Grossesse et allaitement
La femme a besoin dun supplément dénergie et de protéines pendant la grossesse afin daccumuler des réserves en prévision de lallaitement et pour faire face aux besoins croissants du foetus. Ses besoins additionnels dépendent de ses niveaux dactivité et de son état nutritionnel initial. Une femme bien nourrie et modérément active devrait viser à augmenter sa consommation alimentaire de 100 kcal et de 6 à 7 g de protéines par jour. Une femme bien nourrie, engagée dans de lourds travaux comme lagriculture de subsistance, peut avoir besoin dun supplément de 200 kcal par jour. Les femmes sous-alimentées devraient augmenter leurs apports de 200 à 285 kcal par jour pour réduire le risque daccoucher dun bébé de poids insuffisant et pour avoir une bonne lactation.
Une mère qui allaite son enfant a besoin dun surplus de 500 kcal et de 18 à 21 g de protéines chaque jour. Lénergie et les nutriments qui formeront le lait maternel proviennent en partie des aliments consommés par la mère et partiellement des réserves de nutriments quelle a su accumuler avant et pendant la grossesse. Pour une sécrétion suffisante de lait maternel, il est plus important de constituer de bonnes réserves en temps utile que de manger davantage après la naissance du bébé.
Les besoins journaliers approximatifs en énergie et protéines des femmes enceintes ou allaitantes sont indiqués au tableau 48. Les femmes enceintes et allaitantes ont également besoin dun apport accru de fer, de folate et de vitamines A et C pour couvrir laugmentation des besoins spécifiques de leur organisme.
Les nourrissons et le sevrage
Au cours de la petite enfance, le lait maternel apporte au bébé tous les nutriments dont il a besoin. Si la mère est restée en bon état de nutrition, son lait contient tous ces nutriments en justes proportions. Les nutriments du lait maternel sont plus aisément digérés et absorbés et mieux utilisés par lorganisme du bébé que les nutriments des laits artificiels. Le lait maternel contient aussi des facteurs antiinfectieux vivants qui protègent le bébé contre les infections. Parmi ses nombreux avantages, lallaitement maternel aide à retarder une nouvelle grossesse, coûte moins cher que lallaitement artificiel et resserre les liens entre lenfant et sa mère.
TABLEAU 48 |
|||
Besoins journaliers en énergie et protéines |
|||
Groupe/âge (ans) |
Energie (kcal) |
Protéines (g) |
|
Régime Aa |
Ration Bb |
||
Enfants (garçons et filles) |
|
|
|
0-6 mois |
585 |
10 |
-c |
6-12 mois |
960 |
14 |
- |
1-3 ans |
1 250 |
14 |
23 |
3-5 |
1 510 |
18 |
26 |
5-7 |
1 710 |
20 |
30 |
7-10 |
1 880 |
26 |
38 |
Garçons |
|
|
|
10-12 |
2 170 |
34 |
50 |
12-14 |
2 360 |
43 |
64 |
14-16 |
2 620 |
52 |
75 |
16-18 |
2 820 |
57 |
84 |
Filles |
|
|
|
10-12 |
1 925 |
35 |
52 |
12-14 |
2 040 |
42 |
62 |
14-16 |
2 135 |
46 |
69 |
16-18 |
2 150 |
45 |
66 |
Enceintes |
+200 |
+6 |
+7 |
Hommes, actifs |
|
|
|
18-60 |
2 944 |
49 |
57 |
>60 |
2 060 |
49 |
57 |
Femmes, actives |
|
|
|
En âge de procréer |
2 140 |
41 |
48 |
Enceintes |
2 240 |
47 |
55 |
Allaitantes |
2 640 |
59 |
68 |
>60 |
1 830 |
41 |
48 |
a Régime équilibré avec peu de fibres et beaucoup de protéines complètes; 100 pour cent de digestibilité; score acido-aminé de 100 à tous âges.
b Régime très riche en fibres, avec beaucoup de céréales, de produits amylacés et de légumineuses, et peu de protéines complètes (animales); 85 pour cent de digestibilité; score acido-aminé de 70 pour le groupe 1-5 ans, de 80 pour le groupe 5-17 ans et de 100 pour les adultes.
c -: Pas de données disponibles; on estime que les besoins sont couverts par le lait maternel.
Source: OMS, 1985.
Si la mère se nourrit correctement, son bébé alimenté au sein se portera bien et se développera régulièrement pendant les quatre premiers mois de sa vie. Si le bébé reçoit trop tôt des aliments solides, il risque davoir moins dappétit pour le lait maternel. Par suite, la mère produira moins de lait et lon aboutira au sevrage précoce. Le processus graduel du sevrage, tel quil est recommandé, va de lallaitement maternel exclusif, où le bébé dépend totalement du lait de sa mère, vers un allaitement mixte avec une part de lait maternel et une part daliments de sevrage, puis vers un allaitement maternel symbolique quand le bébé commence à partager aussi la nourriture familiale, jusquau moment où il abandonne complètement le sein de sa mère.
Des repas fréquents et des aliments très denses en nutriments aideront le nourrisson à vivre un sevrage sûr et réussi. Pour assurer au petit enfant des repas plus fréquents et des aliments de sevrage plus denses, il faut y consacrer du temps et des efforts. Un bon moyen consiste à organiser un programme communautaire entre mères, qui leur permet de faire des exercices de puériculture dans la maison de lune delles avec les conseils dune spécialiste de lextérieur. De tels programmes seront dautant plus efficaces quils feront partie de plus vastes programmes de développement bénéficiant dune aide officielle et du soutien gouvernemental.
Les enfants dâge scolaire et les adolescents des deux sexes
Les aliments destinés aux enfants dâge scolaire devront être à la mesure des besoins de leur croissance rapide, de leur activité physique intense et de leur développement mental. Entre 11 et 16 ans, les enfants grandissent très rapidement; ils ont alors besoin de collations en plus des repas ordinaires (encadré 55). Ces collations sont souvent très nutritives et riches en énergie, surtout quand les aliments sont frits dans lhuile.
Les enfants qui arrivent à lécole lestomac vide ne sont pas capables de se concentrer, et leur apprentissage en souffre. Dans ces cas-là, la fourniture dun petit déjeuner scolaire peut être appropriée. Des études ont montré que la malnutrition discrète ou modérée agit en synergie avec les facteurs du milieu pour limiter les performances scolaires des enfants (Levinger, 1989). Un niveau énergétique médiocre rend lécolier passif, incapable dune attention soutenue; la sous-alimentation chronique peut lempêcher de réaliser tout son potentiel physique et mental.
ENCADRÉ 55 |
Exemples de bonnes collations Les collations suivantes sont souvent avantageuses pour leur prix:
Exemples de collations médiocres Les collations ci-après sont souvent dun mauvais rapport qualité-prix; elles peuvent abîmer les dents si elles sont consommées fréquemment, et il faut donc les réserver pour les grandes occasions:
|
Source: King et Burgess, 1993. |
La vieillesse
A mesure que ladulte avance en âge, ses besoins alimentaires et nutritionnels diminuent en parallèle avec le ralentissement de son activité. Dailleurs, son métabolisme de base diminue aussi, du fait de la réduction de sa masse cellulaire. Quand la maladie vient restreindre encore davantage lactivité physique, les changements dans le domaine alimentaire saccentuent dautant. Les tableaux 42, 43 et 48 peuvent être utilisés pour comparer les besoins en énergie et nutriments des femmes en âge de procréer avec ceux des femmes de plus de 60 ans. Les besoins en fer diminuent à la ménopause, avec larrêt des pertes de sang menstruel. Les besoins en énergie diminuent quand lactivité se réduit. Les besoins en minéraux autres que le fer demeurent inchangés, tout comme les besoins en vitamines. Si les apports dénergie sont réduits, les apports de vitamines et de minéraux le sont probablement aussi. Il est donc important déviter que lalimentation des personnes âgées devienne monotone et trop légère. Dans toute la mesure possible, ces personnes doivent manger tous les jours des légumes et des fruits frais, notamment des aliments riches en vitamines A, C et D.
Une politique qui encourage les familles à prendre soin de leurs anciens, conformément aux traditions culturelles africaines, présente des avantages considérables en même temps quelle tend à alléger le fardeau des pouvoirs publics. Les soins des proches sont une source de satisfactions émotionnelles et peuvent se révéler particulièrement propices pour préserver la santé, létat de nutrition, la productivité et la dignité des personnes âgées. Bon nombre de personnes de 60 à 70 ans demeurent aptes à jouer dans la société un rôle précieux. Dans les sociétés africaines, les aînés de la famille au sens large jouissent dune grande considération et jouent un rôle dominant dans la prise de décisions familiales.
Régime alimentaire, écologie et système agro-alimentaire
La composition du régime alimentaire est importante sur le plan de la nutrition; la fréquence des repas et la distribution des aliments au sein de la famille le sont aussi. Les habitudes alimentaires et les structures de consommation dune communauté sont souvent en relation étroite avec lécologie locale.
La domestication des plantes, entreprise en réponse aux écosystèmes naturels, a donné naissance à deux systèmes de culture principaux. La culture semencière (faite à partir de semences) constitue le mode indigène dagriculture des régions sèches de lAfrique. La culture des racines et des tubercules, qui dépend principalement dune reproduction végétative, est surtout pratiquée dans les plaines tropicales humides de lAfrique. La domestication des plantes peut également entraîner une dépendance à légard dune seule espèce, comme le riz, le maïs, le manioc ou la banane plantain. Si cette espèce est pauvre en tel ou tel nutriment, un état de carence peut sensuivre.
Normalement, les pasteurs nomades ne se consacrent pas aux cultures vivrières. Leur alimentation traditionnelle est basée, pour lessentiel, sur les produits de leurs troupeaux, complétés dans la plupart des communautés par une gamme de produits de cueillette variables selon la saison. Cependant, les céréales comme les mils et le sorgho prennent de plus en plus de place dans leur régime alimentaire. Au chapitre 4, encadré 17, les lecteurs intéressés pourront trouver une analyse du système agro-alimentaire dune famille de pasteurs maliens et de ses implications nutritionnelles.
Dautres modifications des systèmes agro-alimentaires qui se reflètent sur les régimes alimentaires sont liées à lurbanisation croissante des populations africaines. Ces changements comprennent la consommation dautres aliments de base et lachat plus fréquent de casse-croûte (voir le chapitre 3). Le sorgho, les mils et ligname sont délaissés au profit dune nourriture plus moderne, par exemple le maïs, le riz, le blé et ses dérivés, spécialement dans les villes.
La composition des régimes alimentaires en Afrique
Les généralisations sont rarement utiles pour décrire des sujets aussi complexes que les régimes alimentaires, qui dépendent dun grand nombre de facteurs économiques, écologiques, sociaux et culturels et qui peuvent être typiques dune région ou dune communauté. Les régimes alimentaires africains sont basés dordinaire sur un plat glucidique quaccompagnent des soupes, des assaisonnements et des sauces, pimentées ou non, où lon retrouve une grande variété dautres aliments. La figure 30 indique la proportion des différents groupes daliments dans la structure de la consommation dun groupe de femmes et denfants du Swaziland.
La majeure partie de lénergie alimentaire provient du plat de base, qui peut aussi contenir une part importante des protéines du repas.
Les céréales de base, comme le maïs, le sorgho, les mils et le riz, fournissent de 40 à 60 pour cent de lapport énergétique total de la plupart des régimes alimentaires africains. Lassaisonnement fournit des lipides, des protéines, des vitamines et des minéraux, donne de la saveur au plat de base et comble lappétit. Les composants et lorigine du plat de base glucidique demeurent assez constants dans une communauté, tandis que lassaisonnement, habituellement composé de légumes verts, de légumes secs ou de noix et de viande ou de poisson sil sen trouve, varie dans sa composition, son goût et sa consistance, selon la saison, les ressources de la famille et ses habitudes alimentaires. La consommation de légumes en Afrique est mal documentée, car leur origine parfois sauvage complique les estimations.
FIGURE 30 |
Source: Huss-Ashmore et Curry, 1991. |
Le contenu lipidique de lalimentation africaine est souvent très faible. En Afrique subsaharienne, les lipides fournissent en moyenne 18 pour cent de lénergie, mais les populations de certains pays ne trouvent souvent pas plus de 7 à 15 pour cent des calories de leur alimentation dans les corps gras. De même, les menus sont souvent pauvres en protéines animales. La viande (principalement de mouton ou de chèvre) et les produits dérivés ne fournissent en moyenne quà peu près 3 pour cent de lapport énergétique total. Le lait nest guère consommé en Afrique, excepté dans certains pays sahéliens comme le Kenya, la Mauritanie, la Somalie et le Soudan, en raison de la très faible production par animal et par défaut de procédés de conservation. Lintolérance au lactose largement répandue dans la population constitue sans doute un autre facteur explicatif.
Linsuffisance des ressources et les difficultés daccès aux aliments ont conduit la plupart des communautés africaines à développer des typologies alimentaires qui privilégient lutilisation des produits locaux. Les déficits alimentaires résultent le plus souvent dun manque dargent ou dautres ressources, par exemple le travail ou la terre, ou de temps disponible, surtout dans le cas des femmes.
Le tableau 49 donne des exemples de menus familiaux pour différentes zones de lAfrique orientale. Il ne sagit pas de listes de portions moyennes observées à ces endroits, mais de suggestions de menus qui pourront convenir si leurs composants sont disponibles et accessibles aux familles. Ces menus et les repas de lencadré 56 peuvent servir de références aux vulgarisatrices et aux économistes ménagères désireuses doffrir aux familles des conseils sur la manière de se nourrir. Si le ménage a facilement accès à la terre et au travail, ces références pourront influencer aussi les conseils relatifs à la production horticole et agricole dautoconsommation. Si les circonstances sont difficiles, le meilleur conseil sera sans doute une distribution plus équitable des aliments disponibles et lamélioration de la condition infantile, en encourageant lallaitement maternel et une fréquence accrue des repas des bébés et des enfants en âge dêtre sevrés.
TABLEAU 49 |
|
Suggestions de régimes pour une alimentation satisfaisante dans sept zones dAfrique orientalea |
|
Aliment |
Quantité (g/personne/jour) |
Région côtière du Kenya |
|
Riz |
500 |
Poisson |
100 |
Haricots |
150 |
Amarante |
100 |
Mangues |
100 |
Noix de coco |
50 |
Huile |
15 |
Sel |
15 |
Village dOuganda |
|
Plantains (bananes à cuire) |
1 000 |
Patates douces |
200 |
Viande |
50 |
Haricots |
150 |
Feuilles de patate douce |
150 |
Tomates |
50 |
Huile |
15 |
Sel |
10 |
Région de Morogoro, Tanzanie |
|
Maïs |
500 |
Sprats séchés |
50 |
Niébés |
100 |
Amarante |
100 |
Oranges |
100 |
Oignons |
50 |
Huile |
15 |
Sel |
10 |
Nairobi, Kenya |
|
Pain blanc (blé) |
400 |
Riz |
100 |
OEufs |
30 |
Viande |
100 |
Carottes |
100 |
Feuilles vertes |
50 |
Beurre ou margarine |
25 |
Bananes fraîches |
100 |
Lait (dans le thé) |
60 |
Sucre |
30 |
Sel |
10 |
Mozambique, rural |
|
Mil |
400 |
Manioc |
200 |
Lait suri |
150 |
Tomates |
100 |
Feuilles de manioc |
100 |
Arachides |
50 |
Pois bambara |
75 |
Fruits du baobab |
30 |
Sel |
10 |
Rives du lac Victoria |
|
Maïs |
600 |
Poisson |
100 |
Niébés |
150 |
Papayes |
150 |
Légumes (variés) |
200 |
Arachides |
75 |
Huile |
20 |
Sal |
10 |
Pays Masaï (pasteurs) |
|
Lait |
2 000 |
Sang (animal) |
100 |
Maïs |
150 |
Feuilles sauvages |
100 |
Fruits sauvages |
100 |
Bananes |
200 |
Sel |
15 |
a Il sagit de quantités pour un homme de taille moyenne.
Source: Daprès FAO, 1979.
ENCADRÉ 56 |
Dans les régions où on ne peut pas souvent se procurer des produits dorigine animale, il est possible daméliorer la qualité des protéines dans lalimentation en faisant entrer dans chaque repas un mélange ou une variété de produits végétaux. Si un ménage dispose par exemple de maïs et de haricots, il est préférable du point de vue nutritionnel quil consomme un peu de chacun de ces produits à chaque repas, plutôt que de manger du maïs pendant deux semaines puis des haricots les deux semaines suivantes. Cest ce que font par tradition de nombreuses populations dAfrique orientale. Lirio par exemple, aliment traditionnel des Kikuyus, est fait de maïs, de haricots, de pommes de terre et de feuilles vertes, et lisyo des Kambas est un mélange de grains de maïs entiers, de haricots et parfois de légumes. On trouvera ci-dessous quelques exemples dassociations de végétaux, dont certains sont empruntés à la cuisine traditionnelle.
|
Source: FAO, 1979. |
Fréquence des repas et distribution des aliments au sein de la famille
Dans la plupart des ménages, la fréquence des repas sajuste au style de vie et au rythme de travail de la famille. Le repas principal de nombreux ménages ruraux est préparé et servi dans la soirée, après que les adultes sont rentrés des champs et les enfants de lécole. Le petit déjeuner est souvent fait des restes, réchauffés ou non, du repas principal de la veille, servis avec du thé. En ville, on prend du pain et du thé ou du café pour le petit déjeuner. Dans certains cas, si le lieu de travail ou lécole sont éloignés, les adultes et les enfants quittent la maison sans déjeuner mais emportent un peu de nourriture froide à consommer en arrivant. Beaucoup denfants rejoignent lécole à pied sans avoir rien mangé.
En ville, les hommes et les femmes prennent dordinaire sur leur lieu de travail un repas de midi quils ont acheté dans la rue ou à la cantine de lentreprise. Ce sera peut-être le principal repas de la journée pour les hommes qui vivent seuls dans un logement loué et mal équipé pour cuisiner. Le soir, beaucoup dhommes vont au restaurant du quartier consommer ensemble des en-cas, des grillades et de la bière. Dans les zones rurales, le déjeuner est apporté aux champs et consommé sur place à la saison des semis, du sarclage ou de la récolte. Les écoliers reçoivent parfois un peu dargent de poche pour sacheter quelque chose à manger à midi. Dans dautres cas, ils payent une quote-part en nature ou en espèces à la cantine scolaire.
Les mères gardent souvent leurs jeunes enfants avec elles quand elles vont aux champs, sur le lieu de travail si cest permis, ou sur les marchés locaux où elles font du commerce. Lenfant qui reste avec sa mère toute la journée reçoit sans doute régulièrement le sein et/ou des goûters. Les jeunes enfants laissés à la maison sont pris en charge par leurs aînés, leurs grands-parents ou dautres membres de la famille. Il est souvent difficile dassurer à ces enfants une nourriture suffisante, et les mères placées dans ce genre de situation peuvent être amenées à réduire lallaitement ou à larrêter prématurément.
Lorsque les repas sont pris en famille, par exemple le soir ou pendant le week-end, la façon de servir les repas et de distribuer les mets peut affecter considérablement lapport alimentaire des différents membres de la famille.
Dans certains foyers, lhabitude veut que chacun puise dans le plat commun. Les enfants sont éduqués à maîtriser leur gourmandise et à laisser la préséance à leurs aînés, spécialement pour les morceaux de viande qui sont dans la soupe ou la sauce. Les jeunes enfants peuvent alors avoir des difficultés à consommer assez daliments pour satisfaire leurs besoins, et tous les enfants sont censés fixer leur intérêt sur laliment de base tant que le père na pas fini de prendre de la soupe ou de la sauce. Dans dautres communautés, la mère commence par servir son mari et les autres hommes; elle mange ensuite avec les enfants, quand les hommes sont rassasiés. Quelquefois, les garçons mangent avant la mère, les filles et les bébés. Cet ordre de préséance reflète la priorité donnée par la famille à ceux de ses membres qui gagnent de largent, mais cest parfois au prix de la sous-alimentation des individus les plus vulnérables. Les résultats dune analyse de leffet des modalités de distribution des aliments sur létat nutritionnel de certaines familles nigérianes sont indiqués dans lencadré 57 et au tableau 50. Bien que linégale distribution des aliments au sein des familles ait souvent fait problème, il convient de noter que, dans la plupart des cas, le problème principal réside dans linsuffisance des provisions disponibles.
Une ménagère ne planifie pas des régimes alimentaires basés sur les besoins en nutriments quand elle sattelle à la tâche de nourrir sa famille. La production daliments, leur transformation et leur préparation sont tellement intégrés à sa vie de tous les jours quil lui serait sans doute difficile dexpliquer comment elle procède pour nourrir sa famille. Certes, si cette femme est elle-même cultivatrice, elle sefforcera de cultiver et de stocker les produits que sa famille préfère et quelle est habituée à cuisiner. Cependant, ses choix sont limités par la nature de ses terres et leur étendue, par limportance de laide quelle peut attendre de ses enfants et par la capacité de stockage dont elle dispose. Si elle doit acheter des denrées alimentaires, son revenu monétaire sera souvent le facteur limitant de ses choix. Ce ne sont pas là les seuls facteurs importants. Quen est-il du bois de feu et de leau? Combien de temps a-t-elle pour préparer les repas? Ne faut-il pas mettre de côté une part des légumes du jardin pour les vendre au marché le lendemain? Ces interrogations sont toutes pertinentes quand il sagit de choisir les menus de la cuisine familiale. Si lon ajoute à cela quil faut laisser téter le bébé et préparer les soupes énergétiques de lenfant de deux ans, on comprend sans peine pourquoi tant de femmes capables de répondre exactement aux questions que les vulgarisatrices leur posent sur la composition des repas équilibrés appliquent si mal leurs connaissances à lalimentation familiale.
Aucune règle générale ne serait peut-être plus utile en Afrique que dattribuer à chacun, sauf aux bébés, une quantité différente daliment de base, et à tous une portion identique dassaisonnement. Le plus souvent, il est possible dajouter une petite quantité daliment dorigine animale à lassaisonnement pour quil contienne une protéine complète; même une petite portion dassaisonnement suffit alors pour rehausser la valeur protéique de tout le repas. Laddition dun aliment dorigine animale contribue aussi à fournir des graisses transformables en énergie, du fer hématique et des vitamines, dont la vitamine A et le folate (provenant du foie). Si les aliments dorigine animale sont difficiles à se procurer, il demeure possible daméliorer la qualité protéique du régime alimentaire en intégrant à chaque repas un assortiment variable de produits végétaux (voir lencadré 56). Les familles devront peut-être ajuster leurs habitudes alimentaires, dans les limites des ressources disponibles, pour faire en sorte que la nourriture distribuée couvre de plus près les besoins nutritionnels de chacun de ses membres.
ENCADRÉ 57 |
Létude réalisée au Nigéria a révélé quun jeune garçon est mieux traité quune fille du même âge en ce qui concerne les rations alimentaires. Il existe donc une discrimination à légard des filles en matière de régime alimentaire. Avant lâge de cinq ans, les enfants ont besoin de moins de calories que les adultes, mais un enfant de six ans consomme autant de calories quun adulte de petite taille modérément actif. Les adolescents en consomment plus. Wheeler (observations non publiées) a signalé que, dans des foyers ruraux pauvres, il y avait des différences de lordre de 30 à 50 pour cent entre les apports énergétiques des adultes et ceux des enfants, aussi bien quentre ceux des hommes et ceux des femmes. Dans la présente étude, les différences étaient de lordre de 20 à 50 pour cent entre les apports énergétiques des adultes et ceux des enfants. Cela pourrait être dû à des facteurs socioculturels importants, qui influencent la répartition des aliments au sein du foyer, par exemple lordre de préséance. Le père était servi le premier, puis les enfants par ordre dâge, en commençant par laîné. Dans cette société dominée par les hommes, linfluence de ces derniers se faisait sentir de diverses façons. Les aliments de prestige étaient souvent réservés aux hommes, qui se servaient avant les femmes et les enfants. Létude a révélé que chez les Ibos le visiteur recevait plus daliments que les membres de la famille, ce qui montre limportance de lhospitalité dans cette culture. Les traditions culturelles - par exemple les modalités de répartition des aliments au sein de la famille, qui font que ladulte se sert le premier de poisson ou de viande - peuvent avoir un effet négatif sur les groupes vulnérables. Il est important de noter que, le plus souvent, ce nétait pas linégale répartition des aliments dans la famille qui constituait le problème principal, mais simplement linsuffisance de vivres. Chez les ruraux ayant fait lobjet de létude, les hommes avaient une alimentation déficitaire, sauf en fer et en acide ascorbique. En fait, dans ces foyers, personne navait suffisamment à manger, et certains membres de la famille, notamment les plus vulnérables, avaient une consommation inférieure aux niveaux recommandés par lOMS. |
Source: Okeke et Nnanyelugo, 1989. |
TABLEAU 50 |
||||||
Préséance au cours des repas dans deux communautés de létat dAnambra, au Nigéria |
||||||
Individu |
Opi |
Odageri-edda |
Total |
|||
Nombre |
% |
Nombre |
% |
Nombre |
% |
|
Père |
132 |
86,8 |
49 |
98 |
181 |
91,9 |
Mère et enfants |
15 |
9,9 |
1 |
2 |
16 |
8,1 |
Grands enfants |
5 |
3,3 |
- |
- |
- |
- |
Total |
152 |
100 |
50 |
100 |
197 |
100 |
Source: Okeke et Nnanyelugo, 1989,