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DOCUMENTS DE TRAVAIL


1. LES IMPACTS DE L’UTILISATION DES TERRES SUR LES RESSOURCES EN EAU: UN EXAMEN DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE - Benjamin Kiersch

Benjamin Kiersch, Division de la mise en valeur des terres et des eaux,
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture,
Rome, Italie

INTRODUCTION

Il est estimé que les pratiques d’utilisation des terres ont d’importants impacts tant sur la disponibilité que sur la qualité des ressources en eau. Ces impacts peuvent être à la fois favorables et défavorables. Il est logique de penser que les avantages découlant d’une gestion améliorée des terres, ou que les coûts associés aux impacts défavorables sur les ressources en eau produits par des utilisations impropres des terres, puissent être ressentis non seulement par les utilisateurs qui en sont la cause, mais aussi par ceux qui vivent en aval ou - dans le cas de la nappe phréatique - consomment des eaux souterraines polluées. Pour évaluer ces coûts et avantages, il faut avoir une perspective biophysique claire de la mesure dans laquelle différentes méthodes d’utilisation des terres influencent le régime hydrologique et la qualité de l’eau, et connaître la taille du bassin versant où ces impacts ont une incidence.

Sur la base de textes publiés en la matière, le présent document propose une typologie des impacts de l’utilisation des terres sur les ressources en eau, et tente d’évaluer l’importance de chacun par rapport à l’échelle spatiale du bassin.

IMPACTS DE L’UTILISATION DES TERRES SUR LES RESSOURCES EN EAU

Pour établir des relations entre les utilisateurs de l’eau en amont et en aval, il est important d’avoir un tableau clair des impacts possibles de l’utilisation des terres tant sur le régime hydrologique (disponibilité en eau) que sur la qualité de l’eau, et des échelles auxquelles ces impacts exercent leur incidence. Dans les sections qui suivent, il est proposé de classer les impacts de l’utilisation des terres sur les ressources en eau, d’analyser les principaux facteurs qui en sont responsables et de fournir des exemples tirés de la littérature existante en la matière.

L’examen passe en revue les impacts produits par l’agriculture, le pâturage, la foresterie et les pêches, étant donné que ces domaines relèvent du mandat de la FAO. Les autres utilisations des terres, comme l’exploitation minière et en carrière, l’organisation et l’industrialisation, qui exercent aussi une incidence marquée sur le régime hydrologique, ne sont pas traitées ici. En outre, le document met l’accent sur les impacts physiques sur les ressources en eau. Ceux sur les ressources aquatiques vivantes, comme les poissons et les autres organismes habitant l’eau, les écosystèmes aquatiques et les terres humides, ne sont pas analysés explicitement. Reste à décider si et comment ils devraient être inclus dans cette typologie.

Il est difficile de formuler des déclarations valables universellement sur les impacts de l’utilisation des terres sur les ressources en eau et ce, pour plusieurs raisons. Ces impacts dépendent d’une multitude de facteurs naturels et socioéconomiques. Les facteurs naturels comprennent le climat, la topographie et la structure du sol. Dans les facteurs socioéconomiques sont inclus la capacité économique et la prise de conscience des agriculteurs, les pratiques de gestion et le développement de l’infrastructure, comme les routes. En outre, il pourrait être difficile de faire la distinction entre les impacts de l’agriculture et les impacts naturels ou d’origine humaine, comme celui des écoulements provenant de l’agriculture vis-à-vis de ceux des égouts ruraux sur la dégradation de l’eau superficielle et souterraine.

IMPACTS DE L’UTILISATION DES TERRES SUR LE RÉGIME HYDROLOGIQUE

En ce qui concerne le régime hydrologique, on peut différencier les impacts sur les eaux de surface de ceux sur les eaux souterraines. Les effets de l’utilisation des terres sur l’eau de surface sont de deux sortes: i) impacts sur la disponibilité globale en eau ou écoulement annuel moyen et ii) impacts sur la répartition saisonnière de cette eau. Pour ce qui est de cette dernière, les impacts sur les débits de pointe et ceux sur les débits de saison sèche revêtent une certaine importance. En ce qui concerne l’eau souterraine, il faudra étudier l’effet de l’utilisation des terres sur la réalimentation de la nappe.

Ecoulement superficiel moyen

L’impact de l’utilisation des terres sur l’écoulement moyen dépend de nombreuses variables dont la plus importante est le régime hydrologique de la couverture végétale en termes d’évapotranspiration (ET), l’aptitude du sol à retenir l’eau (capacité d’infiltration) et la capacité de la couverture végétale d’intercepter l’humidité.

Tout remplacement dans la couverture végétale d’une ET faible par une autre plus élevée entraînera une diminution du débit annuel. D’après l’examen d’essais menés dans 94 bassins versants, Bosch et Hewlett (1982) ont conclu que l’établissement d’un couvert forestier sur une terre à la végétation clairsemée diminuait l’apport d’eau. Les forêts de conifères, les forêts feuillues décidues, les formations arbustives et les tapis de graminées ont (dans cet ordre) une influence décroissante sur les écoulements provenant de la zone des sources où les couverts ont été manipulés.

En revanche, le remplacement dans la couverture végétale de plantes à ET élevée par des plantes à ET plus faible accroît l’écoulement superficiel moyen: la réduction du couvert forestier augmente l’apport d’eau (Bosch et Hewlett, 1982; Calder, 1992). Toutefois, l’impact dépend beaucoup des méthodes de gestion appliquées et des autres utilisations des terres. Une exploitation attentive et sélective n’a qu’un effet limité ou nul sur le débit. Après maturation de la nouvelle couverture végétale, le débit pourrait être plus abondant, égal ou inférieur par rapport à sa valeur originelle, en fonction de la végétation (Bruijnzeel, 1990).

Les exceptions à cette règle concernent les forêts de brouillard, qui peuvent intercepter davantage d’humidité (précipitation occulte) que celle consommée par l’ET (Bosch et Hewlett, 1982), et les forêts très anciennes qui, suivant les espèces, pourraient absorber moins d’eau que la végétation qui s’établit après une coupe rase (Calder, 1998).

Les gains de débit diminuent au fil du temps avec l’établissement de la nouvelle couverture végétale, mais les échelles temporelles peuvent varier grandement. Dans les zones humides et chaudes, l’effet de la coupe rase est plus éphémère que dans les zones moins humides, en raison de la régénération accélérée de la végétation (Falkenmark et Chapman, 1989).

L’apport d’eau croissant dû au changement de couverture végétale n’augmente pas nécessairement les disponibilités en aval. Le débit pourrait diminuer en raison d’autres facteurs, comme la consommation d’eau par la végétation riveraine ou les pertes par transmission (infiltration dans le lit) (Brooks et al., 1991).

Débits de pointe/crues

Les débits de pointe peuvent s’accroître à la suite d’un changement dans l’affectation des terres si la capacité d’infiltration du sol se réduit, par exemple par le compactage du sol ou l’érosion, ou si la capacité de drainage s’accroît. Les débits de pointe peuvent aussi augmenter après l’abattage d’arbres (Bruijnzeel, 1990). Les augmentations relatives dans les débits d’orage, après l’élimination des arbres, sont les plus faibles lors d’événements importants et les plus prononcées lors de petits événements. Quand les précipitations se font plus abondantes, l’influence du sol et de la couverture végétale sur le débit d’orage diminue (Bruijnzeel, 1990; Brooks et al., 1991).

Une augmentation des débits de pointe pourrait aussi résulter de la construction de routes ou d’infrastructures. Des études menées dans le nord-ouest des États-Unis ont montré que la construction de routes forestières peut intensifier considérablement le débit de pointe coulant des zones boisées (La Marche et Lettenmaier, 1998; Bowling et Lettenmaier, 1997). Le regroupement de petites parcelles en champs étendus peut déterminer l’accroissement des taux d’écoulement, en raison de la présence de systèmes de drainage et de routes d’accès goudronnées (Falkenmark et Chapin, 1989). En revanche, les débits de pointe tendent à diminuer si la capacité d’infiltration du sol s’accroît.

Dans les grands bassins versants, les effets des pratiques d’utilisation des terres sur le débit de pointe sont atténués par le temps de réponse des divers affluents, les différentes utilisations des terres et les variations dans le régime des précipitations (Bruijnzeel, 1990) Dans ces bassins, cet effet de désynchronisation peut conduire à une réduction des écoulements maximaux, bien que le débit d’orage total augmente en raison des changements dans l’utilisation des terres qui surviennent dans les sous-bassins versants individuels (Brooks et al., 1991).

Débit de base/débit de saison sèche

L’effet des changements dans l’affectation des terres sur le débit de saison sèche dépend de processus concurrentiels, et notamment de variations dans l’ET et de la capacité d’infiltration du sol. L’impact net est normalement très spécifique du lieu (Calder, 1998).

Dans les zones tropicales, le boisement peut déterminer des baisses dans les débits de saison sèche en raison de l’intensification de l’évapotranspiration. Dans le bassin versant de Mae Thang (Thaïlande), les programmes de boisement ont entraîné des pénuries d’eau en aval qui ont abouti à la fermeture saisonnière d’une usine de traitement des eaux usées et à la diminution des volumes disponibles pour l’irrigation (Chomitz et Kumari, 1996). De même, dans les îles Fidji, un grand programme de boisement en pins (60 000 ha), dans des bassins versants autrefois tapissés d’herbe, a déterminé une réduction de 50 à 60 pour cent du débit de saison sèche, mettant à risque l’opération d’une centrale hydroélectrique et l’approvisionnement en eau potable (FAO, 1987).

La plupart des essais menés dans des zones aux régimes dominés par les précipitations ont montré que l’élimination des forêts (ou l’abandon des végétaux à haute consommation d’eau en faveur de ceux à faible consommation) accroît les débits de saison sèche (Brooks et al., 1991). En revanche, ces débits en provenance de terres déboisées pourraient diminuer si la capacité d’infiltration du sol se réduit du fait, par exemple, de l’emploi d’engins lourds (Bruijnzeel, 1990). Le faible débit résultant de longues périodes sans pluies ou de sécheresses prolongées n’est pas nécessairement très influencé par des changements dans le couvert végétal (Brooks et al., 1991).

Réalimentation de la nappe souterraine

La réalimentation de la nappe souterraine pourrait s’accroître ou décroître suite à des changements dans les pratiques d’utilisation des terres. Les principaux facteurs déterminants sont l’ET de la couverture végétale et la capacité d’infiltration du sol. L’alimentation de la nappe est souvent liée aux débits de saison sèche, car l’eau souterraine contribue considérablement aux débits des fleuves pendant la saison sèche.

Le niveau de la nappe pourrait remonter suite au recul de l’évapotranspiration, après l’exploitation ou la conversion des forêts au pâturage, par exemple. La réalimentation pourrait aussi s’accroître du fait d’une hausse du taux d’infiltration, comme dans le cas du boisement de terres dégradées (Tejwani, 1993).

En revanche, le niveau de la nappe tend à baisser si l’infiltration du sol diminue, comme il advient dans le cas de l’application de techniques agricoles non respectueuses de la conservation ou du compactage du sol (Tejwani, 1993). Le surpâturage aussi peut déterminer une baisse de la capacité d’infiltration et de réalimentation de la nappe (Chomitz et Kumari, 1996). Si ce manque de capacité d’infiltration est très prononcé, des pénuries d’eau peuvent s’avérer pendant la saison sèche, même dans des régions où l’eau est normalement abondante, comme dans le cas de la culture itinérante dans la province de Cherapunji en Inde (FAO, 1999) De même, la réalimentation de la nappe peut diminuer avec la plantation d’essences à enracinement profond comme les eucalyptus (Calder, 1998).

IMPACTS DE L’UTILISATION DES TERRES SUR LA QUALITÉ DE L’EAU

Les pratiques d’utilisation des terres peuvent exercer des impacts importants sur la qualité de l’eau lesquels influencent défavorablement ou, dans certains cas, favorablement la consommation de l’eau en aval. Ces impacts comprennent les changements dans la charge sédimentaire et la concentration des nutriments, sels, métaux et produits agrochimiques, la pénétration d’agents pathogènes et la modification du régime thermique.

Erosion et charge sédimentaire

Les forêts jouent un rôle protecteur vis-à-vis de l’érosion du sol. La protection est due principalement à la présence du sous-bois et de la litière, et à l’effet stabilisant du réseau racinaire. Sur les pentes raides, l’effet de stabilisation net des arbres est normalement positif. La couverture végétale peut prévenir les légers glissements de terrain (Bruijnzeel, 1990). Cependant, en présence d’une déclivité prononcée, les grands glissements de terrain ne sont pas retenus de manière appréciable par la couverture végétale. Ils peuvent contribuer au volume des sédiments, comme dans le cas des collines moyennes de l’Himalaya (Bruijnzeel et Bremmer, 1989).

Le boisement ne diminue pas nécessairement l’érosion du sol. L’érosion par éclaboussement peut faire l’objet d’un fort accroissement après l’élimination de la litière du sol forestier (Bruijnzeel, 1990). La dimension des gouttes de pluie qui se forment sur le couvert varie largement suivant les espèces, produisant des différences notables dans le potentiel d’érosion par éclaboussement (Calder, 1998).

Le déboisement peut accroître l’érosion. En Malaisie, les cours d’eau provenant des zones exploitées charriaient de 8 à 17 fois plus de sédiments qu’avant l’exploitation (Falkenmark et Chapman, 1989). Cependant, la perte effective de sol dépend largement de l’utilisation à laquelle a été soumis le terrain après la coupe des arbres. En présence d’herbages bien entretenus, de forêts faisant l’objet d’un broutage limité et de pratiques agricoles respectueuses de la conservation du sol, l’érosion superficielle est faible à modérée (Bruijnzeel, 1990).

La construction de routes peut être la cause d’une érosion considérable pendant les opérations d’exploitation forestière. Aux États-Unis, il est estimé que les routes forestières sont responsables de 90 pour cent de l’érosion provoquée par les opérations d’exploitation (Brooks et al., 1991; Bruijnzeel, 1990).

Les effets des mesures de lutte contre l’érosion sur la charge sédimentaire sont le plus prononcés sur les lieux où ces mesures sont appliquées. Une relation inverse s’instaure entre la taille du bassin et le taux de sédimentation. Dans les bassins mesurant plusieurs centaines de kilomètres carrés, les améliorations pourraient n’être visibles qu’après de nombreuses années, voire des décennies, en raison des effets d’emmagasinage (Bruijnzeel, 1990).

Les apports de sédiments en aval ne peuvent toujours être attribués au changement des pratiques d’utilisation des terres survenant en amont. Les impacts humains sur la charge sédimentaire sont souvent considérables dans des zones aux conditions géologiques stables et aux faibles taux d’érosion. Toutefois, dans celles aux précipitations abondantes et à forte déclivité, et en présence d’une érosion naturelle très importante, l’impact de l’utilisation des terres pourrait être négligeable. Dans le bassin versant de Phewa Tal au Népal, par exemple, six pour cent seulement de l’apport total de sédiments proviendraient, d’après les calculs, de l’érosion superficielle (Bruijnzeel, 1990).

Les sédiments peuvent représenter un polluant aussi bien physique que chimique. Les caractéristiques de la pollution physique causée par les sédiments sont la turbidité (pénétration limitée de la lumière solaire) et la sédimentation (perte de capacité du réservoir en aval, destruction des récifs coralliens, perte de frayères pour certains poissons). La pollution chimique due aux sédiments est le fait de l’adsorption de métaux et de phosphore, ainsi que de produits chimiques organiques hydrophobes (FAO, 1996).

Nutriments et matière organique

Un changement d’affectation des terres peut altérer la teneur en nutriments de l’eau superficielle et souterraine, notamment les niveaux d’azote (N) et de phosphore (P). Le déboisement peut provoquer dans l’eau de fortes concentrations de nitrates (NO3) dues à la décomposition du matériel végétal et à l’absorption réduite des nutriments par les plantes. La concentration de nitrates dans les écoulements dans les bassins versants déboisés peut être 50 fois supérieure à celle d’un bassin versant boisé au cours de plusieurs années (Falkenmark et Chapman, 1989; Brooks et al., 1991).

De nombreux facteurs sont à l’origine de l’accroissement de l’apport azoté dans les masses d’eau dû à l’agriculture, y compris l’épandage d’engrais, le fumier provenant de la production animale, les boues résiduaires des usines municipales de traitement des eaux usées et l’aération du sol. En Europe, l’agriculture est responsable d’importantes émissions d’azote dans les eaux superficielles et souterraines. En ce qui concerne l’azote inorganique, ces émissions dues à l’agriculture vont de 50 pour cent au Danemark à 71 pour cent aux Pays-Bas (FAO, 1996). Un excès de lessivage des nutriments se produit souvent si les engrais sont épandus sur des cultures saisonnières en terrain perméable. Au Sri Lanka, la concentration de NO3-N dans les eaux souterraines de zones sous piments et oignons atteint 20-50 mg/l (BGS et al., 1996). Le couvert végétal continu réduit le lessivage de l’azote; les périodes de jachère et la perturbation des sols l’augmente (BGS et al., 1996). Le labourage peut accroître les concentrations de NO3 dans les eaux superficielles et souterraines, car l’oxygénation du sol cause la nitrification (Falkenmark et Chapman, 1989). Dans les rizières, les pertes dues au lessivage sont probablement inférieures en raison de la dénitrification du sol et des pertes par volatilisation (BGS et al., 1996). L’épandage de fumier provenant de l’élevage et l’écoulement direct peuvent provoquer l’acidification des sols, du fait de la volatilisation de l’ammoniac, qui peut à son tour accroître la solubilité des métaux dans le sol (FAO, 1996).

Le lessivage des phosphates (PO4) dans l’eau est inhibé par des processus d’adsorption des particules d’argile (BGS et al., 1996). Cependant, la production animale peut être une importante source de P dans l’eau. L’écoulement direct provenant des élevages intensifs de bétail dégrade souvent notablement les eaux superficielles et souterraines. Dans l’UE, aux déchets du bétail vont 30 pour cent du P contenu dans les eaux superficielles, alors que les autres utilisations agricoles n’en produisent que 16 pour cent (FAO, 1996).

Les sédiments chargés de phosphates forment parfois, au fond de lacs objet d’un processus d’eutrophisation, un réservoir de nutriments qui peut être libéré dans l’eau en conditions anoxiques, ce qui fait qu’il est difficile de lutter contre l’eutrophisation dans le court terme par la limitation de l’apport de P. L’eutrophisation peut être atténuée par le dragage des eaux sédimentaires ou par oxydation de l’hypolimnion, mais ces solutions sont plutôt coûteuses (FAO, 1996).

Il est difficile de quantifier le rôle exact de l’agriculture dans la contamination des eaux superficielles et souterraines. Dans la plupart des pays, le suivi ne suffit pas à évaluer l’ampleur de la pollution par les nutriments due à l’utilisation des terres. Dans les zones rurales, il peut être malaisé de faire la distinction entre la pollution agricole et celle provoquée par les eaux usées non traitées (BGS et al., 1996).

En pisciculture en eau douce, la forte teneur en nutriments rencontrée dans l’eau de surface vient des aliments non consommés et des fèces produites par les poissons (FAO, 1996).

Agents pathogènes

Les activités d’utilisation des terres peuvent influencer la qualité bactériologique de l’eau, créant des dangers pour la santé des consommateurs en aval. La concentration de bactéries pathogènes dans les eaux de surface pourrait s’accroître, suite aux activités de pâturage le long des berges ou à l’introduction dans les cours d’eau de déchets animaux.

La réduction des débits, par exemple, conséquence de la dérivation de l’eau en amont à des fins d’irrigation, cause parfois des accumulations d’eau dans les dépressions des lits des fleuves. Ces accumulations se transforment en terrains de reproduction pour les vecteurs des maladies transmises par l’eau, comme le paludisme. Lorsque la baisse du débit provoque l’intrusion d’eau salée dans les estuaires, les micro-organismes tendent à proliférer dans les eaux saumâtres (FAO, 1995).

Pesticides et autres polluants organiques persistants

D’une manière générale, l’application de pesticides compromet la qualité des ressources en eau superficielle et souterraine car leurs composés sont conçus pour être à la fois toxiques et persistants. La pénétration des pesticides dans les eaux souterraines est due à leur persistance et à leur mobilité, ainsi qu’à la structure du sol. Les métabolites issus de ces pesticides sont parfois aussi toxiques et mobiles que le composé lui-même (BGS et al., 1996). Chez l’homme et les animaux, les pesticides peuvent avoir des effets violents et chroniques. Les composés lipophiles s’accumulent dans les tissus adipeux (bio-concentration) et dans la chaîne alimentaire (bio-amplification) (FAO, 1996).

Les pesticides absorbés par le sol peuvent s’introduire dans l’eau suite à leur utilisation en agriculture, en foresterie et en pisciculture. En outre, l’accumulation et la décharge sans précautions de pesticides vieux et périmés sont souvent responsables d’une grave contamination des eaux souterraines et de surface (FAO, 1996). La pisciculture encourage l’introduction de biocides, de désinfectants et de médicaments dans les eaux de surface (FAO, 1996).

L’impact effectif de la contamination des ressources en eau en aval est souvent difficile à quantifier. Le suivi des pesticides est complexe car les concentrations sont très faibles, si bien que de grands échantillons, un sondage attentif et des instruments analytiques sophistiqués sont indispensables pour ce faire (BGS et al., 1996). Etant donné que de nombreux pesticides sont transportés en même temps que les matières en suspension, les analyses de l’eau donnent parfois des résultats incomplets. Pour certains pesticides, les techniques d’analyse ne sont pas toujours assez précises pour en détecter la présence aux fins de protéger la santé humaine. Les pesticides plus récents, qui sont solubles et se dégradent plus rapidement, ne peuvent être décelés qu’en un laps de temps très bref après leur application; c’est pourquoi les programmes de suivi conventionnels mis en oeuvre sur une base mensuelle ou trimestrielle sont rarement capables de quantifier la présence et de déterminer l’importance des pesticides dans les eaux superficielles (FAO, 1996).

Salinité

Une augmentation de la salinité dans les eaux superficielles et souterraines peut avoir des effets préjudiciables pour les consommateurs en aval, notamment pour l’irrigation et l’approvisionnement en eau à usage domestique. L’impact de l’utilisation des terres sur la salinité dépend de facteurs climatiques aussi bien que géologiques.

Les activités d’irrigation et de drainage peuvent accroître la salinité des eaux de surface et souterraines en provoquant l’évaporation et le lessivage des sels présents dans le sol. Ce problème intéresse en particulier les zones arides, où l’eau de drainage souterraine a toujours une plus forte teneur en sel, est plus calcaire et a un taux d’absorption du sodium plus élevé que l’eau de distribution (FAO, 1997). Les eaux de drainage issues de l’agriculture irriguée peuvent aussi déterminer une concentration accrue de sélénium dans les eaux souterraines et superficielles (Postel, 1997).

Un taux élevé d’application de chlorure de potassium risque d’accentuer son lessivage dans les eaux souterraines. À Sri Lanka, par exemple, il a été estimé que dans certaines zones sous agriculture intensive, les niveaux de chlorure des eaux souterraines pouvaient s’élever, aux taux actuels d’application de l’engrais, jusqu’à 400 mg/l d’ici 2010, chiffre qui dépasse de loin la concentration acceptable pour l’eau potable établie par l’OMS (250 mg/l) (BGS et al., 1996).

Dans les zones côtières, l’extraction d’eau pour les activités agricoles peut contribuer indirectement à la salinisation des ressources hydriques. L’extraction d’eau souterraine pour l’irrigation et les usages industriels et domestiques entraîne parfois l’intrusion d’eau de mer dans la nappe et, partant, la salinisation des eaux souterraines (FAO, 1997). La baisse de débit due aux prélèvements en amont ou à la construction de réservoirs peut déterminer une intrusion d’eau saumâtre dans la zone estuarienne (FAO, 1997).

Métaux lourds

Dans bien des cas, les pratiques d’utilisation des terres contribuent directement ou indirectement à accroître la concentration de métaux lourds dans l’eau. Une voie qui mène directement à une telle situation est l’application de fumier et des boues résiduaires des usines de traitement des eaux usées, qui pourraient présenter une forte concentration de métaux lourds. C’est ainsi que le fumier de porc a souvent une teneur élevée en cuivre (FAO, 1996).

Indirectement, l’utilisation des terres peut influencer la concentration des métaux lourds dans les eaux de surface et souterraines en accroissant la mobilité des métaux d’origine humaine ou géologique présents dans le sol. Les métaux lourds contenus dans le sol peuvent être transférés dans les masses d’eau par des processus érosifs. L’acidification du sol, causée par la volatilisation de l’ammoniac dans les champs traités au fumier ou dans les parcs d’engraissement, pourrait augmenter la solubilité des métaux lourds emmagasinés dans le sol et, partant, leur introduction dans les eaux superficielles et souterraines. Des taux élevés de prélèvement de l’eau souterraine à des fins d’irrigation peuvent altèrent le milieu chimique du sol et accroître la mobilité des métaux lourds d’origine géologique. C’est peut-être la raison de la concentration accrue d’arsenic au Bangladesh (Ahmed et Amin, n.d.).

Changements dans le régime thermique

Les pratiques d’utilisation des terres influencent souvent le régime thermique de l’eau de surface. Dans les petits cours d’eau, l’élimination de la végétation riveraine peut provoquer un accroissement de la température de l’eau (pollution thermique) (Brooks et al., 1991). De même, les débits des eaux d’aval en provenance des zones irriguée font parfois hausser la température du cours d’eau récepteur (FAO, 1997). La hausse de température diminue la solubilité de l’oxygène, ce qui peut nuire à l’activité biologique aquatique dans l’eau ainsi qu’à la capacité autonettoyante de la rivière.

LES QUESTIONS D’ÉCHELLE

L’examen des impacts sur les ressources en eau de l’utilisation des terres exposé plus haut ne tient pas compte des aspects de leur répartition dans l’espace et le temps. Cependant, les questions d’échelle revêtent une importance fondamentale pour l’évaluation de ces impacts car elles montrent si des pratiques adoptées en amont sont susceptibles d’influencer la consommation d’eau en aval.

Echelle spatiale

En ce qui concerne l’échelle spatiale, c’est-à-dire la taille du bassin versant, l’impact de l’utilisation des terres pourrait diminuer sous l’effet de facteurs comme la désynchronisation (dans le cas des crues, par exemple), la capacité d’emmagasinage du lit du fleuve (sédimentation) ou son aptitude autonettoyante (pollution organique). Simultanément, l’impact peut s’accentuer dans les grands bassins à cause des effets d’accumulation, comme dans le cas de la salinité.

Les changements dans le régime hydrologique et la sédimentation découlant de l’utilisation des terres sont inversement proportionnels à la taille du bassin. Les effets seront plus immédiats dans les petits bassins versants ne dépassant pas quelques centaines de kilomètres carrés. Un cas bien documenté est celui du bassin hydrographique Gange-Brahmapoutre-Meghna. D’après les études, dans les petits bassins versants (<50 km2), l’érosion et le débit des cours d’eau peuvent être profondément influencés par le changement d’affectation des terres (Ives et Messerli, 1989). Cependant, l’inondation des plaines au Bangladesh n’est pas reliée à l’intensification du débit de pointe ou à l’érosion provoquée par le déboisement dans les montagnes de l’Himalaya au Népal. Les principales forces responsables de l’inondation des plaines sont des pluies torrentielles d’origine naturelle, cumulant souvent avec des interventions humaines dans les plaines alluviales, comme la construction de routes ou de berges (Hofer, 1998a; Ives et Messerli, 1989). De même, le gros du transport dans le système Gange-Brahmapoutre ne dépend pas de l’érosion provoquée par l’homme, mais plutôt d’importants glissements de terrain qui ne sont pas influencés par l’activité humaine (Bruijnzeel et Bremmer, 1989).

En ce qui concerne les impacts sur la qualité de l’eau, le tableau est beaucoup moins clair. D’après les observations, certains impacts dus à l’utilisation des terres sur la qualité de l’eau, comme la salinité ou la charge de pesticides, peuvent avoir aussi des effets en aval dans les bassins versants moyens à grands, comme le bassin Murray-Darling (Australie), et dans le bassin du Colorado (États-Unis d’Amérique/Mexique). Les autres impacts en aval, comme la présence de matière organique et d’agents pathogènes, n’ont une incidence que dans les petits bassins versants.

Les dimensions spatiales des impacts de l’utilisation des terres sont résumées dans le tableau 1.

TABLEAU 1: Dimensions spatiales des impacts de l'utilisation des terres

Impact

Taille du bassin [km2]

0,1

1

10

100

1 000

10 000

100 000

Débit moyen

x

x

x

x

-

-

-

Débit de pointe

x

x

x

x

-

-

-

Débit de base

x

x

x

x

-

-

-

Réalimentation de la nappe

x

x

x

x

-

-

-

Charge sédimentaire

x

x

x

x

-

-

-

Nutriments

x

x

x

x

x

-

-

Matières organiques

x

x

x

x

-

-

-

Agents pathogènes

x

x

x

-

-

-

-

Salinité

x

x

x

x

x

x

x

Pesticides

x

x

x

x

x

x

x

Métaux lourds

x

x

x

x

x

x

x

Régime thermique

x

x

-

-

-

-

-

Légende: x = impact observable; = aucun impact observable

Echelle temporelle

L’échelle temporelle est un autre aspect important des impacts liés à l’utilisation des terres, car elle aide à comprendre non seulement ces impacts, mais aussi le coût économique qui leur est associé. Deux aspects sont notables à cet égard. Premièrement, le temps qui s’écoule avant qu’une utilisation des terres ait un impact sur les consommateurs en aval et, deuxièmement, dans le cas d’impacts défavorables mais réversibles, le temps nécessaire pour que les mesures correctives aient de l’effet.

Les échelles temporelles des impacts dus aux utilisations des terres varient largement et peuvent aller, suivant l’impact, de moins d’un an, comme dans le cas de la contamination bactérienne, à des centaines d’années, comme dans le cas de la salinité. De même, les temps de récupération après des impacts nuisibles sont très différents et dépendent du type d’impact. Cependant, dans la plupart des cas, après un impact défavorable, le temps nécessaire pour la remise en état d’un système aquatique est beaucoup plus long que celui qui s’écoule avant l’apparition de l’impact (Peters et Meybeck, 2000).

CONCLUSION

Pour ce qui a trait aux impacts de l’utilisation des terres sur les régimes hydrologiques et la charge sédimentaire, une relation inverse s’établit entre l’échelle spatiale où les impacts sont observables et l’échelle où la répartition pourrait avoir de l’importance. Plus l’échelle spatiale est limitée plus rapidement se feront sentir les impacts. Simultanément, le nombre de consommateurs d’eau qui pourront bénéficier ou souffrir d’un changement particulier dans l’utilisation des terres s’accroît avec la taille du bassin versant. En raison de l’ampleur décroissante de l’impact, les coûts et avantages respectifs seront limités. Cependant, les impacts des pratiques d’utilisation des terres sur la qualité de l’eau, à savoir la salinité, la pollution par les pesticides et l’eutrophisation due à l’accumulation des nutriments, pourront aussi revêtir de l’importance dans les bassins de moyenne à grande taille. Ces impacts pourront exercer une incidence sur de nombreux usages en aval, y compris l’approvisionnement en eau potable, l’industrie, la pêche et d’autres utilisations agricoles.

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2. INSTRUMENTS ET MÉCANISMES SERVANT À ÉTABLIR DES RELATIONS AMONT-AVAL: UN EXAMEN DE LA LITTÉRATURE EXISTANTE - Benjamin Kiersch

Benjamin Kiersch, Division de la mise en valeur des terres et des eaux,
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture,
Rome, Italie

INTRODUCTION

Le présent document présente les résultats d’une enquête sur les mécanismes et instruments pouvant être utilisés pour établir des relations sociales, économiques et institutionnelles entre les utilisateurs des terres en amont et les consommateurs d’eau en aval, sur la base d’une étude sur dossier des relations terres-eau dans les bassins versants ruraux.

L’enquête porte sur les mécanismes et instruments qui sont conçus expressément pour relier les utilisateurs des terres et les consommateurs d’eau dans le cadre d’un bassin versant. Elle propose une typologie des mécanismes et des instruments et cite des exemples où ces instruments ont été mis en oeuvre.

Certains des instruments analysés ci-dessous ne visent pas à établir des liaisons entre des groupes spécifiques en amont et en aval, mais plutôt entre les agriculteurs ou utilisateurs des terres et l’ensemble de la société, comme dans le cas de certains programmes de subventionnement. Ils ont été inclus car ils pourraient aussi servir dans des contextes amont-aval plus spécifiques. En outre, ces instruments pourraient influencer de manière considérable l’ampleur des impacts de l’utilisation des terres sur les ressources en eau. Dans certains pays en développement, par exemple, les subventions aux engrais vont de 50 à 60 pour cent, ce qui encourage le gaspillage qui mène à la pollution de l’environnement, avec des répercussions préjudiciables sur la qualité de l’eau (Lankoski, 1996).

En pratique, on applique rarement ces mesures isolément mais on tend plutôt à les combiner. C’est ainsi que les incitations économiques pourraient être accompagnées de mesures de sensibilisation.

Un préalable essentiel pour la mise en oeuvre de tout mécanisme ou instrument reliant les deux groupes est l’évaluation des coûts et avantages en aval découlant de l’utilisation des terres en amont. Cette évaluation est une tâche ardue (voir aussi le document de travail 1) et ce, pour un grand nombre de raisons dont les suivantes:

INSTRUMENTS ET MÉCANISMES SERVANT À ÉTABLIR DES RELATIONS AMONT-AVAL

Les instruments peuvent être regroupés en: instruments de régulation, instruments économiques, mécanismes éducatifs et de sensibilisation, mécanismes visant à améliorer l’accès au marché, structures organisationnelles et approches participatives.

Instruments de régulation

Ces instruments (mesures de commande-contrôle) sont largement utilisés dans les pays développés pour protéger les ressources en eau contre les effets des pratiques d’exploitation des terres, y compris la pollution. En Allemagne, la loi fédérale relative à l’eau prévoit l’établissement de zones de protection de l’eau pour préserver les sources publiques de distribution, les eaux souterraines et les cours d’eau vis-à-vis des écoulements de sédiments, d’engrais et de pesticides. Dans ces zones, les pratiques qui nuisent aux ressources en eau sont souvent restreintes ou interdites, comme l’emploi de certains pesticides. Les agriculteurs qui sont pénalisés économiquement par ces restrictions ont droit à une compensation versée par l’État (Kraemer et Buck, 1997).

En Thaïlande, on a essayé de protéger les bassins versants en imposant des limitations à l’utilisation des terres en fonction de la vulnérabilité de la zone. La superficie totale a été divisée en cinq catégories de bassins versants allant de ceux de montagne aux versants boisés et à forte déclivité (catégorie 1a), à ceux à faible pente et aux plaines sous agriculture intensive (catégorie 5). Les bassins versants les plus vulnérables, qui couvrent 16 pour cent du territoire de la Thaïlande, ont été déclarés zones protégées et mises hors production, à l’exception du reboisement et de la remise en état de l’environnement, et il était envisagé d’en évacuer les résidents. Toutefois, ce plan ne s’est pas concrétisé, une forte pression politique ayant été exercée par les populations rurales qui demandaient une compensation pour leur déplacement et pour les restrictions imposées sur leurs terres. En outre, les autorités n’avaient qu’un pouvoir limité d’application des règlements. De ce fait, le gouvernement a conféré l’amnistie aux squatters illégaux de la forêt (Krairapond et Atkinson, 1998).

Instruments économiques

Parmi les instruments économiques servant à répartir entre les parties prenantes d’amont et d’aval les avantages et les coûts résultant des impacts de l’utilisation des terres sur les ressources en eau figurent les subventions, les impôts et les droits de propriété et d’usage transférables sur la terre, l’eau et les émissions.

Subventions

Les subventions comprennent des paiements directs et indirects, comme les exemptions sur les impôts, la réglementation des prix et des mesures de protection, octroyés par l’État pour réaliser certains objectifs. En ce qui concerne les impacts de l’utilisation des terres sur les ressources en eau, des programmes directs et indirects de subventionnement sont en place et visent à dédommager les agriculteurs des coûts qu’entraîne la protection de l’eau.

Le programme de redevances pour la fourniture de l’eau appliqué dans la province de Baden-Württemberg, Allemagne, par exemple, illustre l’emploi des subventions aussi bien directes qu’indirectes. Une taxe est imposée pour tout prélèvement d’eau superficielle ou souterraine. Les recettes dégagées servent à financer les paiements versés aux agriculteurs pour les dédommager des restrictions frappant l’emploi des engrais dans des zones où l’eau fait l’objet de mesures de protection (paiement direct). Les agriculteurs peuvent bénéficier d’un dégrèvement fiscal pouvant atteindre 90 pour cent sur les redevances pour la fourniture de l’eau à des fins agricoles (paiement indirect). Toutefois, cette subvention est subordonnée à la prise de toutes les mesures disponibles pour sauvegarder l’eau, et à l’utilisation de l’eau superficielle au lieu de l’eau souterraine. (Kraemer et Buck, 1997) Cette dernière condition s’explique par le fait que l’eau souterraine est la principale source d’eau potable en Allemagne.

Au titre de l’accord de New York relatif aux bassins versants, les propriétaires forestiers ont droit à un dégrèvement fiscal de 80 pour cent sur leurs impôts fonciers s’ils préparent un plan d’aménagement des forêts et qu’ils s’engagent à le mettre en oeuvre en 10 ans. Le plan d’aménagement comprend des mesures visant le maintien de la quantité et de la qualité de l’eau (New York Watershed Agricultural Council homepage; Tobias, 1999).

Au Royaume-Uni, un programme de subventionnement compense les agriculteurs qui adoptent des pratiques agricoles aptes à réduire le lessivage des nutriments, comme l’emploi restreint d’engrais ou la conversion en herbages de terres agricoles (Kraemer et Buck, 1997).

Impôts

Les impôts sont un autre instrument employé pour atténuer les effets défavorables des pratiques agricoles sur les ressources en eau. Pour l’agriculteur, l’incitation économique est semblable à celle de la subvention. Cependant, une importante différence existe: dans le cas des subventions, le gouvernement récompense l’agriculteur qui évite la pollution, alors que dans le cas des impôts, l’agriculteur paie pour les activités qui l’augmentent, ou pour la pollution elle-même. Du point de vue des droits de propriété, la subvention confère implicitement à l’agriculteur des droits de propriété environnementale, tandis que dans l’approche qui prévoit l’impôt, les droits s’appliquent à l’ensemble de la société, et l’agriculteur doit payer pour en jouir.

Parmi d’autres mesures applicables figurent les impôts sur les intrants agricoles (engrais, pesticides), les impôts établis en fonction du bilan nutritif et les impôts sur la concentration des effluents. Ceux concernant les intrants sont faciles à appliquer, mais leur impact sur l’environnement est souvent faible pour diverses raisons (voir l’exposé de Lankoski, 1996). Paradoxalement, leur principal effet pourrait être de réduire le revenu de l’agriculteur. Les autres mesures, comme les impôts sur le bilan nutritif ou la concentration des effluents, ont une incidence majeure. Toutefois, leur mise en application soulève d’immenses difficultés liées à l’évaluation des sources diffuses de pollution.

Droits de propriété ou d’usage souples

L’une des façon des protéger les ressources en eau contre les impacts de l’utilisation des terres est l’acquisition de terres ou de droits d’usage. L’Accord de New York sur les bassins versants est un exemple de cette approche. En vertu de cet accord, la ville de New York peut acheter des terres dans des endroits vulnérables (berges de cours d’eau, terres marécageuses et réservoirs, par exemple) de bassins versants de montagne pour protéger l’approvisonnement en eau. Ces terres sont mises hors production ou réservées à certaines activités récréatives, comme la promenade ou la pêche avec un permis spécial. Par ailleurs, la ville peut acheter des droits sur certaines terres qu’elle entend affecter à la conservation. Cette servitude ne prive pas le propriétaire originel de sa propriété, mais il doit renoncer à l’exploiter par la construction de bâtiments ou de routes. Un tel accord peut avoir une durée indéterminée. (Tobias, 1999).

Pour réduire les impacts de l’utilisation des terres, une autre mesure prévoit l’octroi de permis de pollution des cours d’eau. On trouve un exemple de cet instrument dans le programme de réduction de la salinité mis en oeuvre dans le bassin hydrographique Murray-Darling en Australie. Afin d’atténuer les inconvénients croissants de la salinité pour les consommateurs en aval (villes, industrie et agriculture) les trois États riverains financent conjointement un programme qui vise la dérivation des infiltrations d’eau salée dans la partie inférieure du bassin, diminuant ainsi la salinité en aval. En revanche, les États en amont reçoivent le droit d’éliminer dans des limites déterminées l’eau salée du drainage provenant de l’irrigation. Un État peut accroître son «crédit de salinité» en contribuant aux coûts de nouveaux projets de dérivation de l’eau souterraine en aval. Le nombre limité de droits d’élimination de l’eau salée disponibles a permis d’améliorer considérablement les pratiques d’irrigation et l’efficacité de l’utilisation de l’eau dans les États en amont. Le gouvernement étatique finance les améliorations plutôt que d’investir dans des projets visant l’augmentation des droits d’élimination de l’eau salée. (Murray-Darling Commission home page)

Education et sensibilisation

Des programmes éducatifs encouragent les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles moins polluantes. Dans le programme pour le bassin versant de New York, les agriculteurs peuvent participer à des inspections environnementales de leur exploitation afin d’identifier des sources de pollution éventuelles, les moyens de lutte antipollution adaptées et les zones hydrologiques vulnérables (New York Watershed Agricultural Council home page; Walter et Walter, 1999). De même, au Royaume-Uni, un programme réalisé par le Ministère de l’agriculture offre aux agriculteurs des visites gratuites dans les exploitations pour préparer des évaluations sur le risque de pollution et des plans de gestion des déchets (Kraemer et Buck 1997)

Ces programmes sont normalement associés à un plan d’incitations dont l’objectif est de réduire les risques de pollution et d’améliorer l’efficacité économique de l’exploitation. Dans le cas de New York, par exemple, les agriculteurs reçoivent une aide financière pour l’installation de structures antipollution, comme les tuyaux en ciment.

Appui au marché

L’accès amélioré des agriculteurs d’amont aux marchés en aval est un autre mécanisme visant à intensifier la coopération entre les parties prenantes, mécanisme qui peut augmenter le revenu de l’agriculteur et, dans le cadre d’un accord de bassin versant, être utilisé comme incitation à conserver les ressources. (Preston, 1997) Au titre du programme agricole pour le bassin versant de New York, par exemple, les restaurants, les marchés et les fournisseurs se sont engagés à acheter eux-mêmes les produits des agriculteurs participants (New York Watershed Agricultural Council homepage).

Organisations

Le développement organisationnel est essentiel à la mise en place réussie des instruments servant à établir des relations entre les utilisateurs des terres en amont et les consommateurs d’eau en aval.

Les organisations ont deux importantes fonctions:

En premier lieu, elles constituent une instance d’échange entre les parties prenantes en amont et en aval. Le cadre institutionnel mis en place dans le bassin versant Murray-Darling est un bon exemple de ce type d’entité. Il consiste en trois organismes: le Conseil ministériel Murray-Darling et la Commission du bassin versant Murray-Darling, qui comprennent des ministres des États riverains et le Gouvernement fédéral australien, et le Comité communautaire consultatif, qui consiste en représentants des divers bassins versants formant le bassin principal, ainsi que des groupes d’intérêts spéciaux. Dans ce cadre, des décisions sont prises sur le partage des ressources en eau et les coûts de gestion, ainsi que sur la planification à long terme de la gestion du bassin. Les décisions du Conseil ministériel et de la Commission du bassin sont prises à l’unanimité, c’est-à-dire avec le consentement de tous les États riverains (Murray-Darling Basin Commission home page).

Deuxièmement, les organisations jouent un rôle crucial en unifiant les intérêts et les opinions de groupes d’usagers dispersés, comme les agriculteurs en amont. Exemple en est le Conseil agricole de bassin versant de New York. Cette entité a été formée par des agriculteurs et agroindustriels en amont de New York pour négocier l’accord de bassin versant avec la ville de New York. Le Conseil gère actuellement le Programme agricole du bassin versant qui vise à assurer la distribution d’eau potable à la ville (Walter et Walter, 1999).

Approches participatives

On recourt souvent à des approches participatives pour réduire les impacts défavorables des pratiques d’utilisation des terres sur les ressources en eau, afin d’améliorer la gestion des ressources naturelles, par l’intermédiaire, par exemple, de la conservation des sols et des eaux, et d’assurer sa durabilité en faisant participer la population locale à sa planification et à sa mise en oeuvre. Outre les avantages pour l’environnement, les approches participatives apportent des bienfaits économiques, comme l’amélioration des revenus des agriculteurs et la sécurité des moyens d’existence, ainsi que des bienfaits sociaux, comme la création d’associations et la diminution de l’exode rural.

Normalement, les projets participatifs de planification et de gestion des bassins versants sont réalisés au niveau communautaire et ne portent que sur des superficies très exiguës. L’examen des textes montre que les projets participatifs de gestion des bassins versants réalisés à ce niveau ont obtenu de grands succès et donnent de meilleurs résultats que les projets de conservation des terres et des eaux limités aux exploitations individuelles (Hinchcliffe et al. 1995; Farrington et Lobo, 1997).

Toutefois, les approches participatives soulèvent certains problèmes pour les communautés en amont et en aval.

En premier lieu, l’échelle réduite de l’approche tend à ne faire bénéficier des avantages que les agriculteurs participants. En deuxième lieu, au plan social, le bassin versant hydrologique n’est pas toujours l’unité de planification la plus indiquée pour la population locale, notamment si la communauté s’étend sur plus d’un bassin versant. Pour que l’approche participative soit performante, la zone objet de la planification pourrait devoir être ajustée, ce qui risque de compromettre l’établissement de relations amont-aval (FAO, 1996; FAO, 1998). Troisièmement, l’élargissement des approches participatives à de grands bassins versants est une démarche très complexe car elle exige la coopération d’organismes publics et la constitution d’associations de bassin versant. Cela s’applique notamment à la mise en oeuvre de projets. Dans l’étude de cas sur les systèmes d’irrigation réalisés à Sri Lanka, il a été observé que la disponibilité en eau pouvait, en théorie, être grandement améliorée par la planification participative au niveau des sous-bassins versants, mais qu’au niveau du bassin la mise en oeuvre des plans s’avérait impossible en raison du manque d’organisations et de la réticence des autorités à donner leur appui aux plans (Jinapala et al., 1996).

CONCLUSION: CRITÈRES POUR LA BONNE MISE EN PLACE DES INSTRUMENTS ÉTABLISSANT LES RELATIONS AMONT-AVAL

· Les premiers résultats de l’enquête ont permis d’élaborer les critères suivants pour la bonne mise en place des instruments nécessaires:

· L’impact de l’utilisation des terres en amont sur la consommation d’eau en aval doit être bien compris.

Une bonne compréhension de l’impact de l’utilisation des terres est un préalable pour l’établissement des relations amont-aval. Etant donné que ces impacts varient considérablement suivant les conditions de chaque site, ils devront être évalués attentivement au cas par cas (voir document de travail 1).

· L’impact de l’utilisation des terres sur les ressources en eau domine nettement les impacts naturels ou les autres impacts d’origine humaine.

Dans de nombreux cas, les impacts naturels ou humains se superposent aux impacts des utilisations des terres. Dans ce cas, des relations amont-aval ne pourront s’instaurer que s’il est établi qu’elles représentent le facteur déterminant de la disponibilité et de la qualité de l’eau en aval. Cette situation peut se compliquer à mesure que s’accroît la taille du bassin versant (voir document de travail 1). Dans les bassins versants andins, par exemple, il a été estimé que les glissements de terrain se produisant lors des années de fortes pluies, la destruction des berges, la construction de routes et l’urbanisation causent plus d’érosion que les activités agricoles (Estrada et Posner, 1999).

· Les groupes de parties prenantes en amont et en aval sont en nombre limité et bien organisés.

Moins il y a de groupes de parties prenantes vivant dans un bassin versant, plus il sera facile d’établir des relations amont-aval. De même, si les utilisateurs des terres en amont et les consommateurs d’eau en aval sont bien organisés (dans des associations de production, des groupes d’usagers de l’eau ou par l’intermédiaire d’une compagnie municipale de l’eau, par exemple), l’établissement des relations se fera plus efficacement que dans les cas où aucun lien ne connecte les différents intéressés appartenant à un groupe, comme les agriculteurs en amont.

· L’impact économique sur toutes les parties prenantes peut être quantifié.

Dans le cas de New York, par exemple, le coût de l’installation de matériel filtrant pour la fourniture d’eau potable s’est élevé à 6 000-8 000 millions de dollars EU (Hofmann, 1999), alors que les mesures de protection prises en amont du bassin versant n’ont coûté que 600 millions de dollars, d’où une forte incitation à investir dans la protection du bassin versant (Watershed Protection Update).

· La différence de coût entre diverses solutions doit être assez élevée pour encourager la participation au programme de relations amont-aval.

Si les coûts pour les consommateurs en aval sont limités ou se concrétiseront dans un futur éloigné, il est fort improbable que les consommateurs en aval investiront dans la protection du haut du bassin versant. En Colombie, par exemple, les gestionnaires du barrage hydroélectrique du bassin versant de Rio San Antonio pourraient hésiter à financer la conversion des plantations de café, qui sont responsables d’une forte érosion en amont du barrage car, aux taux d’érosion actuels, la capacité hydroélectrique ne sera pas affectée avant 80 ans (Estrada et Posner, 1999).

Cependant, même si les impacts des utilisations des terres en amont ne représentent pas une valeur économique déterminante pour les usagers en aval, cela ne veut pas dire que la protection du haut du bassin versant n’est pas nécessaire. Cependant, dans certains cas, les consommateurs, tout en étant tributaires de ces ressources, ne dégagent pas de leurs activités (comme l’agriculture de subsistance) des revenus suffisants pour financer les mesures de conservation en amont (Estrada et Posner, 1999). Dans d’autres cas encore, les impacts qui nuisent à l’environnement pourraient n’avoir aucune valeur économique (comme les écosystèmes aquatiques auxquels suffit un débit minimal d’eau).

· Il existe un engagement politique pour établir des relations amont-aval.

Pour établir des relations entre les utilisateurs en amont et en aval du bassin versant, l’engagement du gouvernement compétent est indispensable. Les gouvernements nationaux et locaux sont d’importants incitateurs et peuvent fournir leur appui aux programmes de relations amont-aval. En revanche, si ces relations manquent de soutien au niveau public, la mise en oeuvre de programmes qui transcendent la communauté risque de se heurter à des problèmes.

· Il existe un cadre institutionnel et juridique fort qui facilite la mise en oeuvre des instruments de liaison.

De nombreux instruments de liaison exigent, pour être mis en place, un cadre institutionnel et juridique fort. C’est ainsi que, pour transférer des droits de propriété sur la terre et l’eau, il est impératif avant tout de définir ces droits et de les conférer aux utilisateurs des terres et de l’eau. De même, si l’on met en place des instruments de régulation, il faudra des institutions d’application des règlements.

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