Chapitre 1 - La participation des groupes les plus vulnérables dans le contexte contemporain
Chapitre 2 - L'approche du problème
Chapitre 3 - La méthode utilisée
Ce document vise à clarifier la notion de "Participation des plus défavorisés" pour faire en sorte qu'elle soit mieux applicable aux projets de développement
Cette tentative de clarification se justifie, d'une part, par l'émergence de l'intérêt pour cette notion dans la littérature scientifique et d'expertise sur le développement rural ainsi que par la place centrale qu'elle occupe dans l'élaboration des nouvelles stratégies de développement dans un contexte d'ajustement structurel et de désengagement de l'Etat
Elle se justifie, d'autre part, par le fait que, dans les projets participatifs, l'appropriation des innovations par les groupes les plus vulnérables constitue le maillon le plus faible de ces nouvelles stratégies car le plus propice aux manipulations et aux malentendus.
Le groupe de réflexion a choisi une approche qualifiée de "pessimisme méthodologique" afin de mieux identifier les obstacles et les malentendus auxquels peut se heurter la stratégie du développement participatif. Il s'agit de rendre explicites les critiques qui restent le plus souvent diffuses et implicites mais qui prévalent souvent dans les milieux chargés de promouvoir la Participation parce qu'elles concernent les difficultés pratiques résultant des conflits d'intérêts, d'informations insuffisantes sur des contextes spécifiques, du manque de temps et des procédures administratives. C'est toujours le cas lorsque la Participation est considérée comme une panacée.
La méthode comparative large privilégiée par le groupe de réflexion se justifie par le fait que les dynamiques à l'oeuvre dans le déroulement des projets, qu'ils soient ou non participatifs, relèvent principalement, de la "participation cachée" des différents groupes d'acteurs induite par les enjeux et les rapports de force hors projets.
1 - Des stratégies centralistes aux stratégies participatives
2 - La dynamique des associations dans la situation d'ajustement structurel
3 - Les nouvelles stratégies de développement rural
4 - Le problème
Depuis les années 1970, l'échec ou la réussite plus que médiocre des projets de développement rural en Afrique de l'ouest ont suscité d'importants changements dans les discours et les pratiques des agents de développement et des bailleurs de fonds. Quelques traits de l'évolution du contexte intellectuel et institutionnel doivent être rappelés.
a) Le changement le plus profond concerne l'imputation des causes de l'écart entre les objectifs des projets (les propositions d'innovations) et leurs résultats effectifs.
Au lieu d'imputer cet écart à la rigidité des comportements "traditionnels" des bénéficiaires des projets (c'est-à-dire, en définitive, à leur irrationalité), on est progressivement venu à considérer que les comportements des paysans et des populations rurales face aux projets étaient parfaitement compréhensibles et logiques pour peu que l'on prenne en compte leurs propres intérêts et leurs contraintes spécifiques. Par exemple, les comportements des agriculteurs face aux innovations techniques ou organisationnelles proposées par les projets, loin d'être irrationnels, manifestent leur capacité, dans un contexte de forte incertitude, de prendre des décisions cohérentes en fonctions d'objectifs et de contraintes qui leur sont propres, tant dans le domaine de la production que dans ceux de la reproduction sociale, politique, identitaire etc. Ce point de vue a permis aux agronomes et aux spécialistes des sciences sociales de comprendre les mécanismes par lesquels les populations locales "s'appropriaient" les projets soit en sélectionnant certains thèmes au sein du "paquet" d'innovations proposés, soit en détournant le projet de ses objectifs, soit en s'y dérobant et en le rejetant consciemment (Olivier de Sardan 1990, Chauveau 1994). Les opérateurs et agences de développement, tels que la FAO ou la Banque Mondiale, ont généralement aussi tiré les leçons de l'expérience en affirmant que la Participation des populations aux projets et à ses bénéfices est une condition nécessaire à leur réussite.
b) Un deuxième changement important dans les conceptions du développement rural depuis les années 1970 est la prise en compte des inégalités au sein des populations bénéficiaires des projets de développement
Les dynamiques sociales et économiques qui préexistent aux projets ou qui sont induits par eux sélectionnent les groupes sociaux susceptibles de bénéficier réellement des projets et d'entrer dans un processus de changement. Les recherches en sciences sociales ont notamment montré que la vision égalitariste et communautariste des sociétés rurales africaines était un mythe, d'ailleurs souvent utilisé par les couches plus favorisées de la population (Olivier de Sardan 1990). De leur côté, les agences de développement ont réorienté progressivement leurs efforts vers les groupes les plus pauvres afin d'assurer aux populations les plus vulnérables la couverture de leurs "besoins fondamentaux".
c) Un troisième changement concerne la remise en cause de l'approche en termes de projets.
Les projets d'aide sont progressivement remis en cause pour leur lourdeur, leurs objectifs et leurs moyens prédéfinis qui les rendent peu adaptés aux contextes locaux, insuffisamment flexibles et incontrôlables par les populations bénéficiaires. Sous l'influence des approches participatives orientées vers les plus pauvres, les stratégies de développement s'orientent vers l'appui aux initiatives locales et aux capacités de gestion des producteurs (Lecomte 1986, Mercoiret éd. 1994, Kleitz 1995). Parallèlement, les administrations nationales et les pouvoirs publics sont fortement invités, par des mesures de conditionnalité et d'aide au développement institutionnel (capacity building), à réorienter leurs politiques de développement afin de promouvoir les organisations populaires rurales.
On constate depuis une quinzaine d'années en Afrique une effervescence organisationnelle dans un contexte de crise de l'Etat (Jacob et Lavigne Delville, éd. 1994, Kwan Kaï Hong, éd. 1991, Gentil et Mercoiret 1991, Mercoiret, éd. 1994). Même s'il est difficile de généraliser, en raison de la diversité des situations, il est clair que cette dynamique associative est en connexion avec le désengagement des Etats, pressés par les principaux bailleurs de fonds et par les contraintes des politiques d'ajustement structurel de se retirer des secteurs où son intervention entre en concurrence avec les initiatives de la société civile. Les bailleurs de fonds et les organisations internationales rejoignent les ONG pour encenser les organisations paysannes et pour engager un dialogue direct avec les représentants de la société civile. Une conséquence importante est le développement d'ONG africaines et l'émergence d'une catégorie importante et nouvelle d'acteurs locaux qui occupent progressivement le rôle, jusqu'alors dévolu à l'Etat, d'intermédiaire entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires locales (dont ils sont en général originaires).
La conséquence de ces changements dans les approches actuelles du développement rural est l'affirmation d'une stratégie nouvelle et ambitieuse qui s'efforce de conjuguer la participation populaire et le renforcement du pouvoir (empowerment) des groupes les plus vulnérables en synergie avec la décentralisation des décisions des pouvoirs publics et en association avec les ONG du Nord et du Sud.
La participation populaire et la prise en compte des groupes les plus vulnérables ne relèvent plus du domaine réservé aux projets locaux ou sectoriels. Elles constituent un élément fondamental de la conception, de la mise en oeuvre et de la réussite des nouvelles politiques nationales de développement et des nouvelles politiques internationales d'aide et de coopération. C'est en particulier l'orientation de la FAO et de son Plan d'action pour la Participation populaire au développement rural (FAO 1992).
Dans les faits, toutefois, ni l'ajustement des stratégies de développement rural aux problèmes réels des populations ni la dynamique de l'auto-promotion dans les pays africains ne suffisent à transformer rapidement les réalités socio-économiques et les pratiques réelles du développement. Ils peuvent même avoir des effets contre-productifs.
- La notion de participation des populations recouvre des dimensions très différentes, ne constitue pas une fin en soi et demeure chroniquement ambiguë (Cohen et Uphoff 1980, Uphoff 1991, Lecomte 1991, Chauveau 1994-b).- L'aide orientée sur les groupes les plus pauvres apparaît également ambiguë. Dans le contexte actuel, caractérisé par un consensus des principaux bailleurs de fonds sur l'ajustement structurel comme seule politique d'aide possible, l'aide orientée sur les pauvres apparaît plus souvent comme une mesure d'accompagnement de l'ajustement structurel et comme un moyen d'alléger ponctuellement la pauvreté que comme un moyen de la combattre à long terme (Jul-Larsen 1995);
- Le style d'intervention des ONG possède ses propres limites pour atteindre effectivement les plus pauvres et pour influencer les pratiques anciennes de développement (Best and Brown, ed. 1990).
- L'effervescence associative des organisations paysannes et rurales, pour encourageante qu'elle soit, ne peut être considérée comme la seule réponse à la crise. Les organisations paysannes ne se renforcent pas du simple fait du retrait de l'Etat par un effet mécanique de vases communiquants. Elles peuvent être largement récupérées par les secteurs traditionnels de la société ou par tout autre groupe et souffrir du mélange en leur sein de fonctions sociales, économiques et politiques tant au niveau local que dans leur insertion régionale et nationale (Jacob et Lavigne Delville 1994, Jacob 1991). La participation financière peut couvrir un simple transfert de coûts aux organisations paysannes sans garantir pour autant la durabilité des projets (Mathieu 1992).
Dans ces conditions, les situations de projets participatifs orientés sur les groupes les plus vulnérables cumulent a priori les sources d'incertitude quant à leurs effets réels:
- même dans un projet participatif, les innovations proposées ne touchent pas forcément l'ensemble de la population-cible mais des groupes locaux qui sont en mesure de s'approprier le projet sur la base des dynamiques sociales préexistantes;- le caractère durable d'un projet ciblé sur les populations les plus pauvres et les plus vulnérables est encore moins garanti que dans le cas de projets classiques visant les producteurs "progressistes";
- enfin, une forte participation des acteurs locaux aux différentes phases des projets peut être contradictoire avec la prise en compte privilégiée de la situation des groupes les plus vulnérables car elle peut renforcer les dynamiques sociales dominantes et préexistantes ou créer de nouvelles inégalités. Dans ce cas, l'approche participative peut induire directement ou indirectement une exclusion forte des groupes d'acteurs les plus vulnérables des projets conçus pour eux et renforcer à terme leur sentiment d'échec et leur découragement
La pierre angulaire des nouvelles stratégies de développement la participation des plus pauvres, est aussi le maillon le plus faible de ces stratégies car le plus propice aux manipulations et aux malentendus. |
1 - Un pessimisme méthodologique
2 - Valoriser l'approche socio-anthropologique dynamique
Ce document vise surtout à mettre un peu d'ordre dans l'émergence de l'intérêt pour la "Participation des plus défavorisés" dans la littérature scientifique et d'expertise sur le développement rural afin de clarifier cette notion et de faire en sorte qu'elle soit mieux applicable aux projets de développement
A cet effet, le groupe de réflexion a volontairement choisi une approche que l'on peut qualifier de "pessimisme méthodologique" afin de mieux identifier les obstacles et les malentendus auxquels peut se heurter la stratégie du développement participatif. Il s'agit de rendre explicites les critiques qui restent le plus souvent diffuses et implicites mais qui prévalent souvent dans les milieux chargés de promouvoir la participation. Elles concernent les difficultés pratiques résultant des conflits d'intérêts, d'informations insuffisantes sur des contextes spécifiques, du manque de temps et des procédures administratives. C'est toujours le cas lorsque la Participation est considérée comme une panacée (Schneider 1994).
Estimer que "sans la participation active des ruraux, notamment des groupes défavorisés, il n'y a guère de chances que les initiatives soient viables à long terme et que les injustices dans les campagnes puissent être corrigées" (FAO 1991) est un pari ambitieux et une hypothèse forte auxquels toutefois le groupe de réflexion adhère pleinement
Le groupe de réflexion est composé de spécialistes de l'approche socio-anthropologique dans le développement rural. Il n'est pas cependant dans son intention de se lancer dans un plaidoyer pro domo pour conclure que le recours à ces spécialités serait en mesure de résoudre l'essentiel du problème envisagé ici. Le fait, de la part des agences de développement, de faire appel à la connaissance anthropologique pour l'évaluation préalable des projets ne transforme pas l'anthropologie, par une sorte de revanche, en discipline toute-puissante quant au devenir d'un projet l'anthropologie "appliquée" définit un "champ du possible", pas un plan d'action (Dozon 1991).
La grande faiblesse de l'anthropologie, quand elle se frotte à l'action, réside en effet dans le fait qu'elle produit de la connaissance, et pas de l'action; cela explique, en partie, pourquoi sa compétence est souvent inutilisable pour les agences de développement comment organiser l'action à partir du tableau souvent très subtil et multiforme que l'anthropologue a brossé de la réalité? Mais cela ne conduit pas à une impasse, si on garde deux points à l'esprit. A savoir que d'une part, l'anthropologie est une discipline parmi d'autres, ses faiblesses peuvent donc être efficacement comblées par les atouts des autres disciplines notamment en ce qui concerne les variables quantitatives et que d'autre part, l'anthropologie des sociétés "à développement provoqué" possède désormais une histoire assez ancienne dont les polémiques intra et interdisciplinaires ne doivent pas occulter l'enseignement
Un premier apport de l'anthropologie aux entrepreneurs du développement est donc un apport de méthode: la "vulgarisation" des méthodes anthropologiques pour les praticiens du développement est un moyen d'introduire les acquis de la discipline dans le champ de leur application pratique. Les entrepreneurs de projets n'ont en effet généralement pas de temps à consacrer à un véritable travail de recherche dans chacune des disciplines contribuant à rendre compte des réalités socio-économiques de leur terrain d'action; dans le cas de l'anthropologie, qui correspond à une approche centrée sur les acteurs sociaux, il leur faut donc des éléments de méthode permettant d'évaluer rapidement une situation donnée, éléments dont la valeur réside dans leurs antécédents scientifiques, et dans leur réexamen permanent de la part des chercheurs.
Un second apport important de l'anthropologie aux opérateurs de développement est un apport de connaissance qui enrichit leur "manière de voir" et leur "savoir faire". Depuis quelques années, les praticiens du développement semblent de plus en plus enclins à abandonner les schémas d'explication positivistes, déterministes et linéaires et à promouvoir des systèmes explicatifs plus ouverts (Kleitz, 1995-b, Lefèvre et Kolsteren 1994). Selon Kleitz (1995), "ces nouvelles approches reflètent plus fidèlement les préceptes socio-anthropologiques selon lesquels il n'existe pas de réalité unique et que tout change constamment, sans linéarité, de façon différente selon les acteurs, et à travers le jeu des interactions sociales". Ainsi, on peut identifier une convergence certaine entre cette approche socio-anthropologique "dynamique" appliquée aux phénomènes de développement (Olivier de Sardan 1991, Elwert et Bierschenk 1988, Bierschenk 1988) et, par exemple, le "suivi et la gestion de processus" (Process Monitoring and Documentation) suscité par D. Korten (1980) ou l'évaluation centrée sur les bénéficiaires formalisée par Salmen (1989).
Conforter cette convergence en valorisant de manière plus systématique les outils de la socio-anthropologie de terrain constitue un objectif du groupe de réflexion. En particulier, l'apport des débats au sein de l'Association euro-africaine pour l'anthropologie du changement social et du développement (APAD) ont semblé pertinents pour clarifier la notion de "participation des groupes les plus vulnérables".
1 - Une analyse comparative
2 - Une comparaison large pour saisir les enjeux de la "participation cachée"
3 - Plan de l'étude
La réflexion du groupe est fondée: a) sur l'expérience de terrain des participants, tant dans le domaine de la recherche que dans celui de la recherche/développement; b) sur la prise en compte de la littérature consacrée à d'autres études de cas ou portant sur des essais de synthèse et de bilan sur les questions de la participation des populations et de l'exclusion sociale.
L'objectif du groupe de réflexion n'est pas d'évaluer un nombre très limité de cas, mais de confronter les expériences de chacun des participants pour en tirer ensuite des enseignements généraux à la lumière des débats en cours sur les nouvelles stratégies de participation des groupes les plus vulnérables.
Les études de cas utilisées portent essentiellement, à quelques exceptions près, sur l'Afrique francophone. Ce biais est dû à la composition du réseau à partir duquel le groupe de réflexion a été formé. Il est en partie compensé par le fait que les différents membres du groupe ainsi que les textes de référence utilisés se situent dans des traditions de recherche et de développement différentes (africaine, française, Europe du Nord...).
Bien que les termes de référence portent sur un aspect étroitement défini de l'exclusion (l'exclusion des groupes vulnérables dans les projets de développement participatifs), le groupe a pensé préférable de situer cet aspect dans une problématique plus large. Il a semblé en particulier plus productif, d'une part, de ne pas se limiter au cas des projets participatifs et, d'autre part, de ne pas limiter l'analyse de l'exclusion à des observations qui concerneraient uniquement le niveau local et villageois.
a) Afin d'améliorer la compréhension des problèmes et la mise en oeuvre des projets participatifs, il faut conserver à l'esprit les caractères communs qu'ils partagent avec les projets non participatifs et ne pas se concentrer uniquement sur les traits qui les en distinguent
En dépit de la spécificité revendiquée par les stratégies participatives de développement, elles partagent en effet avec les stratégies classiques de développement "par le haut" le fait d'être soutenues par un dispositif d'intervention extérieur au milieu. Même si le caractère "exogène" de l'intervention est généralement limité par les méthodes propres aux ONG, les évaluations de projets effectuées à partir d'une connaissance fine du milieu montrent un certains nombre de tendances communes, que les projets soient participatifs ou non:
- les populations ré-interprètent à leur manière les projets, selon les dynamiques sociales et les clivages locaux qui préexistent aux projets;- elles se livrent nécessairement à une "participation spontanée" à l'égard des projets, soit pour se répartir les ressources nouvelles injectées par les projets, soit pour assurer ou renforcer par le biais de la participation aux projets leur position vis-à-vis de tel ou tel "enjeu" local régulé ou disputé par les différents groupes d'acteurs;
- les populations ont la capacité de se constituer une "marge de manoeuvre" vis-à-vis des objectifs et des moyens des projets et d'élaborer toute une panoplie de stratégies actives qui anticipent sur les effets des projets vis-à-vis des dynamiques locales, soit pour les protéger, soit pour les renforcer, soit pour les transformer;
- les populations intègrent dans leurs stratégies "hors projet" les ressources et les contraintes nouvelles qu'apportent les projets;
- les populations ont la capacité d'influer sur la trajectoire des projets soit en les neutralisant, soit en les marginalisant, soit en les décomposant de manière sélective, soit en les adoptant tout en les détournant de leurs objectifs.
Du point de vue des populations et des différents groupes d'acteurs qui les composent, les projets et leurs ressources constituent des enjeux nouveaux et suscitent la recomposition des enjeux qui prévalaient auparavant dans le milieu local. Les ressources et les enjeux en question sont évidemment matériels et économiques (accès à des infrastructures, au crédit, aux intrants, à la terre, à des techniques etc.) mais ils sont aussi politiques et symboliques (accès à ou renforcement du capital d'influence et de pouvoir conféré par la participation au projet).
En ce sens, tout projet, qu'il soit ou non participatif, déclenche une participation cachée des populations, différente de celle qui est autoritairement assignée (dans le cas des projets non-participatifs) ou suscitée (dans celui des projets participatifs) par le projet. Parce que les projets participatifs ambitionnent, d'une part, de dépasser les shémas simplistes de l'approche classique et, d'autre part, de déplacer l'équilibre des rapports de force inégalitaires, la prise en compte de la "participation cachée" est particulièrement importante. Cette prise en compte est indispensable pour clarifier le concept de Participation.
b) Bien que les projets participatifs soient par définition décentralisés, et concernent par conséquent des populations très localisées, leur analyse nécessite la prise en considération de contextes beaucoup plus larges à l'échelle régionale et nationale.
Cela est particulièrement vrai de l'analyse des phénomènes d'exclusion puisque les procédures d'exclusion ne sont que la face symétrique et cachée des procédures qui permettent à certains groupes de bénéficier d'un accès privilégié aux ressources (Gore 1995) à l'occasion, en particulier, de leur "participation cachée". Or ces procédures "d'inclusion" privilégiée dans l'accès aux ressources relèvent de réseaux et de relations entre groupes qui opèrent aux niveaux régionaux et nationaux et commandent en grande partie les procédures locales d'exclusion.
Dans une première partie visant à conceptualiser l'analyse et intitulée "L'économie politique de l'exclusion", les études de cas sont analysées dans leurs contextes national, régional et local. Le groupe de réflexion souhaite ainsi attirer l'attention sur le fait que les projets participatifs à destination des groupes les plus vulnérables s'insèrent à ces différents niveaux, dans des dynamiques préexistantes qui en conditionnent la trajectoire. Cette opération de contextualisation est un préalable à la clarification des notions de pauvreté, de groupes vulnérables et de participation de ces groupes. Dans une deuxième partie visant à développer la connaissance et intitulée "Les jeux des acteurs et leurs règles", les études de cas sont utilisées pour souligner la diversité des significations que les différents groupes d'acteurs (y compris les agents de développement) attachent aux projets participatifs orientés vers les groupes les plus vulnérables. De cette diversité de systèmes de sens, bien connue des socio-anthropologues, découlent des stratégies d'acteurs qui conditionnent l'interface entre les projets et les différentes catégories de populations locales. Le groupe de réflexion souligne dans cette partie la nécessité de connaître les "arènes de confrontation" locales et les "règles du jeu" qui s'y déroulent. Il propose à cet effet une grille d'analyse opératoire, illustrée par des études de cas. Dans une troisième partie, intitulée "Communiquer dans l'affrontement, recommandations pour la connaissance et l'action", quelques principes opérationnels sont avancés pour clarifier, diversifier et structurer l'interface entre les projets participatifs orientés sur les groupes vulnérables et les différentes catégories d'acteurs. Le groupe de réflexion attire l'attention sur la nécessité d'une communication la plus claire possible entre les intervenants et, pour cela, d'une clarification des concepts, des objectifs des opérateurs des projets eux-mêmes et des règles d'arbitrage entre acteurs. |