Le chapitre 7 a donné un aperçu du contenu nutritionnel des aliments, des besoins nutritionnels des personnes aux différents âges de la vie et de certains aspects de lalimentation et des habitudes alimentaires africaines vues sous langle de la nutrition. Plusieurs effets de la malnutrition et des carences spécifiques en micronutriments sur la santé et la productivité ont été mentionnés. Le présent chapitre se concentre sur la description et lévaluation des quatre formes majeures de la malnutrition: la malnutrition protéino-énergétique (MPE); la xérophtalmie due à une carence en vitamine A; lanémie par manque de fer; le goitre et le crétinisme causés par une carence en iode.
Les taux de prévalence de la MPE et des carences en micronutriments relevés en Afrique selon certaines estimations sont indiqués aux tableaux 51 et 52. Ces évaluations ne sont jamais précises, et les chiffres varient fort dun pays à lautre, mais lordre de grandeur illustre bien la gravité des problèmes. Il faut remarquer que les données reflètent la situation prévalant normalement. Dans certains pays, de graves catastrophes -naturelles ou dues à laction de lhomme - ont provoqué des disettes et même des famines de grande ampleur.
Comme lindique le tableau 1 du chapitre 1, la proportion de la population affectée de sous-alimentation chronique a augmenté de 5 pour cent en Afrique subsaharienne depuis les années 70 (passant de 38 à 43 pour cent), mais en raison dune croissance démographique régionale au taux de 3 pour cent par an, le nombre des personnes concernées a doublé. De même, en Afrique continentale, le pourcentage des enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition a baissé entre 1975 et 1990, puis sest maintenu constamment aux alentours de 27 pour cent de 1990 à ce jour[4], mais la croissance rapide de la population a fait que le nombre absolu des enfants malnourris sest fortement accru, passant de 23 millions en 1975 à 35 millions en 1995 (tableau 51).
TABLEAU 51 |
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Enfants de moins de cinq ans présentant un déficit pondéral en Afrique continentale |
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Année |
Pourcentage denfants dun poids insuffisant |
Nombre denfants dun poids insuffisant (millions) |
1975 |
30,4 |
22,9 |
1990 |
27,3 |
31,6 |
1995 |
27,0 |
34,8 |
Source: OMS, 1995b.
TABLEAU 52 |
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Estimation des populations menacées ou affectées par une carence en iode, en vitamine A ou en fer (millions) |
|||||
Région |
Troubles dus à une carence en iodea Carence en vitamine A |
Carence en fer ou anémie |
|||
A risqueb |
Affectées (goitre) |
A risquec |
Affectées (carence |
||
Afrique |
181 |
86 |
52 |
1,04 |
206 |
Amériques |
168 |
63 |
16 |
0,06 |
94 |
Asie du Sud-Est |
486 |
176 |
125 |
1,45 |
149 |
Europe |
141 |
97 |
n.d. e |
n.d. |
27 |
Méditerranée orientale |
173 |
93 |
16 |
0,12 |
616 |
Pacifique Ouest |
423 |
141 |
42 |
0,13 |
1 058 |
Total |
1 572 |
656 |
251 |
2,80 |
2 150 |
a Il existe des différences entre ces chiffres et les estimations antérieures globales de troubles dus à une carence en iode (TCI). En plus dune meilleure surveillance des taux de TCI dans les pays, ces différences sont également dues à plusieurs facteurs: projections démographiques des Nations Unies pour 1992; utilisation dune méthodologie différente pour estimer les populations à risque; disponibilité de données sur la prévalence dans des pays où il ny en avait pas auparavant.
b On considère à risque de TCI toute personne qui, même si elle nest pas atteinte ou ne subit pas de conséquences directes, vit dans des régions où le taux total de goitres (TTG) chez les enfants dâge scolaire est supérieur ou égal à 5 pour cent. Les estimations antérieures des populations à risque étaient fondées sur un taux de prévalence de TTG supérieur ou égal à 10 pour cent. Cependant, au cours dune consultation, OMS/UNICEF/ICCIDD, on a admis quun TTG de 5 pour cent ou plus chez les enfants dâge scolaire était associé à des altérations fonctionnelles liées directement à une carence en iode; le seuil de 5 pour cent a donc été désigné pour classer les populations à risque de TCI (OMS/UNICEF/ICCIDD, 1993)
c Subclinique sévère (prévalence supérieure ou égale à 20 pour cent, avec des valeurs sanguines inférieures ou égales à 0,70 µmol par litre, avec ou non des signes ou symptômes oculaires) et subclinique modérée (prévalence entre 10 et 20 pour cent, avec des valeurs sanguines inférieures ou égales à 0,70 µmol par litre, avec ou non des signes ou symptômes cliniques).
d Xérophtalmie totale, ou tout autre signe clinique, comme les taches de Bitot, la xérosis de la cornée, la kératomalacie et les cicatrices cornéennes, et/ou des symptômes comme la cécité crépusculaire.
e n.d.: non disponible.
Sources: OMS, 1994; OMS/UNICEF, 1995.
La pauvreté, avec son cortège de garde-manger vides, dhabitats surpeuplés et malsains et denfants mal soignés, est une cause fréquente de malnutrition. Cette dernière a des conséquences graves sur les personnes et les ménages. En plus de la souffrance humaine, la perte de potentiel humain se traduit en coûts économiques et sociaux quaucun pays nest en mesure de supporter. La sous-alimentation et les carences en micronutriments, que ce soit dans leurs formes les plus légères ou les plus graves, peuvent affecter négativement la santé et le bien-être des individus. Un mauvais état de nutrition et de santé débouche sur une qualité de vie amoindrie et sur un développement ralenti du potentiel humain. Une santé compromise par la malnutrition conduit à la réduction des ressources et de la productivité financière de ménages déjà pauvres au préalable et les enfonce encore davantage dans leurs problèmes économiques et sociaux.
La malnutrition et la pauvreté aggravent souvent les problèmes résultant des pratiques agricoles infructueuses que les pauvres appliquent dans leurs efforts désespérés pour se procurer les vivres qui leur manquent. Il apparaît aussi quun mauvais état de nutrition se répercute sur la reproduction, lactivité physique, la croissance et le développement de lenfant, la capacité dapprendre et le rendement professionnel. En outre, la malnutrition réduit laptitude individuelle à combattre linfection, aggravant ainsi lampleur et la sévérité des maladies qui affectent les personnes mal nourries.
La MPE se développe quand lalimentation narrive plus à satisfaire les besoins de lorganisme en énergie et protéines. Ses manifestations sont variées, et sa gravité va de la perte de poids et du retard de croissance jusquà certains syndromes cliniques fréquemment associés aux troubles dus à une carence en vitamines et minéraux, tels que la vitamine A, le fer et le zinc. Les manifestations cliniques de la MPE sévère sont le marasme et le kwashiorkor.
Les symptômes du marasme sont les suivants:
apathie;
retard de croissance, avec un poids inférieur à 60 pour cent du poids normal pour lâge;
fonte musculaire (muscles visiblement plus fins et moins développés que normalement), quasi-absence de graisse sous la peau;
diarrhée.
Le marasme sobserve le plus souvent chez des bébés dont la mère navait pas assez de lait et se manifeste le plus nettement au cours de la première année de lenfant. Il se rencontre aussi chez lenfant nourri trop longtemps au sein sans complément de nourriture solide. Le marasme est également lié à lutilisation fautive du biberon, surtout dans les milieux urbains.
Les symptômes du kwahiorkor comprennent:
cheveux fins, brun-rouge, mats et défrisés;
apathie;
retard de croissance, avec un poids inférieur à 60 pour cent du poids normal pour lâge - mais cela dépend aussi de limportance de loedème;
oedème (excès de liquides sous la peau, qui entraîne des bouffissures);
peau marbrée;
ventre proéminent;
diarrhée;
fonte musculaire.
Le kwashiorkor se développe habituellement plus tard que le marasme et nest pas courant chez lenfant de moins de un an. Il apparaît le plus souvent quand lenfant est séparé du sein maternel et quil doit se contenter de laliment de base amylacé de la famille. Dans un ménage, un enfant peut développer un marasme et son frère un kwashiorkor, alors que leur régime alimentaire est le même. Les causes du kwashiorkor sont encore mal connues. Toutefois, le kwashiorkor se déclare souvent dans le prolongement dune séquence dinfections diarrhéiques, ce qui semble indiquer que les causes vont au-delà des facteurs nutritionnels.
Les nourrissons et les autres enfants en bas âge sont la cible privilégiée de la MPE parce quils ont des besoins en énergie et en protéines très importants par unité de poids et parce quils sont spécialement sensibles aux infections. Les enfants courent les plus grands risques de santé à partir de lâge de trois mois environ jusquau moment où ils sont capables de se nourrir seuls, vers lâge de trois ans. Cest la période au cours de laquelle diverses pratiques de sevrage peuvent altérer létat de nutrition de lenfant. Un premier facteur est lâge auquel des suppléments sont introduits dans lalimentation de lenfant; les autres facteurs comprennent notamment la méthode de préparation des aliments, la fréquence des repas et la densité énergétique des aliments de sevrage. En toutes circonstances et spécialement quand ils sont malades, les enfants doivent être nourris fréquemment au cours de la journée. Les mères peuvent éprouver des difficultés à nourrir leurs enfants aussi souvent quil le faudrait, par exemple quand elles sont retenues par les travaux des champs. En somme, linsuffisance du temps dont la mère dispose peut sinscrire parmi les contraintes majeures de lalimentation de lenfant.
Lidentification des membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la communauté, ainsi que la sélection des interventions les plus susceptibles de les protéger de la malnutrition et de leur assurer un meilleur accès aux aliments, doit nécessairement se fonder sur une évaluation préalable de lalimentation et de la nutrition. Cette évaluation peut être effectuée à laide de divers indicateurs et selon diverses méthodes. Les méthodes quantitatives vont de lestimation de la disponibilité, de laccessibilité et de la consommation des aliments jusquaux enquêtes par relevé dindicateurs de létat nutritionnel, tels que les mensurations corporelles, les taux de mortalité et les signes cliniques et biochimiques. Lapplication de ces méthodes quantitatives est souvent complétée par la collecte dinformations qualitatives utiles à linterprétation des résultats statistiques ainsi quà la compréhension profonde des causes de la malnutrition.
Les indicateurs de la MPE comprennent le poids et la taille des enfants, les taux de maladies infectieuses, les apports alimentaires comparés aux besoins et lindice de masse corporelle (IMC) des adultes.
Le déficit énergétique chronique
Lévaluation de lampleur du déficit énergétique alimentaire chronique à léchelle nationale est généralement basé sur une estimation de la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) calculée à partir des bilans alimentaires, complétée par des données sur la répartition des aliments disponibles. Cependant, il est hasardeux de sappuyer sur les données des bilans alimentaires pour évaluer des situations nutritionnelles, car ces bilans portent sur la disponibilité et non sur la consommation (encadré 58). Comme lestimation des disponibilités globales nest que dune utilité limitée pour lévaluation du bien-être nutritionnel, la FAO a mis au point une méthode permettant destimer quelle est, en valeur absolue et en pourcentage, la population qui, sur une période dune année, na pas accès à une quantité daliments suffisante pour satisfaire ses besoins caloriques. Cette population peut être considérée comme souffrant de «dénutrition chronique». Cependant, comme ce chiffre ne tient pas compte de la répartition des aliments à lintérieur du ménage, ni des cas de malnutrition saisonnière ou aiguë, ni de la prévalence et des effets des maladies infectieuses, il est probable que le nombre réel des personnes dénutries est plus élevé. La méthodologie de la FAO se fonde sur une estimation de la distribution des disponibilités alimentaires par ménage et sur lapplication dun seuil critique des besoins énergétiques.
Lanthropométrie
Le moyen le plus rapide et le plus exact dévaluer létat nutritionnel et sanitaire dune population, dune communauté ou dun individu est offert par lanthropométrie. Les mensurations anthropométriques les plus courantes comprennent le poids et la taille, souvent associés à lâge; elles servent de base à la formulation de certains indices qui reflètent les caractéristiques des individus ou des populations. «Emaciation», «retard de croissance» et «obésité» sont des termes qui décrivent létat nutritionnel des individus et qui trouvent leur expression quantitative dans les indicateurs anthropométriques; ces derniers sont décrits dans lencadré 59, qui contient un résumé des usages de lanthropométrie comme méthode dévaluation de létat nutritionnel. Chez lenfant, le poids corporel et la taille font partie des principaux indicateurs de la MPE.
Chez ladulte, la plupart des études anthropométriques utilisant les mesures de poids et de taille sont faites en milieu hospitalier et concernent notamment les femmes enceintes. Lusage de lindice de masse corporelle (IMC), tel quil est défini dans lencadré 59, est généralement réservé aux études de lobésité chez ladulte. Une revue des données disponibles sur lIMC dans diverses régions (FAO, 1994f) conduit à penser que lIMC de ladulte est étroitement lié à létat de santé et quil peut fournir aussi un indice dincapacité fonctionnelle. Un IMC en baisse (inférieur à 18,5) va de pair avec une aggravation de la maladie et avec la réduction de la capacité de travail qui sensuit (figure 31). A mesure que lIMC baisse, le travail productif et lactivité intense ont tendance à se réduire pour que lénergie soit réservée aux activités agricoles de subsistance et aux tâches ménagères. La famille peut aussi sacrifier ses activités de loisir et diminuer dautant linteraction entre adultes et les stimulations offertes aux jeunes enfants. Lévaluation générale de lalimentation dune communauté pourrait utilement combiner la mesure de lIMC des adultes avec lévaluation de létat nutritionnel des enfants pour aboutir au choix des interventions les plus efficaces et les plus pertinentes.
ENCADRÉ 58 |
Il est difficile dévaluer avec précision les niveaux nutritionnels nationaux. Les enquêtes nationales sur létat nutritionnel et la consommation effective daliments sont probablement les sources dinformation les plus précises, mais elles sont coûteuses, prennent beaucoup de temps et sont souvent difficiles à réaliser, en particulier dans les pays à faible revenu. Une autre méthode, souvent plus appropriée, se fonde sur les bilans des disponibilités alimentaires établis par la FAO, qui analysent la situation alimentaire de chaque pays. Ces bilans indiquent notamment la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) moyenne par habitant, cest-à-dire la quantité daliments disponibles pour la consommation humaine dans chaque pays. La DEA nest pas un instrument parfait. Elle mesure la disponibilité et non la consommation et peut donc donner des indications trompeuses: par exemple, les gens peuvent être trop pauvres pour acheter les aliments qui sont disponibles. Cest pourquoi lévaluation de létat nutritionnel fondée sur une comparaison entre la DEA et les besoins nest pas toujours fiable, dautant plus que le niveau des besoins nest pas une donnée absolue et varie selon le niveau dactivité envisagée. Malgré ces limites, cet instrument, complété par des données sur la répartition des aliments disponibles, permet destimer combien de personnes souffrent de carence énergétique. En outre, la DEA est fortement corrélée avec dautres indicateurs de santé et de développement socio-économique. Depuis peu, dans le cadre des enquêtes mondiales sur lalimentation de la FAO, on a affiné les concepts employés pour estimer le nombre dhabitants des pays en développement qui, en moyenne sur une année, nont pas accès à une quantité de nourriture suffisante pour satisfaire leurs besoins caloriques. Au sens strict, cette population souffre dune carence énergétique chronique, ce qui correspond en gros à la malnutrition chronique. Ce cadre conceptuel a été modifié notamment par la prise en considération de linégalité de la répartition et des différences entre les ménages en ce qui concerne lestimation des besoins énergétiques. Plusieurs autres modifications ont été apportées à cette méthode depuis la Cinquième enquête mondiale sur lalimentation (1986). En particulier, les anciens seuils critiques (1,2 et 1,4 fois le métabolisme basal) ont été changés. Le métabolisme basal est la dépense énergétique de lindividu à jeun, au repos complet. On a maintenant adopté un niveau plus élevé et plus réaliste (1,54 fois le métabolisme basal), qui correspond à la dépense énergétique nécessaire pour maintenir le poids corporel et fournir une activité légère. Le nombre estimatif de personnes dont lapport calorique est insuffisant a augmenté en raison de cette modification. |
Source: FAO/OMS, 1992g. |
ENCADRÉ 59 |
Les indicateurs anthropométriques donnent une idée approximative de létat nutritionnel. Les indicateurs le plus souvent utilisés sont le poids corporel et la taille, par rapport à lâge et au sexe de lindividu. Dautres incluent la circonférence du bras, de la tête et de la cuisse, et lépaisseur du pli cutané. Les principaux indicateurs anthropométriques utilisés sont les rapports poids/taille, taille/âge, poids/âge et lindice de masse corporelle (IMC = rapport poids/taille2, cest-à-dire le poids en kilogrammes divisé par le carré de la taille en mètres). LOMS prend pour référence les données du National Centre for Health Statistics (NCHS) des Etats-Unis, car de nombreuses études montrent que les données relatives à la croissance denfants normaux, sains et correctement nourris correspondent presque toujours à ces valeurs de référence. Les données anthropométriques pour les enfants sont fondées sur le nombre décarts types en dessus ou au-dessous de la valeur de référence médiane pour une personne dun âge donné. La valeur médiane moins deux écarts types est en général considérée comme le seuil en dessous duquel létat nutritionnel est jugé insatisfaisant, cest-à-dire correspond à un état de sous-nutrition. Rapport poids/taille Cet indicateur est utilisé tant pour les adultes que pour les enfants par rapport à des valeurs de référence acceptées. Dans une population souffrant de sous-nutrition aiguë, (cest-à-dire dont la ration alimentaire est insuffisante ou qui souffre dune infection aiguë depuis plusieurs semaines), le poids corporel diminue relativement vite; la taille demeure inchangée chez les adultes et se modifie très lentement chez les enfants. Le rapport poids/taille sert à détecter les états de «sous-nutrition aiguë» ou de «dépérissement»; cest lindice le plus utilisé lors des urgences nutritionnelles ainsi que dans les situations de sous-nutrition prolongée, comme la famine. Le rapport poids/taille est utile pour évaluer létat nutritionnel des enfants et des adultes: chez les enfants, on peut utiliser le rapport poids/taille sans connaître lâge de lindividu. Dans la plupart des circonstances, moins de 2 pour cent des enfants de moins de cinq ans se situent en dessous de la valeur médiane moins deux écarts types. Si 5 à 10 pour cent du groupe de population se situent en dessous de ce niveau, le degré de sous-nutrition aigu peut être décrit comme modéré; si la proportion dépasse 10 pour cent, on considère généralement quil sagit dune situation grave. Rapport taille/âge Ce paramètre est utilisé pour évaluer la «sous-nutrition chronique» chez les enfants. La sousnutrition prolongée entraîne un retard de croissance de la taille et du poids à des degrés assez comparables. Mais on ne parle couramment de «retard de croissance» que dans le cas dun enfant qui ne grandit pas suffisamment. Le gain de taille est fonction essentiellement de facteurs écologiques et socio-économiques considérés sur une longue durée et reflète par conséquent les conditions économiques générales. Dans les pays en développement, la sous-nutrition chronique généralisée est fréquente, et la proportion dindividus se situant en dessous de la valeur médiane moins deux écarts types est souvent de 20 à 60 pour cent, la moyenne étant proche de 40 pour cent. Les populations chez lesquelles 25 à 50 pour cent des enfants de moins de cinq ans ont un rapport taille/âge inférieur à la valeur médiane moins deux écarts types sont souvent considérées comme modérément affectées, tandis que celles où plus de 50 pour cent des enfants sont dans cette situation sont considérées comme gravement touchées. |
Source: OMS (Groupe de travail), 1986. |
La mortalité infantile
Au cours du premier âge (0-12 mois) et dans la petite enfance, un état de nutrition médiocre, couplé aux infections et à des facteurs économiques, écologiques et sociaux défavorables, peut conduire à la mort. Le taux de mortalité infantile est fortement influencé par les facteurs nutritionnels tels que la dénutrition foetale résultant dune sous-alimentation de la mère, les infections et/ou lanémie durant la grossesse. Il est souvent malaisé dobtenir des données sur la mortalité du premier âge car, dans de nombreux pays, linformation démographique fait défaut et les décès ne sont pas consignés pour cette tranche dâge.
Dans les pays où la prévalence des maladies infectieuses et parasitaires est élevée, près de la moitié de tous les décès interviennent avant lâge de cinq ans et le tiers de ces décès-là après la première année de vie. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans les pays les moins développés sélève à environ 200 pour 1 000 naissances vivantes. En Afrique subsaharienne, le taux de mortalité infantile est tombé de 152 à 109 pour 1 000 naissances vivantes entre 1960 et 1993 (UNICEF, 1995).
FIGURE 31 |
Source: FAO, 1994f. |
Linsuffisance pondérale du nouveau-né
Linsuffisance pondérale du nouveau-né, problème majeur de santé publique pour la plupart des pays dAfrique, est liée à la mortalité néonatale (de 0 à 28 jours) et postnatale (de 29 jours à un an). On parle dinsuffisance pondérale pour les bébés qui pèsent moins de 2,5 kg à la naissance. Cette insuffisance est associée à la prématurité (moins de 37 semaines de vie foetale) et au retard de croissance intrautérine. Les causes de linsuffisance pondérale du nouveau-né sont multiples et étroitement liées entre elles. Entre autres facteurs importants, il faut mentionner linsuffisance des apports caloriques de la mère ou son faible gain de poids pendant la grossesse, son insuffisance pondérale avant la grossesse, la petite taille et les maladies telles que le paludisme. Les séquences répétées de grossesses et dallaitement, sajoutant au stress saisonnier des gros travaux agricoles, mettent létat nutritionnel des femmes à rude épreuve.
Dans le cadre dune étude en Gambie, ladministration dun supplément alimentaire riche en calories aux femmes enceintes accusant une insuffisance pondérale a été suivie dune réduction spectaculaire de lincidence de linsuffisance pondérale des nouveau-nés, qui est passée de 28,2 à 4,7 pour cent (encadré 60 et tableau 53). Par ailleurs, des tests cliniques très rigoureux sur les effets de la consommation énergétique et protéique sur le résultat des grossesses ont montré que ladministration de suppléments énergétiques et protéiques équilibrés nentraînait quune faible augmentation du poids de la mère et de la croissance du foetus, même chez les femmes dénutries, et quelle ne produisait pas de bénéfices durables sur la croissance et la santé générale des jeunes enfants (Kramer, 1993). Il est de plus en plus évident que le résultat dune grossesse est étroitement lié à létat nutritionnel de la femme avant la conception. Certes, les effets de la supplémentation maternelle sur le poids de naissance du bébé doivent encore faire lobjet de recherches, mais les résultats disponibles donnent à penser quil y a peut-être lieu de déplacer les préoccupations, actuellement centrées sur les soins médicaux aux futures mères, vers les initiatives nutritionnelles et sanitaires en faveur des femmes en général, particulièrement des adolescentes et des autres jeunes femmes. Une attention plus grande portée au bien-être des jeunes femmes se traduira par une efficacité accrue des interventions en faveur de la santé générale et de la sécurité alimentaire du ménage tout entier.
Lévaluation qualitative de la situation alimentaire et nutritionnelle
Les indices anthropométriques ainsi que les taux de mortalité et dinsuffisance pondérale sont des indicateurs quantitatifs qui décrivent létat de nutrition et de santé des individus et des populations, sans fournir dexplication sur les causes sous-jacentes des problèmes. Pour mieux comprendre les causes de la malnutrition et mieux discerner les moyens à mettre en oeuvre pour les combattre, il faut disposer dinformations sur de nombreux aspects de la vie de la communauté et de son environnement. Il sera souvent nécessaire de rassembler des informations de type qualitatif qui reflètent les opinions des gens et leur perception de la malnutrition et de ses causes.
ENCADRÉ 60 |
Fournir aux femmes enceintes un supplément alimentaire peut être une opération efficace sur le plan nutritionnel et avantageuse dun point de vue économique, pour améliorer la croissance de lenfant et lespérance de vie de populations souffrant de malnutrition chronique. Cependant, le bénéfice maximal de la supplémentation prénatale na pas encore été défini. Le présent texte mentionne les effets sur le poids de naissance dun supplément donné sous forme de biscuits darachide à des femmes enceintes de Gambie, et qui sest traduit par un surplus énergétique bien supérieur à celui observé dans les études précédentes. Un effet de seuil na été observé que chez les femmes enceintes qui, sans cet apport complémentaire, auraient eu un bilan énergétique négatif. Avant de recevoir le supplément alimentaire énergétique, les femmes enceintes de Kenaba avaient un apport calorique journalier moyen, qui allait de 1480 kcal en saison sèche à 1300 kcal en saison humide. Cependant, les femmes avaient en saison sèche (de février à juin) un bilan énergétique jugé positif en raison de leur gain de poids et de lépaisseur du pli cutané. En saison humide (de juillet à janvier), le bilan énergétique de ces femmes était nettement négatif, suite à un apport énergétique réduit et à une dépense énergétique plus grande à cause des travaux agricoles. Méthode Les femmes recevaient six jours par semaine un complément sous forme de biscuits darachide et une boisson de thé enrichie en vitamines. La consommation était soigneusement surveillée et mesurée. Dans les 24 heures qui suivaient la naissance, le poids de chaque enfant était mesuré à 10 g près et soigneusement enregistré. Résumé des résultats Les femmes gambiennes, dont le bilan énergétique variait de façon périodique, ont reçu un supplément alimentaire durant leur grossesse. Il sen est suivi une augmentation de lapport énergétique journalier de 431 kcal. En saison humide, quand les femmes présentaient normalement un net déficit énergétique par suite de leur charge de travail et des pénuries alimentaires, la supplémentation a permis daméliorer le poids de naissance des bébés de 224 g en moyenne, et de diminuer la fréquence des poids de naissance insuffisants (inférieurs à 2,5 kg), dont le taux est passé de 28,2 à 4,7 pour cent (voir le tableau 53). En saison sèche, alors que les femmes avaient auparavant un bilan énergétique positif, malgré un apport énergétique qui arrivait tout juste à 60 pour cent des besoins recommandés, la supplémentation alimentaire navait aucun effet sur le poids de naissance. |
Source: Prentice et al., 1983. |
TABLEAU 53 |
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Effets dune supplémentation maternelle prénatale sur le poids de naissance de lenfant, en Gambie (pourcentage du nombre total de naissances) |
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Poids à la naissance |
Saison sèche |
Saison humide |
Ensemble |
Avant la supplémentation |
|
|
|
>3 500 |
5,4 |
2,2 |
3,8 |
3 001-3 500 |
40,4 |
25,8 |
33,3 |
2 501-3 000 |
42,5 |
43,8 |
43,2 |
<2 500 |
11,7 |
28,2 |
19,7 |
Après la supplémentation |
|
|
|
>3 500 |
8,0 |
11,6 |
9,7 |
3 001-3 500 |
42,0 |
37,2 |
39,8 |
2 501-3 000 |
42,0 |
46,5 |
44,1 |
<2 500 |
8,0 |
4,7 |
6,4 |
t test |
NSa |
P < 0,01 |
P < 0,01 |
a Non significatif.
Source: Prentice et al., 1983.
Lenquête rurale rapide est lune des nombreuses méthodes dinvestigation qui privilégient la collecte dinformations de type essentiellement qualitatif. Cette approche repose sur lemploi dun ensemble de techniques allant de la compilation de données secondaires aux observations directes, en passant par les entrevues semi-structurées, les ateliers, les jeux analytiques, les diagrammes et les cartes. Les enquêteurs sur le terrain sappuient sur des listes récapitulatives dinformations qui leur servent de référence pour structurer leurs discussions dirigées et cependant informelles avec les membres de la communauté rurale (encadré 61). Une méthode proche de la première est lenquête rurale participative, qui est un type denquête rurale rapide où laccent est mis sur la participation et lengagement de la communauté locale.
Lenquête rurale participative implique la population dans la revue et lanalyse de sa propre situation alimentaire et nutritionnelle et dans le choix des actions et projets prioritaires que la communauté voudrait entreprendre de façon autonome ou avec une aide extérieure. Elle suppose un dialogue dégal à égal, léquipe conseillère et la population rurale échangeant leurs expériences et séduquant réciproquement. Normalement, sengage alors un processus de développement à moyen terme, où les membres de la communauté sont des participants actifs du début à la fin du projet, qui comprend les étapes suivantes: identification et analyse du problème jusquau classement des priorités; sélection des activités et des projets; exécution de ces derniers; enfin, observation et évaluation des progrès accomplis par rapport aux objectifs établis.
[4] Les données
actuelles provenant de la base de données de l'Organisation mondiale de
la santé (OMS) pour 13 pays d'Afrique subsaharienne indiquent une
augmentation globale du taux de malnutrition entre le début des
années 80 et le début des années 90 (voir aussi FAO,
1996a). |