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4. Orientation des politiques et de la législation
Les politiques forestières ont été essentiellement orientées vers la définition et le maintien de grands domaines forestiers. Cela a pu sembler Justifié dans le passé mais a obligé en fait les services forestiers à assumer la charge d'administrer de vastes zones en grande partie improductives par des mesures restrictives et peu d'action constructive. Il faudra remplacer ces mesures restrictives et ces activités de police par des activités de service et de développement.
La foresterie, en tant que discipline d'utilisation des terres, est, à de rares exceptions près, essentiellement nouvelle dans les régions arides et semi-arides. Quelles que soient les pratiques et les techniques appliquées, elles reposent sur des technologies importées de régions tempérées et si, du point de vue technologique, la pratique importée a été dans de nombreux cas modifiée en fonction des conditions locales, sur le plan conceptuel, l'esprit de la foresterie n'a pas été suffisamment adapté à la philosophie et à la mentalité de la population. Les pratiques forestières importées de régions tempérées avaient été élaborées dans les pays où le régime foncier et l'utilisation des terres étaient assez stables et où il était possible de distinguer plus ou moins nettement ce qui constituait des situations étrangères aux régions arides et semi-arides dans le domaine de la foresterie, de l'agriculture ou du pâturage.
L'approche sectorielle de la foresterie doit donc être abandonnée et les activités forestières doivent être considérées comme autant d'éléments de pratiques coordonnées d'aménagement des terres. Dans chaque région d'un pays, les rôles de la foresterie dans le domaine de la production et dans le domaine social doivent se voir accorder une importance qui sera fonction des réalités écologiques et sociales de la région.
Ainsi, le problème est de savoir comment intégrer dans la même zone écologique les utilisations possibles des terres telles que l'agriculture, l'élevage et la foresterie. Cette intégration devra naturellement se fonder sur des principes écologiques et être harmonisée avec le développement général à l'échelon national.
Dans la zone véritablement désertique, seules sont possibles des zones d'élevage extensif de type nomade fondé sur l'utilisation de la faune sauvage et, les années de pluviosité exceptionnelle, sur celle des animaux domestiques. Mais dans d'autres zones de tout le monde aride, il existe de nombreuses autres solutions.
Dans la zone aride, les solutions possibles sont généralement limitées au pâturage, à un élevage extensif, à la production de matières premières ligneuses, de gommes, de résines et de faune sauvage, toutes ces productions se situant dans le cadre d'un système sylvopastoral. L'exploitation agricole doit être limitée à certaines zones dotées de ressources suffisantes en eaux souterraines (sources et puits) ou là où il a été possible de concentrer les eaux de surface par le ruissellement ou de modifier radicalement l'aménagement de la zone par l'irrigation. Plutôt que de planter des arbres qui poussent en hauteur, il vaudrait mieux, dans ce bioclimat, cultiver et gérer une végétation basse pour lutter contre l'érosion éolienne et créer une rugosité naturelle du sol. Une meilleure connaissance de l'écologie, de la conservation et de l'utilisation de cette végétation aride est à cet égard d'une extrême importance. Cette végétation pourrait de surcroît être utilisée pour la stabilisation des dunes, en tant que réserve de pâturage et en tant que matière première industrielle.
Dans la zone semi-aride, le choix est plus grand que dans les zones arides - arboriculture, cultures vivrières et produits fourragers, produits industriels du bois, élevage intensif et combinaison de ces diverses utilisations dans le cadre d'un système agro-sylvopastoral. Les activités arboricoles ont un rôle prépondérant à jouer dans le soutien de la production agricole et animale:
- les rangées d'arbres protègent les cultures contre l'érosion éolienne et le dessèchement;
- les arbres mêlées aux cultures protègent celles-ci, reconstituent et enrichissent le sol;
- ainsi améliorées, les zones cultivées perdent leur caractère marginal, la rotation des cultures devient possible, l'approvisionnement en fourrage est assuré et le bois de feu qui est si nécessaire est produit;
- une combinaison parfaite d'arbres semi-forestiers aux fruits comestibles, d'arbres fourragers et d'arbres forestiers assure non seulement une base de production diversifiée et stable mais aussi et surtout un équilibre agricole et biologique;
- l'agriculture prend ainsi un caractère stable et équilibré.
Lorsqu'on formule ou examine les politiques forestières nationales, il y a lieu de prendre totalement en compte les facteurs suivants:
- la production de bois en tant que telle ne doit pas nécessairement être l'objectif premier dans les parties les plus sèches des zones arides; elle doit plutôt être considérée comme un sous-produit des rideaux-abris ou des mesures de stabilisation du sol;
- le fait que l'homme et son bétail dépendent de ces terres doit être considéré comme une composante de facto de l'environnement; il faut donc adapter une politique qui vise à concilier et à harmoniser cette composante avec l'aménagement d'ensemble au lieu de la considérer comme un "ennemi de la forêt" à supprimer ou à éliminer. Il faut prendre en compte le nouveau rôle attendu de l'élevage qui est de produire des protéines pour les secteurs urbains;
- les principales fonctions auxquelles on devrait tendre sont le soutien à la production de l'agriculture et de l'élevage, la conservation de l'eau et du sol, l'aménagement de la faune sauvage et la production de bois de feu et de menus produits forestiers, la production de revenu et d'emplois;
- compte tenu de la lenteur avec laquelle l'environnement réagit aux améliorations, la politique forestière doit prévoir des efforts de développement soutenus et à long terme.
La législation forestière doit être améliorée avec réalisme, étant donné qu'elle constitue surtout un moyen de susciter ou d'encourager sur le plan social un comportement favorable aux objectifs des politiques, de centrer les ressources des institutions administratives sur les activités les plus appropriées et les plus réalisables qui permettent d'appliquer ces politiques.
Le premier objectif évoqué ci-dessus exige que la population rurale connaisse, comprenne et partage les objectifs de la législation forestière et qu'elle considère les dispositions législatives comme équitables et légitimes compte tenu de ses propres intérêts, traditions et valeurs morales.
Le deuxième objectif oblige à adapter autant que possible la législation forestière à la législation socio-économique et aux ressources du pays en tenant compte des différences régionales, de la nature et des limitations de l'administration qui l'appliquera.
Le regroupement des responsabilités de gestion de la forêt, des terrains de parcours et des espaces naturels en général en une seule institution administrative est courant dans certaines parties du monde présentant des conditions climatiques sèches ou arides.
Dans un pays qui comporte une vaste région aride, l'application à cette région de politiques de développement intégré pourrait être confiée à une nouvelle administration polyvalente de caractère régional. La création d'une telle administration ne se justifierait cependant que si les institutions existantes ne pouvaient être renforcées et adaptées pour s'acquitter de cette tâche. Que l'on crée ou non de tels organismes régionaux, le développement d'ensemble à l'échelon national nécessiterait à l'échelon central une administration forestière technique solide.
Avant de créer une nouvelle institution administrative, un pays doit déterminer de façon assez détaillée quels sont les services et fonctions à assurer dans ces régions arides. À cet égard, il va de soi qu'en plus des tâches techniques relatives à l'aménagement des forêts et des terrains de parcours, à la conservation des sols et de la nature et à la plantation d'arbres, ces services devraient encourager des activités de soutien au développement rural, c'est-à-dire d'information, d'orientation et de mobilisation de la population et de soutien organisationnel aux efforts locaux. La prestation de services à l'échelon local devrait être complétée par une délégation progressive à la population des responsabilités et des fonctions des autorités afin de la motiver et de la faire participer. Ceci nécessitera la mise en place d'institutions non administratives à l'échelon des groupes humains locaux, qui pourront prendre diverses formes. Des institutions intermédiaires aux échelons du district et de la région faciliteraient le flux de l'assistance technique, des ressources financières et des conseils organisationnels vers les institutions populaires de la base.
Étant donné la faible productivité intrinsèque, l'insuffisance des infrastructures et les nombreuses contraintes sociales, il est peu probable que des entrepreneurs privés des pays à économie de marché soient incités à investir dans le développement des zones à faible précipitation, du moins au début Si, comme on l'a expliqué plus haut, ce développement est nécessaire, il est avant tout l'affaire directe du secteur public.
Si l'ampleur des investissements à consacrer au développement des régions arides et à la lutte contre la désertification doit naturellement être déterminée dans le cadre des priorités nationales, la stratégie de financement dépendra des politiques nationales pour:
- fournir des intrants et des services soutenus et cohérents;
- assurer par la création d'emplois supplémentaires agrosylvopastoraux que l'amélioration probable de productivité ne soit pas empêchée par la croissance de la population qui travaille la terre;
- mettre en place, par des mesures législatives, des incitations aux groupes individuels et collectifs à investir dans le développement des régions arides.
Mais la plupart des pays arides sont pauvres. En fait, ils constituent l'essentiel du groupe des pays les plus pauvres et ils ont donc besoin d'assistance extérieure. Celle-ci s'est déjà concrétisée mais elle semble souvent trop dispersée et trop localisée pour que son impact puisse être perceptible. Il faudrait donc, étant donné le stade avancé de dégradation des ressources et de désertification, que cette assistance, au lieu de se concentrer sur des projets locaux soit axée sur des programmes. Passer à l'aide aux programmes impliquerait non seulement l'accroissement du volume de l'aide extérieure mais aussi l'utilisation planifiée par les gouvernements des fonds accordés par les donateurs et les organismes de financement. Enfin, il faut mettre au point et appliquer de nouvelles méthodes de gestion des crédits permettant la création de crédits locaux.
7. Recherche, vulgarisation et diffusion d'informations
Le but de la recherche appliquée est de fournir des informations permettant de définir et d'exécuter des programmes d'action de plus en plus adaptés aux circonstances et aux besoins. Il faut donc que le choix des programmes de recherche et l'affectation des priorités et des ressources aux projets de recherche soient en définitive fixés par les mêmes autorités qui décident des programmes d'action, avec les conseils des institutions de recherche et des hommes de terrain.
À l'heure actuelle, le plus urgent est de tirer pleinement parti des connaissances existantes, d'où la nécessité d'assurer une diffusion systématique des résultats des recherches parmi les décideurs, les hommes de terrain et les formateurs. La création de centres régionaux de documentation serait un pas essentiel dans cette voie.
À moyen terme, il conviendrait de:
i) renforcer la planification et l'organisation d'une recherche écologique, sylvicole et socio-économique en général (y compris les aspects relatifs à la coopération internationale), en accordant une importance particulière à l'amélioration des espèces locales polyvalentes;
ii) renforcer la recherche sur des sujets particuliers (notamment certains aspects sociaux et culturels de la vie rurale) qui semblent faibles actuellement compte tenu des objectifs de développement et de conservation des ressources;
iii) décentraliser les travaux de recherche selon les conditions écologiques et socio-économiques;
iv) définir et exécuter un programme systématique de formation avancée de chercheurs et d'administrateurs de la recherche.
Les activités de vulgarisation (communication, motivation) sont extrêmement importantes pour le succès des politiques d'utilisation de la terre, qui supposent la compréhension et le soutien de la population rurale. Ces activités doivent être liées aux programmes d'action qui sont et peuvent être considérés comme nettement bénéfiques pour la population rurale. Ce n'est qu'à ces conditions que tout effort visant à organiser le pâturage, à limiter le cheptel, à créer des plantations de village pourra réussir.
S'il est évident que les principes fondamentaux de la vulgarisation sont toujours les mêmes, il n'en demeure pas moins que les méthodes à utiliser varient d'un pays à l'autre ou d'une région à l'autre à l'intérieur d'un même pays. C'est pourquoi les programmes de vulgarisation doivent être planifiés et exécutés à l'échelon national Les agents de vulgarisation doivent être "polyvalents", c'est-à-dire capables de s'occuper des problèmes de l'agriculture, de l'élevage, de l'eau et de la forêt.
Les forestiers sont formés pour gérer les communautés végétales naturelles dans le cadre d'un concept polyvalent qui conjugue les objectifs de production et de conservation de l'environnement. Ils opèrent sur de grandes étendues, avec un apport relativement faible par unité de terre, comptant surtout sur les processus naturels de production naturelle des écosystèmes. Ils prennent en compte les effets à long terme des changements des associations des. communautés végétales naturelles et de l'environnement. Le personnel forestier à tous les niveaux possède donc déjà dans une grande mesure la mentalité, la connaissance et l'expérience nécessaires pour l'aménagement des terres dans les zones arides.
Il est toutefois absolument nécessaire que les programme d'éducation forestière, aussi bien ceux destinés au personnel existant qu'aux nouvelles recrues, accordent davantage d'importance que dans le passé à:
i) la connaissance des problèmes socio-économiques des zones rurales pauvres;
ii) la façon de prendre contact avec les populations rurales et d'obtenir leur confiance;
iii) l'utilisation des terres en zones arides (utilisation agro-sylvopastorale);
iv) la conservation du sol et de l'eau;
v) la production de bois de feu;
vi) l'aménagement de la faune sauvage;
vii) la transformation et l'utilisation des produits de la végétation forestière et des produits animaux.
En outre, les programmes d'éducation forestière devraient inclure des notions fondamentales de sujets connexes tels que l'agronomie, l'arboriculture fruitière et la zootechnie.
Ces programmes devraient permettre de réduire ou d'éliminer les sujets traditionnels qui ne concernent pas directement les pays en cause.
Le personnel forestier existant devrait pouvoir bénéficier d'un programme d'éducation permanente intensive conçu en fonction d'une transformation progressive et planifiée de ses tâches. Une définition du nouveau "profil du forestier" à différents niveaux devrait permettre d'établir un tel programme, de le conjuguer à d'autres activités de formation et de réduire ainsi les coûts. Il est probable que les instituts d'enseignement et de formation conviendront d'homogénéiser leurs diplômes, de coordonner leurs cours et d'organiser une certaine "répartition des responsabilités" en matière de spécialisation afin d'éviter les doubles emplois.