État des connaissances
Prise en charge des sidéens
Profil du sidéen au Burkina Faso
Profil du sidéen en Côte d'Ivoire (zone de savane)
Profil du sidéen en Côte d'Ivoire (zone forestière)
Symptômes et causes du SIDA
Vecteurs et provenance du SIDA
Prévention
Qu'il s'agisse du Burkina Faso ou de la Côte d'Ivoire, les connaissances sur le SIDA sont très semblables. L'état du savoir sur les symptômes et les causes du SIDA varie plutôt selon le genre et l'âge (les hommes d'âge moyen et les jeunes gens sont mieux informés que les femmes et les hommes de plus de 40 ans), le degré de scolarisation et l'isolement du village, par rapport aux centres urbains.
Après certaines hésitations, presque tous reconnaissent, du moins en petit groupe, l'existence d'une nouvelle maladie dévastatrice dont les appellations varient de «nuque sèche», à «maladie des femmes», «diarrhée ou fièvre de la Côte d'Ivoire», à «SIDA». Néanmoins à l'exception du Bulkiemdé au Burkina Faso, rares sont les individus qui admettent ouvertement qu'il existe dans leur réseau familial des malades de ce fléau. De façon générale, le SIDA est perçu comme une maladie honteuse, un châtiment, le résultat d'un comportement répréhensible. «Le malade est toujours coupable, le SIDA est une punition», comme en témoigne ce commentaire d'un responsable burkinabé (encadré 1).
Encadré 1: Point de vue d'un responsable du Bulkiemdé sur le SIDA (il s'est exprimé avec indignation) La population du Bulkiemdé connaît divers problèmes de santé: maux de tête, méningite, rougeole, bronchite, etc. Les nombreux efforts déployés par le gouvernement pour venir à bout de ces maladies sont louables. En témoignent les différentes campagnes de vaccination qui sont organisées, dont une contre la méningite actuellement en cours. Le SIDA, maladie du sexe, maladie des hommes qui ne peuvent contrôler leur sexe, n'est pas ma préoccupation. Que les malades du SIDA qui ont cherché leur maladie s'en occupent eux-mêmes. Ne se rendra pas malade cet homme qui, à la vue des femmes, arrive à maîtriser ses multiples excitations. Il ne sera pas porté à aller tous azimuts avec des femmes. |
La transmission sexuelle du SIDA est connue de bon nombre de personnes. «Lorsque le mari meurt du SIDA, c'est probable que la femme en mourra aussi et, dans une certaine mesure, les enfants également. C'est une maladie qui peut tuer toute la famille». Ce commentaire pourrait signifier que la transmission mère-enfant est connue des populations, sans toutefois que les mécanismes en cause soient clairs. Outre la transmission sexuelle, d'autres voies de contamination ont été citées: l'utilisation de lames souillées ou le fait d'enjamber les urines d'un malade du SIDA.
Il ressort des différents entretiens que la femme est souvent présentée comme le principal vecteur du SIDA, tout comme d'ailleurs pour les autres maladies sexuellement transmissibles. «Le SIDA est une maladie de femmes». L'attitude générale consiste par conséquent à culpabiliser ces dernières.
Selon les personnes interrogées au Burkina Faso, le SIDA proviendrait de la Côte d'Ivoire, du Ghana, des villes. Pour les Ivoiriens, le milieu urbain et «la Basse Côte», c'est-à-dire le Sud-Ouest et le Centre-Ouest, représentent les principaux lieux de contamination.
En ce qui a trait aux moyens de prévention connus, il a été mentionné par quelques-uns les préservatifs et les tests de dépistage. La fidélité, le choix de jeunes filles bien éduquées, la fin du vagabondage sexuel et la suppression du remariage des veuves par un parent du défunt sont également mentionnés par certains comme mesures de protection.
Entre connaissances et pratique, il existe cependant un abîme.
Les hommes soutiennent que les préservatifs (qui sont très, très peu utilisés, de toute manière) diminuent leur plaisir. Il a été rapporté en Côte d'Ivoire, par ailleurs, que les jeunes filles se sentent insultées si leur partenaire veut en faire usage: le port du préservatif indiquerait un manque de confiance ou un doute moral.
Quant à l'abstinence et à la fidélité, leur seule évocation fait rire. La plupart des femmes rencontrées estiment que c'est une utopie «à cause du penchant naturel des hommes pour le vagabondage sexuel». De leur côté, les hommes ivoiriens ont dit que «tant que les femmes sentiront le besoin d'acheter des crèmes éclaircissantes pour la peau, elles seront toujours disposées à avoir des rapports sexuels, en échange d'argent».
Soins octroyés par le personnel de santé ou les tradipraticiens
Solidarité familiale et communautaire
La notion de prise en charge comporte deux aspects distincts mais complémentaires: la prise en charge médicale, qu'il s'agisse de soins curatifs, modernes ou traditionnels, et l'assistance apportée aux malades par les membres de la famille et d'autres personnes, en ce qui a trait à l'alimentation et l'hygiène corporelle. La prise en charge médicale implique le recours aux médecins/infirmiers et aux guérisseurs/tradipraticiens, puis l'achat de médicaments ou produits prescrits par ceux-ci. La recherche des médicaments «traditionnels» s'effectue aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des villages où se trouvent les patients. Les distances parcourues peuvent atteindre 30 à 40 km, voire plus.
Comme en témoigne l'histoire de cas de la page 25, quand un malade consulte un tradipraticien ou un agent de santé qui réside loin du village, il est presque toujours accompagné par un parent masculin. Dans l'ensemble, les filles célibataires, qui ont gardé de bons rapports avec leurs parents, semblent recevoir autant d'attention que les garçons ou les hommes, qu'il s'agisse de soins modernes ou traditionnels.
Encadré 2: Rôle des proches parents masculins dans la prise en charge d'un sidéen Delphine, mère de trois enfants, est gravement malade mais, de façon générale, elle n'est pas grabataire. Depuis deux ans son état empire: elle souffre de maux de ventre intenses et de diarrhées à répétition. Célibataire, elle est revenue s'installer chez son père et sa mère pour se faire assister et y recevoir des soins. Son père fa accompagnée partout dans la région à la recherche du meilleur tradipraticien et du médicament miracle. Certains infirmiers ont également été consultés mais sans succès. Jusqu'à ce jour, plus de 55 000 FCFA (presque 100 dollars EU) ont été dépensés, obligeant te père à emprunter de l'argent. La mère et sa co-épouse continuent de produire des cultures vivrières mais le coeur n'y est pas. «Aux champs, c'est le cur qui travaille». Pour compléter le travail inachevé, il leur faut donc parfois faire appel à des groupes de femmes qui louent leurs services. |
En revanche, aux dires du personnel de santé du Nord de la Côte d'Ivoire, les femmes mariées sont l'objet de discrimination flagrante et peu de considération est accordée à leur maladie. «Les maris sont plus prompts à faire soigner leurs bufs que leurs femmes» avons-nous entendu à plusieurs reprises dans la région de Korhogo.
Les soins quotidiens aux sidéens sont pratiquement entièrement dévolus à une femme. Les tâches vont de l'alimentation, au lavage des effets vestimentaires et de la literie sans oublier la toilette personnelle du malade, tâches auxquelles les femmes ne sont généralement pas préparées. La prise en charge des parents malades n'est pas sans risque pour toutes ces femmes qui manipulent vêtements souillés de selles et de sang contaminé, pendant les longs mois que dure la maladie. Le SIDA contribue donc à accroître la charge de travail des femmes alors que celles-ci sont souvent abandonnées à elles-mêmes quand elles sont malades, dès lors que les premières tentatives de soins sont vaines.
La solidarité communautaire s'exerce fort différemment selon que la personne atteinte du SIDA se trouve dans un pays étranger ou qu'elle soit dans son propre milieu. Les Burkinabé qui tombent malades en Côte d'Ivoire y reçoivent, sur place, des appuis financiers très importants de leur famille élargie et de la communauté villageoise (burkinabé), tant qu'ils sont en territoire étranger. De retour à leur pays d'origine, la solidarité villageoise se limite à une participation à l'inhumation et aux cérémonies funéraires. C'est la famille immédiate qui s'occupe des malades: d'habitude, un proche parent masculin quand il s'agit d'accompagner un malade chez un tradipraticien ou un médecin/infirmier; le plus souvent, une femme pour ce qui est de l'essentiel des soins à domicile.
Pour autant que l'on sache, en Côte d'Ivoire, les communautés continuent à souscrire à leurs obligations au moment des obsèques et des funérailles. Sauf dans le cas des étrangers du Centre-Ouest, l'étude de terrain révèle toutefois une absence quasi totale de solidarité communautaire vis-à-vis des sidéens eux-mêmes, au cours de leur maladie. Le malade est généralement abandonné à sa famille immédiate: père, mère, ou oncle maternel et femme de ce dernier, dans le cas d'un enfant célibataire ou d'un veuf; femme et frères, dans le cas d'un homme marié; belle-mère ou mère et, jusqu'à un certain point, époux, dans le cas d'une femme mariée.
Dans le Centre-Ouest, l'équipe a croisé trois cas qui avaient pratiquement été abandonnés complètement, même par la famille immédiate. Ainsi voici ce que dit un père de sa fille gravement atteinte: «Ce n'est pas parce qu'une seule personne souffre de diarrhées qu'il faut arrêter d'aller aux champs».
Le sidéen est très mobile...
... il revient mourir au village...
... ses occupations varient selon sa province d'origine...
... il est jeune et à prédominance masculine...
... il est marié et père de plusieurs enfants...
... ses liens avec sa famille d'origine étaient plutôt minces...
Sur les cas de décès dus au SIDA et répertoriés au cours de l'enquête une seule personne n'avait jamais quitté son village pour une période de temps prolongée. Hommes ou femmes, tous les autres avaient quitté leur village pour migrer vers l'extérieur, la plupart du temps en Côte d'Ivoire ou vers des grands centres urbains du Burkina Faso.
Les cas de décès de sidéens analysés dans l'enquête indiquent que la vaste majorité d'entre eux vivaient à l'extérieur de leur village d'origine au moment où ils ont pris conscience de leur maladie. Pour la plupart, ils ont d'abord essayé de se soigner là où ils se trouvaient, avant de revenir au village à un stade très avancé de la maladie.
Dans les deux provinces, les migrations et la mobilité spatiale en général, sont à mettre en rapport avec la pénurie de terres fertiles, l'insécurité alimentaire et le bas niveau de vie qui prévaut dans la zone. Les emplois occupés par les émigrants revêtent toutefois un caractère spécifique dans les villages de l'enquête. Les ressortissants du Sanguié, qui appartiennent au groupe gourounsi, semblent avoir plutôt tendance à occuper des emplois domestiques (boy/cuisinier, blanchisseur, gardien, jardinier) ou à exercer des métiers semi-spécialisés de toute nature: tailleurs, boulangers, pâtissiers, mécaniciens, chauffeurs, vendeurs, employés de boîtes de nuits ou de bars. Dans le Bulkiemdé, en revanche, la plupart des ressortissants mossi travaillent dans des plantations, en tant qu'ouvriers contractuels, métayers ou propriétaires d'une plantation de café ou de cacao.
Soulignons que dans la zone de l'enquête, il est de plus en plus courant pour des lycéens et jeunes élèves des deux sexes d'aller rejoindre provisoirement des proches en Côte d'Ivoire durant les vacances. Chez ces jeunes, le goût de l'aventure, du nouveau, d'une vie différente et plus trépidante que celle du Burkina Faso constituent des considérations non négligeables. Un des responsables régionaux de la santé a indiqué à l'équipe d'enquête que des études partielles menées dans le Bulkiemdé auprès de lycéens laissent présager un taux de séropositivité élevé.
L'âge moyen de l'ensemble des personnes décédées se situe autour de 34 ans, c'est-à-dire en pleine force de l'âge. Les deux tiers du total des cas étaient des hommes, plutôt jeunes: en moyenne 35 ans. Le tiers restant représente des femmes, encore plus jeunes, leur âge moyen ne dépassant pas 25 ans.
Quatre-vingt-douze pour cent du total des cas examinés étaient mariés, ce qui reflète sans doute la longueur de la période de latence du SIDA, après contamination par le VIH. Comme l'indique le tableau 3 ci-dessous, les 56 hommes mariés morts du SIDA ont perdu 32 femmes de la même maladie, alors que 33 veuves leur ont survécu, de même que 151 orphelins. Les femmes survivantes ont par conséquent, en moyenne, près de 5 enfants à charge, ce qui est énorme dans une région où les ressources agricoles sont extrêmement surexploitées.
Tableau 3: Situation des veufs, veuves et orphelins au Burkina Faso
Type de personnes |
Nombre total dans l'échantillon de 88 décès |
Total |
|
Sanguié |
Bulkiemdé |
||
Femmes décédées |
13 dont 2 jeunes filles |
19 |
32 |
Veuves vivantes |
14 |
19 |
33 |
Veuves remariées par un parent du défunt |
0 |
0 |
0 |
Veuves remariées par quelqu'un d'autre |
0 |
4 |
4 |
Orphelins |
63 |
88 |
151 |
Hommes décédés |
25 dont 3 célibataires |
31 dont 2 célibataires |
56 |
Veufs |
1 (non remarié) |
3 polygames |
4 |
Femmes vivantes d'un veuf polygame |
0 |
4 |
4 |
Les rapports entre le sidéen, qui revient finir ses jours au village, et sa famille d'origine étaient généralement plutôt ténus au moment où celui-ci/celle-ci vivait ailleurs. A peu près la moitié des migrants fournissaient de temps en temps une petite contribution financière, tandis qu'une proportion nettement moins grande fournissait une assistance de diverse nature ou venait parfois en visite (12 pour cent), d'autres contribuaient à financer des céréales (10 pour cent), de la main-d'uvre agricole (8 pour cent), de la main-d'uvre et des équipements agricoles (4 pour cent) ou du maraîchage (2 pour cent). Selon les membres des unités de production, 18 pour cent des sidéens décédés ne fournissaient aucune aide particulière.
Les migrants du Bulkiemdé apparaissent plus assidus dans le maintien de liens avec l'unité de production du village d'origine qui les accueillera plus tard. Il se pourrait que cette constance soit redevable à la nature des emplois exercés à l'extérieur. Alors que dans le Sanguié les émigrants semblent se concentrer sur des emplois rémunérés souvent précaires (gardiennage, jardinage, blanchissage, par exemple), dans le Bulkiemdé la préférence est plutôt pour le travail dans le secteur agricole, qui oblige souvent le métayer ou le planteur à venir chercher du renfort de main-d'uvre auprès de sa parenté en milieu rural burkinabé.
Le sidéen est agriculteur et à prédominance masculin...
... relativement mobile...
... en pleine force de l'âge et le plus souvent marié...
... avec très peu d'éducation formelle
Autres considérations
Afin de faire ressortir certaines différences essentielles entre la zone de savane (Nord) et la zone forestière (Centre-Ouest), les résultats de l'enquête seront présentés séparément.
Sur les 25 cas de l'échantillon raisonné, 15 (60 pour cent) sont des hommes, tous agriculteurs (s'occupant d'un peu d'élevage), et 10 (40 pour cent) des femmes, elles aussi agricultrices. Seulement la moitié des femmes atteintes intervenaient régulièrement sur les exploitations familiales des unités de production les ayant prises en charge au moment de leur maladie. La proportion des hommes analysés dans l'échantillon est supérieure à celle des femmes.
Trente-deux pour cent des personnes souffrant ou ayant souffert du SIDA (hommes et femmes) avaient résidé partiellement ou totalement en Basse-Côte à la recherche de revenus supérieurs, avant de tomber malade. Cette situation reflète à la fois la richesse relative de la zone forestière par rapport à la zone de savane et la forte mobilité des individus.
L'âge moyen des personnes souffrant ou ayant souffert du SIDA varie entre 23 et 40 ans. L'âge moyen des hommes malades se situe autour de 32 ans et celui des hommes décédés, 29 ans. Les femmes sont atteintes encore plus jeunes, avec une moyenne de 32 ans pour les malades et de seulement 23 pour celles qui sont décédées. Les personnes frappées par le SIDA sont donc plutôt jeunes. Elles constituent la proportion de la force de travail agricole la plus valide des communautés de l'enquête et leur absence totale ou partielle des unités de production représente un coût d'opportunité inestimable en termes de productivité, de production agricole et de sécurité alimentaire.
Parmi la totalité des cas analysés, 10 (40 pour cent) étaient célibataires contre 15 mariés (60 pour cent). De ceux-ci, 75 pour cent étaient monogames. Les 8 hommes mariés décédés ont laissé 12 orphelins et 7 veuves vivantes, dont deux seulement se sont remariées (l'une dans le village de son mari défunt; l'autre à l'extérieur).
Sur les 18 cas analysés, seuls trois avaient fréquenté l'école.
Dans cinq cas, la personne affectée par le SIDA ne travaillait pas dans l'unité de production de prise en charge au moment de la déclaration de sa maladie. Les absents contribuaient néanmoins, de diverses manières, au fonctionnement de celle-ci, soit en apportant un appui financier en espèces, soit en finançant de la main-d'uvre ou encore en achetant des équipements.
Le sidéen est mobile...
... il n'est pas forcément agriculteur ou marié...
... son âge moyen varie selon son origine et son sexe et...
... il est tout autant de sexe féminin que masculin...
.... son éducation formelle est limitée...
... l'attention qu'on lui porte est fonction de ses origines
Autres considérations
Dans le Centre-Ouest, 32 cas ont été analysés (22 décès et 10 malades), répartis dans 32 unités de production. Sur ces 32 unités de production, 11 étaient détenues par des étrangers et 21 par des Ivoiriens (18 personnes originaires de la région et trois autres en provenance du Centre du pays). Quatorze des 32 cas étaient donc originaires d'une autre région que le Centre-Ouest. Parmi les personnes natives de la zone, une proportion importante n'était pas physiquement présentes au village ou au campement, au moment où s'est déclarée la maladie.
En effet, 13 (41 pour cent) cas d'infection du SIDA concernent des personnes qui vivaient en milieu urbain, avant de retourner au village pour se faire traiter. La plupart de ces cas se retrouvent parmi les originaires de la zone. Il s'agit d'individus plutôt jeunes, souvent des jeunes femmes célibataires, mères pour la plupart, qui résidaient à Abidjan et sont rentrés au village une fois malade. Sur le total de 32 cas, 17 seulement étaient mariés, laissant toutefois 96 orphelins à la charge de leur conjoint ou parfois à la charge d'un proche parent (frère, fils, notamment). Sur les 11 veuves survivantes aucune n'a été remariée.
Comme dans la région de savane et comme au Burkina Faso, d'ailleurs, l'âge moyen des femmes malades (29 ans) ou décédées (31 ans) est inférieur à celui des hommes malades (39 ans) ou décédés (38 ans). L'âge moyen des cas analysés varie également selon la provenance géographique. La moyenne d'âge des agriculteurs provenant d'autres régions de la Côte d'Ivoire (Baoulé pour la plupart) est de 29 ans, alors qu'elle est de 32 ans pour les natifs de la zone et de 42 ans pour les étrangers. Sous toute réserve, on peut envisager que l'apparition relativement tardive du SIDA chez les étrangers (tous Burkinabé dans l'échantillon) provient de leur venue en Côte d'Ivoire à un âge relativement tardif.
Contrairement à la situation qui prévalait dans la zone de Korhogo et au Burkina Faso, les cas de SIDA analysés en zone forestière se répartissent relativement également entre hommes (53 pour cent) et femmes (47 pour cent).
La situation est un peu meilleure dans le Centre-Ouest que dans le Nord car cinq des cas analysés avaient fréquenté l'école primaire et cinq autres, l'école secondaire.
La solidarité communautaire est fortement liée à l'origine du malade. Chez les personnes originaires du Centre-Ouest, celle-ci est pratiquement limitée à une assistance au moment du décès; dans trois cas d'ailleurs il a été observé un rejet systématique du malade. Les communautés d'immigrants ivoiriens et étrangers sont apparues plus solidaires et mieux disposées pour apporter un support financier ou de main-d'uvre au moment de la maladie et au décès.
Dans la région de savane, l'enquête a mis en évidence le fait que les personnes affectées, qui vivaient en dehors de leur unité de production d'origine avant de revenir au village, apportaient un soutien important à leurs proches, notamment aux plans de l'aide financière en espèces et du financement de la main-d'uvre. Ce n'est pas le cas dans la zone forestière.
Cette différence d'attitude est probablement à mettre en relation avec la nature des migrations dans les deux régions. Alors que dans le Nord, les individus quittent leur village pour améliorer leur situation économique, dans le Centre-Ouest, c'est surtout l'attirance de la ville qui incite les jeunes gens à s'éloigner de leur village. On peut supposer, d'une part, que ces jeunes migrants n'occupaient pas de poste bien rémunéré au moment de leur séjour en milieu urbain et, d'autre part, qu'ils provenaient de familles relativement à l'aise.