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4. LE SECTEUR DE LA TRANSFORMATION ET DE LA COMMERCIALISATION DU POISSON AU RWANDA

4.1 UTILISATION DU POISSON AU RWANDA

La plus grande partie du poisson rwandais est consommée frais. Le poisson est en fait transformé lorsqu'il ne peut être vendu frais pour des raisons de conservation. Une partie de Limnothrissa (Isambaza) du lac Kivu, soit environ 17 % pour 1988 et 1989, est commercialisée séchée, et transformée en farine. Le fumage est une pratique courante, particulièrement pour le Clarias.

Les circuits de distribution sont peu organisés et, en général, la distribution et la commercialisation sont le fait d'opérateurs privés. A noter que la coopérative TRAFIPRO a récemment commencé à commercialiser du Tilapia entier et en filets.

Toute la production nationale est consommée au Rwanda. Les importations, de poisson non déclarées sont importantes, et, en ce qui concerne les Ndagalas, concurrencent directement les Isambaza séchés du lac Kivu.

4.1.1 Transformation des poissons

Le fumage sans présalage est couramment utilisé en raison du coût du sel prohibitif. Les méthodes de fumage au Rwanda ne donnent pas, souvent, les résultats escomptés. Elles mettent sur le marché un produit qui se conserve mal, étant la plupart du temps partiellement carbonisé à l'extérieur et faiblement séché à l'intérieur. A ce titre, il serait souhaitable que le fumoir du projet situé au lac Ihema soit amélioré et reçoive le soutien de l'ORTPN, en particulier pour augmenter la durée de préservation des Clarias fumés qui sinon sont rapidement parasités.

Le séchage est une méthode courante. Toutefois, il n'est pratiqué que pour les Isambaza du lac Kivu et les Haplochromis du lac Muhazi et du lac Ihema, qui sont ensuite transformés en farine. La farine est destinée à la consommation humaine lorsque le poisson est entier, ou à la consommation animale lorsqu'elle est préparée à base de déchets de filetage. Pour des raisons de conservation, il arrive toutefois que les Tilapia de pisciculture soient séchés et transformés en farine pour autoconsommation par les propriétaires d'étangs piscicoles.

Le projet du lac Kivu a introduit la farine d'Isambaza, dont la rentabilité semblerait supérieure à celle du produit séché avec une marge commerciale brute de FRW 36/kg. La farine d'Isambaza a été très bien acceptée au cours des premiers mois de 1990, et il est important qu'un effort soutenu soit fait, en particulier, à Kibuye pour qu'un maximum de poissons séchés soit utilisé pour la production de farine de poissons.

La congélation et la mise sous glace est d'un usage limité au Rwanda. Elle est pour l'instant pratiquée par le projet de développement des pêches du lac Kivu et du lac Ihema, les magasins de Kigali, et la coopérative TRAFIPRO. Les taxis qui transportent du poisson le font habituellement sous glace.

Enfin, le filetage des Tilapia se pratiquait jusqu'à une date récente au Ranch Mpanga. De là, ils étaient transportés sous glace à Kigali. Cette pratique se poursuit entre le lac Ihema et Kigali.

Les méthodes de commercialisation et de transformation employées au Rwanda diffèrent selon les zones géographiques:

Enfin, le poisson importé au Rwanda est toujours transformé: poisson séché et fumé (capitaine) de Tanzanie, séché du Burundi, fumé d'Ouganda, salé et fumé du Zaïre.

En raison de la situation particulière du secteur postcapture au Rwanda, il serait nécessaire que des mesures d'assistance adéquates concernant la transformation soient prises. Ces mesures devraient cependant être précédées d'études de marchés et de définition des besoins, et plus tard de campagnes de vulgarisation. Le four amélioré de fumage du projet BGM en bordure du lac Mugesera n'a par exemple jamais été utilisé, alors que, suite à une identification des besoins, un séchoir amélioré est utilisé avec succès à Tebe et a Rwakigeli dans l'Akagera-Sud.

4.1.2 La consommation de poisson au Rwanda

Deux études abordent partiellement la situation de la disponibilité de poisson au Rwanda; il s'agit d'une enquête sur la consommation des ménages en milieu rural réalisée par le Ministère du Plan (MINIPLAN) en 1983, et d'une étude de marché des produits halieutiques effectuée par le BUNEP en 1986. Toutefois, la zone du lac Kivu et les marchés urbains qui l'entourent, celle des lacs du Bugesera, de Muhazi et de la région du sud-ouest, ainsi que les marchés des produits de la pisciculture, n'ont pas été étudiés.

Dans l'ensemble, compte-tenu des renseignements disponibles, même si ceux-ci sont plus qualitatifs que quantitatifs, la consommation du poisson, selon les sources officielles, serait en progression constante.

Le BUNEP estime que son étude menée a 1986 couvrait 46 % de la production nationale totale. Or cette même étude ne prend pas en compte la production qui est distribuée à travers les circuits informels, à savoir celle qui ne passe pas par les débarcadères du projet du lac Kivu, ou qui est auto-consommée. Ceci laisse à penser que la production nationale actuelle est largement sous-estimée. Par ailleurs, si l'on ajoute à ceci la quantité de produits importés non déclarés, la disponibilité apparente en poisson au Rwanda est bien supérieure à celle avancée par les sources officielles.

Ainsi, en tenant compte de ces facteurs, on peut estimer la consommation apparente rwandaise actuelle en poisson à 0,8 kg/habitant/an, ce qui représente l'une de plus basses parmi les pays africains.

Les enquêtes du BUNEP et celles du MINIPLAN effectuées par échantillonnage démontrent que les habitudes de consommation du poisson pourraient différer considérablement d'une zone à l'autre du Rwanda, selon les systèmes de commercialisation, les préférences alimentaires, la proximité d'une lac, le pouvoir d'achat, etc.

D'après les études du MINIPLAN en 1983 le centre-nord consomme 42% de la totalité du poisson pêché et commercialisé, le nord-ouest 25%, le sud-ouest 23% et loin dernière l'est 10% et le centre-sud 1%.

On peut remarquer que l'apport en protéines animales à l'Est est de loin supérieur à la moyenne nationale. Par contre, la consommation de poisson dans la partie Est du Rwanda est relativement faible. Ceci tendrait à indiquer que la presque totalité de la production halieutique des lacs de l'Est est acheminée vers Kigali.

Le BUNEP relève en 1986, à Kigali, que le Tilapia représente la part principale du poissons consommé (70%), il est suivi par l'Ikibonde du Zaire (14%), le Ndagala séché (7,5%), le Clarias (5%) et les autres poissons (5%).

En milieu rural (Ruhengeri, Kibungo) la même enquête montre que le Tilapia est toujours l'espèce la plus consommée avec 65% du total suivie par le Clarias avec 18%. L'Ikibonde et le Ndagala, deux espèces importés ne représentent que 1% chacun, alors que les poissons classés comme “autres” (Ingera et Haplochromis vendu en brochette) représentent 15%. Ainsi, il semblerait qu'en milieu rural, les consommateurs préfèrent les produits locaux. On peut également penser qu'en raison d'un pouvoir d'achat moindre, les ruraux se contentent du poisson local vendu en brochette, qui du reste s'avérerait invendable en milieu urbain.

Tableau 8 QUANTITE TOTALE DE PROTEINES ANIMALES CONSOMMEES 1 SELON LA ZONE GEOGRAPHIQUE EN 1983 (t/AN (MINIPLAN))

 Nord/OSud/OCentre/NCentre/SEstTotal
Poisson 1.170 1.074 1.969     55    4704.738
part en %24,722,791,61,19,9100 %
Produits d'origine animale 5.493 2.599 4.536 6.300  38.13357.061
part en %9,64,77,911,066,8100 %
Total 6.663 3.673 6.505 6.325  38.60361.799
part en %10,85,910,510,362,5100 %

1 La part des importations dans la consommation n'est pas connue

Ces différences de préférence alimentaire entre les villes et les campagnes devraient être prises en considération par la politique gouvernementale en matière d'organisation des réseaux de commercialisation et d'introduction de nouvelles espèces.

4.1.3 La situation nutritionnelle et les produits halieutiques

La part du poisson dans l'alimentation actuelle des ménages n'est pas connue précisément. En 1983, selon le MINIPLAN, la part de poisson dans les apports protéiniques selon les zones géographiques différait considérablement. Elle était plus élevée au Sud-Ouest (1,64%) et au Nord-Ouest (1,16%) suivie par le Centre-Nord (1,14%). La part de la viande était de 1,64% pour le Sud-Ouest, 2,32% pour le Centre-Nord. La part des poissons était presque nulle au Centre-Sud (viande 1,56%) et à l'Est (viande 2,16%, lait et oeufs 2,15%).

En milieu rural, toujours selon le MINIPLAN, seulement 18% de ménages ruraux consommaient du poisson en 1983. Ce chiffre a probablement augmenté depuis lors. En 1983, toujours, le MINIPLAN a fourni des indications sur la part du poisson sur l'ensemble de la consommation en protéines, en quantité et en valeur (dépenses). Le poisson représentait ainsi:

En quantité:

En valeur:

A titre de comparaison, les viandes diverses et les oeufs/lait représentaient respectivement 4% et 3,4% en valeur de l'apport en protéines toutes origines confondues.

En admettant que le besoin d'apport en protéines animales s'élève, pour un adulte à 20 g/jour, pour un enfant à 10 g/jour (Gomez, 1961), les besoins actuels de la population rwandaise en protéines de poisson (100 g de poisson fournissent 20 g de protéines) peuvent être estimé à 20.000 t, soit l'équivalent de 100.000 t de poissons frais. Dès lors si on considère que le poisson intervient pour 33% de l'apport en protéines animales, les besoins seraient de 33.000 t de poisson en équivalent frais.

Ainsi, le taux théorique et idéal de couverture en protéines de poisson est loin d'être atteint au Rwanda, particulièrement au Centre-Sud où la population souffre d'un déficit chronique en protéines animales. De même, le potentiel des pêches au Rwanda, même s'il ne peut être pour l'instant déterminé avec précision, se situe loin en déjà des estimations théoriques des besoins nutritionnels.

4.1.4 La demande potentielle en poissons au Rwanda

On peut estimer la demande totale en poisson au Rwanda à partir de la consommation par habitant. Il n'existe qu'une seule étude à ce propos; celle effectuée par le MINIPLAN en 1983. L'influence de la croissance démographique sur l'évolution de la demande est significative, mais, en raison d'une érosion du pouvoir d'achat de la population celle-ci est susceptible d'être réduite.

En considérant un taux d'accroissement démographique de 3,7%, la population du Rwanda, fin 1990, devrait atteindre environ 7.400.000 habitants. La consommation totale de poisson était estimée en 1983 à 4.332 t par le MINIPLAN. En se basant sur ce chiffre, la demande totale pour l'année 1991 peut être estimée à 5.800 t, pour une production nationale de l'ordre de 3.300 t.

Si la croissance démographique devrait se poursuivre au rythme actuel, la demande en poisson pourrait atteindre près de 7.450 t en l'an 2000. Le déficit de la production halieutique nationale devra dès lors être comblé par les importations et l'aquaculture.

Par ailleurs, il semblerait que la population rwandaise accorde une attention croissante à la consommation de poissons. Deux facteurs vont dans le sens de cette évolution; à savoir la forte croissance démographique liée aux carences en protéines de source rurale, et la pression foncière pour l'aquaculture. Il serait souhaitable que dans l'avenir, les efforts se portent sur les facteurs de développement susceptibles de baisser le prix des poissons afin de permettre aux populations rurales, qui constituent 95% de la population totale, d'avoir accès à ces produits malgré l'érosion de leur pouvoir d'achat.

4.2 LA COMMERCIALISATION DU POISSON AU RWANDA

4.2.1 Les réseaux de commercialisation

La plus grande partie de la production halieutique apparente du Rwanda est acheminée vers Kigali à travers des réseaux de commercialisation faisant intervenir de nombreux opérateurs.

On distingue au Rwanda plusieurs types de point de vente:

L'évolution récente de l'organisation des marchés tendrait à montrer une certaine concentration des points de vente entre un nombre restreint d'opérations, au détriment des marchés locaux.

Le projet Kivu a récemment installé une chambre froide au marché de Kigali. Cette initiative pourrait être suivie par d'autres, même si celles-ci devraient se faire de manière plus artisanale.

La commercialisation du poisson au Rwanda est libre et n'est pas bien structurée. En milieu rural elle est assurée par des marchands occasionnels qui sont souvent agriculteurs, et qui achètent le poisson aux pêcheurs pour la revendre plus loin.

Le produit de la pêche destiné aux marchés urbains est en général transporté en taxi depuis les axes routiers proches des points de débarquements. Il arrive aussi que le poisson soit transporté par motos, à vélo ou entreposé sur des camions. En règle générale, les poissons ne sont pas transportés sous glace ou dans des conteneurs réfrigérés, sauf pour les Isambaza du Kivu, les Tilapia du lac Ihema et, jusqu'à une date récente, les Tilapia du projet Mpanga dans l'Akagera-Sud.

Tous les commerçants privés de Kigali se plaignent d'une désorganisation chronique du système d'approvisionnement en poisson. Les contrats d'approvisionnement ne semblent en effet pas souvent respectés et le poisson, sur la place de Kigali, se détérioré rapidement. Ceci pouvait être en partie lié au monopole exercé par les transporteurs s'approvisionnant auprès des coopératives. La privatisation complète du secteur pourrait dès lors considérablement améliorer cette situation, à condition que certaines mesures soient prises pour encourager l'engagement d'autres transporteurs dans le commerce du poisson. Des essais de transport de poisson en caisses isothermes chargées sur des taxis ont été menés avec succès entre Kigali et Kibuye. Ces essais devraient être encouragés.

Il serait également utile de négocier avec la BRALIRWA (usine de bière de Gisenyi) la construction de caisses isothermes fabriquées à bon marché (sur le modèle de celles qui sont utilisées pour les limonades), et susceptibles d'être transportées à vélo.

En ce qui concerne les magasins de la ville de Kigali, la plus grande partie des coûts de commercialisation soit environ 50%, sont constitués par des pertes physiques (BUNEP, 1986). Les pertes de poisson sembleraient plus imputées à des problèmes de conditionnement inadéquat pendant le transport qu'à des problèmes de stockage ou de demande déficiente sur les marchés de Kigali. En effet, lorsque les produits en vente dans les magasins sont en bon état, l'écoulement s'effectue sans difficultés quelque soit le prix de vente, qui pourtant peut parfois être deux fois plus élevé que sur les marchés urbains.

4.2.2 Le système de taxation pour la commercialisation

Tous les marchés du Rwanda sont sous la responsabilité de la commune, et c'est elle qui détermine les taxes à payer. Les taxes de marché représentent souvent la majeure partie des coûts de commercialisation. Ainsi, en préfecture de Kigali, la taxe de marché représentait en 1986, 58,96% du coût total de commercialisation, les coûts de transport venant en deuxième place (13,36 %) suivis par les des pertes physiques (7,65%), les coûts d'entretien (4,99%), de conservation (3,35%) et d'amortissement (1,67%).

En préfecture de Ruhengeri les taxes de marché représentent 84% des coûts de commercialisation, suivis par les coûts d'emballage (5,93%), d'entretien (3,91%), les pertes physiques (2,30 %), les coûts de triage (2,03%) et l'amortissement (0,98%).

Ainsi, la taxe de marché représente un poste important pour le commerçant de poisson. Sa réduction pourrait avoir plusieurs effets positifs; une diminution du prix de vente, une réduction de la marge brute du commerçant et une augmentation de la demande, ce qui pourrait entraîner une augmentation parallèle de la demande des commerçants auprès des producteurs pour autant que des mesures d'aménagement permettent à la production nationale d'augmenter et que le poisson étranger puisse être importé en quantité supérieure.

4.2.3 Les prix

Le prix du poisson sur les marchés depuis 10 ans a suivi l'index des prix des produits agricoles en ce sens qu'il a pratiquement doublé. Cependant, les enquêtes semblent indiquer que le phénomène a eu lieu dans les premières années des années 1980, les prix semblent en effet avoir stagné depuis. Le prix du poisson, au consommateur reste toutefois inférieur au prix de la viande.

En ce qui concerne la structure des prix au niveau des commerçants sur les marchés terminaux, la mission a pu estimer que les marges brutes des commerçants sont, pour le Tilapia frais de 29% à Ruhengeri et de 41% à Kigali, pour le Clarias frais de 75% à Kigali, et pour le Ndagala séché de 42% à Kigali.

Tableau 9 PRIX DU POISSON ET DE LA VIANDE SUR LES MARCHES RWANDAIS (FRW/kg)

Préfecture
Espèce de poissonRuhengeriKigali             
 Prix d'achatPrix de ventePrix d'achatPrix de vente
Tilapia frais120 155     110 115
  (130–180)(100–120) (120–190) 
Clarias frais--  80 140  
Ndagala séché--125
(100–150)
 160
(120–200)
  
Viande boeuf avec os   180    
Poulet  200    

En zone rurale, les enquêtes réalisées auprès des commerçants ont estimé une marge commerciale variant entre 25 et 40 %.

En comparant les données recueillis pour la mission en 1990, et celles contenues dans l'enquête du BUNEP en 1986, il est intéressant de constater que le prix du Tilapia frais sur les marchés terminaux n'a augmenté que de 14% à Kigali et de 11% à Ruhengeri, du Clarias frais de 17% à Kigali, tandis que le prix du Ndagala séché a chuté de 52 % pour une marge bénéficiaire brute de 29 % en 1986 et 43 % en 1990.

En ce qui concerne le prix aux pêcheurs on peut estimer que ceux-ci ont resté relativement stables au cours des 5 dernières années. Ils se situent toujours autour de FRW 85 /kg pour le Tilapia frais avec, selon le BUNEP des variations de 33 % sur l'année. Le Clarias frais se vend autour de FRW 50/kg avec des variations de 40 % environ sur l'année et de très fortes variations également suivant les zones enquêtées (FRW 100/kg par exemple à Bulera et FRW 19/kg à Mugesera). Les Haplochromis sont vendus autour de FRW 30/kg, les Tilapia des étangs à FRW 150/kg.

Les Isambaza du lac Kivu sont vendus dans les centres du projet à FRW 50/kg. Le même poisson vendu directement aux consommateurs hors projet atteint le prix de FRW 80/kg.

4.2.4 Impact des produits importés sur la commercialisation du poisson au Rwanda

A l'exception de quelques produits halieutiques tels que l'Isambaza séché et la farine de poisson, le Ndagala importé, compte-tenu de son prix sur les marchés, ne semble pas rentrer directement en compétition avec les autres types de produits halieutiques disponibles localement. Selon la loi No. 25/1987, portant sur les droits de douane (cf Tableau 9), le Ndagala séché est soumis à une charge fiscale de 60 %. Cependant, à en juger par le prix de vente de ce produit sur les marchés terminaux, il est certain que les importations s'effectuent essentiellement de manière illégale. En générale, une taxe symbolique, et dérisoire (FRW 100/panier de 25 kg), est prélevée par la douane aux femmes commerçantes des pays limitrophes. Ce système officieux en vigueur permet la distribution des produits importés (séché, salé ou fumé) à un coût raisonnable compte-tenu du faible pouvoir d'achat de la population rwandaise. Car l'application effective des taxes en vigueur aurait pour effet de priver une grande partie de la population de cette source de protéine animale.

Tableau 10: DROITS DE DOUANE EN VIGUEUR AU RWANDA POUR LES IMPORTATIONS DE PRODUITS DE LA PECHE

Source: (Loi No. 25/1987 et bureau des douanes de Gisenyi)

Actuellement, les droits de douane ne rentrent pas en application en raison notamment de divergences de points de vue entre divers ministères sur la politique d'importation de produits de la pêche. En effet, le Gouvernement tendrait à soutenir deux objectifs partiellement contradictoiries: encourager la consommation de produits d'origine animale, et par conséquent les importations de poisson généralement moins chères, et d'autre part assurer un marché avec pêcheurs rwandais pour les produits de moindre valeur (Isambaza séché, farine de poisson) susceptibles d'être concurrencés directement par les importations. Le dernier objectif devra de plus dans l'avenir intégrer un autre facteur qui est la dévaluation du franc rwandais, et par conséquent l'augmentation probable des coûts de production.

4.2.5 Etude de cas: la commercialisation de l'Isambaza du lac Kivu

Les problèmes de la commercialisation de l'Isambaza font l'objet d'un chapitre particulier. Il se justifie par la spécificité de l'industrie de la pêche au lac Kivu, par les problèmes particuliers que rencontre la ressource au niveau de son exploitation et de sa commercialisation, et par l'importance de la production comparée aux autres plans d'eau rwandais.

Les centres de pêche du projet de développement au lac Kivu assurent la commercialisation de 454 t d'Isambaza, soit environ 58 % de la production totale sur les rives rwandaises.

La production d'Isambaza du lac Kivu est soumise à des variations saisonnières importantes. Le maximum de production, tant à Gisenyi qu' à Cyangugu a lieu en début de saison des pluies lors du premier trimestre, alors que le minimum a lieu lors du troisième trimestre, en saison séché. A Kibuye l'augmentation de la production entre le 2o et 3o trimestre peut s'expliquer par la migration de l'Isambaza vers les baies abritées.

L'Isambaza est commercialisé aujourd'hui sous quatre formes de produits, Isambaza frais, congelé entier, congelé étêté et séché.

Le projet achète aux pêcheurs chaque matin dans ses trois centres des Isambaza à FRW 50/kg. Le poisson est pesé et le Chef de centre décide de la répartition entre les différents produits congelés traités et entiers, le reste est directement vendu frais aux femmes qui-en assurent la commercialisation localement a FRW 70/kg pour des quantités supérieures à 10 kg et à FRW 80/kg pour des quantités plus faibles. Cette répartition est fonction des apports et de la demande de la clientèle du centre concerné et de tout le projet en général. Ce qui n'a pas été vendu en frais ou congelé est mis à sécher sur des claies.

Le transport du poisson constituant le point faible de la commercialisation au Rwanda, le projet assure lui-même la distribution de ses produits vers l'intérieur du pays. La collecte des produits entre les différents centres de pêche s'effectue soit par véhicule, soit par bateau. Pour les produits congelés, un système de transport dans des caisses isothermes a été mis en place. Les caisses ont une capacité de 70 l et peuvent contenir une quarantaine de kilos de poisson pour un maintien de la congélation pendant plus de 24 heures.

Pour la commercialisation de l'Isambaza frais, des femmes achètent le poisson à FRW 60/kg et le revendent à FRW 90/kg en prenant aussi une marge commerciale de FRW 30/kg, soit de 50%. Les taxes de marché étant généralement de l'ordre de FRW 50/jour, les femmes doivent vendre plus de 6,5 kg de poisson pour atteindre un salaire journalier de FRW 150.

Pour l'Isambaza séché, les femmes achètent à FRW 220/kg et revendent à FRW 320/kg, soit une marge commerciale de l'ordre de 45%. Mais le poisson séché est normalement vendu en complément du frais sur le marché en faible quantité: un kilo peut durer une semaine.

L'Isambaza congelé entier est quant à lui vendu à FRW 120 aux clients du projet qui le commercialisent à FRW 150 soit une marge commerciale de 25%. Le congelé étêté est acheté à FRW 270 et revendu entre FRW 300 et 320/kg, soit une marge d'environ 15%.

La politique du projet a depuis le début été de garantir un prix fixe minimum au pêcheur. Le prix d'achat aux pêcheurs a tout d'abord été fixé à FRW 50/kg. Il a augmenté ensuite à FRW 55 pour redescendre plus tard à FRW 50/kg. Or, pour les ventes hors projet, les commerçants achètent le frais à FRW 80/kg. Le revente se fait entre FRW 120 et 130/kg, soit une marge de 50 à 62,5%.

Ainsi, à mesure que les marchés hors-projet se développement, le projet s'est vu devenir la récipiendaire des surplus de production. Ceci est logique et constitue les résultats attendus des activités du projet. La fixation des prix a toujours constitué une problème. Le projet, dans son effort de développement, devait à la fois rentabiliser l'outil de production, donc fournir un prix rémunérateur pour le pêcheur, mais aussi procurer un aliment accessible à l'ensemble de la population, donc à un prix le plus bas possible. La rentabilisation de la commercialisation est une priorité incontournable pour l'avenir des activités du projet.

Le projet a envisagé deux options en vue d'une refonte des prix:

  1. Un prix dégressif en fonction de la production qui aurait pour avantage de permettre chaque jour de décider quelle est la part à vendre, à congeler et à sécher et de ce fait, stabiliser l'approvisionnement.

  2. Suivre les lois de l'offre et de la demande, tout en maintenant un prix minimum, le projet se réservant néanmoins une marge de FRW 15 sur la vente. L'achat au prix plancher pourrait permettre d'améliorer les ventes de produits séchés.

Cette dernière solution, selon le projet, reflète le mieux les lois du marché tout en permettant à la fois la rentabilité de la commercialisation, celle de l'outil de travail du pêcheur ainsi que l'approvisionnement en protéine à prix raisonnables.

L'Isambaza séché a rencontré des problèmes de commercialisation dans la mesure où il entrait directement en compétition avec le Ndagala importé et mieux apprécié par le consommateur. En effet, hors projet, le poisson séché est acheté au lac Kivu à FRW 240/kg et revendu à FRW 300/kg sur les marchés, soit une marge commerciale de l'ordre de 25%. Or, le Ndagala de Tanzanie peut être acheté entre FRW 170 et 130/kg pour être revendu entre FRW 180 à 220/kg, soit une marge de 70 à 80%. Mais de telles conditions, on comprend aisément la difficulté de pénétration de l'Isambaza séché sur les marchés rwandais.

Enfin, il est intéressant de noter que le projet a lancé avec succès des campagnes régulières de promotion de la consommation de l'Isambaza.

4.2.6 Conclusions sur la commercialisation du poisson

Les marchés pour le poisson au Rwanda sont très segmentés, et offrent de nombreux produits s'adressant à des couches différentes de la population. Afin de planifier au mieux le développement des pêches au Rwanda compte-tenu des objectifs du gouvernement qui a priori se montrent contradictoires augmenter la disponibilité en produits halieutiques et améliorer les revenus des divers opérateurs du secteur pêches il conviendrait de réaliser une étude de marché la plus complète possible. Cette étude devrait en outre être menée sur une période de un an afin de prendre en compte les fluctuations saisonnières de la production et les variations du pouvoir d'achat des consommateurs.

La présente étude permet néanmoins de dégager les grandes lignes de la situation de la commercialisation du poisson du Rwanda, et de proposer un ensemble de considérations visant à orienter le développement de la pêche.

Le déficit prévisible naissant entre la demande et l'offre de poisson impose d'agir en priorité sur la gestion et l'aménagement des lacs et le développement de la pêche et de l'aquaculture.

Deux facteurs sont susceptibles dans le court terme de freiner considérablement l'augmentation de la consommation de poisson au Rwanda. En premier lieu, le prix de certains poissons produits localement (Isambaza séché et Haplochromis fumé) n'est pas compétitif avec les produits importés, ce qui risque de diminuer la production nationale. En second lieu, la production nationale ne parvient pas actuellement à satisfaire la demande de certains produits sur les marchés comme le Tilapia.

Il appartient au gouvernement de décider, a l'aide d'études adéquates, s'il convient d'encourager des importations de poisson séché et d'introduire des espèces de poisson nobles dans certains lacs (Lates niloticus) susceptibles de se nourrir d'Haplochromis Ceci plutôt que d'encourager l'exploitation de ces stocks dont le produit (farine) qui risque d'être sérieusement concurrencé par les importations de poisson séché.

Si le prix du poisson séché importé n'augmente pas, il est peu probable que l'Isambaza séché du lac Kivu puisse s'implanter sur les marchés rwandais. De plus, il parait difficile, voir impossible, de contrôler les importations à travers les circuits parallèles. D'autant plus que, socialement, il serait difficilement acceptable de mettre en place un système de taxation des importations qui augmenterait le prix d'un produit essentiel pour la couche la plus pauvre de la population rwandaise. Dans ces conditions, il serait souhaitable que l'Isambaza produit au lac Kivu soit commercialisé en frais pour répondre à la demande d'un autre segment de marché, et que le Ndagala séché continue à être importé.

Enfin des améliorations ponctuelles de la commercialisation du poisson au Rwanda semblent possibles grâce à des interventions simples qui devront être entreprises parallèlement aux mesures d'aménagement prises par la Division des pêches. Parmi celles-ci, on peut citer:


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