moteurs de changements et leurs implications sur le secteur forestier
Les facteurs de changements socio-démographiques
Les mouvements des populations
Les mouvements démographiques ont un impact certain sur le secteur forestier dans l'immédiat et en conditionnent l'avenir. Dans ce chapitre sur les moteurs de changement nous allons étudier les différents impacts à partir des tendances actuelles afin de ne pas tomber immédiatement dans le cycle vicieux des hypothèses et contre hypothèses.
La dégradation des forêts due au facteur humain est à relativiser parce que des analyses simplistes ont souvent prédit un anéantissement des forêts dans un délai de moins de 10 ans, ce qui n'est pas encore arrivé. Comme ce n'est pas le cas, d'autres facteurs ont dû entrer en jeux pour contre balancer les effets néfastes comme nous allons le voir plus loin dans l'étude détaillée des facteurs de changement et de leurs interrelations.
Accroissement démographique
La population du Rwanda est actuellement estimée à 8 344 000 habitants soit une densité brute de 317 habitants au km2 avec une croissance de près de 3,6%. Cette population exerce plusieurs actions sur le secteur dont la création des ressources forestières et leur exploitation. Compte tenu de l'exiguïté du territoire national et de la forte densité de la population, les opportunités de création des ressources forestières sont fortement limitées. Il faut noter en même temps que l'augmentation de la population s'accompagne de l'accroissement des besoins en produits forestiers, alors que l'augmentation de la production forestière ne suit pas la tendance.
Les variations démographiques (accroissement et décroissement) ne peuvent pas à elles seules expliquer les changements observés sur les forêts; il faut aussi faire intervenir ses comportements envers les écosystèmes forestiers. C'est pourquoi l'impact de ce facteur sera toujours étudié sur base des actions de cette population plutôt que sur base de leur effectif uniquement.
Dans l'immédiat cependant, la taille de la population constitue l'un des facteurs de dégradation et de perte de superficies des espaces forestiers à travers:
la coupe de plus de bois pour l'énergie et la construction ;
la conquête (illicite) des terres forestières pour l'agriculture.
Accroissement des populations urbaines
Une faible proportion de la population nationale, soit 12% habite les villes. Depuis 1995, l'exode rural est devenu important et l'urbanisation est encouragée par les pouvoirs publics qui voient en elle un moyen de désengorger le secteur agricole. Les centres urbains constituent les principaux débouchés des campagnes pour les produits forestiers.
Les villes peuvent être un facteur indirect d'accroissement des ressources forestières parce que grâce à elles, le paysan peut bénéficier d'un revenu monétaire substantiel qui le stimule à produire encore plus. Cependant cela n'est possible que dans le cas d'une saine gestion des massifs forestiers et d'une bonne organisation de la filière bois au niveau national.
En fait la réalité est tout autre: l'accroissement de la population urbaine entraîne l'augmentation des besoins en énergie domestique et donc en bois, ce qui implique une dégradation et une régression plus rapide des forêts. En plus de cela, les techniques de production de cette énergie sous forme de charbon sont hautement déficitaires.
C'est ainsi que les massifs boisés des Monts Kigali et Shyorongi, naguère qualifiés de "poumons de la ville de Kigali" qui reculent inexorablement suite à l'expansion de la ville et à l'exploitation anarchique.
La région de Bugesera est en voie désertification suite au déboisement excessif pour la production du charbon vendu à Kigali.
Les centres urbains et notamment la ville de Kigali constituent encore un facteur de dégradation des forêts et de la partie orientale de notre pays. En effet malgré la faible productivité de cette région et l'interdiction d'exploiter ses ressources forestières à des fins commerciales, le charbon en provenance des régions de l'Est continue d'être vendu dans la ville de Kigali.
Le système de l'habitat
Ce facteur agit sur les forêts par la distribution spatiale, le type et les matériaux de construction.
L'habitat dispersé
L'habitat dispersé est solidement encré dans la tradition ruandaise. On estime qu'en dehors des agglomérations urbaines et des habitats groupés "imidugudu" créés depuis 1995, le reste de la population soit environ 80% vit dans l'habitat dispersé à la campagne.
Ce type d'habitat conjugué à l'effet de la densité de la population ne favorise pas un bon aménagement du territoire et une exploitation optimale de l'espace, car il est par exemple impossible de créer de grands massifs forestiers industriels ne permet pas un bon aménagement du territoire. Chaque habitation "urugo" dispose d'une cour individuelle qui ne produit rien, et on peut dire que dans ce sens l'habitat dispersé ne permet pas une exploitation optimale de l'espace. Il est par exemple impossible de créer de grands massifs forestiers industriels.
Il en résulte que l'on est obligé de créer plusieurs micro - boisements très exposés à une dégradation rapide parce qu'il est assez difficile d'établir un plan d'aménagement ou de gestion et surtout de faire le suivi pour cette mosaïque de petites plantations forestières.
Parallèlement à ces difficultés d'ordre technique, on note que la construction d'une habitation traditionnelle demande trop de bois qui entrent dans la composition des murs et qui constituent à 100 % la charpente.
L'habitat groupé
La politique de l'habitat groupé (imidugudu actuellement prônée par le Gouvernement est l'habitat groupé (Imidugudu). Le système de l'habitat groupé permet une minimisation du gaspillage des terres et aménagement aisé du territoire. Dans cette logique il est théoriquement un facteur favorable au développement du secteur forestier.
L'habitat groupé est une notion relativement nouvelle dans les mentalités nationales depuis 1995. Les "imidugudu" d'essais ont été construits à travers tout le pays. Cependant, le constat est que cette initiative a été un facteur de destruction massive des boisements.
En effet des habitations groupées ont été construites dans un premier temps sur des terrains publics couverts de boisements. On estime à 15 000ha, la superficie des boisements perdus à cette époque, pour servir d'installation à l'habitat groupé.
Le caractère "massif et instantané" de ces constructions a en outre occasionné la consommation de trop de bois.
Néanmoins, il faut reconnaître que tout le monde est d'accord au moins sur un point: une politique de l'habitat groupé bien planifiée , bien appliquée et bien suivie présente bien plus d'avantages que d'inconvénients pour plusieurs secteurs y compris pour le secteur forestier. Notons enfin que les mentalités sont en train de changer; la construction d'une agglomération n'est plus synonyme d'un défrichement préalable d'un boisement.
Utilisation du bois énergie dans les ménages
Plus de 90% de l'énergie consommée dans les ménages provient de la biomasse. Le foyer traditionnel utilisé dans plus de 95% des ménages à la campagne est réputé pour son gaspillage d'énergie parce qu'il ne permet que des rendements calorifiques de l'ordre de 15 à 20%. Dans les villes, on utilise des foyers métalliques qui brûlent du charbon, la plupart de ses foyers se caractérisent par une grande déperdition de l'énergie calorifique.
Toutes ces pertes cumulées d'énergie se traduisent sur le terrain par l'abattage de plus de bois. Le Ministère en charge de l'Energie, (MINERENA), le Ministère en charge des Forêts (MINAGRI) et les ONG encouragent les techniques de l'économie d'énergie- bois à travers les projets de vulgarisation. L'impact de ses techniques d'économie d'énergie sur les ressources forestières n'est pas très visible sur le terrain, mais il n'a pas non plus été évalué.
On peut noter en outre que ces techniques ne sont pas à la portée du paysan dont le revenu est très aléatoire. Ce qui fait qu'un nombre limité de la population les a adoptées.
Selon l'enquête réalisée par le MINERENA et la Banque Mondiale en 2000, les taux d'adoption des foyers améliorés à bois et des foyers amélioré à charbon étaient respectivement de 6% et 9% dans six Provinces enquêtes.
Le régime foncier
Le système actuel se caractérise par une dualité de deux droits en présence:
le droit écrit ;
le droit coutumier.
Le droit écrit reconnaît les terres faisant l'objet d'une procédure d'appropriation privative (immatriculation, cadastrage, titre de propriété). Ce droit permet à une très faible minorité de la population qui a les moyens, d'acquérir la propriété et de disposer des droits absolus sur la terre. Cette frange de la population a les pouvoirs de faire tout ce que bon lui semble sur sa terre.
Le droit coutumier est appliqué sur d'importantes superficies. Sur ces terres, les paysans ont le droit d'usus alors que le véritable propriétaire des terres reste l'Etat.
Le système actuel n'est pas à priori un facteur de nature à encourager le développement du secteur forestier notamment en ce qui concerne la création des boisements.
Si l'on se place du côté du droit écrit, l'avenir de la foresterie est incertain dans la mesure où le propriétaire dispose des droits absolus sur sa terre
Du côté coutumier, le secteur forestier ne peut pas se développer convenablement pour trois raisons suivantes :
le droit coutumier favorise le morcellement excessif des terres par dévolution successorale. Cette situation fait qu'il n'y ait plus assez d'espaces à reboiser et que certains boisements privés sont défrichés aux fins de l'agriculture ;
le droit coutumier est l'origine de l'habitat dispersé parce que chaque paysan est obligé de construire sa maison dans sa propre parcelle. Les effets négatifs de ce système d'habitat ont été décrits au paragraphe II.1.2.1 ;
le droit coutumier place le paysan dans une situation "d'insécurité foncière" parce que la terre ne lui appartenant pas de droit, il n'est pas stimulé à consentir de gros investissements à long terme en créant par exemple des boisements qui peuvent occuper la terre pendant longtemps. Il faut cependant rappeler qu'aucune loi n'interdit ce genre de spéculation le problème réside dans la sécurisation des investissements.
Il n'est pas possible d'octroyer des crédits bancaires aux paysans qui présentent comme garantis "leurs terres" parce que n'étant pas enregistrées, ces terres ne peuvent pas constituer d'hypothèques à la banque.
Etat de l'éducation
Le niveau d'analphabétisme au Rwanda reste l'un des plus élevés d'Afrique. Selon le plan d'action global pour la sécurité alimentaire (1998), le Rwanda comptait 47,3% d'analphabètes pour toute la population, alors que seulement 0,25% est diplômée des études supérieures.
Au niveau de la formation professionnelle en sciences forestières, le pays compte une seule école secondaire qui forme les techniciens forestiers. Pour la formation de ses hauts cadres forestiers, le Rwanda recourt aux écoles des pays étrangers. Le manque d'école de formation de cadres forestiers de conception dans le pays est l'un des problèmes qui sont à l'origine de l'insuffisance des cadres forestiers dont les conséquences sont la mauvaise gestion des forêts.
Le niveau de formation de la population généralement bas constitue un sérieux handicap à la réception et à l'assimilation des thèmes de vulgarisation du service forestier.
Activisme de la société civile
Depuis 1990, on assiste à la prolifération des associations et ONG environnementalistes nationales, ce mouvement s'est amplifié après 1994.
Celles - ci ont une très faible marge de manœuvre :
La majorité d'entre elles n'a pas de personnalité juridique ;
Les moyens financiers sont insuffisants ;
Les membres manquent d'expériences et de formations( informations) en sciences environnementales
Elles présentent cependant des potentialités pour faire passer plus facilement le message sur la protection de l'environnement dans la mesure où elles sont beaucoup plus près de la population et moins bureaucratiques.
Pratiques agro-pastorales
Les exploitations agricoles au niveau national se caractérisent par leur exiguïté. De ce fait les parcelles agricoles sont cultivées avec peu de possibilités de mise en jachère. Et comme il n'existe presque pas d'apport de fertilisants; la chute des rendements est inévitable. Ceci pousse le paysan à se rabattre sur les écosystèmes forestiers dans l'espoir d'augmenter sa production.
Le caractère extensif de l'élevage bovin influe lui aussi négativement sur les écosystèmes forestiers nationaux. La dégradation de l'environnement s'observe beaucoup plus dans la région des savanes de l'est où la productivité des pâturages est très faible alors que la capacité de charge est de loin dépassée.
La surpopulation du bétail a un impact négatif sur les activités du Parc National de l'Akagera parce que le vagabondage du bétail y est monnaie courante. Certains feux de brousse observés dans cette région auraient pour objectif la recherche d'herbes fraîches pour le bétail.
Installation des rapatriés
Les autorités nationales ont déclassé 180 000 ha du parc de l'Akagera pour y installer des milliers de Rwandais rapatriés à partir de 1994.
D'autres populations se sont installées illégalement dans des réserves de forêts de montagnes comme Gishwati, Cyamudongo et Mukura.
L'installation des populations dans la région de l'Est traditionnellement déficitaire en produits forestiers entraîne des conséquences néfastes à l'équilibre écologique de la région. On commence à observer autour des villages d'importantes étendues de terres sans arbres et à très faible couverture herbeuse. Des pro blèmes de désertification sont à craindre dans un avenir proche si rien n'est fait dans l'immédiat. Le bois autour des villages est coupé pour la cuisine alors que l'herbe est broutée et piétinée par les troupeaux de vaches en surnombre.
Dans les régions de haute altitude, le défrichement des forêts a pour conséquences immédiates. Des cas graves d'érosion ravinante et de glissements de terrains sont tel que les espoirs de reconquête par les forêts sont quasi nuls.
Les facteurs de changement liés aux performances économiques
Le Rwanda est classé parmi les 45 pays les plus pauvres de la planète. La guerre et le génocide de 1994 sont venus empirer une situation économique déjà détériorée.
Tout le système de production au niveau national a été détruit et la pauvreté s'est accrue et généralisée. A titre indicatif, le PIB par habitant est passé de 376 $us en 1990 à 237 USD en 1999.
La faible production agricole, la chute des cours mondiaux du café et du thé, la réduction drastique des investissements publics et privés dans différents secteurs économiques du pays ont contribué à la paupérisation de la population et à la forte démonétisation du secteur rural. L'état des indicateurs socio-économiques qui figurent à l'annexe 6 donne l'idée de l'évolution chaotique de l'économie nationale sur la période 1990-1998.
Les conséquences de cette crise économique sur le secteur forestier sont nombreuses mais nous n'en citerons que quelques unes:
Les boisements sont surexploités à la recherche de l'argent liquide ;
Les paysans tiraillés par les problèmes quotidiens de survie ne s'investissent plus dans le secteur forestier ;
Le pouvoir d'achat très fragilisé voir inexistant ne leur permet plus d'avoir accès aux innovations technologiques comme l'utilisations de foyers améliorés ;
Enfin, le marasme économique généralisé a eu pour effet la réduction des investissements publics dans le secteur forestier à leur strict minimum.
Les facteurs de changements politiques et institutionnels
Politique et réglementations forestières
Politique forestière
La politique suivie dans le secteur forestier au niveau national repose sur 3 piliers suivants:
Constitution et conservation à long terme d'un patrimoine forestier écologiquement équilibré sur l'ensemble du pays ;
Augmentation de la production forestière ;
Meilleure utilisation et valorisation de la production forestière.
Législation forestière
La loi n°47/1988 du 5 décembre 1988 portant organisation du régime forestier au Rwanda a été votée et promulguée, il y a 13 ans. Son principe fondamental réside dans l'obligation de maintenir et de développer les surfaces boisées du pays et dans l'institutionnalisation du service forestier national (art.6).
Cette loi consacre 3 domaines forestiers et précise les modalités de leur gestion(art.27à 63). Elle prévoit une série de mesures visant la conservation et l'exploitation forestière (64 à 87) et définit l'exercice de la police forestière (art.95 à 99) ainsi que les dispositions pénales correspondantes (art.100 à 102).
La loi forestière est diversement appréciée; certains articles sont jugés caduques, très laxistes ou très protectionnistes. La loi fait obligation aux propriétaires de boisement de plus de 2 ha d'élaborer des plans d'aménagement. Or, compte tenu de l'insuffisance criante des ressources humaines et matérielles, il est difficile de faire le suivie de l'applicabilité de ces mesures. Les articles relatifs à la police forestière et aux dispositions pénales sont jugés laxistes et inadaptés à la situation actuelle.
Au chapitre de la conservation des forêts et de l'exploitation, la loi est jugée trop protectionniste et certains de ses articles décourageraient l'investissement dans le secteur forestier. Ainsi la taxe de 1% imposée sur le produit de l'exploitation des plantations forestières privées de plus de 2 ha est perçue comme un impôt à la production.
Bien que la loi forestière existe depuis 1998 toutes les dispositions légales n'ont pas encore été prises pour la rendre opérationnelle dans son intégralité. Il n'y a pas eu de publication ou d'actualisation des arrêtés d'application pour la mise en place des procédures et des organes dans les domaines ci-dessous :
L'organisation et les attributions du service forestier national ;
Les contrats de gestion ;
Les instructions relatives à la coupe du bois ;
La mise en place de la commission forestière préfectorale ;
Les procédures de classement et de déclassement ;
La mise en place d'un service d'inventaire forestier national permanent.
Malgré les critiques et reproches qu'on peut faire à la loi forestière, on lui reconnaît une grande qualité: celle d'être souple et simple pour permettre son application modulée par la réglementation et les instructions ministérielles. Dans ce contexte, Les lacunes et défaillances préjudiciables au développement du secteur forestier observées dans l'application de la réglementation forestière seraient beaucoup plus dues aux problèmes des institutions impliquées dans la gestion de ce secteur qu'à la conception de la loi elle-même.
Cadre institutionnel du secteur forestier
Présentation des principales institutions du secteur forestier
Le service forestier national a été créé par la loi n°47/1988 du 5 décembre/1988 portant organisation du régime forestier au Rwanda. ce service existe dans les faits même s'il n'y a pas de textes légaux qui déterminent son organisation et ses attributions.
Quatre institutions de l'Etat sont actuellement concernées par ce service. Il s'agit de:
La Direction des Forêts ( DF)qui est sous la tutelle du Ministère de l'agriculture, de l'Elevage et des Forêts. Sa principale mission est d'assurer un développement équilibré du secteur forestier. Elle est chargée de concevoir des politiques, des programmes d'aménagement et de les faire appliquer ;
L'Office Ruandais du Tourisme et des Parcs Nationaux ( ORTPN ) est du ressort du Ministère du Commerce, de l'Industrie et du Tourisme ( MINICOM), il a la gestion des forêts naturelles classées comme parcs nationaux ;
La Direction de la Protection de l'Environnement qui relève du Ministère des Terres de la Réinstallation et de la Protection de l'Environnement, il a un rôle de surveillance de tout ce qui touche à l'environnement en général ;
L'Institut des Sciences Agronomiques est établissement public de recherche agricole dont l'un de ses départements s'occupe spécialement de la foresterie.
Au niveau national, l'administration forestière est représentée par la DF. Sur le terrain, l'administration forestière est sensée être représentée au niveau de Province et de District par un agent forestier. Les projets forestiers sous tutelles du MINAGRI exécutent les programmes forestiers de la DF.
Les ONG comme CARE international, les organismes de coopération bilatérale comme la GTZ appliquent la politique du service forestier.
Evaluation des institutions
L'administration forestière
Le fonctionnement de l'administration forestière est actuellement handicapé par l'insuffisance quantitative et qualitative des ressources humaines et des moyens matériels. On compte seulement 5 ingénieurs forestiers sur 11 prévus dans l'organigramme de la DF (voir annexe 7). Dans les Provinces et Districts, plusieurs postes forestiers sont vacants. Selon H. FORESTER et Q. DUCENNE, 1999, on comptait 46 agents forestiers sur un total requis de 189. Pour des raisons de restrictions budgétaires, les postes de moniteurs et de gardes forestiers ont été supprimés au niveau des Secteurs.
En comparaison avec la situation d'avant 1994, les projets forestiers sont très rares. La plupart des pays qui étaient impliqués dans la coopération bilatérale et qui apportaient un appui institutionnel à la DF avant la guerre n'ont pas encore repris cette coopération.
Les capacités de l'administration forestière sont actuellement très faibles. Cela a pour conséquence la détérioration du patrimoine forestier. On assiste ainsi :
à la diminution de l'effort de création des plantations forestières ;
à la régression des superficies forestières ;
à la mauvaise gestion du patrimoine forestier national ;
aux difficultés de faire respecter la législation forestière.
Recherche forestière
La recherche forestière est assurée par le département de foresterie de l'Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda (ISAR). Ce département :
le programme forêt naturelle
le programme reboisement
le programme agroforesterie
le programme semences forestières
Actuellement, faute de crédits et de chercheurs suffisants, certaines activités de recherche sur terrain se sont arrêtées ou sont réduites au strict minimum. Le tableau suivant résume la situation des ressources humaines engagées dans la recherche:
Tableau 1: Situation des ressources humaines au département de foresterie
|
Qualification et niveau |
Personnel disponible |
personnel requis |
|
Ingénieurs forestiers A0 |
2 |
4 |
|
Ingénieurs forestiers A1 |
5 |
4 |
|
Techniciens forestiers A2 |
5 |
8 |
|
Total |
12 |
16 |
Politique de décentralisation
Le Gouvernement ruandais a entamé une politique de décentralisation qui se concrétise par le renforcement des capacités des administrations provinciale et de district. Certaines décisions qui revenaient au Gouvernement central seront dévolues aux gouvernements locaux. On estime qu'il y aura plus d'efficacité dans les procédures administratives et dans la mise en œuvre des mesures techniques. Si les comités des élus locaux sont suffisamment sensibilisés à la sauvegarde de l'environnement, le secteur forestier tirera avantage de cette nouvelle donne politique dans ce sens que les décisions techniques seront mieux mises en œuvres et mieux suivies.
Faits nouveaux dans le secteur agricole
La mise en valeur des marais
Le Rwanda dispose de 165 000 ha de marais soit 8% des terres cultivables et 10% des terres cultivées. 94 000 ha étaient exploitées avec des méthodes traditionnelles alors que 5 000 ha étaient aménagées avec des infrastructures de maîtrise de l'eau en 2000. L'aménagement des terres marécageuses et les possibilités d'intensification agricole offertes par les terres aménagées constituent des moyens sûrs pour diminuer la pression agricole sur les écosystèmes forestiers. L'exploitation agricole des marais demande cependant des moyens financiers et techniques qui ne sont pas toujours disponibles.
Modernisation de l'agriculture
L'agriculture ruandaise se caractérise par de très faibles rendements: ils sont estimés à peine à 600kg/ha pour les céréales, à 600 kg/ha pour les légumineuses et à 5 tonnes pour les tubercules. Pourtant, les rendements peuvent être quadruplés moyennant le recours aux facteurs d'intensification à savoir les fertilisants, les produits phytosanitaires et les semences de qualité.
L'utilisation des intrants modernes d'intensification est cependant au stade embryonnaire et se heurte au manque de formation et d'information ainsi qu'à la faiblesse des capitaux dans les milieux ruraux .
L'utilisation d'intrants agricoles sera bénéfique au secteur forestier dans la mesure où le paysan pourra augmenter la production agricole par l'augmentation des rendements par unité de surface et non par l'accroissement des superficies cultivées qui ne peut se faire qu'au dépend des forêts.
Intensification de l'élevage
Actuellement la politique du MINAGRI en matière d'élevage préconise la réduction du cheptel bovin de 749 677 à 500 000 têtes sur une période de 10 ans. L'objectif global étant de passer de l'élevage de prestige caractérisé par un grand nombre de têtes mais à faible rendement à un élevage économique plus rentable. Dans ce cadre des vaches laitières pur sang sont introduites dans le pays et des efforts sont consentis pour améliorer le bétail local grâce à l'insémination artificielle.
L'intensification de l'élevage demande un encadrement plus rapproché du bétail et peut à ce titre être bénéfique aux écosystèmes forestiers dans la mesure où elle favorise le contrôle des mouvements du bétail , prévient et décourage la divagation.
Agribusiness
L'un des grands défis à relever par le MINAGRI est de passer d'une agriculture de subsistance dont le seul objectif est l'autosuffisance alimentaire à une agriculture de marché. Le concept de l'agribusiness est d'introduction récente mais elle occupe une place de choix dans la stratégie de vulgarisation agricole du MINAGRI.
L'adoption de l'agribusiness permettra la valorisation des produits agricoles, leur diversification, leur commercialisation et pourra enfin créer des emplois à l'aval de l'agriculture et procurer des revenus supplémentaires.
L'agribusiness favorisera le développement du secteur forestier dans ce sens qu'en créant des emplois non directement liés au travail de la terre et en augmentant le revenu monétaire, la pression agricole sur les superficies forestières diminuera et la population deviendra capable d'adopter des innovations technologiques qui contribueront à l'utilisation durable des forêts.
Développement industriel et ses effets indirects sur la foresterie
L'industrie du Rwanda est au stade embryonnaire. Les revenus générés par l'activité industrielle sont très faibles. L'industrie employait 1,7% de la population active en 1996 et contribuait pour 20% au PIB en 1996. La situation de l'industrie en 2000 n'est guère meilleure, la population active employée par l'industrie reste faible et sa contribution au PIB n'a pas beaucoup variée.
Le faible développement de l'industrie nationale fait qu'une très grande partie de la population active se rabatte dans le secteur agricole avec toutes les conséquences néfastes décrites au paragraphe 2.1.7 sur le secteur forestier
Le Rwanda dispose d'un important potentiel énergétique, plusieurs sources d'énergies sont recensées (la biomasse, l'hydroélectricité, la tourbe, le gaz méthane, le soleil, le vent, la géothermie, etc.). Les hydrocarbures constituent aussi une source d'énergie importée à l'exception du gaz méthane exploité dans le lac Kivu. Le tableau 2 montre les potentialités des différentes sources d'énergie.
Tableau 2: Potentialités des sources d'énergie au Rwanda
|
Domaines |
Sources d'énergies |
Potentialités ( réserves) |
|
Electricité |
hydroélectricité |
107 sites favorables à l'installation des microcentrales hydroélectriques et 3 grands sites intérieurs Plusieurs sites communs sur les rivières Rusizi et Akagera |
|
Energies nouvelles et renouvelables |
bois papyrus tourbe Soleil |
5 354 000 m3/an 400 000 T/an 155 000 000 T 4,5 Kw/m2/jour |
|
Hydrocarbures |
gaz méthane |
55 000 000 000 m3Normales |
Il y a un déséquilibre dans l'exploitation de ces différentes sources d'énergie. Le bois est surexploité alors que le reste des sources d'énergie est peu ou pas utilisé (papyrus, soleil, hydroélectricité, etc.) (voir annexe 8).
Selon le document de politique sectorielle de l'énergie au Rwanda du Ministère de l'Energie, de l'Eau et des Ressources Naturelles (1999), l'exploitation insuffisante de ces sources est due:
à l'inexistence des technologies appropriées d'exploitation des énergies nouvelles et renouvelables ;
à l 'insuffisance des moyens pour développer et appliquer, les technologies appropriées;
au faible pouvoir d'achat des populations.
Cette situation fait que 94% de l'énergie utile consommée provienne de la biomasse. Cet état de fait se répercute négativement sur l'environnement et provoque des déforestations.
Infrastructures de communication
Les infrastructures de communication jouent un grand rôle dans le commerce. Dans le cas du Rwanda, la route et les airs constituent les seules ouvertures sur l'extérieur. Il faut noter aussi que le pays s'est résolument engagé dans le développement des infrastructures modernes de télécommunication.
Communication avec l'extérieur
L'aéroport de Kanombe constitue une infrastructure moderne de communication qui permet une ouverture sur l'extérieur mais il ne joue pas un rôle commercial aussi important que la route.
Le Rwanda est relié à tous les pays limitrophes (le Burundi au Sud, la République Démocratique du Congo à l'Ouest, la Tanzanie à l'Est et l'Uganda au Nord) par des routes goudronnées qui jouent un rôle de premier plan dans le commerce avec l'extérieur.
Kigali, la capitale économique et administrative, est reliée aux grands ports commerciaux de Mombasa et Dar-es-Salaam respectivement par des routes longues de 1 800 km et 1 600 km. Le transport se fait essentiellement par camions et les longues distances à parcourir jusqu'aux grands ports constituent un handicap à une éventuelle exportation des produits forestiers nationaux parce que ceux-ci ne seraient pas compétitifs sur les marchés internationaux.
Infrastructures de télécommunication
Le Rwanda est en train d'améliorer son réseau de téléphones fixes à travers le pays (villes) et il s'est ouvert aux technologies modernes de télécommunication par l'introduction de la téléphonie sans fils et la communication par Internet qui constituent autant de facteurs de désenclavement. Ces moyens de communications sont concentrés pour la plupart dans les centres urbains et faiblement présents dans les milieux ruraux.
Concernant les médias écrits et radiodiffusés, on constate que les journaux sont concentrés dans les villes. Pour faire passer le message plus rapidement dans les campagnes on a souvent recours à la radiodiffusion.
Les moyens de communication à l'intérieur du pays sont très limités et ceci entrave la vulgarisation des thèmes sur la conservation de l'environnement.
Réseau routier national
Le Rwanda compte l'un des plus denses réseaux routiers d'Afrique, soit une densité de 204 m/ km2. On compte: 894 km de route goudronnées; 1 324 km de routes principales en terres (réseau national) et 3 160 km de pistes secondaires (réseau communal)
Ce réseau peut contribuer à une meilleure valorisation du bois en favorisant l'échange entre les régions productrices du bois et les centres de consommation ou faciliter l'accès aux massifs forestiers pour l'exploitation ou l'aménagement. On déplore cependant la détérioration de plus en plus de l'état des routes: cette situation s'est aggravée depuis la fin de la guerre de 1994. Le développement des moyens de communication peuvent être un atout pour favoriser le commerce, attirer les investisseurs qui peuvent contribuer à l'industrialisation du pays qui, comme on le verra plus loin, constitue un facteur indirect de développement du secteur forestier.
En général la balance nationale des paiements est déficitaire. La situation est beaucoup plus grave dans le cas du commerce des produits forestiers où le pays importe chaque année des produits forestiers pour plusieurs milliards de francs ruandais; alors que la valeur des exportations est presque nulle (voir annexe 8).
Au niveau national, le commerce des produits forestiers est très actif entre les campagnes et les villes; le produit le plus vendu est le charbon dont la consommation annuelle est évaluée à 76 000 tonnes.
Les techniques de valorisation du bois restent artisanales à tous les niveaux d'utilisation.
Valorisation du bois - énergie
Le bois est utilisé à plus de 95% pour produire de l'énergie des ménages. Il est brûlé sous sa forme primaire ou transformé en charbon mais dans les deux cas on déplore d'importants gaspillages d'énergie qui font payer un lourd tribut aux forêts. Cependant des recherches sont actuellement menées par les ONG (certaines sont déjà au point) pour développer des techniques d'utilisation permettant l'économie d'énergie. Des projets en ce sens sont financés par la Banque Mondiale, la GTZ, le Gouvernement ruandais etc.
Travail du bois
Le travail du bois consiste en sciage de long qui produit environ 30 000 m3 de planches et madriers par an , la sculpture sur bois fabrication de meubles de qualité moyenne due en grande partie au manque de savoir faire technologique de la part des artisans. Les techniques de transformation mises en œuvre actuellement ne consomment pas du bois de façon massive, mais la qualité des produits ne permet pas à l'exploitant de bénéficier d'un revenu forestier assez suffisant pour réinvestir dans le secteur.
Le travail du bois de pins n'est pas connu dans les milieux d'artisans, ces derniers ne maîtrisent pas son conditionnement et ceci fait qu'il y ait d'importants boisements de pins à maturité qui ne sont pas exploités.
Transformation industrielle du bois
La Société Ruandaise des Allumettes (SORWAL) est la seule usine qui transforme le bois, elle a une capacité annuelle de transformation 2160m3. Pour des raisons internes à sa gestion l'usine travaille en dessous de sa capacité et consomme chaque année seulement 760,5 m3 de bois. Pour des besoins strictement d'usinage 160 agents travaillent dans l'usine sans compter les emplois créés à l'extérieur par l'abattage et le façonnage du bois.
Actuellement l'usine s'approvisionne en bois de pins dans les milieux paysans de la région de Gikongoro. Elle offre aux paysans des opportunités de gagner de l'argent liquide en vendant leurs boisements.
Il faut noter cependant que le secteur de du bois au niveau national n'est pas développées . Cela se traduit par un désintéressement de la population à la création de nouvelles plantations forestières et à la gestion des boisements existants.
Investissement dans le secteur forestier
Après la guerre (1994) les investissements publics dans les projets forestiers ont dramatiquement diminué. A titre de comparaison, entre 1992-1994, 5650 millions de Frw ont été allouées à 12 projets forestiers contre 4 717,03 millions de Frw alloués à 8 projets forestiers sur la période 1995-2001.
Sur 3 018,18 millions de Frws prévus par le PIP 1998-2000 et programmés pour financer 8 projets entre 1995 et 2000, l'Etat n'a pu mettre à la disposition que 394, 8 millions de Frws, soit 13% des dépenses programmées pour financer 4 projets (voir annexe 9).
Le manque d'investissement intervient malheureusement dans un contexte d'après guerre qui a presque détruit le secteur forestier national.
La carence d'investissement est principalement due :
à la crise économique qui a suivi la fin de la guerre civile 1990-1994 ;
à la non reprise de la coopération par les organismes internationaux ;
à l'arrêt des financements bilatéraux et multilatéraux.
Suite aux crédits insuffisants consentis au secteur forestier on constate que :
L'aménagement des forêts est compromis ;
Le fonctionnement normal de l'administration forestière est perturbé ;
Les superficies des forêts et boisements régressent.