par
Heribert Schmitz
Professeur d l'Université Technique de Berlin, République Fédérale d'Allemagne
Résumé
L'utilisation efficace des animaux de trait et le renforcement de la fertilité du sol par les engrais verts sont des moyens choisis au Brésil pour améliorer les conditions culturales des petites exploitations. Cette approche vise d réduire la pénibilité des travaux et d accroître la production agricole d long terme. D'autres travaux des institutions brésiliennes sont en cours pour développer l'utilisation du mulch comme couverture verte permanente et anti-érosive. Ces travaux ont débouché sur un système de culture sans labour avec mulch. Un tel système réduit les travaux de préparation du sol, qui peuvent même devenir superflus.
Pour implémenter ce système au niveau des petites exploitations, il est nécessaire de développer des équipements de culture attelée adaptés. Il existe déjà, diverses machines pour la préparation du mulch et le semis sur sol non labouré, la plupart encore au stade expérimental. Le contrôle des adventices sur les champs de mulch demeure problématique, puisque le mulch seul ne parvient pas d assurer leur disparition totale. Il faut continuer les travaux pour développer une méthode qui n'implique pas un désherbage chimique renforcé.
Introduction
La petite paysannerie de nombreux pays du Tiers Monde traverse actuellement une crise causée par la rareté croissante des terres et la stagnation, voire une certaine régression des rendements. Les jachères sont moins pratiquées et tendent à disparaître complètement, causant une baisse de fertilité des sols. En zone tropicale humide, l'utilisation de mulch organique peut contribuer à une meilleure rentabilité des petites et moyennes exploitations, tout en réduisant le travail de préparation des sols. A long terme, l'association de la culture attelée et des engrais verts peut alléger les travaux agricoles et augmenter les rendements. Une couverture pérenne de mulch constitue un moyen de lutte efficace contre les agents d'érosion. Ces principes nous conduisirent au développement d'un système d'ensemencement sous mulch. Nous présentons les récents développements en culture attelée associés aux techniques d'ensemencement sous mulch, réalisés par des institutions brésiliens.
L'Etat Fédéral du Paraná
La plus grande partie du Paraná est caractérisée par un climat sub tropical humide avec des pluies d'été importantes, permettant deux récoltes par an. Les petites exploitations cultivent principalement du mais et du haricot, alors que la plupart des grandes exploitations produisent du blé et du soja.
Des sols très fertiles, dérivés d'un matériel basaltique (45% des sols sont des alfisols et oxisols), co-existent avec des sols moins riches (inceptisols, ultisols, entisols, inceptisols, etc.) cultivés par la majorité des petites exploitations agricoles.
Les exploitations d'une superficie inférieure à 50 ha représentent 89% des exploitations et cultivent 31% des surfaces. La traction animale y prédomine largement. En 1979, le Paraná comptait 540.000 animaux de trait attelés à plusieurs types de charrues, herses, semoirs et cultivateurs (Fundaçao Instituto Brasileiro de Geografia e Statistica (IBGE), 1979; Casao 1987). Les superficies facilement mises en culture par des tracteurs sont l'apanage des grandes exploitations. La plupart des petites et moyennes exploitations mettent en culture des territoires pentus et exposés à une érosion hydrique importante. Dans ce contexte, et compte tenu des possibilités limitées d'investissement des exploitations, la traction animale semble particulièrement bien adaptée aux besoins locaux et pourrait donc jouer un rôle prépondérant. La fertilisation des sols par les engrais verts fait partie des techniques culturales retenues par diverses institutions brésiliennes pour améliorer la condition paysanne.
Le semis sous mulch
Le semis sous mulch minimise et peut supprimer les opérations de préparation du sol. Quand, durant plusieurs périodes de végétation, aucune opération de préparation du sol n'a été effectué, on parlera de semis direct.
Selon Rockwood et Lal (1974), la réduction de l'érosion, la faiblesse des coûts et le haut pourcentage de réussite sont les avantages principaux d'une préparation minimale du sol sous mulch. La couverture de mulch protège le sol contre l'érosion des eaux, empêchant le lessivage et le ruissellement. Cet avantage intéresse avant tout les zones tropicales et subtropicales humides, comme la région du Paraná, où il n'est pas rare de voir tomber 60 mm d'eau en une heure ou bien 250 mm en une journée, et ce durant la période des semis! Dans de telles conditions, une protection anti-érosive ne peut être efficace qu'au moyen d'une couverture durable et adéquate du sol (Derpsch et al., 1988). Parallèlement à son action anti-érosive, le mulch favorise une meilleure fertilisation du sol. Il régularise et réduit les températures, freine la minéralisation, engendre une meilleure capacité de rétention des eaux, particulièrement cruciale lors des sécheresses. On constate qu'au fil des années, le système de semis direct sous mulch favorise les processus d'activités biologiques du sol. La mis en place d'engrais vert dans la rotation des cultures consolide l'effet du semis direct sur la fertilité du sol.
L'action positive du mulch organique sur la fertilité du sol, les rendements et l'économie de travail sont autant de facteurs mentionnés par de nombreux auteurs dont les travaux portent, entre autres régions, sur le sud brésilien (Monegat, 1985; Derpsch et al., 1988). Au vu de sa valeur économique, un certain nombre des grandes exploitations au niveau de la moto-mécanisation (environ 8% des superficies) utilisent le semis direct sur des surfaces en mulch. Son succès dépend de plusieurs facteurs techniques importants:
· la préparation du sol;
· l'adoption d'une rotation adéquate des cultures;
· l'introduction d'une culture à la fois régénérative et hautement productrice de mulch.
Procédés et équipements
Afin d'étendre la réalisation du semis sous mulch aux petites exploitations, il est nécessaire de disposer du matériel et des techniques de culture attelée adéquats pour exécuter les opérations suivantes:
· constitution d'un mulch, tapis végétal organique où les résidus végétaux ne sont plus particulièrement gênants;· semis sous mulch (à travers le mulch), sur un sol non travaillé;
· contrôle des adventices qui traversent le mulch.
Technique du mulch
Pour préparer le mulch à partir d'une culture en vert, on utilisera une barre de coupe (de faucheuse), qui cependant n'est pas en pratique, ou un rouleau à couteaux (rolo faca), dont plusieurs types existent déjà. L'appareil comprend un rouleau, en bois ou en métal, doté de couteaux qui malaxeront la plante (Fig. 1). Les caractéristiques clés du rouleau sont son diamètre et son poids, le nombre de couteaux et leur angle d'attaque. L'utilisation d'un rouleau à ligne de traction asymétrique, evitant le passage des animaux par la végétation, a donné de bons résultats. Quelques problèmes persistent cependant. L'efficacité du rouleau varie selon les plantes susceptibles de produire un mulch de qualité. Certaines plantes reprennent en effet leur croissance après le passage du rouleau. Par ailleurs, le rouleau n'est pas aisément maniable sur des pentes supérieures à 20% et sur sol pierreux.
Fig. 1: Valse à couteaux (Photo: H. Schmitz)
Technique de semis
Pour effectuer le semis à travers le mulch, deux systèmes sont envisageables:
· le semoir à injection (manuel ou attelé);
· le semoir en ligne (attelé).
Les semoirs manuels sont connus au Brésil sous le nom de matraca ou saragua et sont très répandus. Ils se règlent en fonction de la grosseur et de la quantité de grains à semer, mais ne permettent pas un bon ajustement du dosage. Malgré tout, ces types de semoirs manuels répondent aux exigences des paysans pratiquant le semis direct sur de petites parcelles. Le semis sur des terrains non préparés, dont le sol est relativement dur, demande un effort physique important de la part du semeur.
Divers modèles de semoirs attelés pour le semis direct sont actuellement étudiés au stade expérimental dans la région. Nous présentons ici un semoir à injection et trois types de semoirs en ligne.
Le semoir à injection permet un semis en ligne à intervalle fixe, qui n'est modifiable que par changement des pièces travaillantes. Sur le principe d'un appareil conçu par Wijewardene à l'IITA (International Institute of Tropical Agriculture, Nigéria) (Wijewardene et Waidjanatha, 1984) un semoir à injection tracté a été développé par une firme de Curitiba, Paraná (Fig. 2). Il est muni de becs injecteurs à clapet dont l'ouverture est contrôlée par un ergot en contact avec le sol. Son utilisation a démontré certaines faiblesses. Les pierres, les racines ou simplement la force centrifuge occasionnée par la vitesse de traction tendent à déclencher le mécanisme d'ouverture du clapet. D'autre part, les sols argileux du Paraná tendent à colmater le système à bec (Casão et al., 1987). De ce fait, le cheval ne convient pas à la traction de ce type de machine. D'autre part, les sols argileux du Paraná tendent à colmater le système à bec. Cet inconvénient pourrait éventuellement être éliminé en adaptant le principe de la bèche au mécanisme d'injection (Shaw et Kromer, 1987).
La difficulté qui consiste à ouvrir et à traverser le mulch, sans utiliser un appareil pesant sur un sol non préparé, a conduit à plusieurs solutions pour le semis en ligne. Le semoir direct de l'IAC/DEA (Instituto Agrônomico de Campinas) découpe la masse du mulch à l'aide d'un disque ondulé (roue maîtresse). L'ouverture de la raie est assurée par un sabot de semis, suivi de la rasette et du rouleau. Tous ces appareils sont dotés d'un épandeur d'engrais.
Fig. 2: Semoir à injection. (Photo: H. Schmitz)
Fig. 3: Semoir direct de l'IAPAR (Photo: H. Schmitz)
Dans le cas du semoir provenant de Mafra (Santa Catarina), la roue maîtresse est placée en coutre. La force de coupe dépend du poids de l'équipement. Grâce à ses deux roues latérales, il assure une distribution exacte des semences en profondeur, et deux disques ouvrent la raie. Comme la roue maîtresse et les disques d'ouverture travaillent ensemble, l'appareil est difficile à manier.
L'appareil de l'IAPAR (Instituto Agronômico do Paraná Londrina) a un point de traction rehaussé qui utilise mieux le moment des forces et transmet ainsi la pression sur un disque-coutre (Fig. 3 et 4). Une force de terrage supplémentaire est assurée par le soc-semeur. La roue maîtresse n'est plus utilisée pour découper le mulch, ce qui augmente la maniabilité de l'appareil et permet une construction légère (Siqueira et al., 1986). L'IAPAR teste actuellement sur plusieurs années différents appareils de travail du sol.
Fig. 4: Semoir direct de l'IAPAR en action. (Photo: H. Schmitz)
Contrôle des mauvaises herbes
La densité des adventices se trouve dans l'ensemble très réduite par l'abandon du travail de la terre et la masse du mulch. La composition d'adventices se modifie (Almeida, 1985; Lorenzi, 1985). L'adventice Papua, (Brachiaria plantaginea), si redoutée par les paysans, régresse sur l'ensemble du groupe des mauvaises herbes. Le pourcentage des adventices pluri-annuelles et des mauvaises herbes à rhizomes augmente. Cette technique culturale ne permet pas d'assurer un contrôle permanent des adventices. Les mesures de contrôle initiales ont donc un rôle d'autant plus essentiel en l'absence d'enfouissement des mauvaises herbes. Les grandes exploitations tendent par conséquent à faire un plus grand usage des herbicides sur les parcelles cultivées en semis direct. Les herbicides sont actuellement le seul moyen de contrôler les mauvaises herbes sous mulch. Afin d'éviter que l'introduction en milieu paysan du semis sous mulch ne soit obligatoirement tributaire d'un important usage d'herbicides, il est nécessaire d'entreprendre une régulation biologique préalable du sol par une rotation sélective des cultures et du mulch. Dans des conditions expérimentales au sud du Paraná on a pu mener à bien un système de semis direct grâce à un choix approprié d'espèces végétales pour l'engrais vert, qui ne fait appel à aucune utilisation d'herbicide (Almeida et al., 1985). Si la régulation des mauvaises herbes n'est pas suffisante, des procédés mécaniques s'imposent. En dehors du sarclage, qui est également pratiqué dans les grandes exploitations sur les cultures a semis direct, il n'existe pas jusqu'à présent de solution véritablement satisfaisante. Les bineuses attelées ne sont pas adaptées au système du mulch. Mais le fauchage, l'utilisation du rouleau à couteaux ou de l'arracheuse sont des alternatives à tester.
Conclusions
Afin de pouvoir introduire les techniques de mulch dans les petites et moyennes exploitations, il est nécessaire d'appréhender globalement les changements du système de production. Les expériences déjà recueillies sur la culture minimale du sol, cultivo minimo, pour raient être riches d'enseignement (Monegat, 1985). L'introduction de ces nouvelles techniques exige une interaction cohérente avec les paysans. La complexité d'un tel système ne doit pas être sous-estimée. Certaines mesures de préparation préalables au système sous mulch organique permettront de déterminer le calendrier cultural, les possibilités d'abandon des travaux du sol et les techniques appropriées: chaulage des sols acides, extraction des mauvaises herbes à rhizomes, contrôle du statut alimentaire des plantes (Derpsch et al., 1988).
Abstract
Using draft animals more effectively and sustaining the fertility of the soil through the use of green manure have been selected by Brazilian institutes as methods to improve the smallholder farms in Brazil. It is aimed to reduce the work burden and increase crop yields in the long term. Further ongoing work involves the use of mulch as a permanent soil cover to reduce erosion. This has led to the development of a system of zero-tillage with mulch, and this has the benefit that soil preparation is minimized or possibly even unnecessary. In order to apply this system on smallholder farms it is necessary to develop equipment for farming with draft animals. A variety of machines for mulching with green manure and for the seeding in untilled soil are presented. Some of these are still prototypes.
Weed control in mulched fields is still necessary because mulch does not always suppress weeds sufficiently. A solution to this must be found, but not one that leads to increased dependence on chemical herbicides.
Références
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