juin 2007 | ||
Perspectives alimentaires | ||
Analyse des marchés mondiaux | ||
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LAIT ET PRODUITS LAITIERS
Les cours internationaux des produits laitiers sont montés en flèche depuis la dernière publication des Perspectives de l‘alimentation en décembre. L’ampleur de la poussée des prix a été remarquable: l’indice FAO des cours internationaux des produits laitiers a gagné 46 pour cent entre novembre 2006 et avril 2007 pour atteindre une valeur record de 213 (base 100 en 1998-2000) (voir figure 30). Les prix du lait en poudre ont grimpé encore plus haut: les cours du lait écrémé en poudre et du lait entier en poudre ont augmenté de 56 et 61 pour cent respectivement depuis le mois de novembre. La hausse des prix du fromage et du beurre a été plus modérée, à savoir 18 et 34 pour cent respectivement. Les prix record enregistrés pour tous les produits sont provoqués par des facteurs à court terme et structurels sous-jacents. L’importance de la flambée des prix du lait en poudre est en grande partie attribuable à l’épuisement des stocks publics de l’ Union européenne (UE). La croissance vigoureuse des revenus en Fédération de Russie et dans de nombreux pays en développement, en particulier en Asie, mais aussi dans les pays exportateurs de pétrole d’Afrique et d’Amérique latine et des Caraïbes, continue de stimuler la demande de produits laitiers. La dévaluation du dollar américain a également induit une hausse des produits laitiers exprimés dans cette monnaie, même s’ils font surtout l’objet d’un commerce entre des zones qui ne dépendent pas du dollar. La flambée des prix est toutefois liée à l’offre, la production mondiale de lait n’ayant pas suivi le rythme de l’augmentation de la demande. Les sécheresses répétées qui ont touché l’ Australie ont limité les exportations de produits laitiers, tandis que les taxes à l’exportation en Argentine ont entravé sa capacité d’approvisionnement. En Inde, les exportations de lait écrémé en poudre ont été suspendues pendant six mois, ce qui a provoqué l’absence de ce pays sur les marchés internationaux. Les prix élevés des céréales fourragères ont également réduit la rentabilité dans de nombreux secteurs laitiers fortement tributaires des produits d’alimentation animale. Enfin, les réformes politiques actuellement en cours dans l’Union européenne, qui ont entraîné une compression draconienne des stocks publics de produits laitiers, notamment des laits en poudre, et la coupe sévère des subventions à l’exportation de l’UE, tant en valeur qu’en quantité, sont probablement les facteurs récents les plus importants.
Quel niveau peuvent atteindre les prix des produits laitiers? La réponse à cette question est largement déterminée par la protection effective que constituent aujourd’hui les divers obstacles d’accès au marché établis par les grands pays producteurs/consommateurs de lait. Comme le montre la figure 31, les cours internationaux des produits laitiers ont tellement augmenté que le prix équivalent international pour le lait est aujourd’hui très proche des niveaux prédominant aux États-Unis et dans l’ UE, ce qui leur permet d’effectuer des exportations sans qu’il soit nécessaire de recourir à des subventions. L’accroissement des approvisionnements en provenance de ces pays pourrait contenir la hausse des prix internationaux. S’agissant des produits laitiers pris séparément, les cours des laits en poudre sont maintenant bien trop élevés par rapport aux autres produits laitiers. Ainsi, le rapport entre les prix du lait entier en poudre et du fromage, qui était en moyenne de 0,85 en 2003-2006, s’élève aujourd’hui à 1,25. La correction du marché devrait rendre ces prix plus cohérents, car les transformateurs privilégient la production de laits en poudre au détriment d’autres produits laitiers dont les prix se situent sous la normale, ce qui finira par provoquer un fléchissement des prix des laits en poudre, sans doute d’ici septembre 2007.
La hausse des prix du lait devrait doper la croissance de la production mondiale, qui passera de 2,3 pour cent en 2006 à 2,7 pour cent en 2007 et les résultats s'établiront probablement à 675 millions de tonnes. L’augmentation des prix du lait et les gains de productivité enregistrés dans certains pays en développement ainsi que dans de nouveaux pays exportateurs, dont les producteurs bénéficient du relèvement des prix, stimulent l’expansion. Dans les pays en développement, la production devrait progresser de 4,8 pour cent en 2007, soutenue par les gains réalisés en Argentine (+ 8 pour cent), au Brésil (+3 pour cent), en Chine (+18 pour cent), en Inde (+3 pour cent) et au Pakistan (+4 pour cent). En revanche, la production laitière de l'Afrique continue de stagner et l’on ne s’attend à aucune augmentation cette année. La croissance dans les pays développés, fortement tributaires de systèmes intensifs d’alimentation du bétail, devrait être inférieure à 1 pour cent cette année encore, en raison des prix élevés des aliments pour animaux. Cette estimation part de l’hypothèse que la production augmentera de 1 pour cent dans l’ UE (élargie à 25), après avoir fléchi en 2006. En raison de la sécheresse en Australie, les estimations tablent sur une production inférieure à 10 millions de tonnes en 2007.
L’Asie est la région où la production de lait augmente le plus rapidement au monde et deux grands types d’industrie laitière coexistent. Dans certains pays de tradition laitière, tels que l’ Inde et le Pakistan, les marchés continuent d’être en grande partie à l'abri de la volatilité des cours internationaux, même si certains d’entre eux commencent à s’ouvrir. L’accroissement de la production continue à y être ferme, soutenu par la poussée de la demande intérieure et stimulé par la croissance économique et démographique. En Inde, l’augmentation rapide des revenus nationaux, qui dépasse 6 pour cent, a tiré les prix du lait vers le haut en 2006 et 2007. La production totale de lait devrait croître de 3 pour cent en 2007. La tendance à la hausse des prix intérieurs a été accentuée par l’entrée récente de l’Inde en tant qu’exportateur sur le marché mondial de lait écrémé en poudre, ce qui a conduit le gouvernement à imposer en janvier 2007 une interdiction de six mois sur les exportations de lait en poudre. Au Pakistan, cinquième producteur mondial de lait, le secteur national est largement déconnecté des marchés internationaux, mais les investissements réalisés dans le secteur de la transformation du lait se consolident rapidement et l’on s’attend à ce que la production gagne environ 4 pour cent en 2007. Les pays d’Asie qui n’ont pas une forte tradition laitière figurent parmi les importateurs les plus ouverts, mais sont aussi ceux dont la production grandit le plus rapidement. Dans ces pays, la demande nationale progresse vite et dépasse souvent la production. En conséquence, les importations de lait en poudre servent à reconstituer du lait afin de compléter les disponibilités. La Chine, où l’offre et la demande intérieures progressent de plus de 20 pour cent par an depuis plusieurs années, en est le meilleur exemple; la production devrait s’accroître de 18 pour cent pour l’année en cours. D’autres grands importateurs de lait en poudre, tels que la Thaïlande, l’ Indonésie et les Philippines, pourraient réagir à la hausse des cours internationaux en limitant l’augmentation de leurs importations tout en favorisant la production intérieure.
De nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes sont ouverts au commerce et émergent en tant que gros exportateurs de lait et de produits laitiers. L’ Argentine est un exemple frappant et les prix élevés des produits laitiers que l’on constate aujourd’hui, bien qu’atténués par les taxes à l’exportation, stimulent la production laitière et les exportations de produits laitiers, en particulier de fromage et de lait entier en poudre. La progression de la production laitière de l'Argentine a été de 7 pour cent en 2006 et pourrait être de 8 pour cent cette année, du fait du raffermissement des prix du lait. Cette croissance dépendra de la hausse des prix des cultures et des céréales fourragères, qui à la fois réduit la disponibilité des parcours et affecte la rentabilité du secteur laitier. Il est possible que la production de l’ Uruguay, autre grand importateur laitier d’Amérique du Sud, s’intensifie de 4 pour cent, ce qui renforcera son potentiel croissant d’exportation. Les importateurs nets de la région de l’Amérique latine, profitant des prix internationaux élevés, continuent également d’augmenter la production. Les prévisions tablent sur un accroissement de 3 pour cent ou plus de la production du Brésil en 2007, ce qui pourrait le repositionner en exportateur net. Le Mexique, premier importateur de lait en poudre écrémé, pourrait accroître la production de lait de 1 pour cent en 2007. Il est prévu que le Venezuela, le Chili et la Colombie intensifient respectivement leur production de 6 pour cent, de 4 pour cent et de 2 pour cent.
La production laitière de l'Afrique continue d’être très peu touchée par la fluctuation des cours internationaux en raison de la faible participation des producteurs au secteur structuré du lait, et l’on prévoit donc que la production sera peu ou aucunement influencée par le récent relèvement des prix. Après un léger recul ces dernières années, la production de lait de l'Afrique devrait se redresser quelque peu. La dépendance de la région à l’égard des importations de produits laitiers, et pour ainsi dire exclusivement des laits en poudre, se renforce et devrait gonfler sensiblement les factures des importations cette année. En É gypte, des problèmes de maladies animales ont induit un repli de la production laitière d’environ 20 pour cent ces deux dernières années, mais les politiques mises en œuvre pour promouvoir la production devraient freiner le recul. Au Kenya, la production devrait encore baisser de 3 pour cent, ce qui est dû à la restructuration de l’industrie. En Afrique du Sud, importateur net de produits laitiers soumis à des contingents tarifaires et à la fixation de prix nationaux, il est prévu que la production perde encore 1 pour cent en 2007, les prix élevés du maïs affaiblissant la rentabilité du secteur laitier.
La production laitière devrait reculer légèrement au Canada, à l'instar de la demande intérieure, mais augmenter de 1 pour cent aux États-Unis, où l’impact positif de la hausse des prix des produits laitiers est atténué par le renchérissement des aliments pour animaux. Les États-Unis sont en grande partie isolés des marchés internationaux pour le beurre et le fromage, mais continuent d’être le premier ou second grand exportateur de lait en poudre écrémé et le principal fournisseur de composants du lait à valeur élevée, tels que les protéines de lactosérum. Du fait du resserrement des liens des États-Unis avec les marchés mondiaux, la progression continue des cours internationaux pourrait positionner ce pays en tant que fournisseur important et concurrentiel d’une large gamme de produits laitiers.
En raison partiellement de facteurs liés à dégradation des conditions météorologiques, la production laitière dans l’UE (élargie à 25) a fléchi de presque 1 pour cent en 2006, ce qui a encore diminué l’offre excédentaire de lait et les surplus de produits laitiers. En 2007, la production laitière devrait augmenter de 1 pour cent dans les 25 pays membres pour s’établir à 147 millions de tonnes, grâce à un retour à des conditions météorologiques plus habituelles, mais la hausse des prix des aliments pour animaux et le découplage des subventions dans certains pays membres pourraient limiter l’ampleur de la reprise. En janvier 2007, l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’UE a permis d’accroître de 7,5 millions de tonnes les disponibilités laitières, soit environ 5 pour cent de la production de l’UE. Ces deux pays couvrent largement leurs besoins nationaux en produits laitiers et bénéficient également d’une production laitière stable. Leur adhésion ne modifiera donc pas profondément la position commerciale de l’UE. Les réformes politiques mises en œuvre dans l’UE ont peu à peu changé l’économie de la production laitière en réduisant les mesures d’incitation à la production et en encourageant la consommation nationale. La réduction du soutien accordé aux prix du lait écrémé en poudre et du beurre, initiée en 2003, sera achevée cette année. Les stocks de produits laitiers se sont progressivement amenuisés (voir figure 32). Les remboursements à l’exportation ont donc été ramenés à zéro pour le lait en poudre tant écrémé qu'entier et n’ont jamais atteint des niveaux aussi bas pour le beurre (750 €/tonne) et le fromage (348 €/tonne). La part de l’ UE dans les marchés d’exportation des principaux produits laitiers a continué de décliner (voir figure 33). Il se pourrait donc que l’UE cède sa place de premier producteur mondial de lait, en volume, à la Nouvelle-Zélande.
L’Océanie, qui n’assure que 4 pour cent de la production mondiale, est toutefois le plus grand exportateur de la région, sa part du marché représentant plus de 35 pour cent. En raison de sécheresses répétées et de réformes de politique générale (2000), la production laitière en Australie est inférieure aux volumes enregistrés il y a 10 ans. La production laitière pour la campagne de commercialisation 2006-2007 (se terminant en juin) devrait chuter d'encore 7 pour cent, du fait de la sécheresse qui a régné de la fin 2006 jusqu’en mai 2007. Les prévisions ne tablent que sur une progression de 1 pour cent de la production laitière en Nouvelle-Zélande durant la campagne commerciale 2006-2007 (se clôturant en mai), ce qui est également dû à de mauvaises conditions de végétation. En conséquence de ce repli, la région éprouvera des difficultés à maintenir les exportations de produits laitiers.
En équivalent lait, les exportations totales de produits laitiers devraient légèrement augmenter en 2007 par rapport à 2006. Le fléchissement des exportations de l’ UE et de l’ Australie, principaux exportateurs, devrait être en effet largement compensé par la hausse des ventes de la Nouvelle-Zélande et de l’ Argentine. Reste à savoir quelle sera l’évolution dans l’année de la situation des exportations pour l’ UE et l’ Australie. Il faudra également s’interroger sur la capacité des pays exportateurs émergents à faire face à la hausse des prix. Bien qu’il soit possible que les exportations effectuées par ces pays augmentent, elles ne représentent qu’une faible part du marché et on ne peut envisager, à court terme, qu’elles puissent répondre au surplus actuel de la demande d’importation. Reste enfin à savoir comment la production et les exportations internationales de lait répondront au désalignement actuel des prix. Les rapports des prix actuels semblent indiquer que la part de lait utilisée aux fins de la production et de l'exportation augmentera pour les laits en poudre, mais qu’elle diminuera dans le cas du beurre, du fromage et d’autres produits laitiers actuellement sous-évalués.
La demande de lait entier en poudre continue d’être ferme. En dépit des prix actuels élevés, le volume des échanges devrait croître de 2,4 pour cent en 2007 pour atteindre un nouveau record, en raison notamment du prépaiement d’une grande partie des importations négociées dans le cadre de contrats à long terme (six mois). Selon les prévisions, les importations réalisées par l’ Algérie, le plus gros importateur de lait entier en poudre, n’augmenteront que d'un pour cent en 2007, la hausse des prix freinant la demande et les projets nationaux destinés à renforcer la production de lait afin de réduire les importations commençant à prendre effet. La Chine, deuxième importateur mondial, devrait acheter 15 pour cent de plus de lait entier en poudre cette année, car l’offre reste insuffisante pour satisfaire la forte demande intérieure. En revanche, l’ Indonésie pourrait réduire ses achats cette année, du fait de la hausse des prix des importations. S’agissant des exportations, la Nouvelle-Zélande et l’ Argentine devraient accroître les expéditions de 5 et 14 pour cent respectivement, l’augmentation des prix ayant conduit à une intensification de la production. Toutefois, comme il a été indiqué précédemment, il est prévu que l’ UE et l’ Australie réduisent les exportations. De manière générale, la hausse des disponibilités exportables (suite à une nouvelle répartition de la transformation et des exportations de lait) devrait se traduire par une baisse du prix du lait entier en poudre d’ici à la fin 2007.
Compte tenu essentiellement du recul des disponibilités exportables de l’ UE, les exportations de lait écrémé en poudre ont stagné ces dernières années. Plus de 90 pour cent des importations de lait écrémé en poudre sont le fait des pays en développement. Le Mexique est le plus grand marché, mais du fait des prix élevés qui règnent actuellement sur les marchés internationaux, le pays devrait réduire ses importations en 2007, y compris les volumes pouvant être achetés sur les budgets nationaux consacrés à l’aide alimentaire. Le repli des importations reflète également les programmes du gouvernement visant à promouvoir la production nationale de lait. L’ Algérie, second importateur de lait écrémé en poudre, diminuera aussi les importations en 2007, des efforts étant engagés pour intensifier la production intérieure. Plus de 60 pour cent des importations de lait écrémé en poudre sont destinées aux pays d’Asie, en particulier ceux caractérisés par une rapide augmentation des revenus. Le raffermissement des prix internationaux a induit une augmentation du volume du produit sur les marchés internationaux pour répondre à la poussée de la demande de protéines du lait. Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ont tous deux nettement augmenté les ventes et sont devenus les deux plus grands exportateurs mondiaux. La part des exportations de l’ UE a considérablement baissé ces dernières années. Depuis 2004, les exportations des États-Unis ne sont plus subventionnées. Étant donné que les cours internationaux dépassent aujourd’hui les prix intérieurs, il est probable que les États-Unis, deuxième producteur mondial de lait écrémé en poudre après l’ UE, renforceront leurs exportations pour tirer bénéfice du niveau soutenu du marché mondial. Les prévisions tablent sur une légère progression des exportations en 2007. L’ Inde présente encore une incertitude majeure pour le marché: si l’interdiction d’exporter du lait écrémé en poudre ne se prolonge pas au-delà d’août 2007, on ne sait pas quels pourraient être les volumes exportés et leur incidence sur les marchés internationaux.
Depuis 2004, les échanges de beurre et de fromage ont très peu progressé mais les prix ont continué d’augmenter. En 2007, les exportations mondiales de beurre devraient reculer de 2,3 pour cent, ce qui est en grande partie dû au tassement des disponibilités de l’ UE. Les exportations de fromage, en revanche, devraient enregistrer une légère progression de 1,2 pour cent, en raison d’une offre plus abondante en Argentine. Par rapport à d’autres produits laitiers, le volume des échanges de beurre et de fromage entre pays développés est en hausse (38 et 64 pour cent respectivement). Étant donné que la demande est moins dynamique dans ces pays et que le beurre et le fromage sont davantage soumis à des contingents tarifaires dans divers pays, leurs prix ont moins augmenté que ceux d’autres produits laitiers. La divergence des prix devrait conduire à une nouvelle répartition de la production de lait vers d’autres produits, car les marges se compensent. Tableau 11. Exportations de produits laitiers
1 Les échanges entre les 25 pays membres de l’Union européenne ne sont pas compris.
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