1.1 L’urbanisation et la
situation alimentaire
1.2 Des sociétés
urbaines à un tournant
1.1 L’urbanisation et la
situation alimentaire
Tenir un séminaire sur l’approvisionnement des
villes en Afrique en cette fin de siècle demande de s’interroger au
préalable sur l’évolution de ces dernières
années. Alors que la crise aiguë des années 1980 justifiait
de mettre au premier plan des préoccupations la question de la
dépendance alimentaire, aujourd’hui, avec le recul, on constate que
durant ces trente dernières années, l’offre alimentaire a
répondu à la demande des marchés urbains, mais avec un
décalage dans le temps. On peut analyser le déficit
constaté comme un retard de l’offre sur une demande urbaine en
mutation rapide tant sur le plan quantitatif que qualitatif (S.
Snrech)1.
Il faut d’ailleurs souligner que ce retard dans
l’approvisionnement urbain n’a rien d’exceptionnel en phase de
forte urbanisation2 et, en Afrique subsaharienne, le déficit
constaté doit être davantage mis en rapport avec le niveau de
revenu qu’avec le niveau d’urbanisation, comme le soulignaient
déjà certaines études en 1988 (cf. Colloque «Nourrir
les villes»).
Si globalement on constate que la situation alimentaire des
pays de la sous-région s’est améliorée, il reste que
«la qualité nutritionnelle de la consommation est insuffisante;
l’accès à l’alimentation n’est pas toujours
assuré pour les plus défavorisés, même
lorsqu’elle est physiquement disponible; la situation sociale des groupes
les plus faibles risque de se dégrader à l’avenir» (S.
Snrech).
Comment améliorer la consommation des citadins en
quantité, régularité, qualité et prix, et comment,
dans un juste retour des choses, cette amélioration se traduira-t-elle
par une meilleure rémunération de l’effort paysan? Tel est
l’enjeu de l’approvisionnement et de la distribution alimentaires des
villes en Afrique, tel est par conséquent l’enjeu de
l’arbitrage public.
1.2 Des sociétés
urbaines à un tournant
A bien des égards, la situation actuelle des
sociétés urbaines est à un moment
charnière:
- les villes africaines vont continuer de croître à un rythme
soutenu mais cela se fera de manière différente de la période
précédente, le poids de la composante migratoire devant se réduire
par rapport à celui de la croissance naturelle. On assistera par conséquent
à une «endogénéisation de la population urbaine
et de sa demande» (S. Snrech). Quels en seront les impacts sur les modes
de consommation, sur l’organisation de l’approvisionnement et sur
le dynamisme de l’économie urbaine en général? L’avenir
économique des villes reste incertain. Aujourd’hui, leur situation
se caractérise par une grave détérioration des conditions
de vie de la majeure partie des citadins, une précarisation accrue
des plus défavorisés d’entre eux et une aggravation des
inégalités3;
- moment charnière aussi en ce qui concerne le cadre socio-politique
dans lequel les villes vont être amenées à se développer.
Le mouvement de décentralisation et l’ouverture démocratique
qui l’accompagne aujourd’hui dans la plupart des pays en Afrique
portent l’attention sur le rôle des collectivités locales
dans la gestion de la ville. Les compétences et les responsabilités
nouvelles qui leur sont dévolues sont étendues, souvent mal
définies, leurs ressources extrêmement limitées (A. Gnammon-Adiko).
Comment pourront-elles répondre aux besoins essentiels en matière
d’habitat, d’emploi, d’équipements, de services, d’alimentation
de leurs populations? Le vaste secteur populaire qui constitue l’essentiel
de l’économie urbaine permet aux habitants de survivre dans des
conditions de plus en plus difficiles; il ne donne que peu de marge de manoeuvre
aux collectivités locales pour mettre en place une nécessaire
mobilisation de ressources au service d’une amélioration des conditions
de vie en milieu urbain;
- enfin, moment charnière quant au rôle des Etats dans le développement
de leurs sociétés. Les programmes d’ajustement structurel
ont sans doute assaini les principaux agrégats macro-économiques,
les politiques de libéralisation menées dans ce cadre ont permis
la suppression de certains des aspects institutionnels et réglementaires
les plus contraignants dans le champ économique, en particulier dans
le domaine de la commercialisation des produits alimentaires. Cependant, le
retrait de l’Etat des champs d’interventions qui lui étaient
traditionnellement dévolus n’a pas été accompagné
de mesures pour en alléger les effets les plus brutaux sur les catégories
les plus défavorisées. On ne voit pas encore se dessiner le
projet de société sur lequel les Etats entendent s’appuyer
pour assurer le développement de leurs sociétés (M. Padilla).
Telle est la toile de fond sur laquelle s’inscrit la
réflexion concernant l’approvisionnement des villes de demain en
Afrique.