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Disponibilité des animaux de trait et contraintes structurelles en Basse Casamance

par

Mamadou Lamin Sonko

Chercheur, Institut Sénégalais de Recherches Agricoles, Ziguinchor, Sénégal

Résumé

L'enquête a porté sur 375 exploitations réparties sur huit villages des cinq situations agricoles de la Basse Casamance. Nous présentons la structure du cheptel et les types d'attelages. Nous pouvons définir trois situations de base: situation sans traction animale (TA), situation de faible utilisation de la TA et situation de bonne implantation de la TA utilisée pour diverses opérations y compris le transport. Une analyse plus approfondie a permis de classer les exploitations en six catégories, établissant un lien direct entre la structure du cheptel de trait et les itinéraires techniques.

87% des exploitants ne peuvent pas réaliser en toute indépendance l'ensemble de leurs travaux agricoles. Le niveau global d'adoption de la traction animale est faible. Seulement 17% des paysans enquêtes possèdent un animal de trait ou plus. La plupart des animaux de trait sont des boeufs (85%). Le taux d'équipement en animaux de trait de la Basse Casamance est très faible. 26% des possesseurs d'animaux de trait ne peuvent pas réaliser un lit de semences. 46% des exploitants ont de graves difficultés de remplacement des animaux. Les exploitations sans traction animale et celles qui dépendent d'une main-d'œuvre extérieure ont un nombre d'actifs réduit. Les exploitations qui dépendent d'une force de travail extérieure utilisent des bovins élevés localement dans les troupeaux villageois. Les exploitants possesseurs d'un attelage plurispécifique emblavent des surfaces plus importantes.

La situation des fermiers ne possédant qu'un petit nombre d'animaux de trait peut être considérée comme instable. Leurs animaux sont exposés à toutes sortes de problèmes. L'exploitation est d'autant plus vulnérable qu'elle dépend d'une main-d'œuvre extérieure. Pour assurer une certaine stabilité, l'attelage optimum dans cette région se composerait de trois bovins et d'un cheval ou d'un âne, permettant de cultiver près de dix hectares par an. Pour les exploitations équipées, la mise en place d'une formation en soins et utilisation des animaux semble s'imposer.

Introduction

Divers facteurs propres à l'évolution de la production en Basse Casamance et révélés par des études antérieures ont suscité la présente étude:

· zonage du secteur agricole concerné;
· expansion des systèmes de culture sur les terres de plateau;
· reconnaissance de situations agricoles impliquant la traction animale;
· non utilisation du lait ou de la viande des animaux de trait par les agropasteurs;
· potentiel d'amélioration de la productivité des troupeaux traditionnels.

La nécessité d'une analyse a été renforcée par l'accroissement des risques associés à la production de riz sur les terres basses. Cette évolution provoque une remontée sensible du système de production végétale sur les terres de plateau, et demande une intensification de l'utilisation des attelages. Il existe aussi une possibilité d'amélioration de l'exploitation des troupeaux traditionnels par la culture attelée.

Nous nous proposons donc d'analyser le système de production animale en tant que filière, sur la base d'enquêtes réalisées dans diverses exploitations, afin d'obtenir une "photographie" de la traction animale (TA) en Basse Casamance. Notre objectif est d'estimer le niveau d'équipement et d'analyser le cheptel de trait et son utilisation.

Tableau 1: Fréquence des exploitations selon la puissance de trait disponible en unités de traction (UT*)

UT.

Nbre

%

% cumul.

0,0

314

84

84

0,5

10

3

87

1,0

26

7

94

1,5

9

2

96

2,0

10

2

98

2,5

1

0,3

98

3,0

1

0,3

99

3,5

1

0.3

99

4,0

2

0.5

99

5,0

1

0.3

100

*UT = nombre d'asins + nombre de chevaux + la moitié du nombre de bovins

Présentation de la région

La Basse Casamance est située au sud-ouest du territoire sénégalais et couvre 7.300 km2 entre la République de Gambie au nord, la Guinée-Bissau au sud, et l'océan Atlantique à l'est. 72% de la population est rurale et 51% est agricole.

Les systèmes de production sont de type agropastoral, incluant des productions végétales et animales, la pêche, la cueillette, l'artisanat, etc. Cette région peut être subdivisée en cinq situations agricoles: au sud du fleuve Casamance, nous trouvons la zone I d'Oussouye-Bandial et la zone III de Niaguiss. Au nord du fleuve, la zone II de Blouf; la zone IV de Sindian-Kalounayes; et la zone V de Fogny-Combo. Nous avons procédé à deux enquêtes, l'une visant essentiellement à analyser les structures d'exploitation et l'autre, de type filière, s'est spécifiquement intéressée aux animaux. Nous présentons ici la structure de l'échantillon analysé, la structure du cheptel et les types d'attelages, avant de proposer certaines recommandations.

Résultats

L'échantillon

L'enquête a porté sur 375 exploitations réparties sur huit villages des cinq situations agricoles de la région. Environ 44% des exploitants vivent au sud du fleuve, et 56% au nord du fleuve dans le département de Bignona. Environ 17% des exploitations disposent d'un animal de trait. Trois groupes ethniques représentent 95% de la population enquêtée:

· Diolas 87%
· Peuls 5%
· Mandingues 3%

Les unités de production comptent de 1 à 38 personnes, les exploitations moyennes et petites étant les plus nombreuses (55% des exploitations enquêtées).

Structure de la population animale

Les animaux utilisés pour le travail agricole sont des boeufs de race N'Dama (85%), des chevaux (9%) et des ânes (6%) provenant des régions du nord et de l'est.

Nous avons basé notre analyse sur les deux concepts suivants:

Par attelage, nous comprenons tous les animaux d'un même exploitant, combinant donc des animaux de races ou d'espèces différentes. Selon les pratiques d'appariement en vigueur dans l'aire d'étude, la taille de l'attelage en unités de traction (UT) sera calculée en additionnant le nombre d'équidés à la moitié du nombre de bovins (attelage = nombre d'asins + nombre de chevaux + nombre de bovins divisé par deux). Grâce à cette variable, nous pourrons comparer la force animale disponible dans les diverses exploitations.

Dans le cadre des systèmes d'élevage intensif, la notion d'atelier permet de définir avec une certaine précision un domaine de production. Par exemple, pour un exploitant naisseur-engraisseur en production porcine, il est aisé de discerner un atelier d'élevage et un atelier d'engraissement, où des techniques différentes sont utilisées. Ce concept, emprunté à Lhoste, permet de discerner ici trois ateliers correspondant aux trois espèces animales (bovins, équins, asins). En effet, le choix de l'espèce n'est jamais aléatoire, mais repose sur un projet de valorisation bien défini pour le paysan.

Carte 1a: Sénégal. (Source: Equipe Systèmes de Djibélor, 1984/5, et résultats de la recherche effectué par l'auteur)

Carte 1b (l'agrandissement): répartition des types d'attelages dans les zones de la traction animale en Basse Casamance. (Source: Equipe Systèmes de Djibélor, 1984/5, et résultats de la recherche effectué par l'auteur)

Zones des situations agricoles

1 Organisation sociale type Diola: riz repiqué dominant; pas de traction bovine.

2 Organisation sociale type Diola: riz repiqué, semis direct et céréals importants; pas de traction bovine.

3 Organisation sociale type Mandingue dominante: semis direct et céréals importants; peu de traction bovine.

4 Organisation sociale type Mandingue: semis direct et céréreals dominants; bien équipée en traction bovine.

5 Organisation sociale type Diola dominant: riz repiqué, semis direct et céréals importants; moyennement équipée en traction bovine.

Tableau 2: Structure spécifique taille du cheptel de trait

Le tableau 2 permet de faire les constatations suivantes.

· La taille des différents ateliers est très faible. Elle varie d'un à quatre animaux pour les bovins, un à trois pour les asins. On ne trouve qu'un seul cheval dans les exploitations équipées.

· Le taux d'adoption des diverses espèces est très variable: bovins 15%, asins 2,5%, chevaux 2%.

La traction animale est donc plus importante dans la région nord, l'utilisation des animaux de trait décroissant selon un axe nord-est/sud-ouest. Les équidés ne servent quasiment pas aux travaux agricoles et pas du tout au sud du fleuve. Si l'usage des asins est généralisé dans le département de Bignona, la traction équine reste confinée dans le nord-est. Ainsi en fonction des attelages, nous pouvons définir trois situations.

Situation A, sans traction animale

Elle correspond à la zone I d'Oussouye-Bandial où l'usage d'animaux de trait est quasiment nul. Moins de 1% des exploitants possèdent des animaux de trait et les rares utilisateurs sont encadrés par les projets de la mission catholique d'Oussouye.

Situation B. faible utilisation de la TA

Elle inclut les zones de Niaguiss (III), Blouf (II), Fogny-Combo (V). Environ 12 à 19% des exploitants possèdent des animaux de trait. La traction bovine est utilisée par 9 à 16% des exploitants contre 1 à 3% pour la traction asine.

Situation C, bonne implantation de la TA

Elle recoupe la zone IV de Sindian-Kalounayes, où 68% des exploitants possèdent des animaux de trait: bovins 68%, chevaux 18%, asins 8% des exploitations. Il apparaît que les chevaux sont plutôt concentrés au nord de la zone et les asins à l'est.

Tableau 3: unités de traction et composition des attelages

D'après ces données, nous pouvons formuler l'hypothèse que la traction animale en Basse Casamance repose sur l'utilisation de bovins originaires de la région même, que les asins sont acquis dans la région de Kolda et que les chevaux sont achetés sur les marchés gambiens du sud du Sine-Saloum.

L'analyse de la population animale en fonction des attelages nous permettra d'affiner nos résultats. Les diverses stratégies culturales sont déterminées par la puissance de trait disponible et les types d'animaux Compte tenu des pratiques de gestion, l'unité de traction animale sera égale à une paire de boeufs ou à un équidé.

L'analyse fréquentielle de la puissance de trait disponible dans la région montre que 84% des exploitants ne disposent pas d'animaux de trait. Près de 3% n'ont qu'un seul animal et 7% ont une paire de boeufs. 87% des exploitants ne peuvent réaliser en toute indépendance l'ensemble de leurs travaux agricoles.

Types d'attelages

Les principales combinaisons d'animaux rencontrées dans la région sont présentées au tableau 3 (Unités de traction et composition des attelages). Nous distinguons donc différentes catégories d'exploitations:

· les attelages légers (0,5 à 1,5 UT): les exploitants possesseurs de tels attelages sont en situation de risque. Ils sont dépendants de tierces personnes pour l'exécution de leurs travaux agricoles (prêts, locations, etc.);

· les attelages moyens (2,5 à 3 UT), qui sont technologiquement indépendants;

· les attelages forts (3,5 à 5 UT) disposant d'une haute puissance de trait et d'une indépendance supérieure de travail.

Il apparaît donc que le taux d'équipement en animaux de trait de la Basse Casamance est très faible. Environ 84% des exploitants ne possèdent pas d'attelage. Par ailleurs, 26% des possesseurs d'animaux de trait ne peuvent pas réaliser un lit de semences. Et 46% des exploitants doivent faire face à de graves difficultés de renouvellement. Moins de 5% des exploitants ont atteint un niveau stable d'adoption de la traction animale. Compte tenu de l'évolution actuelle du système de culture, ces résultats sont faibles. Mais les perspectives d'amélioration restent ouvertes, aussi bien dans le domaine de la production agricole que dans celui de la productivité des élevages bovins traditionnels.

Tableau 4: Evaluation la demande en animaux de trait

Corrélativement à cette situation, il est possible d'évaluer les besoins réels en animaux de trait de différentes espèces selon les stratégies d'amélioration retenues dans la région. Sur la base du tableau 3, nous proposons quatre schémas d'amélioration.

· Hypothèse 1 - Doter toutes les exploitations équipées d'au moins une paire de boeufs pour les labours.

· Hypothèse 2 - Doter toutes les exploitations équipées d'une paire de boeufs et d'un animal de remplacement de la même espèce.

· Hypothèse 3 - Equiper les exploitants d'une paire de boeufs au minimum et d'un équidé pour les semis.

· Hypothèse 4 - Hypothèse 3 avec un bovin de remplacement supplémentaire.

L'analyse des types d'exploitations nous per mettra de préciser le niveau des besoins réels.

Types d'exploitations

La typologie utilisée repose sur les deux hypothèses suivantes:

· la satisfaction des besoins en culture attelée dépend de la structure quantitative du cheptel de trait disponible;

· la structure spécifique du cheptel de trait est un facteur important au vu des avantages différenciés qu'offrent, par exemple, les équidés pour les travaux légers.

Tableau 5: Caractéristiques des exploitations agricoles

Variables

Caractéristiques

Sans animaux de trait

Techno-dépendants

Techno-indépendants

Bovins seuls

Bovins et chevaux

Bovins et asins

Toutes espèces

Types d'attelage

00

A1, B2, D2, C4

B1, C1, D1

D4, E4, F4

G3,H3,I3

H5

Groupes

G6

G1

G2

G3

G4

G5

Nbre d'exploitants

314

16

35

6

3

1

Population totale

7,4 ± 4,1

12,7 ± 8,6

13,8 ± 6,7

17,3 ± 4,3

24,6 ± 2,0

12

Population active

5,1 ± 2,7

8,3 ± 6,4

8,8 ± 4,1

9,3 ± 3,5

13,6 ± 25

6

Superficie cultivéea (ares)

188 + 143

330 + 197

458 + 180

974 + 0,6

916 + 164

-

Bovins de trait

-

0,7 + 0,4

2,5 + 0,7

2,5 + 0,7

3,6 + 0,4

4

Asins de trait

-

0,3 + 0,6

-

-

2,3 + 0,4

1

Chevaux de trait

-

0,1 + 0,3

-

1,0 + 0,0

-

1

Total bovins

1,2 + 3,3

9,2 + 17,1

4,7 + 8,4

7,3 + 14,6

12,6 + 2,6

-


Bovins confiés

0,4 + 1,6

1,1 + 2,0

0,3 + 0,6

-

4,33 + 3,3



Bovins placés

0,8 + 2,4

8,1 + 16,1

4,5 + 8,5

7,3 + 14,6

8,33 + 2,0

-

Total petits ruminants

3,4 + 3,8

6,7 + 6,0

5,3 + 4,9

8,8 + 6,8

6,3 + 3,7

11


Ovins

0,7 + 2,0

3,1 + 3,8

1,4 +2,7

1,4 + 2,7

4,5 + 2,0

1,6 + 2,3


Caprins

2,6 + 3,1

8,5 + 3,5

4,3 + 3,8

4,3 + 5,5

4,6 + 3,3

3

Porcins

0,9 + 25

-

-

-

-

-

Canards

0,7 + 1,7

-

-

-

-

-

Ruches

0,1 + 0,6

-

-

-

-

-

a Superficies cultivées en 1985 par les exploitations en suivi agronomique.

Nous distinguons six types d'exploitants:

· Un groupe d'exploitants ne possédant aucun animal de trait, avec un nombre moyen de cinq actifs par unité d'exploitation. Ces petits propriétaires pratiquent l'élevage porcin, et autre petit élevage (canards, etc). Leur grande majorité se situe au sud du fleuve Casamance, dans le département d'Oussouye (zone Oussouye-Bandial).

· Un groupe d'exploitants propriétaires d'animaux élevés localement, mais dépendant techniquement pour la préparation des sols. La taille moyenne de l'exploitation est de 12 actifs, dont 66% s'occupent de travaux agricoles. La superficie moyenne cultivée est de 329 ares.

· Un groupe d'exploitants technologiquement indépendantes pour tous leurs travaux mais ne possédant que des bovins. L'unité d'exploitation compte en moyenne 14 actifs dont neuf s'occupent de travaux agricoles. Les agriculteurs possèdent par ailleurs en moyenne quatre bovins élevés dans les troupeaux extensifs de leurs villages d'origine. La superficie moyenne cultivée est d'environ 4,5 ha.

· Un groupe d'exploitants technologiquement indépendants et possesseurs de bovins et de chevaux. La superficie moyenne cultivée est de 97 ha. Un nombre moyen de 17 actifs, dont un peu plus de la moitié s'occupent des travaux agricoles. Les paysans de ce groupe emblavent les plus grandes superficies.

· Un groupe d'exploitants technologiquement indépendants et propriétaires de bovins et d'asins. Un nombre moyen de 24 actifs dont 55% pratiquent l'agriculture sur une superficie moyenne cultivée de 9 ha. La taille des attelages est relativement importante (trois bovins, deux ânes). Les exploitations de ce groupe ont atteint un niveau technologique et d'utilisation de la traction animale stabilisé.

· Le dernier groupe est celui des exploitants possesseurs de toutes les espèces de trait. Dans notre échantillon, une seule exploitation appartient à cette catégorie avec quatre unités de traction. L'insuffisance des données ne nous permet pas de mieux caractériser ce groupe.

Tableau 6: Répartition des types d'attelages dans les villages de Basse Casamance (en nombre et pourcentage par exploitation équipée)

Cette typologie permet une analyse aisée (facilité de classement, exécution rapide) et établit un lien direct entre la structure du cheptel de trait et l'exécution des itinéraires techniques. Elle permet aussi de mieux définir les besoins en animaux de trait qui peuvent être répartis en quatre catégories.

· Exploitations dépourvues d'animaux de trait, qu'il serait intéressant d'équiper dans la perspective actuelle de la remontée des systèmes de culture sur le plateau. Toutefois, le faible nombre d'actifs peut poser un problème, puisque la méthode de conduite pratiquée requiert deux personnes.

· Exploitations requérant des bovins de trait supplémentaires ou qui doivent recourir à une aide extérieure pour leurs travaux. Ils devraient être encouragés à atteler les bovins disponibles de leur cheptel.

· Exploitations requérant un ou des équidés, mais qui possèdent plus de trois bovins. Bien qu'indépendants, ces exploitants peuvent améliorer l'efficacité de leur attelage en se procurant un équidé.

· Exploitations ayant atteint un niveau technologique stable et cohérent. Il suffira d'améliorer les stratégies d'utilisation et l'efficacité des animaux.

Discussion et recommandations

Un choix raisonné de l'échantillon enquêté assure à notre enquête un réalisme des taux et des résultats présentés. La validité d'une enquête aléatoire reste à prouver, compte tenu de la représentativité des situations agricoles et des villages.

Les résultats montrent que la Basse Casamance est une région où la traction bovine prédomine, les bovins comptant pour 85% des animaux de trait. Cependant les taux d'adoption sont faibles, seulement 17% des exploitations possédant au moins un animal de trait. Cette moyenne cache toutefois une forte disparité interzonale. Dans le nord-est, près de 68% des exploitants sont équipés, alors que ce taux tombe à 12-19% dans le Niaguiss, le Blouf et le Fogny. Au sud du fleuve, dans les zones de Niaguiss et d'Oussouye-Biandal, le système de culture (riziculture en bas-fond à haute technicité d'aménagement des microcasiers) et la faible taille des unités de production (cinq actifs en moyenne) expliqueraient la timide pénétration de la culture attelée. La capacité de traction demeure très faible sur l'ensemble des exploitants équipés dont seulement 7% ont une capacité supérieure ou égale à 1,5 UT, soit trois bovins ou une paire et un équidé. Seulement 4,5% des exploitants sont véritablement indépendants technologiquement.

L'analyse des caractéristiques des exploitations appartenant aux différents groupes permet de dégager trois constatations:

· les exploitations sans traction animale et technologiquement dépendantes sont aussi celles qui ont peu de main-d'œuvre;

· les exploitants possesseurs d'un attelage plurispécifique emblavent des surfaces plus importantes;

· les exploitations technologiquement dépendantes possèdent des bovins élevés dans les troupeaux villageois.

A partir de ces résultats, nous pouvons formuler une hypothèse de développement de la traction animale en Basse Casamance qui visera à stabiliser les attelages chez les exploitants équipés regroupés en trois groupes de recommandations.

· Le groupe de recommandations n° 1 comprend les exploitants dépendants pour tous leurs travaux agricoles et possédant au maximum deux bovins. Ils devront être amenés à trois bovins fonctionnels pour stabiliser leur attelage.

· Le groupe de recommandations n° 2 inclut les exploitants indépendants technologiquement, mais ne possédant que des bovins. Un cheval semblerait plus approprié qu'un âne, mais compte tenu de la lente progression des équins et de la prédominance relative des asins dans les zones méridionales et de la faiblesse de leurs coûts d'achat et d'entretien, nous preconiserons ici l'adoption des asins pour ce groupe.

· Le groupe de recommandations n° 3 se compose des exploitants propriétaires de plus de trois bovins et d'au moins un équidé. Pour ce groupe, l'objectif est une information et une formation améliorées portant sur l'organisation des travaux culturaux, le calendrier agricole, la gestion, la conduite et l'efficacité de la traction animale.

En ce qui concerne le groupe des exploitations non équipées, l'approche dépend d'une amélioration de la technicité des agriculteurs locaux Tant que la conduite d'une paire de boeufs nécessitera trois actifs (guide, pique-boeuf opérateur de l'outil) il sera difficile de maintenir la culture attelée dans ces zones.

Conclusion

La traction animale en Basse Casamance peut être considérée comme une technologie très récente (1962). Environ 17% des exploitations disposent d'animaux de trait. Selon les zones, on observe une diversité marquée du taux d'équipement, selon un axe inverse à celui de la pluviométrie, allant du sud-ouest vers le nord-est. Les taux d'équipement les plus élevés sont ceux du Sindian-Kalounayes où 68% des exploitants possèdent des animaux de trait. Ce taux tombe à 12-19% dans les régions de Fogny, Blouf et Niaguiss, pour devenir quasiment nul dans la zone d'Oussouye-Biandal.

Sur l'ensemble de la région, pour 71% des exploitants, la perte d'un animal mettrait un terme à leur campagne agricole. Ainsi seulement 5% des exploitants ont atteint une situation stable d'utilisation de la technologie.

L'analyse des caractéristiques des exploitations nous amène à formuler des hypothèses d'amélioration des attelages présents. L'attelage optimum se composerait de trois bovins et d'un cheval ou d'un âne. Il permettrait de cultiver près de dix hectares par an. Notons que le faible coût d'achat et d'entretien des ânes milite plutôt en leur faveur.

Abstract

A survey was carried out on 375 farms in eight villages in the five agricultural Basse Casamance region in Senegal. Details of the types and numbers of draft animals kept were recorded Three basic farm types emerge: farms without draft animals, farms with low utilization of animal traction and farms using animal traction for several operations, including transport. Further analysis led to the identification of six types of farms, characterized by the animals owned and their cultivation strategies, the two being closely linked.

Most (87%) of the farmers are not self-sufficient in labour. Overall adoption of animal traction is low. Only 17% of the farms surveyed owned one or more draft animals. Most (85%) draft animals are oxen. The number of animal-drawn implements is very low and 26% of the draft animal owners are not able to make an effective seedbed. Many (46%) animal owners face great difficulty if an animal has to be replaced The farms which do not have any draft animals and those which are dependant on external labour for land preparation are also characterized by a small labour force. The farms which are dependant on external labour use oxen raised locally in the village. The farmers owning animals of more than one species cultivate larger areas.

Farmers owning a small number of animals are considered to be in an unstable situation. They are very vulnerable to any problems with their animals, particularly as they are not self-sufficient in labour. For stability, farmers should own at least three oxen as well as a horse or a donkey. This is considered the optimum team for the region, and with these it is possible to cultivate ten hectares a year. Farmers using animal traction need to be trained in animal care and good management.


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