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1.2 Utilité de la CIV


1.2.1 Planification participative
1.2.2 Prise en compte des besoins et de la demande
1.2.3 Planification stratégique et approche systémique intégrée
1.2.4 Dimensions humaines et comportementales
1.2.5 Approche centrée sur le problème à résoudre
1.2.6 Approche multimédia économique
1.2.7 Matériels de soutien et formation propre à la vulgarisation
1.2.8 Intégration des procédures de documentation et d'évaluation du processus
1.2.9 Possibilités d'application à d'autres programmes de vulgarisation


La campagne intensive de vulgarisation (CIV) n'est pas censée remplacer les programmes ou initiatives de vulgarisation classique. La CIV se veut partie intégrante des activités d'un service de vulgarisation agricole, dont l'efficacité et la rentabilité peuvent être améliorées grâce à l'accent mis par la CIV sur la solution des problèmes, la planification participative, la formation intensive des agents de vulgarisation, l'élaboration de matériels pédagogiques multimédia, ainsi que sur les procédures de gestion, de suivi et d'évaluation de la vulgarisation. Ces activités sont destinées à être mises en œuvre par le personnel de vulgarisation afin d'appuyer les orientations, les stratégies et les programmes prioritaires adoptés par le Ministère de l'agriculture. Les points ci-dessous illustrent les avantages et l'importance que revêt une CIV pour un service de vulgarisation agricole:

1 Elle préconise une approche basée sur la planification participative

2 Elle s'appuie sur les besoins et tient compte de la demande

3 Elle met en œuvre une planification stratégique et une approche systémique intégrée

4 Elle prend en compte la dimension humaine et les aspects comportementaux

5 Elle est centrée sur le problème à résoudre

6 Elle applique une approche multimédia qui limite les coûts

7 Elle propose des matériels et une formation spécifiques au soutien de la vulgarisation

8 Elle est assortie de procédures intégrées de documentation du processus et d'évaluation

9 Sa méthode est applicable à d'autres programmes de vulgarisation

1.2.1 Planification participative

La méthode de vulgarisation basée sur l'approche participative apporte une réponse aux problèmes liés au développement agricole ainsi qu'au besoin d'information des bénéficiaires visés. En effet, les objectifs assignés à la vulgarisation, de même que ses stratégies, ses méthodes, les messages et les matériels multimédia qui les appuient, sont spécifiquement élaborés en fonction des résultats d'études portant sur les connaissances, attitudes et pratiques (CAP) des bénéficiaires vis-à-vis des techniques agricoles recommandées. L'adoption d'une approche participative pour la planification des activités de CIV améliore la pertinence et, partant, le degré d'acceptation des messages ou des recommandations liés à la vulgarisation, du fait que les bénéficiaires visés sont consultés, lors de la planification, sur leurs préoccupations et besoins prioritaires. Elle ne part pas de l'hypothèse que les bénéficiaires visés - les agriculteurs - ne savent rien, in qu'ils doivent posséder la totalité des informations disponibles. Elle s'efforce au contraire d'appréhender et d'évaluer le patrimoine de connaissances des populations rurales locales, leur système de valeurs et croyances liées à l'agriculture ayant fait leurs preuves, les éléments devant être améliorés et, éventuellement, ceux qui doivent être découragés. En bref, la CIV adhère au principe bien établi de la reconstitution du tissu rural: «partir de ce que les gens savent déjà pour enrichir le patrimoine existant».

1.2.2 Prise en compte des besoins et de la demande

Afin de tirer le meilleur parti des ressources disponibles pour la vulgarisation, les activités de la CIV s'attachent à satisfaire les besoins des bénéficiaires visés en matière d'information, d'éducation et de formation. Plutôt que d'offrir aux intéressés toute la gamme de connaissances et de savoir-faire liée à une technologie qu'elle recommande, la CIV cherche à combler les lacunes en matière de connaissances, attitudes et pratiques des bénéficiaires visés à l'égard des recommandations. La CIV s'efforce en outre de créer une demande par la diffusion de l'information et l'encouragement des motivations tirées et de satisfaire, au moyen de la formation, la demande émanant des bénéficiaires visés à l'égard des connaissances et du savoir-faire nécessaires à l'adoption des techniques recommandées. Une telle méthode nécessite l'application de procédures participatives partant de la base vers le sommet et conférant une priorité élevée à la satisfaction des intérêts et des besoins des bénéficiaires visés. En adaptant les messages et les activités de la CIV aux besoins spécifiques des bénéficiaires visés, on augmente les chances de succès tout en employant les ressources disponibles de façon plus économique.

1.2.3 Planification stratégique et approche systémique intégrée

La méthode de CIV préconise une approche intégrée et holistique pour l'élaboration de la stratégie de vulgarisation, la planification et la gestion des programmes, la formation, la conception des médias et/ou des matériels pédagogiques, et le suivi et l'évaluation. Afin de garantir son adéquation aux besoins du public visé et la meilleure utilisation possible des ressources, elle fait un large usage des données quantitatives comme des informations qualitatives recueillies auprès des bénéficiaires visés, les agriculteurs, pour l'analyse des problèmes, la formulation des objectifs, l'élaboration de la stratégie et la planification de la gestion. Elle applique la planification stratégique à la programmation et à la gestion de ses activités afin d'obtenir les meilleurs résultats possibles avec un minimum de ressources et dans des délais aussi brefs que possible. Les activités liées à la CIV telles que les enquêtes, la planification de la stratégie et de la gestion, la conception et la mise au point des matériels multimédia, la formation, l'application sur le terrain, le suivi et l'évaluation sont réunis en un système intégré, qui s'insère lui-même dans un programme de vulgarisation plus large coordonné avec les agences et services compétents en matière de recherche, d'approvisionnement en facteurs de production, de formation, d'études de marché et d'autres disciplines.

1.2.4 Dimensions humaines et comportementales

Afin de réduire la «subjectivité technologique» qui pèse lourdement sur bon nombre d'activités de vulgarisation, la méthode de CIV accorde toute l'attention voulue aux aspects humains et comportementaux, tels que les facteurs sociopsychologiques, socioculturels et socioéconomiques qui peuvent faciliter ou, au contraire, entraver l'adoption durable, par les agriculteurs, des techniques recommandées. En effet, s'il n'est pas sous-tendu par une compréhension suffisante des attitudes et comportements positifs ou négatifs suscités par une technique donnée, le processus de «transfert de technologie» sera long et inefficace, en particulier si la vulgarisation reste essentiellement axée sur «l'application de la technique» par les agriculteurs. En effet, de nombreuses observations tendent à démontrer que le rejet d'une technique agricole ou d'une innovation recommandée aux agriculteurs est souvent lié à des facteurs non technologiques, voire provoqué par ces facteurs, comme les difficultés d'ordre social, psychologique, culturel et économique.

La méthode de CIV accorde une grande attention aux facteurs humains et aux éléments du contexte qui sont de nature à influencer le processus décisionnel déterminant pour l'adoption de techniques et de pratiques agricoles. La CIV met en œuvre une analyse empruntée à la science comportementale, basée sur l'évaluation participative des besoins et l'identification des problèmes présentés par le public visé, afin d'élaborer des stratégies et des tactiques appropriées en vue de dépasser ou d'atténuer les obstacles d'ordre humain qui entravent le transfert de technologie dans le domaine agricole ainsi que le processus de mise en application.

1.2.5 Approche centrée sur le problème à résoudre

La CIV se distingue en particulier par sa tendance à se concentrer sur les problèmes spécifiques liés à une recommandation donnée en matière de technique agricole. Son objectif principal est de résoudre ou d'atténuer les difficultés qui ont causé la non-adoption de la recommandation par les bénéficiaires visés, à savoir les agriculteurs. Contrairement à des programmes ou à des activités de vulgarisation de caractère plus conventionnel, elle ne «dispense» pas la panoplie complète des informations concernant l'ensemble technologique recommandé. Au contraire, elle sélectionne, hiérarchise et utilise les informations et les faits nécessaires et particulièrement pertinents, en vue d'optimiser l'efficacité des efforts de vulgarisation visant à atténuer ou à résoudre les problèmes dont on a reconnu qu'ils faisaient obstacle à l'adoption de la technologie recommandée. Elle met en relief la nécessité de privilégier les informations stratégiques, critiques et/ou «de qualité» - plutôt que leur «quantité» -, et ne manque pas d'incorporer les informations à caractère non technique, étant donné que les causes de la non-adoption de techniques agricoles sont souvent liées à des facteurs sociopsychologiques, socioculturels et socioéconomiques. On applique donc des principes appropriés de sciences comportementales à la solution des problèmes de vulgarisation, de même qu'à l'orientation et à l'utilisation des informations, dans une optique visant à répondre aux besoins plutôt qu'à prescrire.

Le fait de segmenter ou de catégoriser les problèmes, les objectifs, les stratégies et les besoins en information liés à la vulgarisation, et de le faire en fonction des connaissances, attitudes et pratiques (CAP) du public visé lorsqu'on recommande une technique donnée, revêt non seulement une importance conceptuelle, mais présente également une utilité pratique. Les problèmes liés à l'insuffisance des connaissances nécessitent, en effet, des solutions différentes de ceux ayant pour origine l'attitude. De la même manière, il est probable que les stratégies visant à modifier des attitudes négatives par rapport à une technique recommandée seront distinctes de celles adoptées pour rectifier les pratiques erronées d'application d'une technique, ou pour convaincre les intéressés de faire l'essai d'une nouvelle technique. Ainsi, comme l'indique la figure 2-5, les conséquences d'une variation des niveaux de CAP ne manqueront pas d'influencer l'élaboration des stratégies visant à résoudre un problème, la conception d'un message, le choix d'une combinaison de média (y compris le choix du moment et des modalités de recours aux canaux de communication de groupe ou personnelle, tels que les vulgarisateurs) ainsi que l'élaboration des matériels de soutien. L'application d'une démarche visant à modifier le comportement au moyen d'informations basées sur les niveaux de CAP du public visé, qu'il s'agisse de l'élaboration du message, de la sélection des médias ou de la mise au point de matériels de soutien, serait à elle seule de nature à améliorer de façon notable la rentabilité économique des activités de vulgarisation.

1.2.6 Approche multimédia économique

L'un des problèmes les plus répandus auxquels se heurte un service national de vulgarisation est la pénurie d'agents servant à atteindre un grand nombre d'agriculteurs, notamment lorsqu'il faut couvrir de vastes étendues et que les moyens de transport font défaut. En outre, il est fréquent que les agents de vulgarisation soient inutilement surchargés par une multitude de tâches découlant de leur prise en charge des agriculteurs au niveau du village. Or, cette dépendance excessive à l'égard des vulgarisateurs n'est défendable ni au plan de l'efficacité technique, ni au plan de l'efficacité opérationnelle. Il serait plus opportun et plus économique de recourir à d'autres mécanismes et de faire appel à d'autres organismes, même non liés à la vulgarisation mais opérant sous la coordination et la supervision des agents de vulgarisation, pour s'acquitter de certaines fonctions telles que la sensibilisation, la diffusion de l'information ou les campagnes de motivation.

On pourrait, par exemple, réduire la charge de travail des vulgarisateurs en mobilisant les ressources appropriées de la communauté rurale, notamment les moyens de communication de masse toujours plus accessibles et moins coûteux, tels que les stations de radio ou la presse locale, les canaux traditionnels, les affiches, les tableaux-papier, les supports sérigraphiques, les cassettes audio, les diaporama sonorisés, les brochures ou encore les bandes dessinées. Afin de diffuser largement des messages de vulgarisation prépares à l'avance selon des normes bien établies, on pourrait aussi faire appel à des volontaires locaux tels que les enseignants et leurs élèves, ou encore les notables locaux, notamment religieux, pour servir «d'intermédiaires» permettant d'atteindre les agriculteurs. Une telle démarche ne signifie pas que les vulgarisateurs soient destinés a être remplacés par ces ressources émanant de la communauté. Il s'agit simplement de mettre à profit les moyens disponibles de façon plus efficace et plus économique pour accomplir certaines tâches, et de préserver la disponibilité des agents de vulgarisation pour des fins éducatives nécessitant une interaction véritable, telle que les démonstrations sur le terrain ou les débats en groupe, et qui ne peuvent pas être exécutées de façon aussi efficace par les moyens de communication de masse.

La méthode de CIV applique une approche multimédia qui permet d'associer, de façon économique et efficace, les moyens de communication de masse mais aussi de personnels et de groupe, afin de réduire les coûts et les efforts consacrés à la vulgarisation tout en augmentant son efficacité en atteignant plus rapidement un nombre accru de personnes.

1.2.7 Matériels de soutien et formation propre à la vulgarisation

La plupart des services de vulgarisation des pays en développement souffrent d'une pénurie de matériels de soutien pédagogique répondant aux besoins concrets des vulgarisateurs opérant sur le terrain. Bon nombre de ces derniers comptent surtout sur leur propre talent de communication, de sorte que leur temps et leur présence au cours des réunions d'agriculteurs ne sont pas toujours utilisés de la façon la plus efficace et la plus rentable.

En fournissant aux vulgarisateurs un matériel de soutien pédagogique répondant de façon spécifique à leurs besoins, non seulement on facilitera leur mission tout en réduisant leur lourde charge de travail, mais on obtiendra un certain contrôle de la qualité des informations techniques ou des messages de vulgarisation. Par ailleurs, l'expérience a montré que lorsqu'ils reçoivent des matériels de soutien pédagogique multimédia bien conçus et attrayants, qui les aident à améliorer l'efficacité de leur travail de vulgarisation et de formation, les agents de vulgarisation font preuve d'une motivation, d'un enthousiasme et d'une confiance qui croissent de pair avec leur crédibilité.

Pour les activités de CIV, les vulgarisateurs reçoivent des matériels de soutien pédagogique déjà expérimentés, dont les messages sont spécifiquement conçus et élaborés en fonction d'une stratégie centrée sur le problème à résoudre. De plus, ces vulgarisateurs bénéficient d'une formation spécialisée visant à garantir leur parfaite compréhension des stratégies de vulgarisation, du contenu des messages et du programme de gestion/mise en œuvre, de même que des circonstances et des modalités correspondant à l'utilisation des différents matériels multimédia de soutien pédagogique.

1.2.8 Intégration des procédures de documentation et d'évaluation du processus

L'avantage du recours à une enquête portant sur les connaissances, attitudes et pratiques (CAP), comme instrument de la panoplie destinée à identifier le problème en mode participatif et à évaluer les besoins en information, ne se limite pas à l'obtention de données et d'éléments spécifiques de référence en vue de la planification des stratégies de vulgarisation et de l'amélioration des opérations de gestion. L'enquête CAP fournit, en outre, les informations et les données servant de point de départ à l'évaluation qualitative d'une évolution, dans le temps, des niveaux de CAP. Par ailleurs, les activités de CIV comportent des procédures intégrées d'évaluation, sous forme d'évaluation initiale (par exemple l'expérimentation préliminaire des matériels et l'enquête de suivi de la gestion) et d'évaluation finale (enquête d'information en retour et d'impact), pour lesquelles il était essentiel de recueillir des données et des éléments auprès des bénéficiaires désignés. Cette démarche fait appel à plusieurs méthodologies d'évaluation à dominante participative, parmi lesquelles l'étude quantitative, les interviews de groupes sélectionnés, l'expérimentation préliminaire, le rappel pour vérification, l'analyse de contenu, le suivi sur le terrain et l'analyse avantages-coûts.

Autre aspect important de la CIV, le fait qu'elle ne se limite pas à fournir des résultats d'évaluations empiriques, mais prévoit également un suivi documentaire de son processus opérationnel grâce à des rapports synthétiques auxquels s'ajoutent des comptes rendus/exposés écrits ou sous forme audiovisuelle. Cette documentation du processus ainsi que les résultats de l'évaluation ont fait la preuve de leur utilité lors de la reproduction des activités de CIV, mais aussi pour l'obtention de l'appui nécessaire au niveau des politiques et des institutions, de même que du soutien financier.

1.2.9 Possibilités d'application à d'autres programmes de vulgarisation

La plupart, sinon la totalité des principes et des procédés majeurs employés dans la planification, la mise en œuvre et la gestion des activités de CIV sont applicables à l'élaboration et à la mise en œuvre de n'importe quel programme de vulgarisation. Le processus, les phases opérationnelles et les étapes d'application de la CIV (figures 2-1 et 2-2) sont, pour l'essentiel, analogues à un programme de vulgarisation ordinaire - quoique de bonne conception. On pourrait donc considérer la CIV comme le «microcosme» d'un programme de vulgarisation agricole bien planifié. On peut, sans trop se hasarder, supposer que si les activités de CIV peuvent être appliquées avec succès dans un contexte de campagne, c'est-à-dire à une période extrêmement brève, il est alors possible d'incorporer efficacement les processus, les méthodes et les techniques de la CIV, en tout ou en partie, à un programme ordinaire et institutionnalisé de vulgarisation portant sur une période plus longue.

Le personnel de vulgarisation dûment formé pourrait donc, après qu'on lui ait imparti les principes et les techniques de CIV, et en étant directement impliqué dans l'exécution d'un programme de CIV déjà planifié, aider à l'application d'une approche systématique, rationnelle et pragmatique à la planification, la mise en œuvre, la gestion, le suivi et l'évaluation de programmes réguliers, voire routiniers, d'un service de vulgarisation agricole. Comme on peut le voir dans nombre d'études d'évaluation de CIV, une bonne partie des agents de vulgarisation, qui avaient appliqué, après formation, des procédés de CIV, ont continué de mettre à profit leurs qualifications pour l'élaboration et la mise en œuvre d'autres programmes institutionnalisés de vulgarisation, dans des domaines variés de technologie agricole. Certains ont reproduit intégralement le processus de CIV, d'autres ont choisi de n'en retenir que certains principes ou techniques. Ces initiatives ont été très appréciées par bon nombre de hauts fonctionnaires des ministères de l'agriculture ayant entrepris des activités de CIV, car ils pouvaient en observer concrètement les résultats.


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