contrats a eu lieu en Côte-d'Ivoire (1965-68), au Cameroun (1968-71), au Gabon (1968-72), en République centrafricaine (1967-70) et au Libéria (à partir de 1967). A l'heure actuelle, environ 6 millions d'hectares supplémentaires font l'objet de demandes, ou sont prêts à être offerts par le gouvernement pour l'exploitation, ce qui laisse pour l'avenir environ 30 millions d'hectares de forêts dans lesquels on peut encore attribuer des contrats d'exploitation. La majeure partie des terres forestières non encore allouées ou réservées pour des projets de mise en valeur immédiate est située dans la région équatoriale (Congo, Gabon, une partie du Cameroun méridional). Ce chiffre de 30 millions d'hectares disponibles pour de nouveaux contrats ne prend pas en considération les contraintes actuelles d'infrastructure, et n'inclut pas non plus les surfaces qui seront remises avant complète exploitation, et pourront, par conséquent, être réattribuées. On ne dispose pas de chiffres sur les superficies allouées en contrat d'exploitation dans les autres régions d'Afrique. Toutefois, l'exploitation forestière se fait dans la plupart des pays africains exclusivement, ou dans une très grande proportion, sous diverses formes de permis et de licences. On peut estimer que ces superficies représentent 5 ou 10 millions d'hectares.
En Amérique latine, pratiquement tout le bois industriel récolté sur les terres domaniales l'est dans le cadre de divers permis, licences et concessions, mais la superficie totale faisant l'objet de contrats d'exploitation est beaucoup plus réduite. Selon les informations disponibles, le total de forêts actuellement concédées peut être estimé à environ 10 millions d'hectares. Dans les pays suivants, les contrats d'exploitation portent sur une surface de forêts variant entre 0,5 et 2,0 millions d'hectares: Colombie, Guyane, Pérou, Surinam, Venezuela. Au Brésil, les contrats d'exploitation sont accordés dans les réserves de production forestière, et l'administration forestière s'efforce de contrôler les coupes sur les autres terrains non classés et vacants.
Cet examen des procédures d'exploitation forestière dans les forêts tropicales nous montre donc qu'à l'heure actuelle les coupes de bois se font, pour la presque totalité, par l'octroi de contrats d'exploitation. Il y a à cela deux raisons principales. En premier lieu, dans de nombreux pays tropicaux, et particulièrement en Extrême-Orient et en Afrique, les forêts commercialement exploitables sont en totalité ou en majorité propriété de l'Etat. En Amérique latine, les forêts privées sont plus fréquentes; cependant, là aussi, les forêts tropicales de plaine, comme celles du bassin de l'Amazone et celles des bandes côtières, font généralement partie du domaine public. Cette situation pourrait toutefois changer dans l'avenir, du moins en ce qui concerne la région de l'Amazonie brésilienne, du fait de la politique gouvernementale actuelle qui vise à allouer des surfaces importantes de terrains forestiers à présent non classés (tierras devolutas) en jouissance privée, ce qui pourrait favoriser la création de domaines forestiers privés. C'est le cas notamment des zones situées le long des nouvelles grandes routes fédérales, dans lesquelles l'institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA) offre des terres aux entreprises du secteur privé. (Voir Amazonian Forestry; present situation and perspectives for its development p. 1-8). En deuxième lieu, dans les pays tropicaux la foresterie n'en est encore généralement qu'à ses débuts, et les gouvernements peuvent éprouver des difficultés à mettre en valeur les ressources forestières, du fait que l'infrastructure du pays est insuffisamment développée et que l'administration forestière manque de personnel technique et de crédits pour ouvrir les forêts et pratiquer des exploitations à grande échelle. L'exploitation en régie ou d'autres formes de concession du bois telles que les ventes de bois sur pied - en dépit des dispositions dont elles font l'objet dans la plupart des lois forestières - sont soit inexistantes, soit pratiquées à une échelle assez limitée.
Dans ces conditions, la solution la plus facile - et souvent la seule possible - pour le gouvernement est d'organiser l'exploitation des forêts par l'octroi de contrats d'exploitation à des sociétés privées qui offrent la compétence technique et les capitaux nécessaires pour extraire le bois, et paient en échange des droits octroyés des redevances forestières qui sont fonction des dispositions du contrat et des quantités de bois délivrées. Les contrats d'exploitation forestière sont de ce fait un élément primordial de toute politique de mise en valeur des ressources ligneuses dans la zone tropicale humide. Toutes les mesures concernant les coupes de bois, L'installation d'industries forestières, et l'amélioration des méthodes de gestion doivent tenir compte des mécanismes propres, des possibilités et des limitations de ces contrats.
L'accroissement de la valeur des ressources forestières tropicales a mené de nombreux gouvernements à faire des efforts importants pour définir plus clairement les conditions d'attribution de droits de coupe dans les forêts du domaine publie. Cette évolution est loin d'avoir atteint son point final, et les conditions institutionnelles d'octroi de concessions appellent encore des améliorations, soit par une législation appropriée, soit par des accords précis et détaillés. Les responsables de la politique forestière, de même que les forestiers professionnels et les représentants de l'industrie, sont de plus en plus conscients du fait que les contrats d'exploitation ne sont acceptables pour les deux parties concernées que s'ils maintiennent un équilibre réaliste entre droits concédés et obligations. Il en résultera une accélération de l'évolution, et on peut espérer que l'expérience des pays qui se sont attachés à améliorer leur appareil juridique et contractuel concernant l'octroi de concessions encouragera d'autres pays tropicaux où les dispositions actuelles doivent être considérées comme insuffisantes, contradictoires ou désuètes.
Les droits et obligations des deux parties d'un contrat d'exploitation sont définis par la législation forestière générale (loi et décrets d'application) et par des accords contractuels. Dans les pays anglophones, la législation forestière ne contient habituellement que quelques dispositions déterminant le type de contrat à délivrer et les procédures d'application; les droits et responsabilités réels attachés à un contrat particulier sont dans une large mesure réglés de gré à gré. Dans la plupart des pays de langues française et espagnole, la législation forestière générale règle beaucoup plus en détail les conditions d'exercice des droits de coupe concédés, tandis que le titre de concession à proprement parler contient principalement une description de la zone attribuée. On observe toutefois depuis peu une tendance à adopter des solutions plus souples, et à répondre aux besoins spécifiques de l'exploitation et de l'industrie du bois par des décisions gouvernementales (arrêtés) individuelles, ou des accords contractuels; c'est le cas, en particulier, pour les contrats d'exploitation de longue durée, dont les conditions peuvent varier considérablement dans chaque cas. La liste des points qui doivent être couverts par une législation et par des accords appropriés illustre les besoins institutionnels fondamentaux pour une politique de concessions forestières moderne, complète et équilibrée.
CATÉGORIES DE CONTRATS, PROCÉDURE DE DEMANDE ET D ATTRIBUTION
Conditions minimales requises et obligations liées à un certain type de contrat; publicité des nouvelles zones de concession; documents et renseignements à fournir avec la demande; services administratifs et commissions chargés du choix des candidats.
PARTIES CONCERNÉES ET OBJETS DU CONTRAT
Organisme responsable de l'attribution des contrats; nom, adresse et statut juridique de l'attributaire; description de la zone concédée; durée du contrat; date d'entrée en vigueur du contrat; enregistrement officiel des contrats délivrés; renouvellement des contrats expirés.
DROITS OCTROYÉS ET DROITS REFUSÉS
Droit de coupe exclusif ou non exclusif; droit de construire et d'utiliser des campements d'exploitation; locaux administratifs et installations de transformation des bois; droits de chasse et de pêche; droits d'accès; droits coutumiers des populations locales.
INSTALLATION D'USINES DE TRANSFORMATION DES BOIS OU AGRANDISSEMENT DES USINES EXISTANTES
Pourcentage minimal de matière première à traiter; type d'unité de conversion à installer; investissements à réaliser; calendrier d'exécution.
ABATTAGE, DÉBARDAGE ET TRANSPORT
Volume minimal et maximal à couper annuellement; contingent annuel par essence ou groupe d'essences; soumission des programmes d'abattage; nouveaux passages en coupe ultérieurs; restrictions d'abattage et diamètre minimal exploitable.
CONSTRUCTION DE ROUTES ET AMÉLIORATION DE L'INFRASTRUCTURE
Normes de construction minimales pour les routes forestières; responsabilité de l'entretien; statut juridique des routes construites par le concessionnaire; ouvrages d'intérêt public, à construire (exemples: chemins publics, bâtiments d'école, hôpitaux).
AMÉNAGEMENT ET RÉGÉNÉRATION DES FORÊTS
Préparation et révision d'inventaires forestiers, de cartes forestières et de plans d'aménagement; minimum de travaux à la charge du concessionnaire en matière de sylviculture et de protection des forêts; programme annuel de régénération ou reboisement; emploi de personnel technique qualifié.
TAXES FORESTIÈRES, REDEVANCES DE BOIS SUR PIED ET AUTRES
Catégories de taxes et redevances à percevoir en échange des droits de coupe accordés: méthodes d'évaluation (estimation des bois sur pied); procédures de recouvrement.
CONTRÔLE, SURVEILLANCE ET SANCTIONS
Inspection de la zone concédée et des installations; inventaires de contrôle dressés par les officiers forestiers; relevés et documents à soumettre régulièrement par le concessionnaire; permis de coupe annuel; dépôt de cautionnement; pénalités; suspension d'activité; annulation du contrat.
AUTRES DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Procédures d'arbitrage; législation applicable et juridiction compétente; enlèvement des équipements après annulation ou cessation du contrat; prorogation concernant les unités de transformation du bois liées a une zone de concession particulière.
La législation et les clauses contractuelles relatives aux contrats de cession et exploitation du bois dans la zone tropicale humide ont évolué au cours du temps; des concessions accordées sans exigences ni spécifications particulières, on est passé à des instruments juridiques très élaborés, qui définissent en détail les obligations du concessionnaire. Il y a seulement dix ans, il était fréquent que les actes de concession se bornent à fixer les limites de la zone concédée et octroient les droits de coupe à une société moyennant le paiement d'une redevance qui semblerait aujourd'hui très modeste. Dans certains pays, les sociétés étaient même libres de choisir l'emplacement des coupes, après avoir acquis les droits d'exploitation pour un certain nombre d'hectares. La plupart des contrats d'exploitation péchaient entre autres par a) l'absence de dispositions concernant la transformation locale du bois, les normes minimales d'abattage et de construction de routes, le volume à exploiter annuellement, les essences commerciales à exploiter, les obligations en matière de sylviculture et de régénération; b) l'absence de dispositions visant à assurer un contrôle approprié de l'exécution des contrats par les concessionnaires; c) des lacunes dans les dispositions concernant l'évaluation et le recouvrement des taxes et redevances forestières; d) une définition vague et imprécise des obligations et clauses techniques.
Ces défauts, et autres imperfections que l'on peut encore trouver dans la législation ou dans les contrats en cours dans un certain nombre de pays, tiennent essentiellement à l'importance excessive accordée aux revenus immédiats provenant des concessions forestières, et au fait qu'on n'a pas suffisamment tenu compte des objectifs à long terme et des avantages des opérations forestières planifiées et rationnellement organisées dans le cadre de contrats d'exploitation précis et détaillés. Nombre de gouvernements, toutefois, ont maintenant compris qu'une politique qui consiste à distribuer les ressources forestières du pays sans définir en détail les droits et obligations des concessionnaires compromet gravement l'utilisation rationnelle du potentiel forestier, et n'apporte qu'une contribution faible ou nulle à un développement économique équilibré et à long terme. C'est pourquoi ces pays ont adopté de nouvelles règles législatives pour l'attribution et l'exécution des contrats d'exploitation forestière, dans le but a) d'adapter la couverture et la durée du contrat à la situation particulière des concessionnaires; b) d'accorder de nouveaux types de contrats de longue durée pour les grandes industries du bois et fixer des règles de transformation du bois clairement définies, c) de planifier et de contrôler plus efficacement les coupes dans les zones concédées; d) de déterminer les exigences spécifiques relatives à la construction de routes, à l'amélioration de l'infrastructure, à la participation des investissements nationaux et à la formation de personnel national.
Dans les pays où l'octroi de concessions est basé principalement sur des accords contractuels, certains éléments des concessions existantes ont été renégociés, et on a élaboré des conventions types qui peuvent servir de modèle pour de nouvelles concessions, ou pour une révision éventuelle des accords passés antérieurement.
D'importantes modifications aux cadres institutionnels qui régissent les attributions de bois sous forme de contrats d'exploitation ont été adoptées au cours des dix dernières années, ou sont actuellement à l'étude, dans divers pays: en Asie du Sud-Est (Philippines, Indonésie, Papouasie Nouvelle-Guinée), en Afrique occidentale (Cameroun, Congo, Côte-d'Ivoire), en Amérique du Sud et Amérique centrale (Bolivie, Colombie, Equateur, Honduras, Pérou, Surinam, Venezuela). Bien que les mesures nouvellement adoptées ne soient peut-être pas toujours entièrement satisfaisantes, et demandent à être encore améliorées, le nombre appréciable de pays qui ont amendé leur législation forestière montre bien l'évolution dynamique de la politique de concessions forestières au cours de ces dernières années, et le fait que beaucoup de gouvernements sont résolus à planifier et à contrôler plus activement l'utilisation de leurs ressources forestières.
La durée des contrats d'exploitation doit être en rapport avec l'importance du capital investi, et limitée à la période d'amortissement prévue de ces investissements. La superficie de la zone concédée sera alors calculée pour chaque concessionnaire en fonction de facteurs tels que la durée admise pour le contrat, les besoins annuels de matière première prévus pour l'usine de transformation, et la quantité de bois qui selon les normes d'exploitation en vigueur peut être extraite par hectare de forêt. En principe, on peut distinguer trois types de contrats d'exploitation:
a) des permis de courte durée, généralement délivrés pour une période de 1 à 3 ans à de petits exploitants; dans certains cas, les permis peuvent être délivrés pour 6 mois seulement, et n'autoriser l'extraction que d'un nombre limité d'arbres pour les besoins locaux de bois; b) des contrats de moyenne durée, accordés à des sociétés d'exploitation forestière qui ne travaillent que pour la scierie. La durée de la concession varie habituellement de 5 à 10 ans; l'acte de concession doit indiquer le volume maximal de bois à extraire annuellement; c) des contrats de longue durée, réservés aux grandes industries forestières intégrées, accordés pour une période de 15 à 25 ans, et assortis de transformations importantes et de plans de gestion spécifiques.
Dans nombre de régions tropicales, les catégories de contrats d'exploitation en vigueur ne présentaient pas une souplesse suffisante pour ajuster les politiques de concession du bois aux besoins de la mise en valeur des forêts et du développement des industries forestières. Ainsi, les administrations forestières n'avaient pas la possibilité de délivrer des contrats d'exploitation de longue durée pour attirer de nouvelles industries intégrées du bois. Dans d'autres cas, la durée des contrats était indûment longue, et sans rapport avec la taille de l'exploitation. Ou bien encore, comme c'est actuellement le cas au Venezuela, par exemple, la législation ne prévoit que des contrats de longue durée et des permis de courte durée (annuels), ce qui fait qu'il est impossible à certains types d'exploitants - tels que les scieurs - pour qui un accord d'un an est insuffisant mais qui, par ailleurs, ne répondent pas aux conditions voulues par un contrat de longue durée, de projeter une expansion de leur usine basée sur un approvisionnement assuré en matière première. C'est pourquoi plusieurs pays ont remanié leur législation forestière soit en introduisant de nouvelles dispositions, soit en modifiant les permis existants de manière à permettre l'attribution de contrats de courte, moyenne et longue durée.
L'un des aspects les plus importants de l'attribution des ressources forestières sut domaine public est l'octroi de contrats à long terme aux sociétés qui sont disposées à installer une usine intégrée de transformation du bois. La sécurité d'approvisionnement en matière première que donne ce type de concession s'est avérée être un puissant stimulant pour encourager le traitement du bois sur place, et attirer des firmes industrielles importantes qui contribueront de façon permanente au développement économique et social de telle ou telle région. L'attribution de contrats à long terme sur de grandes zones forestières, généralement de 100 000 à 200 000 hectares, représente un engagement important à la fois pour le gouvernement qui concède, et pour la société concessionnaire. Les deux parties doivent être assurées que la procédure d'attribution, la nature des droits conférés, et les obligations et restrictions qui doivent être acceptées par le concessionnaire, sont définies de manière suffisamment claire et détaillée.
En Asie du Sud-Est, tous les principaux producteurs de feuillus (Indonésie, Malaisie, Philippines) utilisent à l'heure actuelle des contrats d'exploitation de longue durée. En Afrique occidentale, le Ghana et le Nigeria ont utilisé ce type de contrats dès la période 1945-55, tandis que dans les pays francophones les contrats de longue durée n'ont été introduits que beaucoup plus tard. La Côte-d'Ivoire a commencé au cours de la période 1965-68 à fixer la durée des concessions selon le type d'exploitation; des permis de 5 ans étaient accordés aux sociétés faisant de l'exploitation pure, de 10 ans à celles qui avaient en même temps une scierie, et enfin les permis de 15 ans étaient réservés aux industries intégrées du bois. Cette politique, toutefois, a été interrompue en 1969; actuellement, les permis arrivant à expiration sont renouvelés pour cinq ans seulement. Dans les pays d'Amérique latine, les contrats de longue durée sont devenus pratique courante au cours des dix dernières années. Dans plusieurs cas, la législation forestière a été modifiée en vue de permettre cette forme de concession des bois, mais seul un nombre limité de contrats a été accordé jusqu'ici.
D'après l'expérience passée, les contrats de longue durée ont généralement encouragé l'industrie locale de transformation du bois. Les sociétés qui ont obtenu ce genre de contrats traitent habituellement un pourcentage plus élevé de matière première dans le pays que les autres exploitants. Dans plusieurs pays, toutefois, cette politique n'a pas connu un plein succès, et les exportations de grumes ont continué à s'accroître à un rythme encore plus rapide que la transformation de bois sur place. Cela tient surtout au fait que les obligations concernant la transformation du bois n'ont pas été clairement définies dans les accords de concession. Des clauses telles que celle-ci: «le concessionnaire s'efforcera dans toute la mesure possible de traiter dans ses propres usines le matériel récolté», ou encore: «le concessionnaire utilisera dans son usine tout le matériel qui peut être rentablement transformé dans le pays même», n'aident guère à promouvoir la création d'une industrie nationale du bois. Néanmoins, s'ils sont convenablement négociés et techniquement bien définis, les contrats d'exploitation de longue durée doivent être considérés comme l'un des moyens les plus efficaces pour encourager l'installation de grandes unités intégrées de transformation du bois.
Un certain nombre de pays - principalement dans les régions du Sud-Est asiatique et de l'Afrique occidentale - ont introduit récemment des mesures supplémentaires, telles que des règles générales de transformation, contingentement individuel ou général, ou interdiction totale des exportations de grumes. Ces mesures montrent clairement que les gouvernements sont résolus à accroître le pourcentage de matière première transformée dans le pays. Elles revêtent une importance particulière dans le cas où de grandes surfaces de forêt avaient déjà été allouées antérieurement à des sociétés s'occupant surtout de l'exportation de grumes; en pareil cas, les gouvernements peuvent éprouver des difficultés à assurer un approvisionnement suffisant en matière première aux industries existantes ou en projet.
C'est ainsi que la péninsule de la Malaisie a eu pour politique de garantir en priorité l'approvisionnement en matière première de l'industrie locale, et d'autoriser seulement l'exportation des grumes excédentaires; en conséquence, l'exportation des essences dites «privilégiées» fut stoppée en 1972, et la proportion de grumes exportées tomba de 21 pour cent en 1972 à 15 pour cent en 1973. Au Sarawak, 30 pour cent des bois abattus peuvent être exportés pendant les cinq premières années d'installation des grandes industries de façon à procurer des revenus qui allègent la charge des premières mises de fonds. Parmi les pays d'Afrique occidentale, la Côte-d'Ivoire a pris des mesures qui semblent d'un intérêt particulier. En 1970, une partie des industries du bois en place n'arrivaient pas à avoir suffisamment de bois, du fait que de grandes concessions avaient été allouées à des sociétés pratiquant surtout l'exportation de grumes. On a mis fin a cette pénurie artificielle de matière première en instituant un contingentement de grumes qui oblige tous les concessionnaires à transformer une partie de leur production dans leurs propres usines, ou à livrer les grumes a d'autres industries forestières dans le pays. Le contingent minimal ne s'applique qu'aux 19 principales essences d'exportation; les autres essences qui ne sont pas encore fermement établies sur le marché peuvent être exportées en quantité illimitée. A la fin de 1973 le contingent général à transformer localement avait été fixé à 66 pour cent des volumes totaux exportés (essences principales seulement) pour l'ensemble des concessions et à 100 pour cent des volumes totaux exportés pour les sociétés ayant des concessions particulièrement importantes. Dans l'ensemble, la nouvelle politique du gouvernement ivoirien a jusqu'à présent été un succès; rien que pour les sciages, les exportations sont passées d'environ 126000 tonnes en 1972 à 194000 tonnes en 1973, et environ 230 000 en 1974. Les nouveaux contrats d'exploitation forestière au Libéria spécifient que l'exploitant doit transformer un volume minimal, partant de 20 pour cent la première année pour s'élever de 20 pour cent chacune des années suivantes. Si un exploitant ne satisfait pas à ces conditions, le gouvernement peut lui refuser les licences d'exportation de grumes. En 1973, le Ghana a interdit les exportations de grumes aux cinq plus importantes industries de transformation du bois. Au Nigeria, l'exportation de grumes des principaux bois rouges a été interdite, mais l'exportation des autres essences est encore permise à l'heure actuelle. Au Cameroun, la réglementation forestière de 1974 stipule qu'au moins 60 pour cent de tout le bois abattu sur les concessions doit être transformé localement. Une disposition analogue a été introduite dans la nouvelle législation forestière du Congo, qui stipule que les contrats de transformation des bois ne peuvent être accordés que si un minimum de 40 pour cent est converti. Les offres de nouvelles superficies forestières (1974) dans le secteur sud prévoient la transformation de 100 pour cent de l'okoumé, et d'un minimum de 50 pour cent pour les autres essences. En Amérique latine, les exportations de grumes sont moins importantes, mais certains pays ont également pris des mesures restrictives (arrêt des exportations de certaines essences précieuses au Brésil, interdiction des exportations de virole au Surinam).
Il ressort de la présente étude que la plupart des pays gros exportateurs de feuillus tropicaux ont maintenant adopté des mesures d'ensemble en vue de réduire la part des exportations en grumes pour la ramener à moins de 50 pour cent de la production totale. Le seul pays gros exportateur de grumes qui n'ait pas encore pris de telles mesures est l'Indonésie, à l'heure actuelle le plus gros producteur et exportateur de feuillus tropicaux en grumes. Ce fait mérite une attention particulière car il pourrait influer considérablement sur la position compétitive d'autres pays qui ont déjà introduit des limitations au commerce d'exportation de grumes, ou envisagent de le faire.
La mise en uvre de règles générales pour la transformation du bois peut présenter des difficultés dans les pays où l'exploitation est encore axée presque exclusivement sur les exportations de bois ronds, une mise en vigueur trop rapide risquant de ralentir l'activité de l'ensemble du secteur forestier. L'impact possible de cette réglementation doit donc être analysé avec soin dans le contexte de chaque pays. C'est pourquoi il conviendrait de planifier quelques années à l'avance les restrictions aux exportations de grumes et, éventuellement, d'en discuter au préalable avec les industries forestières afin de créer une capacité de transformation suffisante. Une solution possible consisterait à appliquer des règles de transformation ou une interdiction d'exportation pendant une période initiale seulement aux principales essences d'exportation, tandis que les essences moins utilisées ne feraient l'objet d'aucune restriction, ce qui permettrait le développement d'industries forestières nationales sans risque d'effondrement immédiat de la production totale de grumes. Cela faciliterait également l'introduction sur les marchés d'outremer des essences peu utilisées. Une fois que l'industrie se sera familiarisée avec ces essences sous forme de grumes, elles pourront par la suite être exportées également comme produits transformés.
De nombreux pays fournissent d'autres stimulants tels que franchise d'impôts sur le revenu ou réduction des droits d'importation sur l'équipement d'exploitation et d'usine, au bénéfice des concessionnaires qui sont disposés à installer de nouvelles industries de transformation du bois. De telles mesures générales d'encouragement sont habituellement réglées par la législation nationale sur les investissements. Dans certains cas exceptionnels, toutefois, les contrats d'exploitation contiennent des dispositions spécifiques d'encouragement à l'investissement. A titre d'exemple, nous indiquons ci-dessous les principales exemptions prévues par le modèle de convention de 1973 pour les contrats d'exploitation forestière au Libéria:
EXPLOITATION FORESTIÈRE DANS LES PRINCIPALES RÉGIONS TROPICALES EN 1973
|
Production annuelle totale (bois ronds industriels)1 |
Valeur des exportations de produits forestiers2 |
Superficies sous contrats (estimations) |
millions de m3 |
millions de dollars |
millions d'ha |
|
Extrême-Orient |
93 |
2 314 |
~40 |
Indonésie |
27,3 |
633 |
12,5 |
Malaisie |
26,4 |
642 |
35,5 |
Papouasie Nouvelle-Guinée |
0,8 |
16 |
1,1 |
Philippines |
13,8 |
406 |
8,5 |
Afrique |
43 |
693 |
~50 |
Cameroun |
1,3 |
38 |
9,0 |
République centrafricaine |
0,5 |
|
1,2 |
Congo |
0,7 |
49 |
1,7 |
Gabon |
2,4 |
105 |
7,0 |
Ghana |
1,9 |
111 |
2,9 |
Côte-d'Ivoire |
5,7 |
278 |
6,7 |
Libéria |
0,5 |
14 |
4,8 |
Amérique du Sud |
42 |
377 |
~10 |
Colombie |
4,9 |
8 |
0,5 |
Equateur |
1,9 |
6 |
1 |
Guyane française |
|
0,5 |
0,1 |
Guyane |
0,2 |
2 |
0,9 |
Pérou |
0,8 |
4 |
06 |
Surinam |
0,2 |
4,7 |
1,5 |
1 Annuaire des produits 1973 (FAO, 1975), p.40-41. - 2 Annuaire des produits forestiers 1973 (FAO, 19;5), p. 322-323. - 3 Une quantité supplémentaire appréciable de bois en grumes provient de zones converties à l'agriculture ne faisant pas l'objet de contrats officiels.Ces chiffres sont fondés sur les dernières statistiques nationales disponibles, qui datent généralement de 1972-74; il est possible que, depuis, d'autres superficies aient été attribuées dans plusieurs pays.
- Impôt sur le revenu des sociétés ne dépassant pas 50 pour cent du revenu net total pour une année quelconque.
- Exemption totale de l'impôt pendant les cinq premières années, si les bénéfices sont utilisés pour une expansion des activités ou pour des investissements au Libéria, et exemption d'impôt sur une proportion maximale de 20 pour cent des bénéfices annuels - si cette somme est réinvestie dans le pays - après la cinquième année.
- Exemption de droits à l'importation sur l'équipement, les machines et autres articles similaires d'une durée de vie utile de cinq ans ou plus; en outre, aucun droit d'importation n'est perçu sur les accessoires et pièces de rechange pour camions, tracteurs et engins lourds utilisés en exploitation forestière.
- Exemption de droits de douane et autres taxes (mais non du droit de coupe) sur les grumes exportées conformément aux règles générales de conversion des grumes au cours de la première période de cinq ans.
Les concessionnaires ont en général le droit de construire des routes forestières dans la zone qui leur est attribuée. Ils peuvent aussi construire à leurs propres frais des routes traversant d'autres concessions ou utiliser celles déjà construites, moyennant le paiement d'une part adéquate des frais de construction et d'entretien. Les compagnies règlent habituellement ces problèmes entre elles sans l'intervention du gouvernement mais, dans certains cas, la construction de routes forestières en dehors de la zone de concession peut être soumise à un permis spécial. Les routes forestières construites par les exploitants ont fréquemment (par exemple, dans la plupart des pays d'Afrique occidentale) le statut légal de routes publiques, et peuvent être utilisées par la population; l'accès peut en être restreint seulement s'il gêne sérieusement las activités de l'exploitant. Toutefois, si les routes forestières construites par les concessionnaires sont réputées chemins privés, il faut certaines dispositions juridiques stipulant qu'elles peuvent être déclarées partie du réseau routier général pour raison d'intérêt public. L'entretien des routes forestières utilisées par l'exploitant et par le public peut faire partie des obligations inscrites dans une convention particulière.
Dans les conditions actuelles d'exploitation dans les forêts tropicales, la distance maximale de débardage pour une exploitation rationnelle varie entre 400 et 700 mètres, ce qui équivaut à une densité de routes principales d'environ 10 m/ha. L'exploitation forestière représente par conséquent un élément important dans les investissements d'infrastructure qui devraient servir, dans toute la mesure possible, au développement du réseau routier du pays. Cependant, les réglementations ou les conventions actuelles ne contiennent pas toujours les clauses nécessaires à la planification et à la construction des routes forestières. Il y a là une lacune sérieuse, et ce problème devra davantage retenir l'attention dans l'avenir. Pour éviter que d'importants investissements faits par les concessionnaires deviennent ultérieurement de peu d'utilité pour ce réseau routier national, L'implantation de routes forestières pouvant être d'intérêt public doit faire l'objet d'études préalables, et des normes de construction compatibles avec celles des routes du réseau général doivent être fixées. Toute la question des investissements d'infrastructure du secteur public nécessite, toutefois, une étude sérieuse, car elle a une forte incidence sur le calcul des coûts d'investissement et de rentabilité des sociétés d'exportation.
Dans les premières concessions attribuées, le choix des arbres à extraire, la détermination de la production annuelle en volume et le choix des méthodes d'exploitation étaient en pratique laissés aux seules sociétés d'exploitation forestière. Il n'était pas imposé de normes d'exploitation ou alors elles étaient mal définies. Les dernières années ont vu à cet égard d'importantes améliorations institutionnelles. Les systèmes de normes actuels, tels qu'on peut les trouver dans les réglementations et les conventions les plus récentes des pays gros producteurs de bois du Sud-Est asiatique, par exemple, celles des Philippines, de l'Indonésie, ou encore le nouveau projet de législation de Papouasie Nouvelle-Guinée, stipulent que l'exploitant doit se conformer à un plan d'aménagement ou à un plan d'exploitation, et établir, en outre, des programmes d'abattage annuels. Il y a également une tendance générale à spécifier que la production annuelle de grumes des principales essences commerciales ne doit pas dépasser, pour chaque concession, les volumes maximaux fixés dans le plan d'aménagement ou le plan d'exploitation. Certains pays d'Afrique occidentale ont récemment adopté des principes analogues. La Côte-d'Ivoire (1972), le Congo (1974), et, dans une certaine mesure, le Cameroun (1974) ont récemment introduit des dispositions d'après lesquelles les concessionnaires sont tenus de soumettre un programme d'abattage et de construction de routes, et de faire rapport chaque année sur les travaux effectués. En outre, des conditions spécifiques d'exploitation (enlèvement obligatoire de certaines essences, exploitation du bois de qualité inférieure, exploitation par coupes annuelles de proche en proche) peuvent être imposées aux sociétés en vertu d'un cahier des charges particulières. Dans les réserves forestières du Ghana et du Nigeria, les méthodes d'exploitation font depuis longtemps l'objet de prescriptions relatives à l'aménagement. L'établissement de plans d'aménagement et la soumission de programmes annuels d'exploitation sont également stipulés dans les législations forestières les plus récentes des pays d'Amérique latine (Venezuela, Pérou, Honduras, et Surinam qui a un projet de législation). Dans l'ensemble les améliorations institutionnelles réalisées dans ces trois régions représentent une étape importante vers la mise en uvre d'une utilisation plus rationnelle des ressources forestières avec un contrôle technique accru.
La législation forestière et les conventions d'exploitation prescrivent généralement un diamètre ou une circonférence minimaux exploitables pour la plupart des essences d'intérêt commercial. Ces dimensions d'exploitabilité varient selon les essences, en fonction de leurs caractéristiques de croissance; le point où la mesure doit être prise est généralement fixé à hauteur de poitrine, ou au-dessus des contreforts. L'objet de ces limites d'exploitabilité est d'éviter que des arbres de plus petites dimensions soient coupés avant d'avoir atteint leur plein développement. C'est pourquoi, dans les zones qui sont appelées à rester sous couvert forestier dans l'avenir, les dimensions minimales d'exploitabilité devront rester en vigueur jusqu'à ce que les forêts puissent être soumises à un aménagement et à des traitements sylvicoles plus élaborés. Le défaut des réglementations actuelles est toutefois que les diamètres minimaux sont prescrits sans distinction pour toutes les forêts. Pour les zones où la forêt doit être défrichée en vue d'autres utilisations du sol, ou qui doivent faire l'objet de plantations forestières, il faut prévoir une clause d'exemption.
Dans certains types de forêts du Sud-Est asiatique - en particulier, forêts à diptérocarpacées des Philippines et de Malaisie - l'exploitation se fait ou se faisait selon des méthodes sylvicoles sélectives. Généralement, on prescrit le marquage des arbres avant l'abattage, soit par le concessionnaire, soit par le service forestier. En Afrique occidentale, l'exploitation dans la forêt dense tropicale se fait le plus souvent sur la base de 1 à 3 arbres par hectare; les concessions ne comportent pas de prescriptions relatives à des traitements sylvicoles sélectifs particuliers. Il n'existe d'exceptions à cette règle que dans les réserves forestières du Ghana et du Nigeria, où les arbres sont désignés et martelés par le service forestier préalablement à l'exploitation. En Amérique latine, le martelage des arbres est parfois obligatoire, mais l'exécution présente des difficultés en raison de l'insuffisance des effectifs de personnel de terrain compétent.
Dans les conditions de la forêt dense tropicale, les techniques de régénération ne sont pas assez bien connues pour pouvoir être appliquées efficacement par les concessionnaires sur de grandes surfaces. La production future des forêts naturelles, en particulier la récolte de la deuxième rotation d'exploitation, dépend donc exclusivement de l'accroissement des arbres d'essences commerciales des catégories de diamètre inférieures restant en forêt après la première exploitation, et des régénérations naturelles qui se produisent sans autre intervention. Dans ce type d'utilisation extensive des forêts, les prescriptions de diamètres minimaux et l'interdiction de revenir sur les coupes avant le début de la seconde rotation d'exploitation sont généralement les seules conditions imposées en pratique aux concessionnaires. Dans un stade ultérieur, cependant, lorsque le service forestier aura été suffisamment renforcé pour s'engager dans une gestion plus intensive de la forêt, les concessionnaires pourraient être tenus d'exécuter après l'exploitation certaines opérations sylvicoles telles que la coupe des lianes, ou de participer à ces opérations.
De nombreux pays de la zone tropicale se préoccupent de plus en plus du problème du renouvellement des ressources forestières nationales, et introduisent dans les contrats d'exploitation des clauses qui obligent les concessionnaires à participer au reboisement. Deux modalités différentes sont actuellement utilisées à cet effet:
- Des dispositions obligeant les concessionnaires à exécuter eux-mêmes les projets de reboisement dans les zones qui leur sont concédées.- Des dispositions stipulant le paiement d'une redevance forestière, laquelle est ensuite utilisée par le service forestier ou par un établissement public autonome pour exécuter des programmes de reboisement à grande échelle.
Dans de nombreux cas, le reboisement par les concessionnaires n'a pas donné de bons résultats, les raisons principales en étant une mauvaise définition des obligations contractuelles et des objectifs techniques, le manque d'expérience des sociétés dans ce genre de travaux, et une surveillance insuffisante de la part de l'administration forestière. Les petits et moyens exploitants, en particulier, n'ont ni les moyens techniques ni le personnel qualifié nécessaires, et n'ont pas non plus suffisamment d'intérêt à long terme dans les produits futurs pour les inciter à se lancer activement dans le reboisement. S'ils y sont tenus par leurs obligations contractuelles, ils ont tendance à ne faire que le strict minimum nécessaire pour garder leur concession. Les plantations forestières, si du moins elles sont exécutées, sont mal soignées et insuffisamment protégées. Les plantations établies peuvent être disséminées dans tout le pays au point de rendre très difficile toute planification de la mise en valeur forestière future et de l'utilisation des produits de ces plantations.
Compte tenu de l'expérience limitée qu'ont la plupart des concessionnaires forestiers en matière de reboisement dans les forêts tropicales, et des difficultés que les administrations forestières es éprouvent à surveiller de nombreux projets de plantation à petite échelle, on peut en conclure que les obligations individuelles de reboisement ne sont sans doute pas, dans les conditions actuelles, le meilleur moyen d'assurer la production forestière future. La perception d'une redevance de reboisement - faisant éventuellement partie d'une taxe générale de gestion forestière, ou combinée avec elle - apparaît comme une méthode plus appropriée pour faire participer les sociétés d'exploitation aux travaux de plantation. Le produit de cette redevance peut être utilisé par l'administration pour des projets de reboisement à grande échelle, planifiés au niveau national ou régional. C'est maintenant une pratique bien établie, par exemple, dans la péninsule de la Malaisie. Un autre exemple typique - assez représentatif de la plupart des pays d'Afrique occidentale et de nombreux pays d'Amérique latine - est celui du Libéria. Les contrats d'exploitation délivrés clans ce pays comprenaient une obligation réglementaire de reboiser la part de la concession nécessaire pour assurer une production ligneuse soutenue dans les forêts concédées. Cette disposition ne s'est pas avérée efficace; les concessionnaires ou bien n'ont pas exécuté les plantations prescrites, ou bien n'avaient pas l'expérience suffisante pour les mener à bien. On a maintenant proposé la création d'une autorité de développement forestier qui exécuterait des programmes de plantation à grande échelle pour le compte des concessionnaires en échange du paiement d'une taxe de reboisement. Une procédure analogue a déjà été adoptée dans plusieurs pays francophones (Cameroun, Congo, Gabon, Côte-d'Ivoire), où les reboisements sont exécutés par des établissements publics spécialisés qui financent leurs opérations par des taxes de reboisement et de gestion perçues sur les concessionnaires.
Il y a toutefois quelques exemples, entre autres au Mexique et aux Philippines, de compagnies d'exploitation et de transformation du bois exploitant des volumes annuels de plus de 10 000 mètres cubes dont les investissements s'élèvent à plusieurs millions de dollars, qui ont entrepris avec succès des programmes de plantation forestière à l'intérieur de leurs concessions. Les projets de grandes industries forestières intégrées, à l'étude dans divers pays, sont susceptibles d'accroître dans l'avenir le nombre de ces concessionnaires reboiseurs. C'est le cas, en particulier, des projets d'usines de pâte et de papier, qui exigent des programmes de plantation à grande échelle pour assurer leur approvisionnement futur en matière première. Ces entreprises ont, par conséquent, un intérêt direct aux travaux de reboisement.
Le choix entre les deux formules, obligations de reboisement individuelles ou perception d'une taxe générale de reboisement, doit être étudié dans le contexte de chaque pays. La responsabilité du reboisement ne devrait être donnée qu'à des entreprises susceptibles d'assurer efficacement l'établissement et la protection des plantations; elles seront exemptées de la taxe de reboisement si elles justifient que leurs dépenses annuelles s'élèvent au moins à l'équivalent de cette taxe. Tous les autres concessionnaires ne devraient pas être tenus d'effectuer des travaux de reboisement, mais les bois exploités devraient être soumis à perception de la taxe de reboisement.
La législation sur les contrats d'exploitation et les conventions individuelles contiennent très peu de dispositions concernant l'obligation de former du personnel national qualifié qui sera plus tard appelé à remplacer le personnel expatrié dans les postes de techniciens et les postes de direction. Ce point devrait faire l'objet d'une attention particulière dans le cas d'attribution de contrats de longue durée portant sur de grandes superficies de forêts. Il y a des exceptions notables en Afrique occidentale. Ainsi, au Libéria, le nouveau contrat type prévoit l'obligation pour le concessionnaire de former des Libériens pour des postes techniques et administratifs. Dans les cinq années qui suivent l'entrée en vigueur de l'accord de concession, au moins 75 pour cent du nombre de personnes employées dans ces postes devront être des citoyens libériens; dix ans après le début de la concession, au moins 95 pour cent des postes devront être occupés par des nationaux. Le concessionnaire doit assurer aussi la formation de personnel pour les postes de surveillance et de direction, et dix ans après le début des opérations, au moins 90 pour cent des postes devront être tenus par des Libériens. Au Congo, les concessionnaires doivent établir des programmes de formation et présenter régulièrement des rapports sur les progrès accomplis par les stagiaires. Des obligations particulières de formation sont également prévues en Malaisie pour toutes les nouvelles conventions d'exploitation à grande échelle.
La participation financière d'investisseurs étrangers et d'entrepreneurs nationaux, ou la création d'entreprises d'économie mixte, sont généralement prescrites par la législation générale sur les investissements, mais certaines lois forestières et conventions d'exploitation contiennent à ce sujet des dispositions supplémentaires spécifiques. Les sociétés mixtes, ou l'Etat détient une majorité du capital social pour le compte de ressortissants du pays jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de participer effectivement, deviennent prépondérantes en matière d'investissements dans certains pays producteurs de bois; la Malaisie, en particulier, a une expérience considérable dans ce domaine. Une autre solution a été adoptée au Libéria, où la convention type stipule qu'un minimum de 25 pour cent des actions initiales et de chaque émission d'actions ultérieure doit être réservé à la souscription et éventuellement à l'achat par des citoyens libériens; un quart des directeurs de la société, avec un minimum de deux, devront être des nationaux libériens. Au Ghana, le décret sur l'exploitation forestière (participation gouvernementale) a établi une participation gouvernementale majoritaire dans les cinq plus importantes concessions forestières. La loi forestière congolaise de 1974 prévoit que les sociétés tenues ou dirigées par des investisseurs étrangers devront passer progressivement sous contrôle national en vertu d'accords contractuels. En outre, la politique actuelle d'attribution a établi une priorité en faveur des sociétés d'exploitation forestière locales et des sociétés à participation gouvernementale.
Au cours de la période récente, on a vu s'imposer de plus en plus le principe selon lequel l'ensemble des charges fiscales forestières doit être en rapport avec la valeur réelle de la matière première récoltée en un endroit donné, et que le montant des taxes doit être régulièrement réajusté pour tenir compte des changements de prix et de coût de production pour une essence et une qualité de bois données. De nouvelles dispositions ont été introduites dans la législation forestière et dans les contrats d'exploitation, qui stipulent que l'assiette des taxes reposera sur des méthodes appropriées d'estimation du prix du bois sur pied. Les taux d'imposition doivent être déterminés par la réglementation et non par la loi elle-même et révisés à intervalles réguliers. A citer les exemples suivants:
ÉQUIPEMENT COÛTEUX POUR L'EXTRACTION DU BOIS amplement justifié par la grande valeur du produit
Le code de réforme forestière des Philippines (1974) stipule:
Sec. 25
(3): The estimated volume and value of timber available from commercial sale shall be determined through an appraisal system by the Bureau.
Sec. 26
(1): The Director shall institute a system of timber appraisal for all public forest areas or forested alienable and disposable lands, whether vacant or covered by existing concessions.(2): In the case of timber licence agreements, existing as the effective date of this Code, the first appraisal shall take place two (2) years following such effectivity; and in those that may be issued thereafter, said appraisal be made every five (5) years, reckoned from the original issuance thereof.
(4): The Director, with the approval of the Department Head, shall promulgate the implementing rules and regulations to carry into effect the purposes of this section.
Sec. 27
(1): In addition to the taxes, fees and charges imposed under existing laws and regulations, the Department Head is hereby authorized to impose, upon recommendation of the Director and in consultation with representatives of the industry affected, such fees, or require special deposits, for the privilege to occupy or use a portion of the public forest, or harvest or utilize forest products.
Le code forestier du Congo prescrit:
Art. 25
(1): Les taxes domaniales et forestières seront fondées sur des critères économiques de manière à épouser la valeur des produits sans interrompre ni freiner l'expansion et la permanence de l'économie forestière dans les régions.(3): La fiscalité demeurera stable par période quinquennale et ne pourra être révisée que tous les cinq ans.
Une loi spéciale sur la taxation forestière complète ces dispositions et établit une procédure d'évaluation des taxes basée sur une estimation générale du prix du bois sur pied. En Bolivie, la nouvelle loi forestière (1974) stipule que les redevances payées sur la matière première doivent être considérées comme le prix du bois.
Art. 87:
Los derechos de monte son el precio estipulado por el aprovechamiento de los bosques del Estado, y no constituyen impuesto alguno.
Des dispositions analogues ont été introduites dans les projets de législation du Surinam et de la Papouasie Nouvelle-Guinée.
Si l'on considère l'évolution rapide des prix sur le marché mondial des produits forestiers tropicaux (notamment en ce qui concerne les grumes d'exportation de haute qualité), la clause que l'on retrouve dans la législation des Philippines et dans celle du Congo, et selon laquelle les taxes forestières ne seront révisées que tous les cinq ans, paraît contraire aux intérêts du pays. Il serait plus approprié de stipuler que «le taux des redevances sera révisé régulièrement, et au moins tous les cinq ans», formule qui a été adoptée, par exemple, dans le projet de loi du Surinam.
En dépit d'imperfections de ce genre, il convient de noter qu'une nouvelle conception de la taxation forestière se répand dans les régions tropicales, et qu'elle aboutit à des modifications de la législation forestière.
Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne les aspects institutionnels de l'attribution de contrats d'exploitation, mais les problèmes les plus urgents tiennent maintenant à une mauvaise application des politiques nationales de concessions forestières. Une législation cohérente pour l'attribution des contrats et des accords convenablement formulés n'auront aucun effet pratique - comme c'est le cas en beaucoup d'endroits - si l'allocation des ressources forestières et ensuite leur utilisation ne sont pas suffisamment planifiées et contrôlées. L'attribution de contrats d'exploitation ne devrait donc pas être considérée comme une simple formalité légale, comme c'était parfois le cas dans le passé, mais également comme un problème de planification forestière, de gestion rationnelle des forêts et d'organisation de l'exploitation forestière. Les incidences techniques importantes de toute politique nationale de concessions forestières constituent en fait la raison principale pour laquelle dans la plupart des pays de la zone intertropicale, les contrats d'exploitation sont attribués par les administrations forestières nationales compétentes, ou sur leur avis. Toutefois, si d'autres services gouvernementaux sont responsables de l'attribution du bois, il faudra insister sur l'établissement d'une coordination efficace avec l'administration forestière en place pour assurer les succès de la mise en uvre des contrats de concession. Il peut même être utile de reconsidérer la structure de l'organisation en vue d'assurer une meilleure correspondance entre l'aménagement forestier et l'attribution des concessions.
Parmi les contraintes les plus évidentes qui limitent actuellement l'instauration d'un système cohérent d'amodiation des bois par contrats d'exploitation, il y a lieu de citer:
- L'absence de programmes nationaux bien définis de mise en valeur des terres, qui pourraient aider à déterminer l'utilisation à long terme des terres forestières, les normes de gestion et les conditions à requérir en matière de concessions.- L'insuffisance d'informations sur les ressources forestières fournies lors de la négociation de nouveaux contrats. Il est alors impossible de décider quelle serait la meilleure utilisation de la matière première, quels types d'industries forestières seraient possibles, et quelles clauses concernant la transformation locale des produits devraient être inscrites dans une convention donnée.
- Le manque de données d'aménagement qui permettraient d'ajuster le volume des coupes annuelles au potentiel de production à long terme d'une zone forestière donnée, et de définir les normes à imposer aux concessionnaires en matière de techniques d'abattage et de débardage, d'extraction d'essences commerciales, de construction de routes forestières.
- Un manque de précision quant au nombre d'entreprises qui, à l'échelon national ou international, pourraient s'intéresser à un contrat donne. Il est de ce fait impossible de choisir des entreprises qui aient une expérience de l'industrie du bois et accès au marché international.
- Le manque d'expérience dans la négociation des conventions de concession individuelles.
- L'insuffisance de renseignements sur les relations prix/coût d'exploitation (par exemple, accessibilité des ressources) et prix/coût de production industrielle, nécessaires pour une évaluation convenable des taxes forestières.
Bien entendu, ces contraintes tiennent en premier lieu à la faiblesse chronique des administrations forestières dans la plupart des pays tropicaux. Des administrations forestières inefficaces, souffrant d'une pénurie de personnel d'encadrement supérieur et technique, des crédits de fonctionnement insuffisants, des structures administratives inadéquates, constituent donc le principal obstacle à la mise en uvre des politiques nationales de concessions forestières. C'est le cas, en particulier, du service forestier de terrain qui, dans certains pays, est encore presque inexistant, ou à un état très rudimentaire, de sorte que la planification de l'exploitation forestière de même que le contrôle des activités et la surveillance des opérations des concessionnaires en forêt sont pratiquement impossibles. Parfois, les forestiers ne possèdent même pas de véhicules, et doivent compter sur des concessionnaires pour leurs tournées sur le terrain. Une telle situation crée une dépendance de l'administration forestière vis-à-vis des exploitants forestiers, qui n'est pas faite pour faciliter la bonne gestion des ressources forestières. Si l'on veut appliquer une politique plus rationnelle de concessions forestières dans les régions tropicales, un gros effort devra être fait pour renforcer les administrations forestières.
Il n'est pas douteux que l'accroissement des dépenses lié à l'amélioration des services forestiers sera compensé par des profits supplémentaires résultant d'une utilisation plus rationnelle des ressources forestières. En termes qualitatifs, l'avantage que peut apporter une administration forestière forte et efficace consiste dans la mise en uvre d'une politique de concessions cohérente et l'application de méthodes d'aménagements adéquats préservant et développant le potentiel forestier. Cela comprendrait, par exemple, la planification de l'allocation des ressources et de l'industrie du bois au niveau national; une évaluation plus précise du potentiel de ressources ligneuses; un choix approprié des candidats les plus valables pour de nouvelles concessions; une surveillance adéquate des activités du concessionnaire sur le terrain; une évaluation plus réaliste des taxes forestières. Certains de ces facteurs peuvent être au moins partiellement chiffrés: ainsi, on peut évaluer le surcroît de valeur de la matière première et de recettes fiscales résultant d'une réduction des défrichements illicites, ou d'une amélioration des normes d'utilisation par une meilleure prévision et un contrôle plus efficace des opérations d'exploitation. Il est également possible de chiffrer le supplément de matière première fourni, ainsi que les avantages sociaux et économiques résultant d'une plus grande quantité de bois transformé sur place, grâce à des méthodes appropriées d'attribution de concessions. L'accroissement des recettes publiques dû à l'application d'une politique de taxation forestière cohérente peut pareillement montrer que le renforcement des administrations forestières répond à l'intérêt immédiat des pays tropicaux.
Dans le passé, l'initiative de solliciter de nouveaux contrats d'exploitation de bois était fréquemment laissée aux entrepreneurs privés; l'administration forestière se contentait de réagir à une demande accrue pour de nouvelles zones de concessions. Cette situation n'a pas toujours favorisé la mise en valeur du patrimoine forestier. Les gouvernements devraient, au contraire, prendre une part active à l'allocation des ressources forestières, et faire savoir publiquement dans quelles régions du pays de nouvelles concessions peuvent être attribuées. En principe, ces zones devraient au préalable faire l'objet d'un inventaire forestier et d'un plan d'aménagement. Les demandes concernant des forêts qui n'ont pas été publiquement désignées ne devraient pas être recevables. En cas de contrats d'exploitation de longue durée, le gouvernement se trouvera en meilleure position pour négocier s'il invite les investisseurs nationaux et internationaux à soumettre des projets industriels. Dans ce cas, les annonces devraient comporter un résumé des résultats de l'inventaire, indiquer les volumes annuels qu'il est prévu d'exploiter et le type envisagé d'industrie de transformation du bois, établir les spécifications techniques en matière de débardage et de construction de routes, et décrire les conditions particulières dans lesquelles un investisseur étranger pourrait éventuellement intervenir (contrat avec une entreprise privée, association avec un organisme public ou avec des investisseurs privés nationaux).
Une fois que les offres des investisseurs intéressés auront été reçues, il faudra un certain temps pour sélectionner les candidats les plus valables et entamer les négociations préliminaires. Les candidats retenus devront avoir accès à toutes les informations disponibles sur les inventaires et les plans d'aménagement, pouvoir procéder à des reconnaissances sur le terrain et recueillir toutes données utiles se rapportant au projet envisagé.
Dans certains pays, la sélection des candidats et la décision finale sur le choix du projet à retenir sont soumises à l'avis ou à l'appréciation d'une commission interministérielle dans laquelle sont représentés tous les services concernés par les aspects économiques, sociaux et financiers du contrat proposé.
Grâce aux changements d'ordre instutionnel, l'attribution de contrats d'exploitation devient de plus en plus une question de négociation individuelle, notamment dans le cas de contrats de longue durée portant sur de grandes étendues de forêts. Pour que les négociations réussissent du point de vue de la nation concédante, il faut réunir des informations détaillées sur la valeur des ressources concédées et leurs utilisations industrielles possibles, sur le potentiel social et économique, et sur les groupes d'investisseurs qui pourraient être intéressés. Ces informations ne peuvent être obtenues qu'à partir d'études de viabilité technique et économique faites avant le début des négociations. C'est la qualité de ces études qui déterminera pour une large part le succès des futures politiques de concessions.
Un contrôle régulier et compétent des activités de l'attributaire en forêt est un complément essentiel à une planification plus intensive de l'exploitation forestière et à une formulation plus précise des obligations attachées à la concession. Le contrôle et la surveillance des activités du concessionnaire sont le corollaire indispensable d'une politique nationale de concessions et de la réglementation concernant la gestion forestière. Ils ne prennent toute leur signification que lorsque l'Etat propriétaire du domaine forestier a clairement défini sa stratégie à l'égard de l'utilisation des ressources forestières. L'absence de plans d'aménagement et d'inventaires forestiers signifiait dans le passé une absence plus ou moins totale de contrôle en forêt; l'amélioration de l'aménagement et une meilleure définition des obligations liées à la concession supposent de la part du propriétaire forestier un contrôle et une surveillance accrus.
Un examen de la situation actuelle dans les pays tropicaux révèle en général une prolifération de rapports, tableaux, cartes et autres documents qui doivent être soumis à intervalles réguliers par les attributaires. Cette masse d'informations tend à s'accumuler dans les bureaux forestiers régionaux, et monte ensuite par des voies diverses jusqu'au siège central du service forestier. A aucun des échelons administratifs il n'y a le personnel nécessaire pour exploiter - et réduire - cette information; au contraire, toute cette documentation accumulée finit par occuper une grande partie du temps du personnel technique. En outre, cela donne l'impression fallacieuse que tout est statistiquement du moins - bien contrôlé, et que la surveillance de la part du propriétaire forestier est plus que suffisante. Cet état de fait est un frein sérieux au développement forestier national. Ce qu'il faut essentiellement pour le succès des concessions forestières, c'est:
- Une stricte surveillance en forêt, fondée sur des inspections de terrain par des forestiers compétents, des inventaires de contrôle, et des plans d'aménagement ou d'abattage mis à jour. Le but de cette surveillance est de vérifier si les prescriptions concernant la coupe annuelle autorisée, les normes d'exploitation, la construction de routes, la protection de la forêt, et d'autres obligations, sont bien respectées par le concessionnaire.- Une limitation des informations soumises par le concessionnaire à quelques chiffres clés tels que les volumes produits par essences et par classes, la quantité de grumes converties sur place, l'étendue des zones d'abattage annuelles, les routes construites. Ces informations doivent être soumises à intervalles réguliers, c'est-à-dire une fois par an. Dans les pays qui ont de vastes zones d'exploitation, et un grand nombre de concessions, ces informations devront être groupées par régions et à l'échelle nationale; il faudra prévoir une réorganisation du traitement des données, avec emploi d'un ordinateur.
Dans les régions où des contrats d'exploitation - notamment de simples contrats de coupe - ont déjà été attribués, une réorganisation du système existant peut s'avérer nécessaire afin de permettre l'établissement de nouvelles usines de transformation du bois intégrées ou d'améliorer la structure des industries actuelles. On peut envisager comme solutions possibles le regroupement de petites entreprises en coopératives, des accords contractuels entre les entreprises concernées, ou des engagements de fourniture aux industries du bois situées dans le voisinage. Toutefois, l'exécution de ces dispositions présentera la plupart du temps des difficultés. Une façon de procéder plus efficace consisterait pour le gouvernement à désigner les zones forestières où ont déjà été attribuées des concessions qui, en raison des réserves qu'elles contiennent, pourraient alimenter une grande usine de transformation du bois. En conséquence, il ne serait plus accordé de nouvelles concessions, et les concessions existantes ne seraient renouvelées que jusqu'à une certaine date; passé ce délai, un nouveau contrat de longue durée portant sur l'ensemble de la zone serait attribué à une industrie forestière intégrée.
Ce terme d'exploitants sous-traitants désigne des entreprises qui n'exploitent pas leurs propres concessions, mais ont acquis, par arrangement avec d'autres attributaires, le droit de couper du bois dans une forêt concédée à des tiers. La sous-traitance est généralement interdite, mais la législation de certains pays autorise cette pratique sous certaines conditions.
Dans les pays anglophones, les contrats d'exploitation comprennent généralement une clause particulière qui interdit la sous-traitance sans approbation officielle. Qu'elle soit officiellement admise ou non, la sous-traitance a pris de l'ampleur ces dix dernières années. Cela tient surtout au fait que des concessions ont été attribuées à des particuliers ou à des sociétés dont les activités ne relevaient pas de l'exploitation forestière, et qui n'avaient ni l'intérêt ni les compétences nécessaires pour ce genre d'opérations. La sous-traitance des contrats d'exploitation, à moins d'être autorisée pour des raisons très particulières et convenablement contrôlée par une administration forestière compétente, tend à favoriser les opérations d'«écrémage» des forêts, et peut entraîner des difficultés supplémentaires pour l'installation de grandes industries du bois; enfin, elle risque d'entraîner une spéculation sur les concessions et de procurer à des intermédiaires des profits substantiels qui n'ont guère de justification sociale et économique. De telles pratiques ne sauraient être considérées comme profitables pour le pays; il serait donc souhaitable que les gouvernements étudient avec soin ce problème particulier et prennent des mesures, soit pour mettre un terme à la sous-traitance, soit pour avoir droit de regard sur la situation existante, par exemple, en imposant une surveillance et l'enregistrement officiel des sous-traitants et des accords de sous-traitance. Un des instruments les plus efficaces pour empêcher l'exploitation par des sous-traitants est une politique de taxation forestière cohérente, ne permettant pas des bénéfices d'exploitation anormalement élevés qui puissent servir à payer des commissions à des intermédiaires.
Dans le passé, la sous-traitance s'est parfois développée à la faveur d'une politique de concession visant à assurer une plus grande participation des nationaux à l'exploitation forestière et à l'industrie du bois. On a attribué des concessions à des nationaux sans s'assurer qu'ils avaient réellement l'intention d'entreprendre des opérations forestières et qu'ils disposaient d'assez de capitaux et d'expérience pour lancer et mener à bien une entreprise d'exploitation; les forets ainsi concédées étaient alors souvent sous-traitées par des sociétés forestières étrangères. Cette politique a donc manqué son objectif principal, et n'a guère amené qu'une participation symbolique des nationaux du secteur forestier. On ne peut donc espérer encourager une participation nationale accrue en distribuant des concessions sans discrimination, mais plutôt par une série de mesures bien étudiées:
- Priorité d'attribution à des entreprises nationales qui déjà s'occupent d'exploitation forestière, ou qui ont l'intention de le faire.- Facilités de crédit pour l'équipement d'exploitation, de construction de routes et de transport; il serait souhaitable que les banques nationales de développement étudient de plus près les possibilités d'arrangements financiers de ce genre.
- Assistance technique de la part des organismes d'Etat; cette formule a été adoptée depuis 1965 au Gabon, où les petites entreprises reçoivent une assistance en matière de planification de l'exploitation (cartes d'inventaire, marquage des arbres avant la coupe) et d'exécution (prêt d'équipement d'exploitation et de transport).
- Participation de nationaux au capital d'investissement de sociétés étrangères (comme cela est exigé au Libéria).
- Entreprises conjointes entre gouvernement et sociétés locales ou étrangères.
Les contrats d'exploitation de longue durée à de grandes usines de transformation du bois intégrées resteront dans l'avenir un instrument majeur d'attribution des bois dans les pays tropicaux. Par contre, certaines catégories de contrats, telles que les permis de coupe de courte et moyenne durée, pourraient faire place à d'autres formes d'attribution, notamment la vente de bois sur pied. Alors que le contrat d'exploitation confère un droit général de coupe, l'objet de la vente sur pied est la cessation d'une quantité définie de bois d'essences et de qualités déterminées, devant être récoltée dans un périmètre donné. Les conditions de cette vente et le prix du bois doivent être fixés par négociation entre le vendeur et l'acheteur. Les avantages de la vente de bois sur pied sont principalement les suivants:
- Le service forestier peut exercer un contrôle plus strict sur l'exploitation; les arbres à abattre peuvent être marqués avant le début des opérations.- Le prix du bois peut être déterminé par adjudication.
- Le fait que l'acheteur peut choisir entre différents exploitants lors des ventes ultérieures favorise la création d'un marché ouvert du bois en grumes.
L'introduction de la vente sur pied n'est toutefois possible que dans les pays où l'administration forestière est suffisamment équipée pour pouvoir fournir des informations adéquates sur les ressources disponibles et leur gestion; dans les conditions actuelles, les ventes de bois sur pied peuvent être envisagées dans les forêts à présent en réserve, mais elles sont appelées dans l'avenir à prendre de l'importance comme autre moyen possible d'attribuer le bois.
La législation sur les contrats d'exploitation et les accords individuels est habituellement vague et lacunaire parce qu'on ne sait pas exactement ce que la forêt peut produire, comment elle doit être gérée, comment la matière première disponible peut être traitée caris le pays même et quelles doivent être les responsabilités des concessionnaires. Le problème des concessions est donc intimement lié à l'expression, à l'échelon central, d'une politique forestière nationale et de concepts généraux d'aménagement forestier. Certains aspects, tels que la classification des terres selon leurs aptitudes, les inventaires, les plans d'aménagement, la planification des industries du bois qui, en fait, déterminent la portée d'un contrat d'exploitation donné, ont été négligés dans le passé, et c'est bien la raison pour laquelle la contribution des concessions forestières au développement économique et social à long terme a pu être moindre que les gouvernements intéressés ne l'espéraient. Cette situation ne peut s'améliorer que si l'étude de l'aménagement des ressources forestières dans son sens le plus large est considérée un préalable indispensable à une politique nationale de concessions forestières efficace, et d'une importance égale à celle que peut avoir la formulation de règlements ou de conventions adéquats.
Par ailleurs, il semble parfois que les questions d'aménagement forestier n'ont jusqu'à présent été considérées dans les pays tropicaux que d'un point de vue quelque peu théorique. Il faut bien se rendre compte que dans les régions tropicales un aménagement forestier à grande échelle suppose, surtout à l'heure actuelle, la mise en oeuvre de politiques de concessions, puisque ce sont ces politiques qui, en pratique, donnent accès à l'utilisation des ressources. Un aménagement forestier qui ne tiendrait pas compte du mécanisme des contrats d'exploitation - avec toutes les possibilités et les limitations qu'ils comportent - risque, dans de nombreux pays, d'être limité à quelques parcelles expérimentales.
Au stade actuel de la mise en valeur des forêts dans la plupart des pays en développement, l'aménagement forestier doit, en principe, s'entendre comme un concept de planification des ressources forestières dans une zone donnée; le terme d'aménagement est utilisé ici dans un sens beaucoup plus large que dans les pays où le domaine forestier permanent est clairement défini, et où il s'applique exclusivement au contrôle de la production moyenne soutenue dans les forêts classées. Toute allocation rationnelle des ressources forestières au niveau régional et local devra donc s'appuyer sur des plans spécifiques, qui déterminent de quelle manière le potentiel forestier peut être utilisé dans le meilleur intérêt du pays. Lorsque l'on envisage l'«aménagement» et des «plans d'aménagement» dans le contexte de la forêt tropicale, les précisions suivantes seraient utiles pour éviter certaines confusions très répandues:
- On sait malheureusement très peu de choses à présent sur la façon dont les forêts tropicales pourront être utilisées à longue échéance, et on ne pourra établir de critères plus précis pour l'aménagement tant qu'on ne disposera pas des résultats d'une recherche sylvicole appliquée à grande échelle.- Dans l'avenir immédiat, les plans d'aménagement - que l'on peut aussi appeler plans d'exploitation au premier stade de la planification des ressources forestières - ne peuvent que tenter de régulariser le débit des grumes exploitées et réglementer la manière dont elles sont extraites en fonction de certaines hypothèses de base, telles que, par exemple, le plan futur d'utilisation des terres, la composition des bois commercialisables, l'accroissement probable des essences principales avant et après la coupe, et la nécessité d'assurer un approvisionnement en matière première pendant au moins 20 ou 30 ans pour l'établissement d'industries forestières viables et un développement communautaire régulier.
- Le manque d'informations détaillées sur l'inventaire ne doit pas masquer le fait qu'une planification des ressources peut se faire à toutes les étapes de la mise en valeur des forêts, et qu'elle est un élément essentiel pour la mise en uvre d'une politique nationale d'attribution des ressources forestières dans tous le, pays.
- Il faut se rendre compte également que le volume de production et les techniques d'extraction ne peuvent être régularisés sans une surveillance efficace, et que n'importe quel plan perd toute signification s'il ne peut être mis en vigueur dans la pratique. L'aménagement forestier tant au niveau de la planification que de l'exécution est donc intimement lié au problème de renforcement institutionnel des administrations forestières.
- Vu l'évolution dynamique de l'utilisation des terres et des possibilités d'exploitation forestière en zone tropicale, la planification des ressources forestières est appelée a changer dans l'avenir, et même peut-être dans un délai relativement court; les plans d'aménagement devront par conséquant être révisés à intervalles réguliers, tous les 5 ou 10 ans.
- En raison des effectifs limités du personnel des services forestiers, l'aménagement ne devrait pas porter sur des unités trop petites dans la première phase du développement forestier national. Il faut évidemment en première priorité couvrir la totalité de la zone d'exploitation, ainsi que les forêts qui ne manqueront pas d'être ouvertes à l'exploitation clans un proche avenir.
La formulation des règles pour l'aménagement et des conditions liées aux concessions pour une utilisation rationnelle des ressources dépend en grande partie - au moins à un premier stade de développement - de l'utilisation actuelle des terres et des besoin, prévus dans l'avenir. En accord avec les principes généraux d'utilisation des terres forestières, le plan d'aménagement doit déterminer une ligne de conduite spécifique pour l'utilisation des ressources qui sera liée réellement au statut actuel du sol forestier et aux changements prévisibles. On peut normalement distinguer trois grandes catégories différentes du point de vue de l'aménagement:
- Les zones utilisées pour des projets de mise en valeur agricole ou autres, et les zones où les forêts doivent être défrichées pour une culture itinérante en expansion. Ces forêts sont à classer comme soumises à coupe de récupération et leur exploitation doit recevoir la priorité. Les concessionnaires devraient être tenus d'enlever tous les bois commercialisables.- Les zones classées et délimitées comme forêts permanentes pour maintenir la production de bois à long terme ou pour d'autres fins telles que la protection et la récréation. Une partie des forêts permanentes devront peut-être être aménagées sous un régime spécial (par exemple, comme forêts de protection) avec certaines restrictions ou interdiction d'exploitation. Les opérations sylvicoles et les reboisements devront être concentrés dans cette partie des unités d'aménagement.
- Les zones pour lesquelles aucune décision précise d'utilisation n'a encore été prise et qui, pour le moment, doivent être maintenues comme forêts protégées. Les zones renfermant un plus grand nombre d'essences recherchées de petits diamètres, ou des régénérations naturelles indiquant un potentiel de production élevé, ainsi que les zones paraissant importantes du point de vue de la protection doivent être affectées en priorité comme réserves forestières permanentes.
A partir d'une telle classification des surfaces forestières et des résultats de l'inventaire, on peut évaluer le volume total de grumes qui, en fonction des lignes générales de conduite adoptées, peut être produit annuellement dans un secteur donné. A un stade avancé de la technique forestière, la coupe annuelle autorisée est fixée en fonction stricte de la capacité de production renouvelable de la forêt, conformément au principe de la production soutenue. Dans de nombreux pays, cependant, des changements importants dans l'utilisation des terres sont encore à prévoir. En outre, on a très peu de connaissances et d'expérience sur la régénération naturelle, et les crédits pour les plantations artificielles sont limités. Dans ces conditions, la coupe annuelle admissible ne peut souvent être déterminée que par ce que l'on pourrait appeler une rotation d'exploitation contrôlée. L'idée qui est à la base de cette démarche est d'étaler le stock de bois commercialisable disponible sur une période suffisamment longue pour:
- Assurer l'approvisionnement à long terme de grandes usines intégrées de transformation du bois.- Stabiliser l'exploitation forestière et permettre l'établissement de communautés stables dans les régions forestières.
- Laisser les classes de petit diamètre atteindre des dimensions exploitables lors du second passage en coupe.
- Accroître progressivement la production de bois de qualités inférieures et d'essences secondaires, par une amélioration de la commercialisation et de meilleures méthodes d'extraction.
La détermination de la coupe annuelle admissible par essences principales ou groupes d'essences fournira une indication importante pour la planification industrielle et pour l'attribution de concessions. Des perspectives de production continue de grumes aideront à attirer de nouvelles industries, et à réorganiser les structures des chantiers d'exploitation et des usines existantes. Le plan d'aménagement doit, par conséquent, indiquer le volume annuel à exploiter séparément par principales essences commerciales ou groupes d'essences; aucune restriction n'est nécessaire pour les essences qui, pour le moment, ont un intérêt commercial limité. Dans le but d'améliorer les normes d'exploitation (abattage de bois de classes inférieures et de bois d'autres essences), la coupe annuelle autorisée devrait être révisée à l'occasion du réexamen périodique du plan d'aménagement. Les forêts situées à proximité des zones d'expansion de cultures itinérantes ou destinées officiellement à d'autres utilisations des terres (zones de récupération), doivent également être prises en compte dans le calcul du volume de production annuelle. Les conditions du marché et les considérations de production de l'industrie font qu'il faut admettre une certaine fluctuation des volumes extraits annuellement. La fixation d'un objectif à 3 ou 5 ans, avec une marge raisonnable (par exemple, 10 à 20 pour cent) de fluctuation annuelle, peut être une solution acceptable pour concilier la planification des ressources forestières avec les besoins de souplesse de l'industrie. La fixation du volume à exploiter selon les bases ci-dessus représente une première étape vers une stratégie d'aménagement à long terme; ultérieurement - une fois qu'une politique générale de mise en valeur des terres aura été formulée et qu'une partie de la zone aura été délimitée et classée comme forêt permanente - le contrôle de la production annuelle dans cette partie de la forêt pourra s'appuyer sur des principes de production soutenue, basée sur la régénération naturelle ou sur des plantations artificielles.
L'examen de plans d'aménagement élaborés dans certains pays tropicaux montre qu'il s'agit parfois de documents très détaillés et volumineux, contenant une masse de données générales sur la forêt, mais peu de choses en ce qui concerne l'exécution pratique. La conception traditionnelle de l'aménagement, dont l'élaboration minutieuse demande beaucoup de temps, ne répond pas aux besoins urgents de ces pays; ce qu'il faut, c'est un document qui traite les problèmes clés de l'exploitation dans une zone donnée, et contienne des prescriptions claires qui puissent être mises en pratique lors de la délivrance des concessions. Ce n'est donc pas le nombre de pages ni de savants développements sur la géologie ou les précipitations qui feront la valeur d'un plan d'aménagement, mais la mesure dans laquelle il répondra aux besoins de l'exploitation forestière. Les points suivants semblent d'une importance particulière:
- Classification des terrains forestiers dans l'unité d'aménagement et obligations qui en dérivent pour le concessionnaire (exploitation des zones de récupération, restrictions d'abattage).- Détermination du niveau de production annuelle et des méthodes d'extraction à utiliser.
- Détermination du nombre de pieds à couper des lieux de coupe (succession de coupes annuelles), des volumes (essences, dimensions, spécifications des grumes) et du calendrier de coupe.
- Répartition des grumes exploitées entre les industries visant un minimum de transport.
- Possibilités offertes à de nouvelles industries forestières.
- Réseau routier fondamental et autres éléments d'infrastructure nécessaires.
- Régénération (naturelle et/ou artificielle), et traitements sylvicoles nécessaires
- Prescriptions relatives à la protection des forêts, à la surveillance et au contrôle de l'exploitation.
La première étape de l'aménagement forestier, quelle que soit la méthode employée, est la subdivision de l'ensemble de la forêt en unités d'aménagement, pour chacune desquelles on pourra procéder à un inventaire et élaborer un plan d'aménagement à l'échelle régionale. La taille de ces unités doit être déterminée de façon à . permettre l'installation de grandes unités intégrées de transformation du bois. La planification de la mise en valeur forestière par unités régionales sera également un élément important d'une politique de concession cohérente. Une fois que les résultats de l'inventaire seront disponibles, le gouvernement pourra plus aisément décider quels types de contrats d'exploitation peuvent être envisagés dans telle ou telle unité, et quelles conditions peuvent raisonnablement être imposées aux concessionnaires pour assurer l'utilisation optimale du potentiel forestier.
L'ensemble d'une unité peut soit être attribué en une seule concession de longue durée, soit être divisé en plusieurs concessions de courte et moyenne durée. Lorsque toute l'unité d'aménagement est attribuée en bloc sous la forme d'un contrat d'exploitation de longue durée, les conditions du plan d'aménagement s'appliqueront directement au concessionnaire. Si l'unité d'aménagement couvre un ensemble de concessions de courte et moyenne durée, il faudra en plus établir pour chacune un plan d'exploitation particulier, compatible avec le plan d'aménagement proprement dit. Les prescriptions du plan d'aménagement ou du plan d'exploitation doivent être inscrites en annexe ou comme avenant au document qui confère les droits d'exploitation. Dans les unités d'aménagement qui comprennent des concessions déjà allouées, celles-ci pourront être soit regroupées, soit distribuées à d'autres exploitants après expiration.
Les inventaires forestiers régionaux sont un élément important de l'exploitation des ressources et nécessaires pour la prise des décisions concernant l'affectation des terres, pour la planification de l'industrie forestière, la réglementation sur la coupe des arbres, la répartition des zones de concessions et la négociation des conventions individuelles. Ces inventaires, à préparer pour chaque unité d'aménagement, doivent être orientés vers l'aménagement et vers l'industrie. Le propriétaire de la forêt et l'industrie peuvent tous deux avoir besoin de connaître le détail des essences par groupes commerciaux, la distribution des classes de dimensions dans chaque groupe, la qualité exacte des grumes (par exemple, grumes de qualité déroulage ou sciage), ainsi que les défauts courants. Les estimations relatives au matériel sur pied doivent se rapporter aux volumes nets, données qui peuvent être utilisées pour effectuer des calculs de rentabilité. On verra ci-après quel type d'informations doivent donner les inventaires régionaux actuellement effectués dans les forêts tropicales d'Afrique occidentale.
- Volume total (volume brut et volume marchand réel) des arbres de diamètre exploitable (généralement compris entre 60 ou 80 centimètres de diamètre à hauteur d'homme), et répartition par essences inventoriées. Les essences actuellement exploitables peuvent ensuite être groupées en fonction de leur valeur commerciale et de leurs utilisations (par exemple, principaux bois rouges, principales essences de déroulage et de sciage admises sur le marché); les essences non encore commercialisées mais reconnues utilisables doivent être groupées en fonction de leurs usages possibles.- Volume total (volume brut et volume marchand réel) et nombre d'arbres des classes de diamètres 60/80 et 40/60 centimètres, et distribution par principaux groupes d'essences. Ces chiffres indiquent approximativement les possibilités d'exploitation dans une deuxième rotation de coupe.
- Nombre de pieds d'arbres des classes de diamètres 10/40 centimètres et distribution par principaux groupes d'essences. Cette information est nécessaire pour déterminer les zones qui renferment le plus de jeunes arbres d'essences recherchées, et qui devraient, par conséquent, être maintenues sous couvert forestier en vue de la production future.
- Des cartes indiquant la distribution géographique des types de forêt, caractérisés par la fréquence de certaines essences commerciales ou groupes d'essences; on aura ainsi une première indication sur la distribution des volumes exploitables.
- Des cartes indiquant les zones de pénétration de la culture itinérante.
Dans d'autres cas (par exemple, inventaires spécifiques portant sur les bois à pâte), il pourra être nécessaire de recueillir des informations complémentaires sur une gamme plus étendue d'essences, et sur la distribution des volumes dans les petites classes de diamètres.
Il semble indiqué de faire une nette distinction entre:
- La nécessité de données d'inventaire et d'aménagement pour formuler une stratégie au niveau national et identifier les zones disponibles pour de gros investissements industriels. Ces informations doivent généralement être fournies par les services gouvernementaux.- La nécessité d'évaluer les possibilités d'investissement dans une zone donnée, et les moyens minimaux nécessaires pour la gestion; l'administration devrait aussi se charger de cette tâche afin de protéger les intérêts du propriétaire forestier.
- La nécessité d'inventaires détaillés et de prospections de chantier, pour étayer les études de rentabilité. Les travaux peuvent être effectués conjointement par les deux parties, ou sous la responsabilité de l'investisseur
Dans plusieurs pays du Sud-Est asiatique et d'Amérique latine (Colombie, Equateur, Indonésie, Philippines, Venezuela), les sociétés privées qui sollicitent de nouveaux contrats sont directement responsables de l'exécution des inventaires et de la préparation des plans d'aménagement. Cette solution a le plus souvent été adoptée en raison des sévères limitations de personnel et de crédits dont souffre l'administration forestière; il est possible qu'elle ait fourni une réponse immédiate à l'accroissement rapide des nouvelles demandes de concessions. Il est toutefois douteux qu'elle soit finalement la plus profitable pour le pays. Les résultats des inventaires forestiers devraient permettre au gouvernement de définir une stratégie globale de mise en valeur pour une unité donnée, d'attirer les investisseurs les plus valables et de renforcer leur position dans la négociation de nouveaux contrats. On voit mal comment ces objectifs pourraient être atteints quand les inventaires sont exécutés par les intéressés eux-mêmes. On peut faire le même raisonnement en ce qui concerne l'élaboration des plans d'aménagement. L'objectif du propriétaire de la forêt qui consiste à ajuster les quantités annuelles de bois abattues au potentiel de production à long terme de la forêt, peut fort bien ne pas s'identifier aux intérêts financiers immédiats des entreprises privées qui acquièrent les droits de coupe, et il y a peu de chances que les conflits qui pourraient s'élever soient réglés dans le sens de l'intérêt à long terme du pays. Dans ces conditions, l'exécution des inventaires et la préparation des plans d'aménagement par l'administration forestière représentant le propriétaire forestier concédant devraient être la règle plutôt que l'exception.
Si, pour une raison particulière (telle que le manque de personnel et de crédits dans l'administration, ou encore en cas d'attribution de contrats à des unités industrielles très importantes dont les intérêts en matière d'exploitation de bois peuvent être plus compatibles avec un développement forestier à long terme), la responsabilité des inventaires et des plans d'aménagement est laissée à l'attributaire, les règles suivantes doivent être appliquées:
- Les normes d'inventaire et les points à traiter dans le plan d'aménagement doivent être spécifiés à l'avance.- Les résultats d'inventaire et les dispositions du plan d'aménagement doivent faire l'objet d'une vérification attentive et d'une approbation de la part de l'administration forestière nationale.
- L'exécutant doit être tenu de remettre toutes les informations recueillies au cours de l'inventaire et de la préparation du plan d'aménagement, qu'un contrat lui soit attribué ou non.
Le point marquant est évidemment qu'une solution satisfaisante ne se trouve que dans une collaboration étroite et efficace l'administration forestière et l'industrie. Si l'industrie ne coopère pas pleinement avec le gouvernement dans un esprit de compréhension en ayant pour objectif une utilisation a long terme des ressources, on ne pourra jamais garantir le succès d'aucun plan d'aménagement. L'amélioration des relations de travail entre les officiers forestiers responsables de la gestion des ressources et les dirigeants des industries intéressés à leur utilisation exigera de la part des uns et des autres beaucoup de bonne volonté.
Un des principaux problèmes qui se posent aux forestiers dans beaucoup de pays tropicaux est la nécessité d'une politique d'ensemble d'utilisation des terres forestières qui, dans le cadre de plans nationaux de développement, détermine:
- Quels sont les terrains forestiers qui doivent être déclassés en vue, par exemple, de répondre aux besoins d'expansion du secteur agricole.- Quelles sont les forêts qui doivent être conservées afin de fournir dans l'avenir l'approvisionnement en matière première de l'industrie forestière, alors qu'aucune autre forme d'utilisation des terres ne serait susceptible d'apporter une meilleure contribution à la croissance économique du pays.
- Quels sont les terrains à maintenir sous couvert forestier permanent, dans un but de conservation des sols, de lutte contre l'érosion ou d'aménagement des ressources en eau.
- Quelles sont les forêts à classer en parcs nationaux, réserves cynégétiques, sanctuaires naturels, etc.
- Quelles superficies seront nécessaires ou disponibles dans l'avenir pour une production supplémentaire de bois.
La classification des terrains forestiers constitue un préalable important à toute politique cohérente d'allocation des ressources forestières par contrats d'exploitation., étant donné que le statut des terres conditionne directement les activités de l'exploitant. Sur une terre qui doit être transférée à des usages non agricoles (zones d'exploitation en récupération), il faut imposer d'autres conditions au concessionnaire que sur un terrain mis en réserve forestière permanente, ou sur un terrain qui joue un rôle particulier de protection. Mais il faut également admettre que, dans les conditions que l'on rencontre dans de nombreux pays tropicaux, les décisions, concernant la destination des terres ne peuvent guère se fonder sur des hypothèses statiques; il semble toutefois possible de raisonner en se basant sur une période de 25 ans, par exemple, ce qui justifierait déjà des investissements importants pour développer l'industrie forestière.
Les taxes forestières, peuvent être définies, dans le contexte actuel, comme comprenant tous les paiements fiscaux se rapportant à l'exploitation forestière que les sociétés doivent effectuer en échange des droits de coupe sur le domaine public. Elles comprennent, en particulier, les droits d'exportation sur les grumes et les bois transformés, et les paiements relatifs à la délivrance des contrats d'exploitation. En sont exclues les taxes et redevances qui ne s'appliquent pas spécifiquement à l'exploitation forestière et à l'industrie de transformation du bois, telles que l'impôt général sur les sociétés, l'impôt sur les revenus et bénéfices, les droits d'importation sur les machines, l'équipement et les pièces de rechange. Les taxes forestières peuvent se classer en taxes à l'exportation habituellement perçues par le service des douanes, et taxes internes évaluées et perçues par le service forestier ou par le service des contributions.
La conception selon laquelle les redevances payées par l'attributaire d'un contrat d'exploitation sont perçues sous la forme d'une «taxe forestière» est particulière à la plupart des pays francophones d'Afrique occidentale et à certains pays d'Amérique latine et du Sud-Est asiatique. Pour désigner ces redevances les pays anglophones se réfèrent aux termes stumpage, timber royalties, et forest fees.
On constate trois faiblesses majeures dans les systèmes de taxation forestière de nombreux pays tropicaux:
- Les redevances sont fixées selon un taux uniforme, qui ne tient pas compte de la valeur économique de la matière première récoltée. Cette pratique décourage généralement l'utilisation d'essences peu connues et de basses qualités, et favorise la surexploitation de zones proches des grandes voies de communication.- Les taux sont fixes par la loi forestière elle-même, et ne peuvent être modifiés qu'au prix de grandes difficultés; d'importantes pertes de revenus, dues à une inadaptation aux modifications des prix de la matière première et des coûts de production, peuvent en résulter.
- Le taux des taxes est déterminé par accords contractuels individuels, qui ne contiennent pas de clauses de révision des taxes.
Ces difficultés proviennent d'une mauvaise interprétation de la nature des taxes forestières, qui dans de nombreux pays ont été considérées, comme un simple moyen destiné à percevoir des recettes. Elles devraient au contraire être considérées comme un paiement correspondant à la valeur de la matière première - généralement la valeur du bois sur pied - effectué par l'attributaire d'un contrat d'exploitation en échange des droits de récolte. C'est pourquoi les paiements effectués par le concessionnaire sont souvent désignés sous le nom de «taxe d'abattage» (en anglais stumpage), pour indiquer que c'est la valeur de la matière première à payer au propriétaire forestier. Bien que le terme de «taxe d'abattage» paraisse plus approprié, nous continuerons à employer le terme de «taxe forestière», le plus employé dans les pays tropicaux. Voir à ce sujet Contrats d'exploitation forestière sur domaine public (FAO, 1971), où l'on trouvera une nomenclature complète des diverses taxes forestières en usage.
L'évaluation des taxes forestières doit être basée sur une estimation de la valeur sur pied du matériel récolté. Cette estimation détermine la valeur de la matière première, en soustrayant du prix que l'on peut obtenir du bois en grumes exporté ou traité sur place les coûts totaux d'abattage et de transport, plus une marge bénéficiaire raisonnable pour l'entrepreneur. Le reste représente le remboursement du prix du bois que l'on peut exiger du concessionnaire, sous la forme de taxe d'abattage, ou d'un ensemble équivalent de taxes forestières. Dans les conditions actuelles de l'exploitation forestière, on ne saurait évidemment envisager en pratique de faire ces calculs pour chaque unité d'exploitation; cette estimation des bois sur pied doit plutôt fournir une indication générale permettant d'évaluer le total des charges forestières à imposer sur les essences commerciales et les classes de qualité les plus importantes dans les principales régions d'exploitation forestière du pays. Alors que la notion de valeur des bois sur pied est facile à faire admettre, la principale difficulté dans la fixation du montant des taxes provient du fait que dans la plupart des pays tropicaux des gouvernements ont actuellement des informations très insuffisantes sur les prix du bois et sur les coûts de production; c'est pourquoi ils ne sont pas en mesure de mettre un tel système en pratique.
Il y a évidemment - du moins en principe - d'autres moyens de prélever des recettes sur la matière première récoltée. Une autre solution consisterait à s'en remettre entièrement à des taxes non forestières (telles qu'impôt sur les sociétés et impôt sur les bénéfices). Cependant, il semble que ce ne soit pas, dans les conditions actuelles, la meilleure manière pour le gouvernement de tirer un revenu maximal de la forêt. Il faut également considérer que les taxes forestières ne sont pas seulement un instrument fiscal, mais qu'elles peuvent avoir un effet important sur les pratiques d'exploitation forestière. D'un autre côté, il ne faudrait en aucune façon interpréter les arguments en faveur d'une évaluation des taxes basée sur la valeur de la matière première comme une justification des lourdes procédures de recouvrement encore en usage dans de nombreux services forestiers. Une part importante du personnel de terrain ne doit pas nécessairement être employée au recouvrement des taxes. Il serait préférable dans l'avenir de concentrer les redevances forestières en un petit nombre de catégories de taxes dont le recouvrement se ferait par prélèvement à l'entrée de l'usine ou, dans le cas d'exportation en grumes, au port d'embarquement.
Pour pouvoir instaurer une politique d'importation forestière cohérente, l'administration forestière devra étudier les aspects économiques relevant de l'évaluation des taxes et de l'estimation des bois sur pied beaucoup plus en détail qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent. On peut supposer que les résultats seront rapidement visibles et qu'il en résultera pour le Trésor public - au moins dans les principaux pays producteurs de bois - un supplément substantiel de revenu. Cela requiert en particulier une analyse régulière de l'évolution des prix du bois et des coûts de production correspondants dans une unité d'exploitation ayant un rendement normal. On peut utiliser comme prix indicatif, pour l'estimation du bois sur pied, les prix fob réels par essence et par qualité, ou les prix rendus à l'usine pour les grumes converties localement. Il faudra déduire de ces prix les coûts suivants:
Les coûts d'exploitation, comprenant les coûts d'exploration et d'inventaire de coupe, de construction et d'entretien de routes forestières, d'abattage et de débardage, de tronçonnage et de manutention sur les parcs à grumes, de chargement sur camions, et les frais généraux du chantier d'exploitation.
Les coûts de transport jusqu'au port d'embarquement ou à l'usine.
Les frais de manutention dans le port, à l'exclusion des taxes forestières.
Les frais généraux des services centraux.
Les commissions aux agences d'exportation et de commercialisation.
Une marge bénéficiaire équitable pour le concessionnaire.
Ces données permettent de calculer la valeur unitaire pour une essence donnée, d'une qualité donnée et en un endroit donné, et la marge qui pourrait être prélevée sous forme de taxe. Pour les grumes de basse qualité, les bois coupés dans des zones de récupération, et les essences que l'on veut introduire sur le marché, des rabais pourraient être envisagés, afin d'encourager une utilisation plus intensive des ressources.
La répartition actuelle des responsabilités entre les divers organismes gouvernementaux - comme c'est le cas dans certains pays - ne favorise pas la recherche de procédures plus appropriées pour l'évaluation des taxes forestières.
Les modifications apportées à la taxation forestière sont décidées par le ministère des finances, et l'administration technique n'a guère ou pas du tout voix au chapitre. On peut espérer une amélioration de cette situation par une meilleure compréhension de la nature des taxes forestières, et par une coopération plus étroite entre tous les organismes gouvernementaux intéressés.
Il n'est pas toujours possible de changer du jour au lendemain le régime des taxes de manière qu'il respecte exactement le principe de la valeur économique. Toutefois, on peut y apporter des modifications décisives, allant dans le sens du principe d'estimation des bois sur pied; une politique de révision graduelle est d'ailleurs plus réaliste. En outre, étant donné la diversité et les régimes fiscaux établis, on ne saurait préconiser le même système de taxation forestière pour tous les pays. Les considérations suivantes peuvent toutefois s'appliquer à la plupart des pays qui ont de grandes concessions forestières:
- L'évaluation des taxes devrait se concentrer essentiellement sur la taxe de surface, la taxe de volume et la taxe d'exportation; il y aurait lieu d'examiner la possibilité de réduire le nombre des autres taxes forestières.- L'évaluation des taxes à l'exportation, et éventuellement des taxes sur le volume, doit être basée sur les prix fob courants ou les prix rendus usine locale; si pour une raison ou une autre on maintient les taux officiels d'importation, ceux-ci devraient être fréquemment ajustés à l'évolution des prix fob. par exemple, tous les six mois.
- Les taux d'imposition à l'exportation et sur les volumes devraient s'accroître plus rapidement pour les essences précieuses que pour les essences de faible valeur; les ajustements de taux doivent se baser sur une analyse de l'effet combiné du prix fob et du coût de production sur la marge bénéficiaire présumée.
- La taxe de surface, la taxe sur le bois rond et la taxe à l'exportation devraient être modelées de façon que le total des charges fiscales forestières par mètre cube reflète les différences dans le coût du transport.
- Le total des taxes sur les essences que l'on cherche à introduire sur le marché devrait être considérablement moins élevé que la moyenne; il pourrait même y avoir exonération complète durant la période de promotion.
- Les régimes d'imposition accordant une réduction des charges sur les bois transformés localement peut se justifier pendant une période initiale, afin d'encourager l'expansion des industries forestières. Les taxes devraient de préférence être imposées sur les bois ronds qui entrent à l'usine et non sur les produits finis.
- Une surveillance stricte et indépendante en forêt, à l'usine, dans les gares de chemin de fer et dans les ports est indispensable pour garantir que les origines, les essences et les qualités déclarées aux fins d'imposition correspondent bien à la réalité.
- Les taxes perçues par le service des douanes doivent être indiquées à part des autres recettes fiscales à l'exportation, et les rapports annuels du service forestier et des autres organismes gouvernementaux doivent indiquer les recettes globales de toutes les taxes forestières.
- Les pays principaux producteurs de bois tropicaux devraient envisager la création, au sein de leur administration forestière, ou, si besoin est, d'autres services gouvernementaux, d'une section spéciale d'économie forestière qui s'occuperait en permanence des problèmes d'imposition forestière. Cette section aurait pour tâches principales: a) de suivre l'évolution des prix; b) de rassembler des informations sur les coûts d'exploitation, de transport et de transformation du bois, et c) d'évaluer l'effet des taux d'imposition sur les objectifs de la politique forestière générale.
- Dans les pays qui possèdent des ressources forestières substantielles, la recherche forestière appliquée devrait comporter davantage d'études sur l'économie de l'exploitation forestière et l'industrie du bois dont les résultats pourraient servir à déterminer l'assiette des taxes.
L'échange entre pays tropicaux ayant des ressources forestières plus ou moins comparables d'informations sur les modalités d'attribution de contrats d'exploitation et sur les obligations requises des concessionnaires aidera à améliorer les systèmes nationaux de concession. Du fait que certains investisseurs sont intéressés à acquérir des contrats d'exploitation dans plusieurs pays, cette connaissance renforcera le pouvoir de négociation des gouvernements concernés. Un échange d'informations paraît particulièrement indiqué dans le domaine de l'imposition forestière. Les prix obtenus pour les grumes et les produits de l'industrie du bois par les pays d'une même grande région tropicale sont étroitement liés; un changement dans les niveaux d'imposition, s'il est introduit dans un seul pays, peut donc influer sur la position compétitive de ce pays. Etant donné les différences considérables qui peuvent exister entre les niveaux d'imposition de pays voisins, il serait utile que chacun d'entre eux puisse être à même d'évaluer sa position dans le contexte régional, et de décider s'il serait opportun d'apporter des modifications au régime d'imposition. Des échanges d'informations réguliers sur les procédures de fixation et de recouvrement des taxes, l'évolution des prix et les coûts de production seront donc d'intérêt commun au niveau régional.
VILLAGE FORESTIER EN ASIE DU SUD EST les pratiques de concession influent sur le mode de vie