5.1 Le rôle de lEtat dans les SADA
5.2 La sécurité alimentaire, le développement des SADA et les politiques économiques: Quel projet de société?
Le débat sur les politiques a été permanent dans le cadre du séminaire: politiques spécifiques (ou sectorielles) propres à chaque composante des SADA, enfin politiques et programmes généraux de développement des SADA. En toile de fond de la réflexion sur les politiques appliquées aux systèmes dapprovisionnement et de distribution alimentaires des villes en Afrique, une question essentielle revient de façon récurrente: cest celle du rôle de lEtat dans un contexte de libéralisation économique mis en place par les plans dajustement structurel.
Lapproche de la dimension urbaine des politiques économiques développée par M. Padilla dans une vision globale et prospective (politiques dapprovisionnement pour lan 2020) élargit le débat sur le rôle de lEtat en soulevant deux interrogations de fond: quels sont les choix fondamentaux auxquels les Etats sont confrontés pour assurer la sécurité alimentaire des villes sur le long terme? Peut-on dissocier ces choix du projet de société sur lequel les Etats devront bâtir leur développement?
5.1.1 Organiser le cadre dune concurrence réelle
5.1.2 Encourager la contractualisation
5.1.3 Assurer la protection juridique des acteurs
5.1.4 Le rôle clé de linformation
5.1.5 Elaborer une législation qui tienne compte des réalités actuelles
Si lon saccorde sur ce que lEtat devrait être - un régulateur des forces du marché au bénéfice de la collectivité toute entière, un médiateur entre les groupes de pressions, un facilitateur, enfin le garant des règles qui simposent à tous - force est de constater que les politiques de libéralisation nont pas été accompagnées de la mise en place dun nouveau cadre juridique cohérent, nécessaire au développement général des sociétés africaines.
Les besoins fondamentaux en matière de réglementation et de cadre législatif pour améliorer les systèmes dapprovisionnement et de distribution se situent à plusieurs niveaux. On distinguera ci-après les points principaux abordés par le séminaire8.
Le développement et lamélioration des systèmes dapprovisionnement et de distribution alimentaires ne peuvent se faire sans que soient clarifiées les règles du jeu entre les divers acteurs. Cela implique de mettre en place un cadre réglementaire et législatif qui favorise la transparence en précisant les droits et devoirs de chacun des acteurs, et surtout en les garantissant.
Le retrait de lEtat de ses champs dintervention économiques classiques a conduit très souvent au développement de pratiques monopolistiques et de collusion entre les opérateurs privés. Cest une situation fréquente dans le secteur de limportation des denrées alimentaires de base. Il apparaît alors nécessaire de renforcer les services de concurrence qui existent dans tous les pays africains et surtout dorienter leurs actions dans une perspective plus dynamique articulant secteur de limportation et commercialiation des produits vivriers de base.
Des formes nouvelles déchanges sont en train de se développer en relation avec lorganisation croissante des divers groupements professionnels, les besoins des marchés urbains et ceux à lexport, et la demande des industries locales de transformation agro-alimentaire. Pour répondre à cette demande, on assiste dans de nombreux pays africains au développement privé de la production sous contrat. Il est nécessaire de donner un cadre légal clair à ces transactions afin de stabiliser et sécuriser les relations entre les opérateurs. Il faut aussi mentionner dans ce champ dintervention les modalités nouvelles déchanges directs qui sont appelées à se développer entre associations de consommateurs et producteurs. Elles aussi nécessitent de pouvoir se situer dans un cadre contractuel précis.
La protection juridique de ses citoyens est au coeur du rôle de lEtat de droit. Mettre en place une réglementation apte à favoriser le jeu de la concurrence entre acteurs économiques signifie nécessairement porter une attention particulière au cadre et aux procédures qui permettent à ces acteurs de défendre leurs droits.
Dans cette perspective, on rappellera que la protection du consommateur apparaît bien comme lun des champs nouveaux dintervention de lEtat en Afrique quil convient de mettre en place en priorité. La nécessité de faire face à une dure compétition et de créer les conditions dune concurrence loyale sur le marché intérieur pour ne pas pénaliser la production locale, dans le contexte de la libéralisation que connaissent les pays africains, fait apparaître sans détour lurgence dun cadre légal assurant la maîtrise de la qualité des produits, locaux et importés, vendus sur le marché national.
Un des facteurs essentiels à la régulation des marchés et à la concurrence est linformation de lensemble des acteurs. Les systèmes dinformation sur la chaîne alimentaire ont été différemment développés selon les pays durant ces dernières années. Les données quils rassemblent offrent, certes, des éléments de connaissance sur les systèmes dapprovisionnement et de distribution. Mais, en définitive, sont-ils utiles aux acteurs directement concernés? Leur collecte et leur utilisation par les pouvoirs publics sont perçues, à juste titre, par les acteurs des SADA comme loccasion de mettre en place un nouveau contrôle de leurs activités et non comme une aide à la prise de décision. Il convient alors de développer linformation sous toutes ses formes, sur les mouvements des marchés ruraux comme urbains et dorienter ces informations vers les utilisateurs directs - consommateurs, producteurs et commerçants -, enfin faire sortir linformation du cadre étroit des programmes daide durgence dans lequel la conception des systèmes actuels semble encore trop souvent confinée.
Il ne sagit pas «dinformaliser la norme», mais dadapter les réglementations en les simplifiant afin de les rendre plus efficaces. Il sagit notamment de favoriser, à partir du secteur informel, lévolution de certains de ses acteurs les plus dynamiques vers des formes plus modernes dentreprise. Les exemples de cette nouvelle catégorie dentrepreneurs, dans toutes les villes africaines, militent pour un environnement légal plus cohérent, plus transparent et qui surtout sapplique de la même façon pour tous, la complexité et linadaptation de la réglementation actuelle permettant difficilement cette évolution.
Il convient alors dappuyer la mise en place des cadres juridiques nécessaires aux différents niveaux (administration centrale et collectivités locales), de renforcer les compétences de ces services dans lélaboration des réglementations et lharmonisation des réglementations existantes dans la sous-région: cest un domaine prioritaire.
5.2.1 La question alimentaire nest plus aujourdhui une priorité des Etats
5.2.2 Quelles sont les perspectives futures pour la sécurité alimentaire des villes à lan 2020?
Mme Padilla rappelle que lhistoire des politiques alimentaires publiques mises en oeuvre au cours de ces trente dernières années au nom de la sécurité alimentaire des populations apporte un premier éclairage sur lévolution de ce concept et de ses modalités dapplication: planification alimentaire jusquà la fin des années 1960, sécurité alimentaire autocentrée des années 1970 (période pendant laquelle le recours systématique à laide alimentaire et aux subventions des prix de produits alimentaires importés ont conduit à une politique inefficace du point de vue du secteur agro-alimentaire, inéquitable et coûteuse), et libéralisation des économies à partir des années 1980 qui a entraîné un changement complet de perspective.
La conception qui prédomine est celle dun ajustement automatique de loffre et de la demande alimentaires, en particulier urbaines, par le seul jeu du marché libéré des contraintes diverses qui entravaient son développement. En agissant sur les variables structurelles de léconomie globale qui commandent léconomie alimentaire, on peut par conséquent sabstenir de mettre en oeuvre des politiques spécifiques de sécurité alimentaire.
Dans la période actuelle, comme aucune politique dachat nest prévue dans les plans dajustement structurel, le seul moyen de garantir une alimentation suffisante à tous est doffrir des produits à prix raisonnables par la rationalisation de la chaîne alimentaire. Cest bien là lenjeu majeur de toutes les politiques à engager pour améliorer lefficacité des SADA. Pour autant, est-ce suffisant?
«Espérer que spontanément, par le seul jeu des forces du marché et des acteurs, on puisse atteindre la sécurité alimentaire relève de lutopie. Il nexiste pas de main invisible mais des intérêts contradictoires».
Pour M. Padilla, des politiques compensatoires sont dautant plus fondées que les mesures déquilibre structurel des économies conduisent à un appauvrissement des populations.
«Les conséquences de linsécurité alimentaire de court terme et de moyen terme sur le développement humain justifient des mesures compensatoires aux plus défavorisés».
La gestion de lurgence de court terme reste la préoccupation majeure des gouvernements, souligne M. Padilla, qui constate que parmi les diverses voies de la sécurité alimentaire, aucun choix mûrement réfléchi et délibéré na été fait. Or, aucune stratégie sur le long terme ne peut être mise en place sans un projet de société cohérent: développer les systèmes dapprovisionnement et de distribution alimentaires des villes suppose alors la résolution de dilemmes fondamentaux auxquels lEtat doit faire face. Ces dilemmes portent essentiellement sur quatre points:
M. Padilla sinterroge finalement: les pays africains manifesteront-ils leur volonté politique de placer au coeur de leurs choix cet objectif essentiel à la pérennité de leur société: la sécurité alimentaire de leurs populations?