ANNEXE 1: ÉTUDE DE CAS
N° 3
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INTRODUCTION
La zone de savane guinéenne de lAfrique de lOuest, qui fait partie du système dexploitation agricole mixte céréales-racines, a été choisie pour faire lobjet dune des études de cas en raison du potentiel de développement que possède cette très importante ressource naturelle sous-utilisée dans laquelle la productivité et les revenus des ménages sont actuellement bas. Cette étude reste à un niveau général en raison de la complexité des systèmes dutilisation des terres et de la diversité des interventions nécessaires.
Climat, ressources en eau et en terres
Les savanes guinéennes du nord et du sud sétendent sur une large bande qui traverse la plupart des pays de lAfrique de lOuest. Elles ont un régime de température tropical chaud. La longueur de la période végétative (mai/juin à septembre/octobre) varie denviron 150 jours - avec souvent de courtes périodes de sécheresse au début de la saison végétative, en bordure du Sahel - à 210 jours dans la partie sud. Les probabilités de sécheresse sont faibles pendant la plus grande partie de la saison végétative, bien quune petite période de sécheresse puisse se produire à mi-saison près de la limite sud avec la zone issue de la savane et la zone forestière, où les sécheresses de mi-saison ont un impact sur lagriculture. La longueur de la période végétative et la pluviométrie totale varient non seulement dannée en année, mais aussi à léchelle des décennies (relativement humides pendant les années 30 à 60, sèches au cours des années 70 et au début des années 80, relativement humides depuis lors). La moyenne annuelle des pluviométries de la zone varie de 800 mm au nord à 1200 mm au sud. Lévapotranspiration potentielle, qui se situe entre 1500 et 2000 mm, dépasse la pluviométrie annuelle. Le surplus pluviométrique pendant la saison humide est généralement inférieur à 300 mm. La profondeur de leau souterraine au fond des vallées et des plaines des rivières est variable.
Plusieurs fleuves traversent la zone de savane guinéenne. La Gambie est très saisonnière; durant la saison sèche, leau salée remonte jusquà 250 km de lembouchure. En labsence de construction importante de barrage, on estime quun maximum de 2 400 ha pourrait être irrigué en saison sèche. Les sources du fleuve Sénégal se trouvent dans la zone de savane guinéenne. Le débit annuel quittant cette zone est estimée à environ 8 km3, mais durant la saison sèche, le fleuve sassèche souvent. On estime que le fleuve Sénégal pourrait permettre dirriguer quelque 15 000 ha de savane guinéenne. Le débit annuel des eaux du Niger entrant par le sud dans la zone de savane guinéenne est estimé à 40 km3. Au Mali, plusieurs affluents ayant un débit total annuel denviron 16 km3 se jettent dans le fleuve Niger avant que celui-ci ne quitte la zone de savane humide en direction du delta intérieur où beaucoup deau est perdue par évaporation. Le débit du Niger est denviron 30 km3 lorsquil entre à nouveau dans la zone de savane humide et denviron 40 km3 lorsquil quitte la savane guinéenne au sud. Il est difficile destimer le potentiel dirrigation en zone de savane humide, mais le potentiel dirrigation totale du Niger est denviron 2,8 millions dha.
Les sources du fleuve Volta sont situées dans la zone de savane humide. Lorsque la Volta quitte la zone en direction du sud, son débit annuel est estimée à environ 8 km3 et la superficie irrigable à 0,7 million dha. La superficie actuellement équipée pour lirrigation dans cette zone est de lordre de 84 000 ha, terres humides et fonds de vallée cultivées non compris.
Les principaux sols de la zone (les lixisols) contiennent des argiles peu actives mais leur saturation basique est relativement élevée. On trouve, associés aux lixisols dans les parties les plus humides, des sols plus acides, dont la saturation basique est plus faible (les acrisols) et, dans les parties plus sèches au nord de la zone, des sols acides sableux (les arenosols). Des sols très pauvres, très peu productifs, avec un couche latéritique à faible profondeur sont dispersés dans toute la zone et peuvent être localement dominants, comme dans certaines parties du nord du Ghana. Les sols sableux sont relativement faciles à travailler mais sont déficients en éléments nutritifs et retiennent peu dhumidité. La fertilité naturelle des sols acides des parties les plus humides est généralement faible, et beaucoup dentre eux ont besoin dapplications de chaux et de phosphate pour augmenter leurs rendements. Dans les vallées et les principales plaines fluviales, les sols sont généralement fertiles mais intensivement cultivés dans de nombreux endroits. En labsence dapports réguliers déléments nutritifs, ils peuvent sépuiser très rapidement.
Les savanes guinéennes font partie dune zone agroécologique étendue que lon retrouve aussi en Afrique de lEst et du Sud, dans la région des Cerrados du nord-est du Brésil, ainsi que dans certaines régions de plusieurs pays dAsie du Sud-Est et du Sud. Les technologies agricoles dautres régions de cette zone pourraient être essayées et, si cela est possible en raison de la similitude des conditions, adaptées pour être utilisées dans les savanes guinéennes[261].
Utilisation générale des terres et systèmes dexploitation agricole
Les savanes guinéennes, moins densément peuplées que les zones plus près des côtes, ont encore des terres très peu utilisée, particulièrement en séloignant des routes. Les terres facilement accessibles sont très utilisées pour la production de cultures annuelles, avec généralement peu dintrants externes et des rendements faibles. Les cultures sont le maïs et le sorgho; les mils dans le nord; le coton, le manioc, le soja et le niébé; ligname près de la bordure sud; et le riz aquatique dans les plaines et les vallées. On trouve souvent du maraîchage et des fruits dans les jardins familiaux. De nombreuses fermes possèdent des bovins, principalement des NDama, utilisés pour la traction animale ou pour la production laitière; toutefois, ils sont moins fréquents en bordure sud à cause de la menace que représente la mouche tsé-tsé. On rencontre souvent des petits ruminants près des habitations. Le fumier est principalement utilisé pour maintenir la productivité du jardin de case, une petite partie est parfois aussi répandue sur les champs les plus proches. Une partie des exploitations a recours à la traction animale, surtout les bufs; quelques unes des plus grandes exploitations ont un tracteur, mais de nombreux agriculteurs travaillent leur terre à la houe, ce qui limite énormément les surfaces cultivées. Les ménages consomment généralement une grande part des produits de lexploitation, certains sont vendus au moment de la récolte.
Nous avons identifié cinq systèmes dexploitation agricole (SEA)[262] principaux ou variantes dans la zone de savane guinéenne, en fonction des densités de population, des proportions de terre cultivée et des densités de bétail (tableau 1).
Le premier système (SEA 1) recouvre la plupart de la partie nigériane de la zone, une grande partie du Burkina Faso, certains parties du Togo et du Bénin et une partie du Sénégal. Cest un système agricole mixte où les densités de population, la proportion de terre cultivée et la densité de bétail sont moyennes à fortes. Une expansion et une intensification sont encore possibles. Ce système occupe une grande partie des terres près de la transition avec les deux systèmes mixtes intensifs agriculture-élevage pratiqués dans les zones densément peuplées et autour des centres urbains (le plateau de Jos et autour de Kano au Nigeria, de Ouagadougou au Burkina Faso et de Dakar au Sénégal). Dans un de ceux-ci, le SEA 2, la forte densité de population entraîne une utilisation importante de terres et une forte densité de bétail; dans lautre, le SEA 3, la proportion de terres cultivés et le nombre de têtes de bétail, tous deux plus faibles, reflètent leffet des centres urbains et de la très forte densité de population urbaine et périurbaine. Dans ces deux systèmes, les accroissements de production agricole viendront plus de lintensification que de lexpansion.
Le SEA 4 couvre de larges étendues au Bénin, au Ghana, en Côte dIvoire, au Mali, en Guinée, en Guinée Bissau et au Sénégal, et dans le reste des pays mentionnés ci-dessus. Comme on peut sy attendre, la proportion de terre cultivée et la densité de bétail sont plus faibles en raison des densités de population plus faibles. Le système comprend un type dexploitation mixte autour des villages, et lagropastoralisme et le pastoralisme dans les zones environnantes. En plus des troupeaux de NDama, tolérants au trypanosome (par exemple en Guinée), on rencontre des troupeaux de Zébu dans les zones où la pression de la mouche tsé-tsé est relativement faible. Ces troupeaux migrèrent vers le Sud avec leurs propriétaires pendant les sécheresses des années 80 (par exemple vers la Côte dIvoire) où nombre dentre eux se sont installés. Linstallation dun nombre croissant de personnes dans ces endroits de la zone sahélienne vers le nord où leau est disponible, a réduit les possibilités de pâturage en saison des pluies et a conduit ensuite les pasteurs nomades à se fixer dans cette zone. Lagriculture et lélevage de troupeaux coexistent avec peu dintégration, entraînant des conflits fréquents. Le manque de droit foncier formel ou darrangements fonciers sûrs contribue à cette situation. On rencontre le système mixte (SEA 5) encore plus extensif et un peu plus orienté vers lélevage vers la limite plus humide de la zone guinéenne.
Table 1. Systèmes dexploitation agricole en zone de savane guinéenne, Afrique de lOuest
N° |
Densité de population (pers/km2) |
Terre cultivée (%) |
Densité du bétail (tête/km2) |
Ha cultivés/100 pers. |
Nbre. bétail/100 pers. |
Niveau d'exploitation |
SEA 1 |
63 |
18 |
11 |
29 |
17 |
Moyen |
SEA 2 |
142 |
84 |
39 |
59 |
27 |
Fort |
SEA 3 |
238* |
37* |
20* |
16* |
8* |
Fort |
SEA 4 |
23 |
5 |
8 |
22 |
35 |
Faible |
SEA 5 |
13 |
2 |
4 |
15 |
31 |
Faible |
* Valeurs non ajustées pour la présence de terre et de population urbaines.
Dans la mesure où des facteurs tels que la pauvreté des sols ou la prévalence de lonchocercose ou de la trypanosomiase animale ne freinent pas leur développement, les expansions de surfaces de ces deux systèmes agricoles pourraient être importantes, particulièrement pour les systèmes intégrés agricultureélevage.
Infrastructure, services et institutions
Dans les pays de la savane guinéenne, les efforts des investissements publics en matière de transport rural se sont généralement concentrés sur lamélioration des routes principales. On estime que 50 à 70 pour cent du réseau des routes secondaires de la zone de savane guinéenne sont en mauvais ou très mauvais état. Les chemins daccès, qui sont généralement mal entretenus et manquent souvent de structures simples mais de base telles que les fossés, deviennent impraticables pour les véhicules pendant la saison des pluies. Ces conditions renchérissent, ralentissent et parfois même rendent impossible le transport des produits aux marchés locaux ou un peu plus éloignés.
Un certain nombre de faiblesses affectent le système local de commercialisation, particulièrement les plus petits marchés ruraux et les marchés secondaires, qui forment le lien entre celui-ci et les principales zones de consommation. Les problèmes rencontrés sont, en plus des difficultés de transport, le manque déquipement de base entraînant des gaspillage et des pertes, des distorsions dans les flux des produits, dans la formation des prix et la transparence du marché. En conséquence, le système commercial est lent à répondre aux demandes des producteurs et des consommateurs, ses coûts de transaction sont élevés et son mauvais fonctionnement entraîne des pertes importantes, spécialement pour les produits périssables, y compris le manioc.
Seule une faible partie de la population rurale de la savane guinéenne bénéficie dun accès facile à leau potable. Dans la plupart des cas lapprovisionnement traditionnel, à partir des ruisseaux et des mares, nécessite beaucoup de temps et des efforts considérables; ces ruisseaux et ces mares peuvent sassécher pendant les périodes sèches, de plus la qualité de leurs eaux est très mauvaise durant la saison sèche. Les maladies causées par leau sont nombreuses. Dans la plupart des pays de la zone de savane guinéenne, moins de 15 pour cent des villages sont reliés au réseau national délectricité. Le manque délectricité limite les possibilités déducation, de fourniture deau en zone rurale, dirrigation et de transformation locale.
Le système de vulgarisation «formation & visite» a été introduit dans la plupart des pays de la zone, il a permis dunifier des sous-services tels que ceux de lélevage, des forêts et des pêches. Il a apporté certains avantages mais sest révélé financièrement non durable; de plus, il ne fonctionne souvent pas très bien à lintérieur des structures gouvernementales décentralisées. Dans les zones récemment repeuplées à la suite de léradication de lonchocercose, linformation concernant la vulgarisation circule souvent mal et est même parfois inexistante.
A part quelques crédits liés à la culture du coton, les services dépargne et de prêt sont le plus souvent absents de la zone. Les taux du crédit informel sont généralement très élevés.
Dans la zone de savane guinéenne, les organisations dagriculteurs sont en général faibles ou inexistantes pour les raisons suivantes: installation récentes des agriculteurs à la suite de léradication de lonchocercose, isolement des villages et faiblesse des communications par rapport aux zones plus proches des côtes. Cependant, il existe dans la plupart des villages une certaine cohésion sociale basée sur les structures et les relations traditionnelles. Cette cohésion sociale pourrait servir de base pour les organisations rurales dagriculteurs.
LIMITES ET POTENTIEL DE LINSTALLATION DANS LES NOUVELLES TERRES ET DU CHANGEMENTS DE LEUR UTILISATION
Deux problèmes importants se sont historiquement opposés au développement de cette zone: lonchocercose et la trypanosomiase. Les efforts importants du Programme de contrôle de lonchocercose (PCO) mis en route en 1974 pour éradiquer la cécité des rivières en Afrique de lOuest, ont permis déviter plusieurs centaines de milliers de cas de cécité et de récupérer 25 millions dha de terres précédemment infestées. La plupart de la savane guinéenne est maintenant exempte donchocercose, et le programme continue à travailler à léradication dans les zones endémiques restantes, par exemple certaines parties du Nigeria. Le programme a ainsi levé une contrainte majeure au développement socioéconomique et ouvert dimportantes nouvelles possibilités pour les populations de la région. Une partie importante des terres agricoles devenues disponibles grâce au contrôle de lonchocercose (les «nouvelles terres») est probablement relativement fertile et a accès à leau de surface ou souterraine car lonchocercose se développait le plus fréquemment près des rivières où le vecteur (la mouche noire) déposait ses oeufs.
Alors que lonchocercose a été efficacement contrôlée dans plus de 60 pour cent de la zone, la trypanosomiase animale africaine (TAA) transmise par la mouche tsé-tsé représente encore une contrainte majeure au développement agricole. La distribution de la présence de la mouche tsé-tsé, et donc du risque de la trypanosomiase, nest pas uniforme dans toute la zone. La distribution de la tsé-tsé dépend du climat, elle est associée à la présence de différentes espèces adaptées soit à la savane soit à la végétation le long des rivières. Cest pourquoi dans la bande nord, la partie la moins humide de la zone de savane guinéenne, la mouche tsé-tsé ne sera généralement présente que le long des principaux systèmes de drainage. Lutilisation de pâturages adaptés permet alors aux éleveurs de minimiser lexposition du bétail à la mouche. Cependant, dans la bande sud, plus humide, la mouche tsé-tsé ne se limite pas aux systèmes de drainage, mais elle envahit aussi, selon la saison, la savane voisine; ainsi, les risques de trypanosomiase augmentent-ils vers le sud.
Pour répondre à cette menace, les agriculteurs ont pris lhabitude délever du bétail tolérant à la trypanosomiase, cest-à-dire tolérant aux trypanosomes, parasites causant la TAA. Il a été effectivement démontré que le bétail tolérant contribue à réduire le problème de la trypanosomiase; toutefois, la tolérance seule ne permet pas aux agriculteurs délever les animaux comme et où ils le souhaitent. La présence de la mouche tsé-tsé demeure un obstacle majeur au développement de lélevage et freine particulièrement le développement agricole mixte et lintensification. La TAA empêche les agriculteurs de transformer leur agriculture de subsistance en un système délevage plus intensif. Une étude récente de la FAO[263] décrit les zones où léradication de la mouche tsé-tsé serait la plus bénéfique pour le bétail. Ces principales zones en savane guinéenne comprennent le triangle du coton de louest africain (Burkina Faso - Mali - Côte dIvoire) et la moyenne ceinture du Nigeria. Une étude en cours étudie plus en détail les bénéfices économiques dopérations de contrôle à grande échelle.
La mouche tsé-tsé transmet aussi aux humains la maladie du sommeil. Cette maladie, qui est concentrée dans une série de lieux dans les parties les plus humides du sud de la zone de savane guinéenne, est un problème grave.
PRINCIPAUX PROBLÈMES, POSSIBILITÉS ET INTERVENTIONS ESSENTIELLES
Les possibilités et les interventions de développement les plus efficaces pour réduire la pauvreté, augmenter la productivité et assurer la durabilité des systèmes dexploitation agricoles des ménages de la zone de la savane guinéenne portent sur lintensification des systèmes dexploitation agricole mixte agriculture-élevage. Cette intensification implique: lirrigation localisée; lamélioration des services du système pastoral/agropastoral; lamélioration de lintégration agriculture-élevage (animaux de trait, alimentation à partir des cultures de couverture et des sous-produits de récolte, fumier issu de la production animale intensive); la diversification par lintroduction de nouvelles cultures et rotations; la promotions dentreprises locales procurant de la valeur ajoutée après récolte; et lamélioration de linfrastructure, des services et institutions au service des personnes et des entreprises de la zone.
Les possibilités spécifiques et les interventions prometteuses présentées ci-après ne doivent pas être considérées isolément; elles ont pour but daider les ménages et les communautés à améliorer leurs moyens de subsistance à partir des ressources et des systèmes dexploitation agricole de la zone. Les synergies entre ces interventions sont importantes. Par exemple, lagriculture de conservation réduit le besoin en traction animale pour la préparation de la terre, de sorte que les animaux de trait peuvent être utilisés sur de plus grandes surfaces. Ce type dagriculture réduit les possibilités de pâturage des terres cultivées pendant la saison sèche, mais il implique la production de cultures de couverture et augmente les sous-produits de récolte qui peuvent être utilisés pour améliorer lalimentation des animaux durant la saison sèche. Certaines interventions peuvent déjà améliorer considérablement la situation actuelle, mais la plupart dentre-elles ne seront pleinement bénéfiques que si elles sont accompagnées daméliorations des infrastructures, des services et des institutions comme cela a été mentionné dans la dernière section.
PRODUCTION VÉGÉTALE INTENSIFIÉE RENTABLE ET DURABLE
Des changements dans la gestion des sols, des cultures et des ravageurs des plantes peuvent permettre aux ménages agricoles daméliorer grandement leur situation économique et nutritionnelle. Ces modifications des systèmes dexploitation agricole permettent de diminuer le coût des intrants, de mieux répartir les charges de travail au cours de lannée, daméliorer laction des engrais et de la matière organique, de réduire leffet des mauvaises herbes et la nécessité de lutter contre les insectes et les maladies, et entraînent laugmentation et la stabilisation des rendements. Ces changements comprennent trois éléments ou aspects principaux.
Lagriculture de conservation est basée sur le travail minimum ou le non travail du sol, le semis direct et la couverture continue du sol[264]; ces techniques améliorent la résistance à la sécheresse et réduisent progressivement laction des mauvaises herbes. La gestion intégrée de la nutrition des plantes, basée sur la rotation des cultures en y incluant des légumineuses, la couverture continue du sol et le recyclage maximum déléments nutritifs - y compris du fumier et des résidus ou déchets après récolte - améliore léquilibre des éléments nutritifs pour les plantes et augmente lefficacité des applications dengrais minéraux. La gestion intégrée des ravageurs et des cultures (GIRC) est basée sur une gestion des cultures qui accroît la résistance aux maladies et aux mauvaises herbes et sur une observation périodique systématique, de la part des agriculteurs, de léquilibre entre les prédateurs naturels et les infestations. Ainsi, la GIRC permet de réduire ou même déliminer les traitements pesticides, de baisser ainsi les coûts de production et daméliorer létat sanitaire des plantes et les rendements. La culture de mucuna nous fournit un exemple de ces trois éléments: couverture pour le contrôle des mauvaises herbes, renforcement de la fertilité du sol et production dun aliment pour le bétail. Cette pratique, qui est déjà courante dans certaines parties de la zone de savane guinéenne, est encore inconnue sur de larges étendues.
De telles améliorations des systèmes dexploitation agricole existants, ainsi que dautres changements discutés ci-dessous, ne peuvent pas être simplement délivrés tels quels. Ils doivent être étudiés, testés et adaptés au moyen dexpérimentation en vraie grandeur, dun apprentissage participatif et de discussions, afin dêtre parfaitement compris et appliqués avec succès. Les méthodes se rattachant à lenseignement des agriculteurs au champ, aux comités de recherche dagriculteurs, au développement participatif de technologies, à la promotion dagriculteurs innovateurs, et au campesino a campesino ont toutes démontré leur efficacité pour augmenter et maintenir la participation active, la coopération et linitiative des agriculteurs. Les organisations dagriculteurs, les ONG et les fournisseurs privés de service de vulgarisation à petite échelle ont tous la responsabilité de permettre aux communautés locales de prendre les meilleures décisions basées sur une bonne compréhension scientifique plutôt que sur des recettes standards.
Lintroduction, dans le cadre dun apprentissage participatif et de découverte, de méthodes de non travail du sol, de couverture continue du sol avec des rotations adaptées de cultures qui peuvent permettre, en deux ou trois ans, daugmenter considérablement les rendements et la tolérance à la sécheresse, même en utilisant peu dintrants externes, est un bon point de départ. Dautres améliorations peuvent être étudiées par la suite après ce succès initial.
Investissement dans les équipements pour une agriculture de conservation
Le manque de puissance de traction, particulièrement pour le travail du sol et les opérations de semis, freine aujourdhui laugmentation ou même le maintien de la production agricole. Le manque de main-duvre dû aux igrations et aux maladies, le manque danimaux de traction dû à la présence de la trypanosomiase ou au manque de fourrage et le manque de puissance motorisée dû aux limitations en capital et en services, sont autant de facteurs responsables du retard des opérations de semis, qui entraînent des rendements faibles ou limitent les surfaces cultivées. Lagriculture de conservation, qui nécessite beaucoup moins de puissance agricole, permet de mener à temps les opérations de semis et dobtenir ainsi des rendements plus élevés, tout en laissant la force de travail disponible pour des activités plus rémunératrices. Lintroduction de cette technologie peut nécessiter une aide à linvestissement, plutôt sous forme de crédit que de don. Le semoir représentera le principal investissement en équipement. Il peut être, en outre, nécessaire de soussoler une fois les terres particulièrement dégradées et davoir recours aux traitements herbicides durant les deux ou trois premières années. Les cultures de couverture et les résidus laissés après la récolte peuvent être découpés à laide dun rouleau coupant, qui peut être facilement fabriqué localement à bas prix[265].
Investissement dans le développement de lélevage
Comme nous lavons expliqué précédemment, la solution du problème que représente la mouche tsé-tsé devrait avoir un impact majeur sur le développement agricole général de cette zone. Cest pourquoi les résultats des études en cours sur la rentabilité du contrôle et de léradication de la mouche tsé-tsé, menées conjointement par la FAO et le FIDA, peuvent permettre de préparer des investissements dans cette zone. La privatisation des services vétérinaires et de la vulgarisation constitue un bon début; elle nécessite une revue de ce secteur dans toute la région, pour tenir compte des échecs et des succès, afin didentifier les besoins présents et les possibilités dinvestissement.
Le pastoralisme de cette zone est de plus en plus sédentaire; il occupe des terrains qui ne sont pas encore utilisés pour la culture, à une certaine distance des villages. Certains pays doivent encore mettre en place des politiques et des législations afin détablir des titres fonciers légaux doccupation des terres pour les éleveurs et pour les agriculteurs. Les approches participatives seront essentielles pour résoudre les problèmes fonciers. On pourrait commencer par mettre en place un cadre légal pour les modèles dinstallation et doccupation des terres plutôt que denvoyer les éleveurs vers des zones pastorales nouvellement créées.
Les systèmes pastoraux et, de plus en plus, agropastoraux deviendront plus rentables et plus durables grâce aux investissements stratégiques associés à la promotion des organisations déleveurs et à la formation. Plus spécialement, létablissement de marchés de bovins, bien distribués et faciles daccès, et dabattoirs localisés aux endroits stratégiques, est essentiel pour sassurer que les propriétaires de bétail eux-mêmes profitent de la valeur ajoutée de leur élevage. Laccès aux soins vétérinaires, les installations de quarantaine et de vaccination amélioreront non seulement la santé animale et la productivité, mais permettront aussi la certification des animaux ou de la viande pour lexportation, et faciliteront ainsi louverture de nouveaux marchés et augmenteront lacceptation des produits. Ces services, ainsi que les marchés et les abattoirs, pourraient relever du secteur privé si des contrôles du gouvernement sur la santé et la qualité sanitaire étaient mis en place.
La promotion de la traction animale est un facteur essentiel pour améliorer lintégration agriculture-élevage. Ce problème doit être considéré comme faisant partie dun ensemble permettant lutilisation durable de la traction animale dans la région et être traité comme tel. Les animaux doivent être issus des troupeaux locaux plutôt que délevages des gouvernements. On peut introduire des races améliorées dans ces troupeaux si une sélection appropriée peut être conduite.
Lamélioration des techniques délevage devrait être introduite dans les systèmes agricoles mixtes. Ces techniques sont: la stabulation de nuit pour permettre la collecte du fumier ou la stabulation permanente avec une alimentation convenable et une utilisation maximum des résidus de récolte et des sous-produits ainsi que des plantes fourragères. Lamélioration de lalimentation grâce à lutilisation des plantes fourragères et des sous-produits de récolte serait particulièrement bénéfique pour la production laitière ou pour lalimentation à létable pendant la saison sèche. Lintensification de la production animale à cycle court au niveau du village, telle que la volaille et la production dufs pour les marchés locaux et lengraissement des petits ruminants pour les fêtes annuelles, peut se faire en utilisant peu dintrants. Par contre, lintroduction de pratiques améliorées semi-intensives délevage de volaille, de petits ruminants et de production porcine, peut être plus difficile à réaliser. Ces pratiques nécessitent des services vétérinaires et de vulgarisation opérationnels, laccès à lalimentation du bétail et aux concentrés, ainsi quaux services de reproduction. Tous ces services peuvent être fournis pour répondre à la demande dagriculteurs organisés en associations; ils impliquent aussi des investissements complémentaires pour faciliter laccès aux marchés locaux.
Les coopératives laitières des zones périurbaines nont pas toujours obtenu de bons résultats. Deux raisons sont souvent invoquées pour expliquer ce manque de succès: la concurrence avec le lait en poudre, facile à importer, à stocker et bon marché et le fait que, souvent, les intéressés ne sont pas impliqués dans la transformation, la vente au détail et la distribution. Le prix du lait en poudre restera une contrainte majeure; toutefois, la participation des associations de propriétaires de bétail dès la mise en route des projets pourrait apporter un élément de réponse. En cas de réussite, lamélioration génétique des races locales pourrait constituer létape suivante. Dans plusieurs endroits les investisseurs privés sintéressent déjà aux élevages intensifs périurbains de volaille, de porc et de production laitière. Les zones agricoles proches peuvent profiter de létablissement de liens commerciaux avec ces systèmes de production, en vendant des aliments pour le bétail et des sous-produits de récolte et en utilisant le fumier de ces systèmes intensifs.
Equipement bon marché pour la petite irrigation
Ces dernières années, plusieurs pays ont commencé à développer et à utiliser largement un équipement dirrigation goutte-à-goutte précis et bon marché. Ces systèmes ont produits de bons résultats sur des surfaces allant de 20 m2 pour les jardins de case, à quelques hectares pour des groupes dhorticulteurs. De tels systèmes, déjà testés dans certains pays dAfrique permettront, près de leau de surface ou lorsque leau souterraine est peu profonde, la production de cultures maraîchères et fruitières pendant la saison sèche pour la consommation locale et pour les marchés. La production de 20 m2 de maraîchage ne requiert que quelques seaux deau par jour; une pompe à main ou à pied de modèle suisse peut fournir leau nécessaire à lirrigation de plusieurs centaines de mètres carrés. Des ensembles de pompes à moteur seront nécessaires pour des systèmes plus grands. Les pompes à pied, déjà utilisées au Sénégal et en Tanzanie par exemple, peuvent être fabriquées localement en utilisant des matériaux bon marché.
Introduction de la culture du palmier à huile et de sa transformation
Le récent développement de clones précoces de palmier à huile à haut rendement, adaptés à certains environnements non traditionnels facilite leur introduction dans certaines parties de la savane guinéenne, spécialement dans les vallées et les plaines des fleuves où la présence deau souterraine est relativement limitée.
Limportance économique du palmier à huile provient de sa très forte productivité en huile. Dans le secteur des plantations, de grandes usines produisent lhuile de palme brute pour les industries de raffinage de lhuile comestible qui poursuivent la transformation en huile de cuisine, en margarine et en matière grasse pour la pâtisserie. Lhuile brute, pour lutilisation des ménages et la vente locale, est généralement produite à partir de procédés artisanaux traditionnels. Ceux-ci sont relativement simples mais fatigants et inefficaces; leur taux de transformation est relativement faible. Des procédés manuels ou complètement automatisés, beaucoup moins fatigants et ayant une bien meilleure efficacité dextraction, sont aujourdhui très utilisés pour lextraction de lhuile de palme à petite échelle. Léquipement dextraction à petite échelle, dont lefficacité a encore besoin dêtre améliorée, est produit localement dans un certain nombre de pays de la région.
Transformation locale et commercialisation des produits du manioc et du soja
Afin de le rendre non toxique, daugmenter sa durée de conservation et de faciliter son transport, le manioc est généralement transformé à la maison ou au village avant sa consommation ou sa commercialisation. Le premier type de transformation du manioc est la production de chips par dessiccation. Il existe aujourdhui un commerce important, mais très concurrentiel, de chips de manioc pour l'alimentation du bétail. Les coûts de distribution (transport) étant un facteur important pour les importations européennes de chips de manioc, les ports de l'Afrique de l'Ouest peuvent présenter un avantage par rapport aux fournisseurs traditionnels de lAsie. Les chips de manioc pourraient aussi devenir importantes pour lalimentation des animaux des agriculteurs et des éleveurs locaux.
Le deuxième type de transformation est la production de farine (à partir des chips) et dune variété de produits tels que le fufu, produit humide hautement périssable, préparé à partir de la farine de manioc, le gari, aliment de base fermenté, lattieke, aliment fermenté pré gélatinisé, semblable au gari, le lafun, farine de manioc fermentée et le chickwangue, pâte de manioc pré gélatinisée se présentant habituellement sous forme de boules. Tous ces produits sont généralement fabriqués à la maison ou au village en utilisant des équipements relativement simples pour lépluchage, le grattage, le séchage, le tamisage et le chauffage (à sec ou à la vapeur). Un investissement de quelques centaines de dollars peut permettre dinstaller une industrie de transformation du manioc au niveau dun village. Il existe aussi quelques grandes chaînes automatisées pour la préparation du gari, de lattieke et de la farine de manioc.
La transformation du manioc au niveau des ménages ou des villages nécessite beaucoup de main-duvre; toutefois, son potentiel de génération de revenu en zone rurale est considérable. Lintroduction de technologies améliorées et la formation seraient très utiles dans ce domaine.
La valeur nutritive du soja, aussi bien pour les humains que pour les animaux domestiques, est exceptionnelle. Cependant, il est nécessaire de cuire, de griller ou dextruder son grain pour quil devienne digestible pour les humains. Le soja peut être aisément transformé au village. Le lait de soja et ses dérivés tels que le tofu, le yogourt et la crème glacée sont relativement faciles à préparer. La production de lait de soja est simple, elle ne demande aucun équipement spécial et peut être réalisée par les ménages. Un investissement de quelques centaines de dollars permet dinstaller une industrie artisanale de production de lait de soja. De nombreuses firmes dans le monde fabriquent des chaînes de production de lait de soja complètement automatisées. Quelques investissements supplémentaires sont nécessaires pour la production de tofu ou de yoghourt à partir du soja. La fraction solide, restant après la filtration du lait, constitue la base de plusieurs plats populaires du Nigeria.
Le procédé dextrusion-extraction permet la production dhuile de soja à petite ou à moyenne échelle. Ce procédé permet de récupérer environ la moitié de lhuile contenue dans le grain. Le produit de qualité qui en résulte, à haute teneur protéique, peut être transformé en farine et utilisé pour augmenter la teneur en protéine dun certain nombre de produits alimentaires pour la consommation humaine. Ce produit peut aussi être utilisé comme un composant riche en protéine de laliment du bétail, particulièrement dans les systèmes intensifs périurbains de production de viande ou de lait. On peut produire de la matière grasse de soja complète et meilleur marché par extrusion directe; ce procédé donne un produit riche en protéine et en calorie pour lalimentation animale.
Fabrication, maintenance et réparation locales de léquipement
Il est impératif que lapprovisionnement en équipements et laccès aux services appropriés soient assurés dès le tout début de lintroduction de lagriculture de conservation et du semis direct sans travail du sol. Plusieurs pays ont mis au point et produisent léquipement nécessaire pour le semis direct sans travail du sol pour une grande variété de cultures, de systèmes dexploitation agricole et de tailles dexploitation. En conséquence, la technologie de base existe et peut être introduite en Afrique de lOuest. Cependant, léquipement doit être adapté aux conditions locales, aux matériaux disponibles et aux habitudes locales. Cette adaptation nécessite, dès le départ, une collaboration étroite entre les forgerons ruraux, les ateliers et les petits fabricants, et les agriculteurs, utilisateurs des nouvelles technologies.
Lexpérience a montré que le secteur privé est plus à même de réaliser un tel processus de développement technologique déquipement que les stations de recherche. Dès le départ, les ateliers de mécaniques et les fabricants doivent se sentir pleinement responsables de la mise au point de léquipement. Les futurs fabricants et les services de réparation devront collaborer étroitement avec les agriculteurs utilisant les technologies pour sassurer quelles correspondent bien aux besoins de lagriculture de conservation et quelles représentent, à long terme, un marché intéressant pour eux.
Laide à lintroduction de lagriculture de conservation devrait donc inclure des mécanismes destinés à faciliter létablissement dune petite industrie pour produire, distribuer, fournir les services et développer ultérieurement les outils et les instruments de lagriculture de conservation. Les états du sud du Brésil fournissent un bon exemple de création dune telle petite industrie.
Investissements pour appuyer linfrastructure, les services et les institutions
La diffusion effective des voies de recherche, des innovations et des améliorations des systèmes dexploitation agricole et des activités économiques qui en découlent, conduite par les personnes concernées elles-mêmes, nécessitera une structure dappui efficace. Il sera pour cela nécessaire de résoudre les problèmes suivants: labsorption des surplus de loffre de produits et de leurs dérivés par les marchés, linformation sur les marchés, la disponibilité en intrants appropriés en temps voulu, le crédit saisonnier et, à long terme, lassistance technique et scientifique capable de répondre à la demande des agriculteurs et de leurs associations ainsi quune infrastructure de transport bien entretenue. Lassistance extérieure sera, dans de nombreux cas, nécessaire pour financer le renforcement nécessaire des institutions et des services, et lamélioration ou la réhabilitation des infrastructures; toutefois, les opérations de maintenance et dentretien devront être financées par des services payants ou par tout autre type de paiement de la part des bénéficiaires. La gestion pourrait être assurée par des communautés locales et des institutions, des entreprises privées ou des entités provinciales ou nationales sautofinançant, responsables devant les bénéficiaires payant ces services. Linvestissement en matière de services financiers devrait se concentrer sur la formation, la promotion de lépargne et les prêts à des groupes en zones rurales, facilitant ainsi l'organisation dinstitutions bancaires locales et la formation de leur personnel, plutôt que sur le financement extérieur du crédit.
[260] Cette étude de
cas est condensée de Brinkman (2001). [261] Un exemple est décrit dans Nachtergaele et Brinkman (1996). [262] FAO, 1999. [263] Swallow 2000. [264] Des exemples de pratiques agricoles sont décrits dans lagriculture de conservation des petits agriculteurs, FAO (1997). [265] Des exemples de développement local et de production déquipement pour lagriculture de conservation au Brésil sont décrits dans FAO (2000). |