Benjamin Kiersch, Division de la mise en valeur des
terres et des eaux, |
INTRODUCTION
Il est estimé que les pratiques dutilisation des terres ont dimportants impacts tant sur la disponibilité que sur la qualité des ressources en eau. Ces impacts peuvent être à la fois favorables et défavorables. Il est logique de penser que les avantages découlant dune gestion améliorée des terres, ou que les coûts associés aux impacts défavorables sur les ressources en eau produits par des utilisations impropres des terres, puissent être ressentis non seulement par les utilisateurs qui en sont la cause, mais aussi par ceux qui vivent en aval ou - dans le cas de la nappe phréatique - consomment des eaux souterraines polluées. Pour évaluer ces coûts et avantages, il faut avoir une perspective biophysique claire de la mesure dans laquelle différentes méthodes dutilisation des terres influencent le régime hydrologique et la qualité de leau, et connaître la taille du bassin versant où ces impacts ont une incidence.
Sur la base de textes publiés en la matière, le présent document propose une typologie des impacts de lutilisation des terres sur les ressources en eau, et tente dévaluer limportance de chacun par rapport à léchelle spatiale du bassin.
IMPACTS DE LUTILISATION DES TERRES SUR LES RESSOURCES EN EAU
Pour établir des relations entre les utilisateurs de leau en amont et en aval, il est important davoir un tableau clair des impacts possibles de lutilisation des terres tant sur le régime hydrologique (disponibilité en eau) que sur la qualité de leau, et des échelles auxquelles ces impacts exercent leur incidence. Dans les sections qui suivent, il est proposé de classer les impacts de lutilisation des terres sur les ressources en eau, danalyser les principaux facteurs qui en sont responsables et de fournir des exemples tirés de la littérature existante en la matière.
Lexamen passe en revue les impacts produits par lagriculture, le pâturage, la foresterie et les pêches, étant donné que ces domaines relèvent du mandat de la FAO. Les autres utilisations des terres, comme lexploitation minière et en carrière, lorganisation et lindustrialisation, qui exercent aussi une incidence marquée sur le régime hydrologique, ne sont pas traitées ici. En outre, le document met laccent sur les impacts physiques sur les ressources en eau. Ceux sur les ressources aquatiques vivantes, comme les poissons et les autres organismes habitant leau, les écosystèmes aquatiques et les terres humides, ne sont pas analysés explicitement. Reste à décider si et comment ils devraient être inclus dans cette typologie.
Il est difficile de formuler des déclarations valables universellement sur les impacts de lutilisation des terres sur les ressources en eau et ce, pour plusieurs raisons. Ces impacts dépendent dune multitude de facteurs naturels et socioéconomiques. Les facteurs naturels comprennent le climat, la topographie et la structure du sol. Dans les facteurs socioéconomiques sont inclus la capacité économique et la prise de conscience des agriculteurs, les pratiques de gestion et le développement de linfrastructure, comme les routes. En outre, il pourrait être difficile de faire la distinction entre les impacts de lagriculture et les impacts naturels ou dorigine humaine, comme celui des écoulements provenant de lagriculture vis-à-vis de ceux des égouts ruraux sur la dégradation de leau superficielle et souterraine.
IMPACTS DE LUTILISATION DES TERRES SUR LE RÉGIME HYDROLOGIQUE
En ce qui concerne le régime hydrologique, on peut différencier les impacts sur les eaux de surface de ceux sur les eaux souterraines. Les effets de lutilisation des terres sur leau de surface sont de deux sortes: i) impacts sur la disponibilité globale en eau ou écoulement annuel moyen et ii) impacts sur la répartition saisonnière de cette eau. Pour ce qui est de cette dernière, les impacts sur les débits de pointe et ceux sur les débits de saison sèche revêtent une certaine importance. En ce qui concerne leau souterraine, il faudra étudier leffet de lutilisation des terres sur la réalimentation de la nappe.
Ecoulement superficiel moyen
Limpact de lutilisation des terres sur lécoulement moyen dépend de nombreuses variables dont la plus importante est le régime hydrologique de la couverture végétale en termes dévapotranspiration (ET), laptitude du sol à retenir leau (capacité dinfiltration) et la capacité de la couverture végétale dintercepter lhumidité.
Tout remplacement dans la couverture végétale dune ET faible par une autre plus élevée entraînera une diminution du débit annuel. Daprès lexamen dessais menés dans 94 bassins versants, Bosch et Hewlett (1982) ont conclu que létablissement dun couvert forestier sur une terre à la végétation clairsemée diminuait lapport deau. Les forêts de conifères, les forêts feuillues décidues, les formations arbustives et les tapis de graminées ont (dans cet ordre) une influence décroissante sur les écoulements provenant de la zone des sources où les couverts ont été manipulés.
En revanche, le remplacement dans la couverture végétale de plantes à ET élevée par des plantes à ET plus faible accroît lécoulement superficiel moyen: la réduction du couvert forestier augmente lapport deau (Bosch et Hewlett, 1982; Calder, 1992). Toutefois, limpact dépend beaucoup des méthodes de gestion appliquées et des autres utilisations des terres. Une exploitation attentive et sélective na quun effet limité ou nul sur le débit. Après maturation de la nouvelle couverture végétale, le débit pourrait être plus abondant, égal ou inférieur par rapport à sa valeur originelle, en fonction de la végétation (Bruijnzeel, 1990).
Les exceptions à cette règle concernent les forêts de brouillard, qui peuvent intercepter davantage dhumidité (précipitation occulte) que celle consommée par lET (Bosch et Hewlett, 1982), et les forêts très anciennes qui, suivant les espèces, pourraient absorber moins deau que la végétation qui sétablit après une coupe rase (Calder, 1998).
Les gains de débit diminuent au fil du temps avec létablissement de la nouvelle couverture végétale, mais les échelles temporelles peuvent varier grandement. Dans les zones humides et chaudes, leffet de la coupe rase est plus éphémère que dans les zones moins humides, en raison de la régénération accélérée de la végétation (Falkenmark et Chapman, 1989).
Lapport deau croissant dû au changement de couverture végétale naugmente pas nécessairement les disponibilités en aval. Le débit pourrait diminuer en raison dautres facteurs, comme la consommation deau par la végétation riveraine ou les pertes par transmission (infiltration dans le lit) (Brooks et al., 1991).
Débits de pointe/crues
Les débits de pointe peuvent saccroître à la suite dun changement dans laffectation des terres si la capacité dinfiltration du sol se réduit, par exemple par le compactage du sol ou lérosion, ou si la capacité de drainage saccroît. Les débits de pointe peuvent aussi augmenter après labattage darbres (Bruijnzeel, 1990). Les augmentations relatives dans les débits dorage, après lélimination des arbres, sont les plus faibles lors dévénements importants et les plus prononcées lors de petits événements. Quand les précipitations se font plus abondantes, linfluence du sol et de la couverture végétale sur le débit dorage diminue (Bruijnzeel, 1990; Brooks et al., 1991).
Une augmentation des débits de pointe pourrait aussi résulter de la construction de routes ou dinfrastructures. Des études menées dans le nord-ouest des États-Unis ont montré que la construction de routes forestières peut intensifier considérablement le débit de pointe coulant des zones boisées (La Marche et Lettenmaier, 1998; Bowling et Lettenmaier, 1997). Le regroupement de petites parcelles en champs étendus peut déterminer laccroissement des taux découlement, en raison de la présence de systèmes de drainage et de routes daccès goudronnées (Falkenmark et Chapin, 1989). En revanche, les débits de pointe tendent à diminuer si la capacité dinfiltration du sol saccroît.
Dans les grands bassins versants, les effets des pratiques dutilisation des terres sur le débit de pointe sont atténués par le temps de réponse des divers affluents, les différentes utilisations des terres et les variations dans le régime des précipitations (Bruijnzeel, 1990) Dans ces bassins, cet effet de désynchronisation peut conduire à une réduction des écoulements maximaux, bien que le débit dorage total augmente en raison des changements dans lutilisation des terres qui surviennent dans les sous-bassins versants individuels (Brooks et al., 1991).
Débit de base/débit de saison sèche
Leffet des changements dans laffectation des terres sur le débit de saison sèche dépend de processus concurrentiels, et notamment de variations dans lET et de la capacité dinfiltration du sol. Limpact net est normalement très spécifique du lieu (Calder, 1998).
Dans les zones tropicales, le boisement peut déterminer des baisses dans les débits de saison sèche en raison de lintensification de lévapotranspiration. Dans le bassin versant de Mae Thang (Thaïlande), les programmes de boisement ont entraîné des pénuries deau en aval qui ont abouti à la fermeture saisonnière dune usine de traitement des eaux usées et à la diminution des volumes disponibles pour lirrigation (Chomitz et Kumari, 1996). De même, dans les îles Fidji, un grand programme de boisement en pins (60 000 ha), dans des bassins versants autrefois tapissés dherbe, a déterminé une réduction de 50 à 60 pour cent du débit de saison sèche, mettant à risque lopération dune centrale hydroélectrique et lapprovisionnement en eau potable (FAO, 1987).
La plupart des essais menés dans des zones aux régimes dominés par les précipitations ont montré que lélimination des forêts (ou labandon des végétaux à haute consommation deau en faveur de ceux à faible consommation) accroît les débits de saison sèche (Brooks et al., 1991). En revanche, ces débits en provenance de terres déboisées pourraient diminuer si la capacité dinfiltration du sol se réduit du fait, par exemple, de lemploi dengins lourds (Bruijnzeel, 1990). Le faible débit résultant de longues périodes sans pluies ou de sécheresses prolongées nest pas nécessairement très influencé par des changements dans le couvert végétal (Brooks et al., 1991).
Réalimentation de la nappe souterraine
La réalimentation de la nappe souterraine pourrait saccroître ou décroître suite à des changements dans les pratiques dutilisation des terres. Les principaux facteurs déterminants sont lET de la couverture végétale et la capacité dinfiltration du sol. Lalimentation de la nappe est souvent liée aux débits de saison sèche, car leau souterraine contribue considérablement aux débits des fleuves pendant la saison sèche.
Le niveau de la nappe pourrait remonter suite au recul de lévapotranspiration, après lexploitation ou la conversion des forêts au pâturage, par exemple. La réalimentation pourrait aussi saccroître du fait dune hausse du taux dinfiltration, comme dans le cas du boisement de terres dégradées (Tejwani, 1993).
En revanche, le niveau de la nappe tend à baisser si linfiltration du sol diminue, comme il advient dans le cas de lapplication de techniques agricoles non respectueuses de la conservation ou du compactage du sol (Tejwani, 1993). Le surpâturage aussi peut déterminer une baisse de la capacité dinfiltration et de réalimentation de la nappe (Chomitz et Kumari, 1996). Si ce manque de capacité dinfiltration est très prononcé, des pénuries deau peuvent savérer pendant la saison sèche, même dans des régions où leau est normalement abondante, comme dans le cas de la culture itinérante dans la province de Cherapunji en Inde (FAO, 1999) De même, la réalimentation de la nappe peut diminuer avec la plantation dessences à enracinement profond comme les eucalyptus (Calder, 1998).
IMPACTS DE LUTILISATION DES TERRES SUR LA QUALITÉ DE LEAU
Les pratiques dutilisation des terres peuvent exercer des impacts importants sur la qualité de leau lesquels influencent défavorablement ou, dans certains cas, favorablement la consommation de leau en aval. Ces impacts comprennent les changements dans la charge sédimentaire et la concentration des nutriments, sels, métaux et produits agrochimiques, la pénétration dagents pathogènes et la modification du régime thermique.
Erosion et charge sédimentaire
Les forêts jouent un rôle protecteur vis-à-vis de lérosion du sol. La protection est due principalement à la présence du sous-bois et de la litière, et à leffet stabilisant du réseau racinaire. Sur les pentes raides, leffet de stabilisation net des arbres est normalement positif. La couverture végétale peut prévenir les légers glissements de terrain (Bruijnzeel, 1990). Cependant, en présence dune déclivité prononcée, les grands glissements de terrain ne sont pas retenus de manière appréciable par la couverture végétale. Ils peuvent contribuer au volume des sédiments, comme dans le cas des collines moyennes de lHimalaya (Bruijnzeel et Bremmer, 1989).
Le boisement ne diminue pas nécessairement lérosion du sol. Lérosion par éclaboussement peut faire lobjet dun fort accroissement après lélimination de la litière du sol forestier (Bruijnzeel, 1990). La dimension des gouttes de pluie qui se forment sur le couvert varie largement suivant les espèces, produisant des différences notables dans le potentiel dérosion par éclaboussement (Calder, 1998).
Le déboisement peut accroître lérosion. En Malaisie, les cours deau provenant des zones exploitées charriaient de 8 à 17 fois plus de sédiments quavant lexploitation (Falkenmark et Chapman, 1989). Cependant, la perte effective de sol dépend largement de lutilisation à laquelle a été soumis le terrain après la coupe des arbres. En présence dherbages bien entretenus, de forêts faisant lobjet dun broutage limité et de pratiques agricoles respectueuses de la conservation du sol, lérosion superficielle est faible à modérée (Bruijnzeel, 1990).
La construction de routes peut être la cause dune érosion considérable pendant les opérations dexploitation forestière. Aux États-Unis, il est estimé que les routes forestières sont responsables de 90 pour cent de lérosion provoquée par les opérations dexploitation (Brooks et al., 1991; Bruijnzeel, 1990).
Les effets des mesures de lutte contre lérosion sur la charge sédimentaire sont le plus prononcés sur les lieux où ces mesures sont appliquées. Une relation inverse sinstaure entre la taille du bassin et le taux de sédimentation. Dans les bassins mesurant plusieurs centaines de kilomètres carrés, les améliorations pourraient nêtre visibles quaprès de nombreuses années, voire des décennies, en raison des effets demmagasinage (Bruijnzeel, 1990).
Les apports de sédiments en aval ne peuvent toujours être attribués au changement des pratiques dutilisation des terres survenant en amont. Les impacts humains sur la charge sédimentaire sont souvent considérables dans des zones aux conditions géologiques stables et aux faibles taux dérosion. Toutefois, dans celles aux précipitations abondantes et à forte déclivité, et en présence dune érosion naturelle très importante, limpact de lutilisation des terres pourrait être négligeable. Dans le bassin versant de Phewa Tal au Népal, par exemple, six pour cent seulement de lapport total de sédiments proviendraient, daprès les calculs, de lérosion superficielle (Bruijnzeel, 1990).
Les sédiments peuvent représenter un polluant aussi bien physique que chimique. Les caractéristiques de la pollution physique causée par les sédiments sont la turbidité (pénétration limitée de la lumière solaire) et la sédimentation (perte de capacité du réservoir en aval, destruction des récifs coralliens, perte de frayères pour certains poissons). La pollution chimique due aux sédiments est le fait de ladsorption de métaux et de phosphore, ainsi que de produits chimiques organiques hydrophobes (FAO, 1996).
Nutriments et matière organique
Un changement daffectation des terres peut altérer la teneur en nutriments de leau superficielle et souterraine, notamment les niveaux dazote (N) et de phosphore (P). Le déboisement peut provoquer dans leau de fortes concentrations de nitrates (NO3) dues à la décomposition du matériel végétal et à labsorption réduite des nutriments par les plantes. La concentration de nitrates dans les écoulements dans les bassins versants déboisés peut être 50 fois supérieure à celle dun bassin versant boisé au cours de plusieurs années (Falkenmark et Chapman, 1989; Brooks et al., 1991).
De nombreux facteurs sont à lorigine de laccroissement de lapport azoté dans les masses deau dû à lagriculture, y compris lépandage dengrais, le fumier provenant de la production animale, les boues résiduaires des usines municipales de traitement des eaux usées et laération du sol. En Europe, lagriculture est responsable dimportantes émissions dazote dans les eaux superficielles et souterraines. En ce qui concerne lazote inorganique, ces émissions dues à lagriculture vont de 50 pour cent au Danemark à 71 pour cent aux Pays-Bas (FAO, 1996). Un excès de lessivage des nutriments se produit souvent si les engrais sont épandus sur des cultures saisonnières en terrain perméable. Au Sri Lanka, la concentration de NO3-N dans les eaux souterraines de zones sous piments et oignons atteint 20-50 mg/l (BGS et al., 1996). Le couvert végétal continu réduit le lessivage de lazote; les périodes de jachère et la perturbation des sols laugmente (BGS et al., 1996). Le labourage peut accroître les concentrations de NO3 dans les eaux superficielles et souterraines, car loxygénation du sol cause la nitrification (Falkenmark et Chapman, 1989). Dans les rizières, les pertes dues au lessivage sont probablement inférieures en raison de la dénitrification du sol et des pertes par volatilisation (BGS et al., 1996). Lépandage de fumier provenant de lélevage et lécoulement direct peuvent provoquer lacidification des sols, du fait de la volatilisation de lammoniac, qui peut à son tour accroître la solubilité des métaux dans le sol (FAO, 1996).
Le lessivage des phosphates (PO4) dans leau est inhibé par des processus dadsorption des particules dargile (BGS et al., 1996). Cependant, la production animale peut être une importante source de P dans leau. Lécoulement direct provenant des élevages intensifs de bétail dégrade souvent notablement les eaux superficielles et souterraines. Dans lUE, aux déchets du bétail vont 30 pour cent du P contenu dans les eaux superficielles, alors que les autres utilisations agricoles nen produisent que 16 pour cent (FAO, 1996).
Les sédiments chargés de phosphates forment parfois, au fond de lacs objet dun processus deutrophisation, un réservoir de nutriments qui peut être libéré dans leau en conditions anoxiques, ce qui fait quil est difficile de lutter contre leutrophisation dans le court terme par la limitation de lapport de P. Leutrophisation peut être atténuée par le dragage des eaux sédimentaires ou par oxydation de lhypolimnion, mais ces solutions sont plutôt coûteuses (FAO, 1996).
Il est difficile de quantifier le rôle exact de lagriculture dans la contamination des eaux superficielles et souterraines. Dans la plupart des pays, le suivi ne suffit pas à évaluer lampleur de la pollution par les nutriments due à lutilisation des terres. Dans les zones rurales, il peut être malaisé de faire la distinction entre la pollution agricole et celle provoquée par les eaux usées non traitées (BGS et al., 1996).
En pisciculture en eau douce, la forte teneur en nutriments rencontrée dans leau de surface vient des aliments non consommés et des fèces produites par les poissons (FAO, 1996).
Agents pathogènes
Les activités dutilisation des terres peuvent influencer la qualité bactériologique de leau, créant des dangers pour la santé des consommateurs en aval. La concentration de bactéries pathogènes dans les eaux de surface pourrait saccroître, suite aux activités de pâturage le long des berges ou à lintroduction dans les cours deau de déchets animaux.
La réduction des débits, par exemple, conséquence de la dérivation de leau en amont à des fins dirrigation, cause parfois des accumulations deau dans les dépressions des lits des fleuves. Ces accumulations se transforment en terrains de reproduction pour les vecteurs des maladies transmises par leau, comme le paludisme. Lorsque la baisse du débit provoque lintrusion deau salée dans les estuaires, les micro-organismes tendent à proliférer dans les eaux saumâtres (FAO, 1995).
Pesticides et autres polluants organiques persistants
Dune manière générale, lapplication de pesticides compromet la qualité des ressources en eau superficielle et souterraine car leurs composés sont conçus pour être à la fois toxiques et persistants. La pénétration des pesticides dans les eaux souterraines est due à leur persistance et à leur mobilité, ainsi quà la structure du sol. Les métabolites issus de ces pesticides sont parfois aussi toxiques et mobiles que le composé lui-même (BGS et al., 1996). Chez lhomme et les animaux, les pesticides peuvent avoir des effets violents et chroniques. Les composés lipophiles saccumulent dans les tissus adipeux (bio-concentration) et dans la chaîne alimentaire (bio-amplification) (FAO, 1996).
Les pesticides absorbés par le sol peuvent sintroduire dans leau suite à leur utilisation en agriculture, en foresterie et en pisciculture. En outre, laccumulation et la décharge sans précautions de pesticides vieux et périmés sont souvent responsables dune grave contamination des eaux souterraines et de surface (FAO, 1996). La pisciculture encourage lintroduction de biocides, de désinfectants et de médicaments dans les eaux de surface (FAO, 1996).
Limpact effectif de la contamination des ressources en eau en aval est souvent difficile à quantifier. Le suivi des pesticides est complexe car les concentrations sont très faibles, si bien que de grands échantillons, un sondage attentif et des instruments analytiques sophistiqués sont indispensables pour ce faire (BGS et al., 1996). Etant donné que de nombreux pesticides sont transportés en même temps que les matières en suspension, les analyses de leau donnent parfois des résultats incomplets. Pour certains pesticides, les techniques danalyse ne sont pas toujours assez précises pour en détecter la présence aux fins de protéger la santé humaine. Les pesticides plus récents, qui sont solubles et se dégradent plus rapidement, ne peuvent être décelés quen un laps de temps très bref après leur application; cest pourquoi les programmes de suivi conventionnels mis en oeuvre sur une base mensuelle ou trimestrielle sont rarement capables de quantifier la présence et de déterminer limportance des pesticides dans les eaux superficielles (FAO, 1996).
Salinité
Une augmentation de la salinité dans les eaux superficielles et souterraines peut avoir des effets préjudiciables pour les consommateurs en aval, notamment pour lirrigation et lapprovisionnement en eau à usage domestique. Limpact de lutilisation des terres sur la salinité dépend de facteurs climatiques aussi bien que géologiques.
Les activités dirrigation et de drainage peuvent accroître la salinité des eaux de surface et souterraines en provoquant lévaporation et le lessivage des sels présents dans le sol. Ce problème intéresse en particulier les zones arides, où leau de drainage souterraine a toujours une plus forte teneur en sel, est plus calcaire et a un taux dabsorption du sodium plus élevé que leau de distribution (FAO, 1997). Les eaux de drainage issues de lagriculture irriguée peuvent aussi déterminer une concentration accrue de sélénium dans les eaux souterraines et superficielles (Postel, 1997).
Un taux élevé dapplication de chlorure de potassium risque daccentuer son lessivage dans les eaux souterraines. À Sri Lanka, par exemple, il a été estimé que dans certaines zones sous agriculture intensive, les niveaux de chlorure des eaux souterraines pouvaient sélever, aux taux actuels dapplication de lengrais, jusquà 400 mg/l dici 2010, chiffre qui dépasse de loin la concentration acceptable pour leau potable établie par lOMS (250 mg/l) (BGS et al., 1996).
Dans les zones côtières, lextraction deau pour les activités agricoles peut contribuer indirectement à la salinisation des ressources hydriques. Lextraction deau souterraine pour lirrigation et les usages industriels et domestiques entraîne parfois lintrusion deau de mer dans la nappe et, partant, la salinisation des eaux souterraines (FAO, 1997). La baisse de débit due aux prélèvements en amont ou à la construction de réservoirs peut déterminer une intrusion deau saumâtre dans la zone estuarienne (FAO, 1997).
Métaux lourds
Dans bien des cas, les pratiques dutilisation des terres contribuent directement ou indirectement à accroître la concentration de métaux lourds dans leau. Une voie qui mène directement à une telle situation est lapplication de fumier et des boues résiduaires des usines de traitement des eaux usées, qui pourraient présenter une forte concentration de métaux lourds. Cest ainsi que le fumier de porc a souvent une teneur élevée en cuivre (FAO, 1996).
Indirectement, lutilisation des terres peut influencer la concentration des métaux lourds dans les eaux de surface et souterraines en accroissant la mobilité des métaux dorigine humaine ou géologique présents dans le sol. Les métaux lourds contenus dans le sol peuvent être transférés dans les masses deau par des processus érosifs. Lacidification du sol, causée par la volatilisation de lammoniac dans les champs traités au fumier ou dans les parcs dengraissement, pourrait augmenter la solubilité des métaux lourds emmagasinés dans le sol et, partant, leur introduction dans les eaux superficielles et souterraines. Des taux élevés de prélèvement de leau souterraine à des fins dirrigation peuvent altèrent le milieu chimique du sol et accroître la mobilité des métaux lourds dorigine géologique. Cest peut-être la raison de la concentration accrue darsenic au Bangladesh (Ahmed et Amin, n.d.).
Changements dans le régime thermique
Les pratiques dutilisation des terres influencent souvent le régime thermique de leau de surface. Dans les petits cours deau, lélimination de la végétation riveraine peut provoquer un accroissement de la température de leau (pollution thermique) (Brooks et al., 1991). De même, les débits des eaux daval en provenance des zones irriguée font parfois hausser la température du cours deau récepteur (FAO, 1997). La hausse de température diminue la solubilité de loxygène, ce qui peut nuire à lactivité biologique aquatique dans leau ainsi quà la capacité autonettoyante de la rivière.
LES QUESTIONS DÉCHELLE
Lexamen des impacts sur les ressources en eau de lutilisation des terres exposé plus haut ne tient pas compte des aspects de leur répartition dans lespace et le temps. Cependant, les questions déchelle revêtent une importance fondamentale pour lévaluation de ces impacts car elles montrent si des pratiques adoptées en amont sont susceptibles dinfluencer la consommation deau en aval.
Echelle spatiale
En ce qui concerne léchelle spatiale, cest-à-dire la taille du bassin versant, limpact de lutilisation des terres pourrait diminuer sous leffet de facteurs comme la désynchronisation (dans le cas des crues, par exemple), la capacité demmagasinage du lit du fleuve (sédimentation) ou son aptitude autonettoyante (pollution organique). Simultanément, limpact peut saccentuer dans les grands bassins à cause des effets daccumulation, comme dans le cas de la salinité.
Les changements dans le régime hydrologique et la sédimentation découlant de lutilisation des terres sont inversement proportionnels à la taille du bassin. Les effets seront plus immédiats dans les petits bassins versants ne dépassant pas quelques centaines de kilomètres carrés. Un cas bien documenté est celui du bassin hydrographique Gange-Brahmapoutre-Meghna. Daprès les études, dans les petits bassins versants (<50 km2), lérosion et le débit des cours deau peuvent être profondément influencés par le changement daffectation des terres (Ives et Messerli, 1989). Cependant, linondation des plaines au Bangladesh nest pas reliée à lintensification du débit de pointe ou à lérosion provoquée par le déboisement dans les montagnes de lHimalaya au Népal. Les principales forces responsables de linondation des plaines sont des pluies torrentielles dorigine naturelle, cumulant souvent avec des interventions humaines dans les plaines alluviales, comme la construction de routes ou de berges (Hofer, 1998a; Ives et Messerli, 1989). De même, le gros du transport dans le système Gange-Brahmapoutre ne dépend pas de lérosion provoquée par lhomme, mais plutôt dimportants glissements de terrain qui ne sont pas influencés par lactivité humaine (Bruijnzeel et Bremmer, 1989).
En ce qui concerne les impacts sur la qualité de leau, le tableau est beaucoup moins clair. Daprès les observations, certains impacts dus à lutilisation des terres sur la qualité de leau, comme la salinité ou la charge de pesticides, peuvent avoir aussi des effets en aval dans les bassins versants moyens à grands, comme le bassin Murray-Darling (Australie), et dans le bassin du Colorado (États-Unis dAmérique/Mexique). Les autres impacts en aval, comme la présence de matière organique et dagents pathogènes, nont une incidence que dans les petits bassins versants.
Les dimensions spatiales des impacts de lutilisation des terres sont résumées dans le tableau 1.
TABLEAU 1: Dimensions spatiales des impacts de l'utilisation des terres
Impact |
Taille du bassin [km2] |
||||||
0,1 |
1 |
10 |
100 |
1 000 |
10 000 |
100 000 |
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Débit moyen |
x |
x |
x |
x |
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Débit de pointe |
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Débit de base |
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Réalimentation de la nappe |
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Charge sédimentaire |
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x |
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- |
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- |
Nutriments |
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x |
x |
x |
x |
- |
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Matières organiques |
x |
x |
x |
x |
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- |
- |
Agents pathogènes |
x |
x |
x |
- |
- |
- |
- |
Salinité |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
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Pesticides |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
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Métaux lourds |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
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Régime thermique |
x |
x |
- |
- |
- |
- |
- |
Légende: x = impact observable; = aucun impact observable
Echelle temporelle
Léchelle temporelle est un autre aspect important des impacts liés à lutilisation des terres, car elle aide à comprendre non seulement ces impacts, mais aussi le coût économique qui leur est associé. Deux aspects sont notables à cet égard. Premièrement, le temps qui sécoule avant quune utilisation des terres ait un impact sur les consommateurs en aval et, deuxièmement, dans le cas dimpacts défavorables mais réversibles, le temps nécessaire pour que les mesures correctives aient de leffet.
Les échelles temporelles des impacts dus aux utilisations des terres varient largement et peuvent aller, suivant limpact, de moins dun an, comme dans le cas de la contamination bactérienne, à des centaines dannées, comme dans le cas de la salinité. De même, les temps de récupération après des impacts nuisibles sont très différents et dépendent du type dimpact. Cependant, dans la plupart des cas, après un impact défavorable, le temps nécessaire pour la remise en état dun système aquatique est beaucoup plus long que celui qui sécoule avant lapparition de limpact (Peters et Meybeck, 2000).
CONCLUSION
Pour ce qui a trait aux impacts de lutilisation des terres sur les régimes hydrologiques et la charge sédimentaire, une relation inverse sétablit entre léchelle spatiale où les impacts sont observables et léchelle où la répartition pourrait avoir de limportance. Plus léchelle spatiale est limitée plus rapidement se feront sentir les impacts. Simultanément, le nombre de consommateurs deau qui pourront bénéficier ou souffrir dun changement particulier dans lutilisation des terres saccroît avec la taille du bassin versant. En raison de lampleur décroissante de limpact, les coûts et avantages respectifs seront limités. Cependant, les impacts des pratiques dutilisation des terres sur la qualité de leau, à savoir la salinité, la pollution par les pesticides et leutrophisation due à laccumulation des nutriments, pourront aussi revêtir de limportance dans les bassins de moyenne à grande taille. Ces impacts pourront exercer une incidence sur de nombreux usages en aval, y compris lapprovisionnement en eau potable, lindustrie, la pêche et dautres utilisations agricoles.
BIBLIOGRAPHIE
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terres et des eaux, |
INTRODUCTION
Le présent document présente les résultats dune enquête sur les mécanismes et instruments pouvant être utilisés pour établir des relations sociales, économiques et institutionnelles entre les utilisateurs des terres en amont et les consommateurs deau en aval, sur la base dune étude sur dossier des relations terres-eau dans les bassins versants ruraux.
Lenquête porte sur les mécanismes et instruments qui sont conçus expressément pour relier les utilisateurs des terres et les consommateurs deau dans le cadre dun bassin versant. Elle propose une typologie des mécanismes et des instruments et cite des exemples où ces instruments ont été mis en oeuvre.
Certains des instruments analysés ci-dessous ne visent pas à établir des liaisons entre des groupes spécifiques en amont et en aval, mais plutôt entre les agriculteurs ou utilisateurs des terres et lensemble de la société, comme dans le cas de certains programmes de subventionnement. Ils ont été inclus car ils pourraient aussi servir dans des contextes amont-aval plus spécifiques. En outre, ces instruments pourraient influencer de manière considérable lampleur des impacts de lutilisation des terres sur les ressources en eau. Dans certains pays en développement, par exemple, les subventions aux engrais vont de 50 à 60 pour cent, ce qui encourage le gaspillage qui mène à la pollution de lenvironnement, avec des répercussions préjudiciables sur la qualité de leau (Lankoski, 1996).
En pratique, on applique rarement ces mesures isolément mais on tend plutôt à les combiner. Cest ainsi que les incitations économiques pourraient être accompagnées de mesures de sensibilisation.
Un préalable essentiel pour la mise en oeuvre de tout mécanisme ou instrument reliant les deux groupes est lévaluation des coûts et avantages en aval découlant de lutilisation des terres en amont. Cette évaluation est une tâche ardue (voir aussi le document de travail 1) et ce, pour un grand nombre de raisons dont les suivantes:
Il pourrait être difficile de distinguer les impacts de lutilisation des terres des effets naturels ou dautres effets dorigine humaine, comme lexploitation minière et lurbanisation. Comparés à certains effets dorigine humaine ou naturelle, les impacts de lutilisation des terres sont souvent limités.
Certains impacts, comme la sédimentation, napparaissent parfois quaprès un long laps de temps, ce qui rend leur valeur nette actuelle très faible.
Pour dautres impacts, comme ceux qui affectent le régime hydrologique et la charge sédimentaire, une relation inverse paraît sétablir entre léchelle où les impacts peuvent être observés et celle où la répartition des avantages est importante. Ces impacts sont normalement le plus immédiats dans les petits bassins versants, alors que le nombre de consommateurs deau saccroît proportionnellement à la taille du bassin. Du fait que lampleur de limpact décroît à mesure quaugmente léchelle, les coûts et avantages respectifs pour le consommateur deau individuel pourraient savérer limités.
INSTRUMENTS ET MÉCANISMES SERVANT À ÉTABLIR DES RELATIONS AMONT-AVAL
Les instruments peuvent être regroupés en: instruments de régulation, instruments économiques, mécanismes éducatifs et de sensibilisation, mécanismes visant à améliorer laccès au marché, structures organisationnelles et approches participatives.
Instruments de régulation
Ces instruments (mesures de commande-contrôle) sont largement utilisés dans les pays développés pour protéger les ressources en eau contre les effets des pratiques dexploitation des terres, y compris la pollution. En Allemagne, la loi fédérale relative à leau prévoit létablissement de zones de protection de leau pour préserver les sources publiques de distribution, les eaux souterraines et les cours deau vis-à-vis des écoulements de sédiments, dengrais et de pesticides. Dans ces zones, les pratiques qui nuisent aux ressources en eau sont souvent restreintes ou interdites, comme lemploi de certains pesticides. Les agriculteurs qui sont pénalisés économiquement par ces restrictions ont droit à une compensation versée par lÉtat (Kraemer et Buck, 1997).
En Thaïlande, on a essayé de protéger les bassins versants en imposant des limitations à lutilisation des terres en fonction de la vulnérabilité de la zone. La superficie totale a été divisée en cinq catégories de bassins versants allant de ceux de montagne aux versants boisés et à forte déclivité (catégorie 1a), à ceux à faible pente et aux plaines sous agriculture intensive (catégorie 5). Les bassins versants les plus vulnérables, qui couvrent 16 pour cent du territoire de la Thaïlande, ont été déclarés zones protégées et mises hors production, à lexception du reboisement et de la remise en état de lenvironnement, et il était envisagé den évacuer les résidents. Toutefois, ce plan ne sest pas concrétisé, une forte pression politique ayant été exercée par les populations rurales qui demandaient une compensation pour leur déplacement et pour les restrictions imposées sur leurs terres. En outre, les autorités navaient quun pouvoir limité dapplication des règlements. De ce fait, le gouvernement a conféré lamnistie aux squatters illégaux de la forêt (Krairapond et Atkinson, 1998).
Instruments économiques
Parmi les instruments économiques servant à répartir entre les parties prenantes damont et daval les avantages et les coûts résultant des impacts de lutilisation des terres sur les ressources en eau figurent les subventions, les impôts et les droits de propriété et dusage transférables sur la terre, leau et les émissions.
Subventions
Les subventions comprennent des paiements directs et indirects, comme les exemptions sur les impôts, la réglementation des prix et des mesures de protection, octroyés par lÉtat pour réaliser certains objectifs. En ce qui concerne les impacts de lutilisation des terres sur les ressources en eau, des programmes directs et indirects de subventionnement sont en place et visent à dédommager les agriculteurs des coûts quentraîne la protection de leau.
Le programme de redevances pour la fourniture de leau appliqué dans la province de Baden-Württemberg, Allemagne, par exemple, illustre lemploi des subventions aussi bien directes quindirectes. Une taxe est imposée pour tout prélèvement deau superficielle ou souterraine. Les recettes dégagées servent à financer les paiements versés aux agriculteurs pour les dédommager des restrictions frappant lemploi des engrais dans des zones où leau fait lobjet de mesures de protection (paiement direct). Les agriculteurs peuvent bénéficier dun dégrèvement fiscal pouvant atteindre 90 pour cent sur les redevances pour la fourniture de leau à des fins agricoles (paiement indirect). Toutefois, cette subvention est subordonnée à la prise de toutes les mesures disponibles pour sauvegarder leau, et à lutilisation de leau superficielle au lieu de leau souterraine. (Kraemer et Buck, 1997) Cette dernière condition sexplique par le fait que leau souterraine est la principale source deau potable en Allemagne.
Au titre de laccord de New York relatif aux bassins versants, les propriétaires forestiers ont droit à un dégrèvement fiscal de 80 pour cent sur leurs impôts fonciers sils préparent un plan daménagement des forêts et quils sengagent à le mettre en oeuvre en 10 ans. Le plan daménagement comprend des mesures visant le maintien de la quantité et de la qualité de leau (New York Watershed Agricultural Council homepage; Tobias, 1999).
Au Royaume-Uni, un programme de subventionnement compense les agriculteurs qui adoptent des pratiques agricoles aptes à réduire le lessivage des nutriments, comme lemploi restreint dengrais ou la conversion en herbages de terres agricoles (Kraemer et Buck, 1997).
Impôts
Les impôts sont un autre instrument employé pour atténuer les effets défavorables des pratiques agricoles sur les ressources en eau. Pour lagriculteur, lincitation économique est semblable à celle de la subvention. Cependant, une importante différence existe: dans le cas des subventions, le gouvernement récompense lagriculteur qui évite la pollution, alors que dans le cas des impôts, lagriculteur paie pour les activités qui laugmentent, ou pour la pollution elle-même. Du point de vue des droits de propriété, la subvention confère implicitement à lagriculteur des droits de propriété environnementale, tandis que dans lapproche qui prévoit limpôt, les droits sappliquent à lensemble de la société, et lagriculteur doit payer pour en jouir.
Parmi dautres mesures applicables figurent les impôts sur les intrants agricoles (engrais, pesticides), les impôts établis en fonction du bilan nutritif et les impôts sur la concentration des effluents. Ceux concernant les intrants sont faciles à appliquer, mais leur impact sur lenvironnement est souvent faible pour diverses raisons (voir lexposé de Lankoski, 1996). Paradoxalement, leur principal effet pourrait être de réduire le revenu de lagriculteur. Les autres mesures, comme les impôts sur le bilan nutritif ou la concentration des effluents, ont une incidence majeure. Toutefois, leur mise en application soulève dimmenses difficultés liées à lévaluation des sources diffuses de pollution.
Droits de propriété ou dusage souples
Lune des façon des protéger les ressources en eau contre les impacts de lutilisation des terres est lacquisition de terres ou de droits dusage. LAccord de New York sur les bassins versants est un exemple de cette approche. En vertu de cet accord, la ville de New York peut acheter des terres dans des endroits vulnérables (berges de cours deau, terres marécageuses et réservoirs, par exemple) de bassins versants de montagne pour protéger lapprovisonnement en eau. Ces terres sont mises hors production ou réservées à certaines activités récréatives, comme la promenade ou la pêche avec un permis spécial. Par ailleurs, la ville peut acheter des droits sur certaines terres quelle entend affecter à la conservation. Cette servitude ne prive pas le propriétaire originel de sa propriété, mais il doit renoncer à lexploiter par la construction de bâtiments ou de routes. Un tel accord peut avoir une durée indéterminée. (Tobias, 1999).
Pour réduire les impacts de lutilisation des terres, une autre mesure prévoit loctroi de permis de pollution des cours deau. On trouve un exemple de cet instrument dans le programme de réduction de la salinité mis en oeuvre dans le bassin hydrographique Murray-Darling en Australie. Afin datténuer les inconvénients croissants de la salinité pour les consommateurs en aval (villes, industrie et agriculture) les trois États riverains financent conjointement un programme qui vise la dérivation des infiltrations deau salée dans la partie inférieure du bassin, diminuant ainsi la salinité en aval. En revanche, les États en amont reçoivent le droit déliminer dans des limites déterminées leau salée du drainage provenant de lirrigation. Un État peut accroître son «crédit de salinité» en contribuant aux coûts de nouveaux projets de dérivation de leau souterraine en aval. Le nombre limité de droits délimination de leau salée disponibles a permis daméliorer considérablement les pratiques dirrigation et lefficacité de lutilisation de leau dans les États en amont. Le gouvernement étatique finance les améliorations plutôt que dinvestir dans des projets visant laugmentation des droits délimination de leau salée. (Murray-Darling Commission home page)
Education et sensibilisation
Des programmes éducatifs encouragent les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles moins polluantes. Dans le programme pour le bassin versant de New York, les agriculteurs peuvent participer à des inspections environnementales de leur exploitation afin didentifier des sources de pollution éventuelles, les moyens de lutte antipollution adaptées et les zones hydrologiques vulnérables (New York Watershed Agricultural Council home page; Walter et Walter, 1999). De même, au Royaume-Uni, un programme réalisé par le Ministère de lagriculture offre aux agriculteurs des visites gratuites dans les exploitations pour préparer des évaluations sur le risque de pollution et des plans de gestion des déchets (Kraemer et Buck 1997)
Ces programmes sont normalement associés à un plan dincitations dont lobjectif est de réduire les risques de pollution et daméliorer lefficacité économique de lexploitation. Dans le cas de New York, par exemple, les agriculteurs reçoivent une aide financière pour linstallation de structures antipollution, comme les tuyaux en ciment.
Appui au marché
Laccès amélioré des agriculteurs damont aux marchés en aval est un autre mécanisme visant à intensifier la coopération entre les parties prenantes, mécanisme qui peut augmenter le revenu de lagriculteur et, dans le cadre dun accord de bassin versant, être utilisé comme incitation à conserver les ressources. (Preston, 1997) Au titre du programme agricole pour le bassin versant de New York, par exemple, les restaurants, les marchés et les fournisseurs se sont engagés à acheter eux-mêmes les produits des agriculteurs participants (New York Watershed Agricultural Council homepage).
Organisations
Le développement organisationnel est essentiel à la mise en place réussie des instruments servant à établir des relations entre les utilisateurs des terres en amont et les consommateurs deau en aval.
Les organisations ont deux importantes fonctions:
En premier lieu, elles constituent une instance déchange entre les parties prenantes en amont et en aval. Le cadre institutionnel mis en place dans le bassin versant Murray-Darling est un bon exemple de ce type dentité. Il consiste en trois organismes: le Conseil ministériel Murray-Darling et la Commission du bassin versant Murray-Darling, qui comprennent des ministres des États riverains et le Gouvernement fédéral australien, et le Comité communautaire consultatif, qui consiste en représentants des divers bassins versants formant le bassin principal, ainsi que des groupes dintérêts spéciaux. Dans ce cadre, des décisions sont prises sur le partage des ressources en eau et les coûts de gestion, ainsi que sur la planification à long terme de la gestion du bassin. Les décisions du Conseil ministériel et de la Commission du bassin sont prises à lunanimité, cest-à-dire avec le consentement de tous les États riverains (Murray-Darling Basin Commission home page).
Deuxièmement, les organisations jouent un rôle crucial en unifiant les intérêts et les opinions de groupes dusagers dispersés, comme les agriculteurs en amont. Exemple en est le Conseil agricole de bassin versant de New York. Cette entité a été formée par des agriculteurs et agroindustriels en amont de New York pour négocier laccord de bassin versant avec la ville de New York. Le Conseil gère actuellement le Programme agricole du bassin versant qui vise à assurer la distribution deau potable à la ville (Walter et Walter, 1999).
Approches participatives
On recourt souvent à des approches participatives pour réduire les impacts défavorables des pratiques dutilisation des terres sur les ressources en eau, afin daméliorer la gestion des ressources naturelles, par lintermédiaire, par exemple, de la conservation des sols et des eaux, et dassurer sa durabilité en faisant participer la population locale à sa planification et à sa mise en oeuvre. Outre les avantages pour lenvironnement, les approches participatives apportent des bienfaits économiques, comme lamélioration des revenus des agriculteurs et la sécurité des moyens dexistence, ainsi que des bienfaits sociaux, comme la création dassociations et la diminution de lexode rural.
Normalement, les projets participatifs de planification et de gestion des bassins versants sont réalisés au niveau communautaire et ne portent que sur des superficies très exiguës. Lexamen des textes montre que les projets participatifs de gestion des bassins versants réalisés à ce niveau ont obtenu de grands succès et donnent de meilleurs résultats que les projets de conservation des terres et des eaux limités aux exploitations individuelles (Hinchcliffe et al. 1995; Farrington et Lobo, 1997).
Toutefois, les approches participatives soulèvent certains problèmes pour les communautés en amont et en aval.
En premier lieu, léchelle réduite de lapproche tend à ne faire bénéficier des avantages que les agriculteurs participants. En deuxième lieu, au plan social, le bassin versant hydrologique nest pas toujours lunité de planification la plus indiquée pour la population locale, notamment si la communauté sétend sur plus dun bassin versant. Pour que lapproche participative soit performante, la zone objet de la planification pourrait devoir être ajustée, ce qui risque de compromettre létablissement de relations amont-aval (FAO, 1996; FAO, 1998). Troisièmement, lélargissement des approches participatives à de grands bassins versants est une démarche très complexe car elle exige la coopération dorganismes publics et la constitution dassociations de bassin versant. Cela sapplique notamment à la mise en oeuvre de projets. Dans létude de cas sur les systèmes dirrigation réalisés à Sri Lanka, il a été observé que la disponibilité en eau pouvait, en théorie, être grandement améliorée par la planification participative au niveau des sous-bassins versants, mais quau niveau du bassin la mise en oeuvre des plans savérait impossible en raison du manque dorganisations et de la réticence des autorités à donner leur appui aux plans (Jinapala et al., 1996).
CONCLUSION: CRITÈRES POUR LA BONNE MISE EN PLACE DES INSTRUMENTS ÉTABLISSANT LES RELATIONS AMONT-AVAL
· Les premiers résultats de lenquête ont permis délaborer les critères suivants pour la bonne mise en place des instruments nécessaires:
· Limpact de lutilisation des terres en amont sur la consommation deau en aval doit être bien compris.
Une bonne compréhension de limpact de lutilisation des terres est un préalable pour létablissement des relations amont-aval. Etant donné que ces impacts varient considérablement suivant les conditions de chaque site, ils devront être évalués attentivement au cas par cas (voir document de travail 1).
· Limpact de lutilisation des terres sur les ressources en eau domine nettement les impacts naturels ou les autres impacts dorigine humaine.
Dans de nombreux cas, les impacts naturels ou humains se superposent aux impacts des utilisations des terres. Dans ce cas, des relations amont-aval ne pourront sinstaurer que sil est établi quelles représentent le facteur déterminant de la disponibilité et de la qualité de leau en aval. Cette situation peut se compliquer à mesure que saccroît la taille du bassin versant (voir document de travail 1). Dans les bassins versants andins, par exemple, il a été estimé que les glissements de terrain se produisant lors des années de fortes pluies, la destruction des berges, la construction de routes et lurbanisation causent plus dérosion que les activités agricoles (Estrada et Posner, 1999).
· Les groupes de parties prenantes en amont et en aval sont en nombre limité et bien organisés.
Moins il y a de groupes de parties prenantes vivant dans un bassin versant, plus il sera facile détablir des relations amont-aval. De même, si les utilisateurs des terres en amont et les consommateurs deau en aval sont bien organisés (dans des associations de production, des groupes dusagers de leau ou par lintermédiaire dune compagnie municipale de leau, par exemple), létablissement des relations se fera plus efficacement que dans les cas où aucun lien ne connecte les différents intéressés appartenant à un groupe, comme les agriculteurs en amont.
· Limpact économique sur toutes les parties prenantes peut être quantifié.
Dans le cas de New York, par exemple, le coût de linstallation de matériel filtrant pour la fourniture deau potable sest élevé à 6 000-8 000 millions de dollars EU (Hofmann, 1999), alors que les mesures de protection prises en amont du bassin versant nont coûté que 600 millions de dollars, doù une forte incitation à investir dans la protection du bassin versant (Watershed Protection Update).
· La différence de coût entre diverses solutions doit être assez élevée pour encourager la participation au programme de relations amont-aval.
Si les coûts pour les consommateurs en aval sont limités ou se concrétiseront dans un futur éloigné, il est fort improbable que les consommateurs en aval investiront dans la protection du haut du bassin versant. En Colombie, par exemple, les gestionnaires du barrage hydroélectrique du bassin versant de Rio San Antonio pourraient hésiter à financer la conversion des plantations de café, qui sont responsables dune forte érosion en amont du barrage car, aux taux dérosion actuels, la capacité hydroélectrique ne sera pas affectée avant 80 ans (Estrada et Posner, 1999).
Cependant, même si les impacts des utilisations des terres en amont ne représentent pas une valeur économique déterminante pour les usagers en aval, cela ne veut pas dire que la protection du haut du bassin versant nest pas nécessaire. Cependant, dans certains cas, les consommateurs, tout en étant tributaires de ces ressources, ne dégagent pas de leurs activités (comme lagriculture de subsistance) des revenus suffisants pour financer les mesures de conservation en amont (Estrada et Posner, 1999). Dans dautres cas encore, les impacts qui nuisent à lenvironnement pourraient navoir aucune valeur économique (comme les écosystèmes aquatiques auxquels suffit un débit minimal deau).
· Il existe un engagement politique pour établir des relations amont-aval.
Pour établir des relations entre les utilisateurs en amont et en aval du bassin versant, lengagement du gouvernement compétent est indispensable. Les gouvernements nationaux et locaux sont dimportants incitateurs et peuvent fournir leur appui aux programmes de relations amont-aval. En revanche, si ces relations manquent de soutien au niveau public, la mise en oeuvre de programmes qui transcendent la communauté risque de se heurter à des problèmes.
· Il existe un cadre institutionnel et juridique fort qui facilite la mise en oeuvre des instruments de liaison.
De nombreux instruments de liaison exigent, pour être mis en place, un cadre institutionnel et juridique fort. Cest ainsi que, pour transférer des droits de propriété sur la terre et leau, il est impératif avant tout de définir ces droits et de les conférer aux utilisateurs des terres et de leau. De même, si lon met en place des instruments de régulation, il faudra des institutions dapplication des règlements.
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