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Machines de récolte à traction animale pour agriculteurs raisonnables


Abstract


Jean Nolle*

(* 19 avenue de Général Leclerc 75014 Paris, France.)

Résumé

Cette communication décrit certaines des machines les plus efficaces conçues, fabriquées et testées par l'auteur au cours de sa longue carrière d'ingénieur du génie rural. Une large place est faite aux machines de récolte (betterave sucrière, arachides, canne à sucre, cultures fourragères). L'auteur insiste sur la nécessité de mettre au point de nouvelles machines capables de répondre aux besoins agricoles qui ne manqueront pas de se poser à l'avenir.

Introduction

J'ai rédigé cette communication pour le workshop de Kano non sur des considérations purement académiques mais en fonction de mon expérience pratique dans le domaine du machinisme agricole:

1934: Je suis devenu agriculteur en Picardie, en utilisant les moyens pratiques offerts à cette époque, le machinisme agricole à traction animale;

1944: j'ai bifurqué alors vers l'industrie en inventant une récolteuse polyvalente; j'ai découvert alors les avantages du machinisme agricole motorisé;

1950: j'étais alors engagé en Afrique comme conseiller technique, et j'ai étudié ainsi les problèmes techniques-économiques-sociaux de l'actualité;

1954: j'en suis donc arrivé à choisir une méthode de développement raisonnable entre les deux formes d'énergies offertes-naturelle et artificielles.

Résultat: J'ai opté pour la modernisation de l'énergie naturelle, en profitant de l'expérience acquise grâce aux énergies artificielles qui, à mon avis, présentent plus d'inconvénients que d'avantages pour notre civilisation actuelle et l'avenir de l'humanité.

J'aimerais citer et expliquer les récolteuses que j'ai réalisées pour l'agriculture avec traction animale (TA), et suggérer celles que j'aurais voulu pouvoir produire si les hautes intelligences qui nous dirigent m'en avaient donné les moyens.

1. La souleveuse d'arachides

La première récolteuse d'arachides que j'étudiai pour la CGOT m'avait été proposée par cette compagnie, mais ne correspondait pas du tout aux réalités du terrain, de sorte que je la détruisis de mes mains et créai ensuite la Motadaba, petite arracheuse à tracteur, évidemment, mais fort simple, et qui augurait d'une certaine évolution du machinisme vers le rudimentaire. La petite Motodaba à un rang donna naissance à mon arracheuse de pommes de terre aligneuse, toujours avant 1954, l'année où j'optai pour le retour en TA en pays tropicaux.

Les expériences préalables me permirent de créer, dès 1955 ma première souleveuse d'arachides sur le polyculteur léger, puis en 1956 sur le polyculteur lourd avec les résultats que l'on sait, mais dont peu de personnes ont compris la raison. Tous les observateurs éloignés ne virent dans le succès de Saidou Diop que le résultat d'une bonne agronomie primaire: semis-sarclages; nul ne vit au contraire que la phase finale de tout agronomie, c'est à dire la récolte n'avait pu être menée à bien que grâce à deux détails techniques importants qui, tous deux, étaient une 'retombée' de la motorisation antérieure: stabilité du chassis porteur; lame droite pour soulever la plante.

Je ne parlerai que de la lame droite, car il n'eut pas été possible d'obtenir le résultat que l'on connaît sans cette lame, puisque j'en avais expérimenté des centaines d'autres avec les tracteurs, en compagnie de mon feu collègue, M. Combes. Nous avions tous deux abouti, après avoir expérimenté toutes les formes de lames obliques imaginables, que seule la lame droit donnait réellement satisfaction dans les conditions très particulières qui étaient celles de cette culture à l'époque: derrière défrichement de forêt et sur une terre battante qui devenait béton dix jours après la dernière pluie à moins que l'on ait pris la précaution d'effectuer des binages spéciaux ou de semer sur bilions.

La lame droite en effet est la seule figure géométrique simple qui permette de modifier l'angle de pénétration en terre sans augmenter sa profondeur de travail, en portant cet angle jusqu'à 45 degrés, la pression exercée sur cette lame ayant alors pour effet, en terre dure, de l'affûter comme une lame de rasoir et d'extirper les racines du sol aussitôt qu'elles avaient été coupées. En terre meuble, une telle large aurait indiscutablement bourré au premier obstacle. Et pour que cette lame puit pénétrer enterre, il était facile d'alourdir le chassis stable avec un tronc d'arbre, ou même en s'asseyant dessus. A noter au passage l'interchangeabilité de ma lame d'un chassis à un autre, polyvalence et standardisation étant déjà depuis 1956 à la base de toute ma recherche. Alors, pourquoi compliquer la machine en voulant faire des tas? L'arracheuse supprime assez de main d'oeuvre étrangère elle doit garder celle de famille.

C'est donc en 1964, 8 ans après mes premiers résultats du Sénégal, que je commencai à développer l'Ariane au Nigéria d'abord à Maiduguri en compagnie de l'ingénieur Américain M. Shambo, puis à Zaria où l'Ariane fit merveille en enjambant les bilions semés en arachides, pais à Samaru. L'année suivante, je parcourus tout le nord du pays jusqu'à Mubi et Yola. Et quand je revins en 1974 en visiteur, j'eus la satisfaction de voir cette Ariana enseignée et construite au centre de formation des artisans de Zaria.

2. La Souleveuse de Betteraves

J'ai réalisé cette machine de récolte pour le Chili en 1969 à partir de mon Ariana, mais j'aurais aussi bien pu le faire avec le Tropicultor dont je disposais à l'époque.

Fort de mon expérience antérieur, et voyant que les paysans décolletaient d'abord les racines avant de les arracher une par une, je fixai en avant et au milieu du chassis de l'Ariane l'un des skis dont je me sert habituellement pour biner les plantes sarclées. Ce ski, s'appuyant sur la partie saillante des racines, guidait donc parfaitement la partie arrière de la machine, sur laquelle j'avais fixé une souleveuse déconnais classique en Europe, c'est à dire deux mains en tole d'acier, obliques et se faisant vis à vis, relevées en arrière pour extirper par pression les racines coniques. Je n'ai pas eu le temps de parfaire le travail, et d'ailleurs, le paysan était satisfait de pouvoir ainsi récolter trois fois plus de tonnage dans le même temps, qu'à la main. C'était ce qu'il désirait; il avait eu peur en me voyant commencer, que cette machine lui retira tout travail à l'avenir. Et l'Ariane étant plus simple et moins chère que le Tropicultor, je n'ai donc pas expérimente sur celui-ci les roues dentées obliques que j'avais prévues pour grouper 3 rangs de récolte en vue de faciliter le chargement. Comme pour l'arachide, seul l'important, était de solutionner la pénibilité du travail non de vouloir tout faire, au risque de créer du chômage.

3. La Faucheuse à Fourrage

Les faucheuses à vert utilisées en France avant guerre étaient tirées par 2 forts chevaux et coupaient 1m 32 à chaque passage. Le travail était épuisant pour les animaux. Au Sénégal il fut essayé des faucheuses de même genre d'origine polonaise que l'on tirait avec 2 boeufs. Les pauvres bêtes ne pouvaient travailler que 2 h par jour, et à coups de baton.

Après avoir crée une petite faucheuse de 80 cm de coupe, mue par l'une des roues de mon ancien Polyculteur, et seulement valable pour récolte de sorgho je repris le problème autrement quand j'eus le Tropicultor à ma disposition.

Considérant que l'industrie produisait des barres de coupe de 1m 50 pour les tracteurs, et qu'elles coûtaient moins cher que la seule boîte de vitesse des faucheuses entraînées par les roues, je décidai de fixer l'une de ces barres sur le porte-outils en arrière de ma machine, et de l'entraîner au moyen d'un petit moteur de 4 cv à refroidissement par air, analogue à celui des motocyclettes.

Résultats concluant. En France, un seul cheval (au lieu de 2) pouvait récolter de 6 à 7 ha du prairie par jour, et je fabriquai de mes mains d'autres faucheuses du même genre au Salvador, en Inde, au Mozambique et au Sénégal. Cette faucheuse se fixe au moyen de trois chevilles, sans outillage, et tous les réglages de coupe sont possibles. On peut même récolter le riz, le blé ou tout autre céréales en ajoutant une claie en arrière.

4. La Faucheuse Rotative

Venant pour la première fois de vérifier que les boeufs ne s'effrayaient pas du bruit du moteur auxiliaire sur toute autre machine de récolte. Je conçus donc la fixation de ce moteur de telle sorte qu'il puisse être fixé instantanément sans outillage, ce qui permettait de l'utiliser à poste fixe, en dehors du Tropicultor, pour entraîner une batteuse à poste fixe ou un moulin décortiquer, etc...

Sur ce principe, la faucheuse rotative se présente comme une 'retombée' du girobroyeur existant pour les tracteurs. Il suffit alors de régler les roues du Tropi en voie étroite, pour désherber les interlignes de caféier. Elle trouve encore son emploi pour déchiqueter les tiges de mais ou d'engrais verts avant de labourer la terre, de même avec les pieds de cotonniers.

5. La Coupeuse de Cannes

Toujours sur le même principe: récolteuse fixée sur le porte-outils et munie d'un moteur auxiliaire interchangeable, j'ai conçu une coupeuse de cannes avec l'aide de son futur utilisateur. Le Tropi monté en voie étroite et tiré par un seul boeuf circule entre 2 rangées de cannes, plantées à 1m 60. La coupe et le groupage se font sur le côté, de façon à pouvoir grouper 2 rangs aller et retour sur un seul andain en vue du ramassage-chargement. Cette récolteuse nouvelle n'a pas été expérimentée, en raison de l'ouragan Hugo qui a ravagé la Guadeloupe l'an dernier. Affaire à suivre.

6. La Récolteuse de Coton

J'avais proposé à la Coopération Française en 1982, à l'issue de ma énième mission au Nicaragua, d'étudier une récolteuse de coton à 2 boeufs, en me servant du Tropicultor que me venait justement de fabriquer localement.

Je n'espérais pas détrôner les récolteuses John Deere qui faisaient merveille à Posoltega mais pour lesquelles il n'existait pratiquement plus de pièces de rechange. Je savais que les Anglais avaient ou voulaient étudier au Swasiland une machine à récolter le coton semi-manuelle, en fixant sur un tracteur Tinkabi un aspirateur muni de 4 tuyaux, et que chacun des ces cueilleurs serait dirigé par la main de l'homme vers les capsules à récolter. J'avais donc pensé que le Tropicultor devait se prêter plus économiquement à une telle opération, puisque les boeufs constituent une force motrice économique, qu'ils ne nécessitent pas de conducteur en permanence s'ils ont été dressés à obéir à la voix, et que, dans ces conditions, la pénibilité du travail serait prise en charge par le système évitant de se baisser, cueillir à la main et lâcher la capsule dans le sac, et traîner ce sac jusqu'au pied de coton suivant.

7. L'Egreneuse de Céréales

En 1978 j'avais constaté qu'entre l'énorme moissonneuse-batteuse qui coûte près d'un million de francs, et la petite faucille qui ne coûte que quelques centimes le progrès avait crée un vide technologique, se traduisant par une perte absolue de la liberté du choix. J'ai donc étudié une machine simple (appellée 'Stripper' en anglais), qui pouvait être fixée sur mon Tropicultor.

L'intérêt de la TA n'est plus à démontrer dans le domaine de la traction des machines qui doivent circuler en terrain humide ou mou (comme certaines rizières), alors que les engins à roues s'enlisent ou doivent être munis de chenilles onéreuses. De plus, l'exiguïté de nombreuses rizières s'oppose à l'emploi de 'combines' dont la largeur ne permet pas leur emploi. Enfin, le système classique de moissonnage-battage par trituration totale de la plante (paille et grains) nécessite une puissance souvent excessive en regard de la simple cueillette des épis ou panicules - telle que la pratiquent couramment les oiseaux.

Et c'est cette dernière observation qui m'avait fait entrevoir une solution encore inexploitée. Mais fallait-il au moins en réaliser le prototype. Hélas, quelles que soient mes références en matière d'invention, je ne faisais pas le poids face aux idées toutes faites des 'décideures'. Voici donc une recherche qui reste à effectuer, et à laquelle on sera bien obligé de penser quand la population du globe atteindra les 10 milliards de bouches à nourrir. Un seul homme n'y pourra suffire, pas plus qu'une seule machine. Le don d'ubiquité n'existe pas, ni pour l'anime, ni pour l'inanimé.

Et si depuis 40 ans je regrette d'avoir eu tort en ayant eu raison trop tôt, que diront sous peu tous ceux qui ont été informés de l'avenir qui les attend et qui n'ont rien fait d'utile? L'imprévoyance -c'est le signe du vrai sous-développement.

Abstract

This paper describes some of the many effective animal-drawn implements designed, made and tested by the author during his long career as an agricultural engineer. Particular prominence is given to machines for harvesting crops, including sugar-beet, groundnuts, sugar-cane and forage crops. The importance of developing new machines to meet future agricultural needs is emphasised.


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