Previous Page Table of Contents Next Page


Recherches aux effets de poids vif et embonpoint des boeufs de labour sur la capacité de travail


Résumé
Introduction
Méthodologie
Traitements
Résultats
Abstract
Références


P.W. Bartholomew* et T. Khibe**

[* Centre International pour l'Elevage en Afrique (CIPEA), Programme du Sahel, BP 60, Bamako, Mali
**Institut National de Recherches Zootechnique, Forestière et Hydrobiologique (INRZFH), BP 1704, Bamako. Mali.]

Résumé

Dans deux essais réalisés sur des boeufs de trait, on a évalué l'effet du poids vif et de l'état corporel sur la capacité de travail des animaux. Dans le premier essai, les variations pondérales, comprises entre -25 kg et +70 kg, chez des boeufs astreints a tracter des charges calculées en fonction de leur poids (7,5 ou 12,5% du poids vif) n'avaient aucun effet sur la vitesse de traction ni sur la durée du travail. Dans le second essai des boeufs de 360 kg affichant un état général moyen ont fourni d'avantage de travail (2,55 MJ/j) que des boeufs de 310 kg présentant un bon état général (0,95 MJ/j). Les résultats démontrent que la complémentation peut permettre a des animaux de 310 kg présentant un état général moyen d'atteindre un poids de 360 kg et un bon état d'engraissement. Selon les estimations effectuées, de telles améliorations du poids et de l'état corporel se traduisent par un accroissement des rendements de 37%. Il apparaît toutefois, qu'un animal de 360 kg affichant un état général moyen est capable de fournir 99% du travail fourni par un animal de poids identique et affichant un bon état corporel, sans qu'il soit nécessaire de lui faire bénéficier d'une complémentation alimentaire de saison sèche.

Introduction

En zone semi-aride du Mali les boeufs de labour perdent constamment de poids et de l'embonpoint pendant la longue saison sèche qui dure du mois d'octobre au mois de juin.

Des pertes de 20% sur le poids de fin d'hivernage sont fréquentes (Wilson et al. 1983). Ces pertes de poids corporel sont très souvent perçues comme étant des causes préjudiciables à l'exécution du calendrier agricole. L'opinion généralement exprimée, attribue les causes des défaillances observées des boeufs de labour à une restriction alimentaire imposée par les conditions défavorables de la saison sèche. Si cette supposition est absolument vraie, la solution du problème serait de procurer aux animaux en question une complémentation voire une supplémentation alimentaire adéquate.

Toutefois, dans la pratique il n'y a pas d'informations précises relatives aux niveaux d'alimentation nécessaires permettant aux boeufs de labour de réaliser à la satisfaction du paysan les travaux en début de campagne agricole. Il y a même peu d'évidence que la complémentation en saison sèche puisse augmenter suffisamment le travail pour rentabiliser l'investissement en compléments alimentaires (Dicko et Sangaré 1984; Traoré et Soumaré 1985).

Méthodologie

Deux essais ont été entrepris. Dans tous les deux essais les animaux échantillonnés étaient des Zébus adultes castrés du type utilisé par la majorité des paysans de la zone semi-aride du Mali.

L'énergie fournie par les animaux a été évaluée de façon à tenir compte de son importance mécanique plutôt que de son importance agricole. Elle a donc été exprimée en tant que force de l'animal et la distance sur laquelle cette force est exercée.

En les équipant d'une adaptation du harnais flexible du Zimbabwé (Barwell and Ayre 1982), chaque animal a été astreint à tracter un traîneau sur un circuit plat de 500-550 m. Cette traction est poursuivie jusqu'à ce que l'animal ait effectué 20 tours ou jusqu'à ce qu'a ait atteint la limite jugée raisonnable de sa capacité de travail. Cette limite était atteinte lorsque l'animal refusait obstinément de tracter le traîneau. Le temps mis sur chaque circuit a été calculé ainsi que le nombre et la durée des arrêts effectués pendant le travail.

Tableau 1. Evolution de notation d'embonpoint des boeufs de labour durant une période de travail de deux semaines, selon force exercée et évolution pondérale avant le travail.

 

Force exercée (Newtons/100 kg de poids vif)

75

125

Date


11/7

18/7

25/7

11/7

18/7

25/7

Evolution

-25

2.0

2.0

1.5

2.0

1.5

1.5


pondérale

+35

3.5

3.5

3.0

3.5

2.5



avant le travail (Kg)

+70

4.0

4.0

3.5

4.5

3.0



Moyen

3.2

3.2

2.7

3.5

2.3

2.2

Les poids vifs étaient mesurés quotidiennement avant que les animaux ne partent sur le terrain. Ces mesures journalières incluaient aussi les ingestions de grossier et d'aliments complémentaires par chaque animal.

Une appréciation visuelle de la condition physique, selon la méthode décrite par Nicholson et Butterworth (1986) a été faite au début de l'essai ainsi qu'après cinq jours de travail et à la fin de l'essai.

Traitements

Essai 1 : Les effets des variations du poids corporel et de la condition physique sur la capacité de travail des boeufs de labour

Trois groupes d'animaux de condition physique différente et subissant différentes variations pondérales pendant la saison sèche ont été constitués. Les 3 groupes ont été supplémentés avec différentes rations alimentaires et ont connu des variations pondérales moyennes de l'ordre -25, + 35 et + 75 kg entre mi-mars et mi-juin 1987. Les notes de condition physique afférentes aux moyennes de variations pondérales ont été respectivement de 2.25, 3.50 et 4.50. Au début des travaux, les poids vifs moyens respectifs pour les variations pondérales de -25 kg, + 35 kg et +70 kg étaient de 282 kg, 333 kg et 368 kg.

Chacun des 3 groupes a été astreint à transporter des charges de 75 et de 125 Newtons (N)/100 kg de poids vif. Chaque combinaison de traitement a été administrée à deux animaux.

Dès la fin de la période au cours de laquelle les animaux recevaient différents niveaux de supplémentation jusqu'à une semaine après la période de travail, chaque animal recevait ad libitum une ration alimentaire quotidienne de paille de brousse supplémentée d'un kilo de résidus de graines de coton.

L'essai a débuté en définitive le 13 juillet. Après cette date, tous les animaux ont travaillé quotidiennement, le 19 juillet excepté jusqu'au 25 juillet.

Essai 2 : Effet du poids vif et de la condition physique sur le travail des boeufs de labour

L'expérience a porté sur des Zébus de 2 catégories de poids vif: 310 kg et 360 kg et de 2 catégories (3 et 6) d'embonpoint. Chacun des lots était constituée de 3 animaux.

Contrairement à ce qui s'est passé en essai 1, tous les animaux ont été astreints à tracter le même niveau de charge et cela sans tenir compte de leur poids vif. La charge imposée aux animaux équivalait à une force de 374 N.

Résultats

Essai 1 (Voir Tableaux 1 et 2)

Effets de la condition physique et de la charge sur la vitesse de travail

Toutes les vitesses de travail ont été augmentées entre les 1ère et 2ème semaines de l'essai. La vitesse de travail moyenne a été de 0.82 m/s au cours de la 1ère semaine et de 0.91 m/s au cours de la 2ème semaine.

Les variations de poids et d'embonpoint n'ont eu aucun effet précis sur la vitesse de travail des animaux. Le niveau de la charge a par contre eu un effet net sur la vitesse de travail: avec une charge moyenne de 240 N (75 N/100 kg de poids vif) les animaux ont travaillé à une vitesse de 0.95 m/s tandis qu'avec une charge de 419 N (125 N/100 kg de poids vif) leur vitesse de travail a diminué de 18% avec une moyenne de 0.78 m/s (P). Sur les distances imposées par l'essai, la réduction de la vitesse a été compensée par l'augmentation de la charge. En conséquence, plus de travail à été fait avec le transport de gros poids qu'avec le transport de petits poids et les rendements journaliers ont été de respectivement 3.69 et 2.47 MJ.

Tableau 2. Travail effectué par les boeufs de labour (MJ/jour) selon leur poids vif et embonpoint.

 

Poids vif (kg)

moyen

310

360


M + 0.95

3.49

2.22

Embonpoint

L + 2.55

3.44

2.94

Moyen

1.75

3.42


e.s. poids vif


0.086

***

e.s. embonpoint


0.086

***

e.s. interaction


0.135

***

L'effet du travail sur les variations pondérales et les variations de l'état d'embonpoint

Tous les animaux ont perdu du poids et de l'embonpoint au cours de la période de travail mais il n'y a pas eu de différence significative (P0.05) entre les pertes journalières moyennes en fonction des evolutions pondérales antérieures au travail. Il y a cependant eu une nette différence (P) entre les perte pondérales en fonction de l'intensité du travail avec une perte quotidienne moyenne de 2.14 et 3.12 kg sous les charges respectives de 75 et 125 N/100 kg de poids vif Au total, les pertes de poids vif, au cours de l'essai, ont varié de 14 à54 kg soit 4.1 à 14.8% du poids vif initial.

L'impact global du travail a été de réduire les notes de condition d'une moyenne de 3.33 avant le travail à une moyenne de 2.75 après une semaine de travail et à une moyenne de 2.42 après 2 semaines de travail.

Travail exécuté

Les animaux légers mais en bonne condition ont enregistré des performances particulièrement faibles parce qu'ils étaient incapables de déployer des efforts soutenus pendant une longue période. La durée moyenne du travail exécuté par la catégorie 310 M+ était seulement de 1.09h par jour tandis que la durée moyenne de la catégorie 310 L+ était de 2.61 heures par jour.

Evolution du poids vif et de la condition physique

Tous les animaux sans exception ont perdu du poids pendant la période de travail. Les pertes de poids étaient particulièrement prononcées pendant les 5 premiers jours de l'essai (période au cours de laquelle les pertes moyennes quotidiennes étaient de 5.65 kg) et aucune différence manifeste ou significative n'a été observée entre les différents lots d'animaux. Durant la 2ème semaine de travail la tendance générale était à un léger gain pondéral, de 1.4 kg/jour en moyenne.

Tableau 3. Effet de poids vif et embonpoint sur l'énergie développé par les boeufs de labour (Watts).

 

Poids vif (kg)

moyen

310

360


M + 161

271

216

Embonpoint

L+241

279

260

Moyen

201

275


e.s. poids vif


14.5

**

e.s. embonpoint


14.5

NS

e.s. interaction


20.5

NS

Une nette dégradation de la condition physique a été observée pendant la 1ère semaine de l'expérience. Alors que la réhabilitation du poids corporel intervenue au cours de la 2ème semaine de travail n'était pas suffisante pour s'inscrire dans la condition physique (Tableau 4).

Tableau 4. Evolution d'embonpoint des boeufs de labour durant le travail.

Traitement

9 juil.

16 juil.

23 juil.

310 M+

5.8

4.7

4.3

360 M+

5.4

4.2

4.3

310 L+

3.7

3.0

2.0

310 L+

4.1

3.3

3.5

Discussion

L'accroissement de la vitesse de travail et la distance totale parcourus entre les 1ère et 2ème semaines des deux essais montrent que tous les animaux quels que soient leur poids vif initial ou leur condition physique ont été soumis à une période d'adaptation au travail. Cette augmentation de la vitesse de travail au cours de l'expérience a été réalisée en dépit des pertes importantes de poids vif pendant les expériences.

S'il semble que les animaux ont besoin d'un certain temps pour s'adapter travail après une longue période de repos, il n'est cependant pas évident que les paysans doivent être conseillés de soumettre leur boeufs de labour à un entraînement avant la saison des labours. Le temps de travail moyen dans la zone étudiée est de 15 jours et il convient de se demander si l'instauration d'une période d'adaptation de 4 à 5 jours se justifie ou si au contraire il convient de se contenter d'une faible vitesse de travail au début des activités culturales.

Les résultats de la 2ème essai ont montré que l'énergie moyenne la plus élevée a été déployée par les animaux qui étaient plus lourds et que ceux-ci étaient plus à même de soutenir un tel déploiement de force indépendamment de leur condition physique. En conséquence, le travail fourni journalièrement par les boeufs de 360 kg était significativement plus important que celui fourni par les animaux ayant un poids de 310 kg.

Il est évident qu'on ne gagnerait pas beaucoup à supplémenter un animal léger dans le seul but d'arriver à un poids vif de 310 kg. Toutefois, un animal de condition moyenne et pesant 310 kg peut atteindre 360 kg et avoir une bonne condition physique tout en augmentant son potentiel d'efficacité au travail de l'ordre de 36.9% ou de 2.55 MJ/jour à 3.49 MJ/jour (Tableau 2). Il convient cependant de noter qu'un animal de 360 kg et de condition moyenne peut être aussi productif qu'un autre animal qui a dû être engraissé pour arriver au même poids et à la même condition.

Pour des fins pratiques, il serait mieux d'encourager les paysans à acheter des animaux de grand format ayant naturellement une grande masse corporelle et capables d'entreprendre les travaux champêtres en dépit des grandes fluctuations pondérales qu'ils subissent à cause des pénuries d'aliments de saison sèche plutôt que d'acheter de petits animaux, qui eux auront besoin d'être supplémentés.

Abstract

Two trials were carried out to assess the effect of liveweight and body condition of work oxen on their capacity for work. In an initial trial animals which were obliged to draw loads proportionate to their liveweights (at either 7.5 or 12.5% of liveweight) showed, no effect of weight change ranging from 25 kg loss to 70 kg gain on speed of working or on duration of work.

In a second trial oxen weighing 360 kg in moderate condition produced more work (2.55 MJ/day) than animals of 310 kg in good condition (0.95 MJ/day). It appears from the results that an animal of 310 kg in moderate condition could be supplemented to attain 360 kg in good condition. It was estimated that such a weight and condition gain could increase potential work output by 37%. It was notable, however, that an animal in moderate condition at 360 kg could, without need for dry season supplementation, achieve 99% of the work output of an animal of similar weight in good condition.

Références

Barwell, I. and Ayre, M. 1982. The harnessing of draught animals. Intermediate Technology Transport Ltd. Ardington, Oxon. OX12 8PN

Dicko, M. et Sangaré, M.S. 1984. De l'emploi de la traction animale en zone sahélienne: role de la supplémentation alimentaire. ILCA/CIPEA Document de Programme no. AZN 3, avril 1984.

Traoré, A. et Soumaré, S. 1985. Supplémentation alimentaire des boeufs de labour du système agropastoral du mil à Dalonguébougou: Effet comparé de deux régimes de supplémentation en fanes de niébé. ILCA/CIPEA Document du Programme no. 125, mai 1985.

Nicholson, M.J. and Butterworth, M. 1986. A guide to condition scoring of Zebu cattle. International Livestock Centre for Africa (ILCA), Addis Ababa, Ethiopia.

Wilson, R.T., de Leeuw, P.N., et de Haan, C. 1983. Recherches sur les systèmes des zones arides du Mali: résultats préliminaires. Rapport de Recherche no 5. Centre International Pour l'Elevage en Afrique, Addis Ababa, Ethiopie.


Previous Page Top of Page Next Page