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1. PASSE, PRESENT ET FUTUR EVENTUEL DE L'INDUSTRIE DES PECHES


1.1 Bref historique sur le développement de la production des pêches et son utilisation
1.2 Aperçu sur l'état des ressources et des pêches dans le monde
1.3 Aperçu sur l'utilisation et la commercialisation des produits de la pêche dans le monde
1.4 Technologie des produits de la pêche, ingénierie et prospectives

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le domaine de l'industrie des pêches, et quelquefois même pour ceux qui y sont familiers, les efforts déployés dans la production, l'utilisation et la commercialisation des produits de la pêche apparaissent souvent étranges, difficiles à comprendre et en général obscurs. Cela est dû en partie à la complexité intrinsèque des pêches qui intègrent les technologies les plus récentes pour l'obtention de produits des milieux aquatiques, à l'utilisation de satellites, d'équipements électroniques, d'équipements télécommandés et de bio-ingénierie. Cela est également dû en partie au grand nombre d'espèces commercialisées (sur le marché américain on peut trouver plus de 700 espèces commerciales), ce qui fait que le poisson représente une source de protéines très différente de celles que l'on rencontre dans la viande ou du poulet, pour ne citer qu'elles.

Une partie de la complexité découle du grand nombre de produits disponibles (par exemple, un marché de poisson est plus segmenté qu'un marché de la viande ou de volailles, et l'est de façon différente), des techniques de transformation et leurs variantes, des méthodes de capture allant de la senne de plage et de pirogues aux chalutiers usines de haute technologie. La complexité aux niveaux local, régional et international est aussi reliée à des raisons historiques et culturelles profondes, sans lesquelles les habitudes de consommation (et par conséquent la demande du marché), les lois et réglementations ad hoc, le comportement des pêcheurs, les prises de positions politiques et l'attitude des consommateurs vis-à-vis des pêcheries et produits de la pêche sont très difficiles à comprendre. Alors que dans certaines industries (par exemple, l'électronique) l'histoire et la culture sont pratiquement sans rapport avec leur économie, dans le cas des pêches elles jouent généralement un grand rôle même s'il est souvent surévalué ou tenu pour acquis.

Bien qu'une étude approfondie de cette complexité soit en dehors du sujet de ce manuel, il a été décidé d'inclure une brève description du passé, du présent et du futur éventuel de l'industrie des pêches. Ce chapitre doit être vu principalement comme une précaution dans le sens où les méthodes de l'approche technico-économique qui seront analysées dans le reste du manuel, ne peuvent en général être mises en œuvre instantanément et demandent une bonne connaissance du passé et du présent des industries et des marchés concernés, ainsi qu'une supposition éclairée sur son futur.

1.1 Bref historique sur le développement de la production des pêches et son utilisation

Depuis la préhistoire, les poissons ont été péchés et consommés par les premiers hominidés (Australopithicus et Homo erectus) puis par l'homme (Homo sapiens) (Stewart, 1994). Il y a de nombreuses données archéologiques montrant que l'homme avait une activité de pêche dans le Paléolithique inférieur, il y a plus de 100 000 ans, et la trace la plus ancienne de poisson utilisé comme aliment par l'Homo sapiens date d'il y a 380 000 ans. Durant des temps préhistoriques plus récents, on trouve de nombreux témoignages de l'utilisation du poisson dans l'alimentation des populations de l'Europe, le saumon étant l'une des espèces les plus consommées, et des populations amérindiennes et africaines sont connues pour avoir été des ramasseurs de coquillages (Toussaint-Samat, 1992).

Le poisson était déjà apprécié par les civilisations anciennes d'Egypte et de Chine. La première recette connue (une salade de poisson à base de carpe marinée et épicée) vient de la Chine ancienne et date de 1 300 ans avant J.-C. La passion de la Rome antique pour le poisson est bien connue; le prix le plus élevé jamais payé pour du poisson à la criée (deux rougets barbets vivants) n'a pas encore été dépassé (20 000 sesterces, environ 24 000 $EU d'aujourd'hui) (Toussaint-Samat, 1992). Le poisson frais a toujours eu la préférence. Les Chinois font le commerce de poissons vivants depuis plus de 3 000 ans. Dans l'empire romain, le meilleur poisson était aussi stocké, transporté et vendu vivant (en particulier les anguilles et les lamproies). Nous avons la preuve que les Chinois utilisaient de la glace naturelle pour garder le poisson frais environ 1 000 ans avant J.-C. Les Romains utilisaient aussi de la glace associée à des algues pour conserver le poisson frais (la glace venait des montagnes voisines de Rome).

Le séchage, le salage et le fumage du poisson étaient utilisés pour conserver le poisson depuis des temps très anciens dans différentes cultures. Le poisson salé et fermenté constituait déjà une industrie intégrée florissante au sens contemporain du terme (capture, élevage, transformation, conditionnement, transport et distribution) dans l'empire romain aux environs de 100 ans avant J.-C. (McCann, 1988). Les techniques de conservation ont été revues et améliorées plusieurs fois pendant l'histoire de l'humanité et sont encore largement utilisées. On signale que le hareng salé à bord a été introduit par les Hollandais au XIVe siècle, ce qui a permis d'allonger la durée des campagnes de pêche et de réduire les pertes après capture, améliorant ainsi la production et le commerce du hareng salé. De la même manière, au XXe siècle les navires frigorifiques et les navires-usines ont fait leur apparition pour congeler et traiter le poisson à bord.

L'élevage des poissons devint une technologie maîtrisée en Chine entre 2 000 et 1 500 ans avant J.-C. et n'y a jamais cessé d'être une source de nourriture. Le premier traité sur l'élevage de la carpe fut écrit aux environs de 475 ans avant J.-C. par un Chinois nommé Fan Li (Toussaint-Samat, 1992). Il contient des conseils utiles sur la conception, la construction et la gestion des bassins d'élevage (Kreuzer, 1974).

L'aquaculture remonte en Italie aux Ve et VIe siècles avant J.-C. A cette époque, les Etrusques la pratiquaient dans les lagunes côtières de la mer Tyrrhénienne (Méditerranée). Près du port de Cosa, ils ont accompli des travaux de génie civil impressionnants, creusant un canal dans le rocher (tagliata di Ansedonia) pour l'aménagement hydraulique d'une lagune de 500 ai 000 hectares (Ardizzone et al., 1988). Plus tard, comme des études archéologiques l'ont montré (McCann, 1988), les Romains ont exploité au même endroit, environ 100 ans avant J.-C., un ensemble sophistiqué d'aquaculture en eau saumâtre, intégrant le traitement, le conditionnement et l'expédition des produits finis à divers endroits du bassin méditerranéen. Cet ensemble comprenait aussi une pêche côtière saisonnière d'espèces comme le maquereau et le thon. Ce qui reste de la lagune côtière étrusque de Cosa, la lagune de Burano (140 ha) est toujours en exploitation. Les habitants de Cosa ont ajouté ultérieurement l'exploitation de la lagune d'Orbetello (2 700 ha), un des premiers exemples de gestion contrôlée de la pêche dans les lagunes côtières (Ardizzone et al., 1988). Les activités aquacoles dans cette zone ont été et sont encore associées à des activités de pêche côtière (Porto Santo Stefano). Le cas de Cosa, comme beaucoup d'autres exemples rencontrés en particulier en Méditerranée, en Chine et au Japon, témoignent de la relation étroite qui existe entre les activités de pêche autonome, les aspects sociaux et culturels et l'environnement.

On trouve aussi des témoignages historiques qui montrent que l'aquaculture en Europe n'a pas cessé d'être une source importante de protéines pendant presque un millénaire après l'effondrement de l'empire romain. La production de poisson en Europe a toujours été un mélange d'élevage et de pêche dans les eaux douces et marines (Montanari, 1993). Un voyageur du début du XIXe siècle observa que la consommation de poisson en Pologne comprenait du hareng salé (importé de Hollande et d'Ecosse), de la morue salée, des poissons de la mer Baltique (population côtière) et du poisson d'élevage dans les eaux intérieures (Salmon, 1735).

La consommation de poisson a été influencée positivement et négativement au cours de l'histoire par les religions, les tabous, les décisions politiques et les croyances, ce qui à son tour a influencé la production et la commercialisation du poisson. La consommation de poisson au moyen âge en Europe a été encouragée par l'église catholique qui a institué 166 jours maigres par an (dont 40 jours de jeûne strict pendant le Carême) pendant lesquels on pouvait manger du poisson. Cette situation a été en général renforcée par les dirigeants; par exemple Charlemagne a donné l'ordre que toutes ses fermes comportent des réservoirs à poisson. Par contre la Réforme en Angleterre (qui comprenait des changements de jeûne) a réduit le nombre de bateaux de pêche, a restreint les pêcheries en eau douce (Montanari, 1993) et a presque fait disparaître l'aquaculture (Kreuzer, 1974). Comme nous le verrons plus loin, cette situation doit encore changer au XVIIe siècle avec le développement de la pêche au hareng.

L'importance de l'aquaculture en Europe a diminué pour plusieurs raisons qui varient d'un pays à l'autre; l'aquaculture a disparu en Allemagne pendant la guerre de 30 ans, c'est-à-dire de 1618 à 1638, et n'a pas repris avant la fin du XIXe siècle (Kreuzer, 1974). Le développement des pêches aux XIXe et XXe siècles a même encore réduit la contribution relative de l'aquaculture, un changement surtout dû aux grands rendements des prises en eau de mer par rapport à l'investissement, et au développement mondial des marchés pour certains types de poisson salé (qui permettaient le stockage et le transport).

L'importance des captures de poisson d'eau de mer, en particulier la morue et le hareng, a augmenté en Europe, à partir des XIIIe et XIVe siècles, en particulier dans les pays du Nord. Le XIVe siècle a été une période de famine en Europe, et a probablement contraint les populations côtières a accroître l'effort de pêche sur les ressources côtières. Comme le souligne Montanari (1993), la peste qui a ravagé l'Europe entre 1347 et 1351 a affecté les populations côtières qui consommaient le poisson comme source de protéines et de lipides (énergie), beaucoup moins que les populations de l'intérieur qui étaient stressées et prédisposées à la maladie à cause de la famine.

Au XIIe siècle, le hareng a changé ses migrations de frai de la mer du Nord à la mer Baltique. Cela a donné à la ligue hanséatique la possibilité de développer la plus grande industrie de pêche de l'époque, remplaçant le Danemark qui exploitait auparavant cette ressource (non sans guerre). Cette situation a duré jusqu'au XVIe siècle où le hareng est revenu frayer dans la mer du Nord, et cette fois les Hollandais ont saisi l'opportunité de devenir un pays prédominant pour la pêche.

Ce retour du hareng dans la mer du Nord a aussi déclenché le développement de la pêche écossaise du hareng au XVIIe siècle. Pendant la seconde moitié du XVIIe siècle le poisson salé représentait l'une des plus grosses exportations en Europe. Pendant la période de janvier à mars 1765, on a déchargé au port de Leghorn [Livorno] (alors Grand Duché de Toscane) 9 020 tonneaux de hareng salé (y compris 220 de hareng salé blanc), 345 tonneaux de saumon salé, et 500 petits tonneaux de sardines pressées et salées (sarracche ou salachi) provenant de Grande Bretagne, et comprenant la cargaison presque totale de 11 navires (Cipolla, 1992). On peut supposer que l'accès aux marchés du hareng salé a été la cause principale de frictions entre l'Angleterre et la Hollande à cette époque.

Les droits de pêche faisaient très souvent partie des traités de paix entre les pays d'Europe. Le traité d'Utrecht (1713), même s'il reconnaît en principe aux pêcheurs espagnols (surtout basques) le droit de pêcher la morue et les baleines au large de Terre Neuve (où les basques péchaient bien avant 1550), les privaient en pratique de ce droit. Cela a forcé les espagnols à chercher des alternatives, par exemple l'augmentation de la pêche à la sardine au large de la Galice, du salage, et de l'importation de poisson. Les Espagnols reprirent la pêche à Terre Neuve seulement en 1921 (Lopez Capont, 1986). Les suites de ce conflit sont toujours d'actualité (1995).

Au début du XIXe siècle on a eu besoin de nouvelles méthodes pour accroître la durée de conservation des produits de la pêche. L'industrie de la conserve de poisson et de viande a été mise au point par un Français, Appert (procédé de fabrication publié en 1810), pour approvisionner l'armée de Napoléon en vivres.

L'effet des basses températures sur la durée de conservation et la qualité des poissons frais a été connu de tous temps. La "congélation par le froid naturel" est une méthode appliquée depuis des temps immémoriaux par les Esquimaux. Elle consiste à laisser le poisson en plein air les jours de vent à des températures négatives. C'était probablement le début de l'industrie moderne de la congélation du poisson. On trouve des données indiquant que la "congélation par le froid naturel" était pratiquée dans la région des Grands Lacs (USA et Canada) au tout début du XIXe siècle, et que cette méthode était toujours utilisée dans les années 60 (Tressler et al., 1968). Ce n'est qu'avec le développement du froid industriel au XIXe siècle, que la glace et les installations de réfrigération devinrent réellement disponibles. L'ingénieur français F. Carré, construisit la première machine à blocs de glace présentée à la Grande Exposition de Londres en 1859.

En 1877, le navire "Le Frigorifique" a transporté la première cargaison de moutons utilisant le froid industriel de France à Buenos Aires (Argentine), principalement pour démontrer que le transport intercontinental d'aliments congelés était possible. Les Argentins, avec l'assistance de Carré, équipèrent un second navire (le Paraguay), et commencèrent à transporter de la viande congelée vers l'Europe (Toussaint-Samat, 1992).

Les Américains furent les premiers à réaliser le potentiel du marché du poisson congelé, et en 1865, ils commencèrent à congeler le poisson en le plaçant dans des récipients contenant de la glace et du sel. Vers 1880 des équipements de réfrigération à l'ammoniac ont vu leur apparition, et à la fin du XIXe siècle la congélation du poisson était une industrie importante aux USA, qui avaient déjà commencé à exporter du saumon congelé vers l'Europe. A la même époque, le poisson était congelé en Europe, mais en plus petites quantités qu'aux USA (Tressler et al., 1968). Au départ, la qualité des produits de la pêche congelés était peu satisfaisante et la technique mal comprise (Burgess, 1974). En 1929, l'Américain Clarence Birdseye décida de revenir aux sources et de rechercher pourquoi le poisson congelé esquimau ("congélation par le froid naturel") était de bien meilleure qualité que le poisson congelé industriellement. Après avoir séjourné chez les Esquimaux du Labrador, il découvrit que le secret se trouvait dans la vitesse de congélation; aux USA il mit au point les premiers congélateurs à plaques et à double bande transporteuse et ouvrit l'ère de la congélation rapide (Toussaint-Samat, 1992).

Après le développement des pêcheries de hareng et de cabillaud, la plus grande partie du poisson de mer consommé en Europe provient des bateaux à voiles, comme les sémaques de pêche qui dérivaient vent arrière avec des chaluts par le travers. La propulsion à vapeur a été utilisée pour les navires de pêche en Europe vers la fin du XIXe siècle et ces navires mécanisés ont remplacé les bateaux de pêche à voiles. Les moteurs à combustion interne (Diesel) ont été utilisés pour les navires de pêche en Europe au tournant du XXe siècle, et ont complètement remplacé la vapeur dans les années 60. Après la Seconde Guerre Mondiale, les bateaux de pêche en Europe ont commencé à utiliser des sondeurs et des détecteurs à ultrasons pour la détection du poisson, et ces méthodes ont été reprises par les flottes de pêche industrielle dans le monde entier. Le premier chalutier-usine pêche arrière, "Fairtry", a été construit en 1953 à Aberdeen en Ecosse. Il comprenait des congélateurs à plaques et une combinaison de congélateur à plaque et à air puisé. Après des années de recherche et de développement à la Torry Research Station à Aberdeen en Ecosse, en 1961 des congélateurs à plaques verticaux ont été installés pour la première fois à bord du chalutier arrière "Lord Nelson". A partir de ce moment il y a eu un développement rapide de la transformation et de la congélation en mer.

Dans les années 50 et 60 deux améliorations importantes ont mis en valeur l'avantage de la mécanisation des navires de pêche: l'utilisation des fibres synthétiques pour les filets, ainsi qu'une nouvelle conception de leurs formes plus rationnelle. Ces améliorations ont modifié les vieilles méthodes de pêche, comme le chalutage, les filets maillants et les palangres, et ont considérablement augmenté les prises. Cependant, ces développements n'ont pas été effectués pari passu avec une gestion appropriée des ressources existantes et ont donc conduit à une surexploitation importante et à des pertes financières pour les industries de transformation des produits de la pêche dans le monde entier. Ces pertes résultent de la trop grande capacité des flottes et du surinvestissement; on estime que 46% de la valeur des prises totales débarquées dans le monde représente le retour sur investissement du capital investi dans les flottes et que ce chiffre est beaucoup trop élevé (FAO, 1995).

Les problèmes de qualité et de fraude sur les aliments apparurent vers la fin du XIXe siècle, à la fois en Europe et aux USA, et le manque d'informations scientifiques et de techniques sur les aliments, en particulier sur le poisson, devint apparent. Les problèmes de gaspillage des aliments observés pendant la Première Guerre Mondiale (Burgess, 1977) et probablement les besoins croissants en approvisionnement des populations urbaines plus importantes ont convaincu les autorités de créer des institutions de recherche et développement appropriées. Le premier institut de recherche concernant la technologie du poisson a été créé en Norvège en 1892.

La surgélation et la possibilité d'exploiter des chaînes de froid fiables, ont conduit à une grande diversification des produits de la pêche sur les marchés du poisson des pays développés, en particulier après la Seconde Guerre Mondiale. Parmi eux se trouvent des produits pour lesquels l'espèce utilisée importe moins que le type de préparation avec l'introduction du concept de produits préparés et semi-préparés tels que bâtonnets et burgers de poisson ainsi que d'autres préparations.

On trouve divers produits à base de chair hachée de poisson. Cependant, le produit qui prédomine dans ce secteur est le "kamaboko" du Japon. Le kamaboko et ses produits dérivés étaient des produits traditionnels consommés surtout au Japon, mais connus aussi en Chine et dans d'autres pays asiatiques. On le préparait à l'origine artisanalement à partir de quelques espèces de poisson frais. En 1960, les Japonais ont commencé à produire du kamaboko à partir de chair de colin d'Alaska broyée et congelée, et ont mécanisé l'ensemble du procédé de fabrication. La production de kamaboko et les produits à base de kamaboko ont connu un grand essor au Japon dans les années 70; la technologie a commencé à se répandre et est utilisée dans le reste du monde. Vers 1975 au Japon, et plus tard dans les autres pays développés, le kamaboko a commencé à être utilisé dans la production d'analogues ou produits d'imitation (par exemple, analogue de chair de crabe royal). Ceci a ouvert la possibilité d'utilisation d'espèces moins exploitées et a permis une réduction des pertes après capture.

Cette brève introduction au développement historique de la production et de l'utilisation du poisson a été incluse dans cet ouvrage principalement pour donner une idée de la dynamique des pêches à moyen et long terme. L'analyse des aspects à long et moyen termes est importante à plusieurs égards. En plus des considérations socio-économiques (telles que habitudes de consommation du poisson et "droits historiques" souvent revendiqués par les pêcheurs) il y a d'autres implications importantes lors des études d'investissements et de viabilité.

Par exemple, il est clair qu'il y a eu depuis la seconde moitié du XIXe siècle une diminution constante des horizons "à court terme" successifs des industries de transformation des produits de la pêche, suite à l'introduction d'innovations techniques et scientifiques, et des changements du marché. Il est extrêmement important pour les pays en développement de comprendre cette diminution d'horizon "à court terme" pour les structures (ou technologies) de l'industrie de la pêche, pour parvenir à la viabilité et ne pas gaspiller les investissements. La diminution d'horizon "à court terme" oblige à prendre en compte les horizons à moyen et long termes pour un développement adéquat et durable.

1.2 Aperçu sur l'état des ressources et des pêches dans le monde

Aujourd'hui les captures mondiales de poisson s'élèvent à environ 98 millions de tonnes (1992) dont 82,5 millions de tonnes de produits de la mer et 15,5 millions de tonnes de produits d'eau douce, y compris l'aquaculture. Entre 1984 et 1989, les débarquements de produits de la mer ont progressé et sont passés de 74 à 86 millions de tonnes (17% d'augmentation) alors que les captures du secteur des eaux continentales sont passées de 10 à 14 millions de tonnes (38% d'augmentation). Après avoir atteint leur maximum en 1989, les captures de produits de la mer ont diminué de 4% en 1992 tandis que la production des eaux intérieures a continué à progresser, augmentant de 10% au cours de cette même année. Dans les années 1980 l'augmentation des prises des produits de la mer a été surtout due à un accroissement notable des prises dans le Pacifique Nord et Sud, augmentation de plus de 17 millions de tonnes entre 1981 et 1989.

Une augmentation durable des débarquements n'est pas prévisible dans le futur et une baisse des captures pourrait se produire dans les régions qui sont surexploitées. Par exemple, les régions atlantiques du nord et du centre ont enregistré des prises presque constantes pendant la période 1985-89 (variations annuelles de moins de 1,8% par rapport à la moyenne), mais les captures sont tombées de façon significative entre 1990 et 1991 (avec des variations de 5,63% et 6,85% respectivement), en comparaison avec les captures moyennes de 1985-89.

Les diverses espèces pêchées sont également très importantes puisqu'elles dépendent du marché, c'est-à-dire de la demande du consommateur. Treize pour cent des prises totales sont des poissons blancs, comme le cabillaud, le merlu, le colin de l'Alaska et l'églefin. Les espèces appréciées, comme la sole en Europe, ne représentent que 1,5% des captures totales. Leur niveau de capture est variable. Par exemple des espèces de taille commerciale comparables à la sole sont rejetées dans certaines pêcheries de crevettes des Caraïbes. Elles ne sont pas appréciées par les consommateurs locaux, obtiennent des prix très bas et reçoivent souvent des noms peu flatteurs ("chatarra" au Costa Rica et "tapaculo" à Cuba). Ce type de ressources peut graduellement être incorporé dans le marché grâce à une amélioration des connaissances techniques et de la commercialisation. Un tel développement est nécessaire pour diminuer le rejet des prises secondaires de la pêche de crevettes.

La majeure partie des prises de poisson dans le monde (environ 30%) est composée de poissons pélagiques de taille relativement petite avec un taux de lipides élevé, qui se détériorent très rapidement. Thon, bonite à dos rayé, maquereau et thyrsite, qui sont des espèces spécialement grasses mais de plus grande taille et plus demandées, représentent 9% des captures. Les espèces pélagiques, spécialement celles de petite taille, dépendent largement des facteurs environnementaux. Ceci a conduit à des captures qui varient progressivement d'une année à l'autre. Au Chili et au Pérou, la plus grande partie des petits pélagiques est utilisée pour la production de farine de poisson.

On observe suffisamment de signes de surexploitation à travers le monde. En 1993, la pêche des Grands Bancs au large du Canada a été fermée pour cause de surexploitation. Rien qu'en 1991, le Canada a débarqué des Grands Bancs environ 1,15 million de tonnes (O'Riordan, 1994). Les Grands Bancs, l'un des lieux de pêche les plus riches du monde, ont été exploités presque continuellement pendant les 500 dernières années (ou même avant s'il est vrai que les pêcheurs basques exploitaient les eaux canadiennes avant l'arrivée de Colomb en Amérique).

L'effondrement des pêches sur les Grands Bancs a mis entre 40 000 et 50 000 pêcheurs et ouvriers du secteur de la transformation au chômage, la plus grande mise à pied de l'histoire du Canada (Anon., 1995; Swardson, 1995). Cela a aussi affecté les marchés du poisson locaux et internationaux entraînant des substitutions d'espèces à la fois au niveau du consommateur et de l'industrie. L'exemple suivant en est une bonne illustration: les burgers de poisson McDonalds dont la moitié étaient faits avec du cabillaud des Grands Bancs sont aujourd'hui fabriqués à base de colin d'Alaska (Anon., 1994). Le cas des Grands Bancs deviendra probablement un exemple classique de surexploitation et de ses conséquences. Il souligne le fait qu'il faut tenir compte du risque de surexploitation.

La surexploitation peut ne pas être la seule cause d'une baisse des captures. Des phénomènes naturels, comme "El Niño", des changements environnementaux et des cycles biologiques à long terme jouent un rôle important dans certaines régions, modifiant les débarquements moyens d'une façon significative. Néanmoins, pendant les 7 dernières années les débarquements ont montré une tendance générale à se stabiliser. L'industrie du poisson entre ainsi dans une période où une gestion adéquate des ressources halieutiques est inévitable. Le développement, sauf dans des cas particuliers et en aquaculture, ne peut être basé sur des prises accrues.

1.3 Aperçu sur l'utilisation et la commercialisation des produits de la pêche dans le monde

Soixante-douze pour cent des captures totales des produits de la pêche sont utilisés pour la consommation humaine directe. Presque tout le reste (26%) est utilisé pour la production de farine de poisson (utilisée pour nourrir des animaux d'élevage) et d'huiles. Trente et un pour cent de tous les produits destinés à la consommation humaine directe sont consommés frais et 35% sont surgelés. Seize pour cent sont des semi-conserves (poisson séché, salé, fumé) et 18% sont des conserves. Ainsi 31% sont consommés dans les deux semaines qui suivent leur pêche et 69% sont conservés sous une forme ou une autre pour une consommation différée.

Trente neuf pour cent des captures totales sont commercialisées au niveau international, d'une valeur de 37 400 millions de $EU en 1991. Les pays en développement jouent un rôle actif dans ces échanges, et pour certains d'entre eux, le Mozambique et le cap Vert par exemple, les exportations de poisson constituent la principale source de revenus hors assistance.

La partie non utilisée de la pêche et les pertes après capture sont très élevées. On a récemment estimé que les prises secondaires et les rejets atteignaient entre 17,9 et 39,5 millions de tonnes (moyenne 27 millions de tonnes) par an (Alverson et al., 1994), ce qui signifie une moyenne d'environ 30% des prises totales dans le monde. Les plus grandes pertes se trouvent dans les pêcheries sélectives comme la crevette, où il n'est pas inhabituel de trouver un rapport prises secondaires/crevettes de 5:1 ou plus. Quelques pays comme Cuba font un effort pour collecter et utiliser toutes les prises secondaires de crevettes, d'autres (par exemple, Costa Rica) collectent la plupart des espèces ayant une valeur commerciale. Néanmoins, dans beaucoup de pays, tous les poissons pris dans les filets de crevettes sont rejetés.

D'autres pertes résultent de mauvaises pratiques pendant la manutention, le stockage, la distribution et la transformation du poisson, et dans les techniques de commercialisation. Le niveau réel des pertes est un problème très controversé, en partie à cause des difficultés pour définir les pertes et pour les mesurer. Cependant, toutes les parties concernées reconnaissent que les pertes existent et qu'elles doivent être réduites. L'étude des pertes devrait être faite cas par cas et représente une étape-clé pour des améliorations. Dans ces circonstances, la transformation des produits de la pêche devra se concentrer sur la réduction des coûts de défaillance, en particulier la réduction des pertes après capture, une production propre (réduction du gaspillage) et l'amélioration des produits en termes de qualité et de services.

1.4 Technologie des produits de la pêche, ingénierie et prospectives

La technologie des produits de la pêche en tant que discipline, continuera à jouer un rôle important dans le développement de la pêche. Un changement spectaculaire est en train de prendre place dans la conception, le fonctionnement et la gestion des industries de transformation des produits de la pêche, par suite de l'introduction simultanée de l'assurance- qualité et des notions de gestion, de nouveaux équipements et de l'électronique, du changement d'un contrôle manuel à un contrôle par ordinateur et de l'utilisation d'automates, qui traitent les images. L'industrie des pêches toute entière va sûrement changer au cours des deux prochaines décennies: quelques-unes de ces "industries de transformation des produits de la pêche du XXe siècle" existent déjà, par exemple au Canada, au Danemark et en Islande.

A cause de cette évolution, l'interrelation entre la technologie et l'économie se renforce et deviendra même encore plus importante dans le futur. Par exemple, le suivi quotidien des données économiques de production a été mis en place dans quelques industries de transformation des produits de la pêche Scandinaves aux environs de 1975, le contrôle sur ordinateur de la production aux environs de 1982 et on s'attend à ce que la gestion de la production en temps réel soit introduite dans les entreprises à la pointe de la technologie aux environs de 1995 (Valdimarsson, 1992). Un tel progrès est impossible sans une relation étroite entre les technologies des produits de la pêche et l'économie. Cette relation surpasse de loin celle, classique, existant entre les deux domaines et couramment utilisée dans les études d'investissement, puisque des paramètres plus spécifiques et donc plus sûrs (par exemple, rendements, temps, températures, flux de production) sont nécessaires.

Comme le développement a pour objectif d'améliorer les résultats et la qualité, tout en permettant de réduire les pertes après capture et la consommation d'énergie, l'industrie des pêches des pays en développement devra probablement s'adapter pour éviter de se trouver écartée des marchés. Certaines industries, en particulier en Asie du Sud-Est (par exemple, Thaïlande et Malaisie) ont entamé une telle évolution avec un succès apparent. L'évolution de l'aquaculture dans les pêcheries de petite taille imposera des défis supplémentaires aux techniciens des produits de la pêche, tous liés à l'économie.

Les produits de la pêche destinés à l'alimentation humaine dépendent, comme n'importe quel produit, de l'offre et de la demande. Mais les gens, en particulier dans les pays en développement, tendent à être plus orientés vers la production (offre) que vers la demande (commercialisation), et ceci peut conduire à des investissements non rentables et à des pertes importantes.

Comme il a été relaté dans l'aperçu historique, le hareng salé et la morue salée et séchée ont représenté un marché permanent en Europe pendant plusieurs siècles, jusqu'à ce que les Américains commencent à produire du poisson congelé pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et jusqu'à ce que la glace soit largement utilisée pour refroidir le poisson. Depuis lors, plusieurs changements dus à l'introduction de nouvelles technologies (y compris la gestion) ou simplement les développements des marchés ont suivi et le marché du poisson européen a aujourd'hui très peu en commun avec celui du milieu du XIXe siècle. Malgré les changements visibles et relativement rapides dans les marchés, les changements dans les industries de transformation des produits de la pêche des pays en développement (et quelquefois dans les pays développés) très souvent conduisent à se comporter d'une manière assez statique et conservatrice, ce qui entraîne des crises et des pertes économiques.

Chaston (1983) montre un bon exemple du développement et des crises de l'industrie du merlu en Amérique latine (aggravées depuis) dues au manque d'informations appropriées sur le marché et au manque de prospectives. Un autre exemple très intéressant: la chute de l'industrie de la conserve de poisson au Portugal, autrefois l'une des plus importantes du monde, due à la fois à un manque de développement technique et à un manque d'adaptation de la commercialisation.

Des études de marché récentes (par exemple, Social Trends in UK, 1989 et Salmon, 1990) indiquent que divers changements concernant la demande peuvent survenir sur les principaux marchés des denrées alimentaires et des produits de la pêche. Ces changements attendus peuvent être résumés ainsi:

(i) Le consommateur moyen, en particulier dans les pays développés, sera plus vieux (passant de 38 à 48 ans aux USA aux environs de l'an 2000). Le consommateur sera ainsi plus conscient et plus préoccupé par les questions de sécurité alimentaire, de qualité et par les aspects nutritionnels. Cette tendance vers des produits de la pêche plus sains suivra aussi dans les pays en développement, probablement d'abord dans quelques pays d'Amérique latine et d'Asie (y compris la Chine).

(ii) Les gens auront tendance à consommer plus souvent hors foyer. Cela résulte autant de l'augmentation des activités de loisir et de l'augmentation du nombre de femmes qui travaillent, que du fait que la plupart des gens dans les grandes villes déjeûnent en dehors de chez eux les jours ouvrables. Ceci implique que les marchés institutionnels et ceux de la restauration collective augmenteront et que les produits devront être adaptés à ces marchés (par exemple, taille et poids, type de préparation). Cette tendance est déjà constatée dans les grandes villes des pays en développement (Mexico, Shanghai, Sao Paulo, Lagos) où des millions de gens ne rentrent plus chez eux pour le déjeuner.

(iii) Le nombre de femmes travaillant en dehors de chez elles augmentera. En Europe plus de 50% des femmes d'âge actif travaillent. Ce qui signifie qu'elles ont moins de temps pour cuisiner et pour acheter de la nourriture et ont plus besoin de plats surgelés préparés et semi-préparés (produits à valeur ajoutée). Le nombre de congélateurs et de fours à microondes dans les foyers augmente à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement, et le marché du poisson surgelé augmentera probablement encore.

(iv) Les gens des pays développés dépensent maintenant pour la nourriture une part relativement moindre de leur revenu qu'auparavant, mais ils demandent une alimentation et un service de meilleure qualité. Dans les pays en développement en général, les prix de l'alimentation augmentent et les gens comptent sur une qualité et un service meilleurs qu'auparavant. Une utilisation rationnelle des ressources et une gestion sage deviendront donc essentielles dans l'industrie alimentaire en général et dans l'industrie des pêches en particulier.

Garder les ressources marines stables ou les réduire n'augmentera pas forcément le prix du poisson parce que certains consommateurs, en particulier ceux des marchés institutionnels et ceux de la consommation de masse, peuvent facilement changer pour d'autres produits. En considérant toutes ces tendances, il semble que le marché du poisson deviendra dans le futur plus segmenté et plus diversifié. L'industrie des produits de la mer devra s'adapter à cette tendance et répondre à la demande.

Les grandes industries des produits de la pêche, qui fabriquent des produits de consommation courante ou encore qui utilisent une seule ou très peu d'espèces, ou qui produisent un seul ou peu de produits à faible valeur ajoutée, seront de plus en plus exposées à des changements de marché imprévus, comme cela s'est produit pour l'industrie du merlu en Amérique latine. Une proportion croissante de débarquements de poisson évoluera dans le futur proche du secteur des produits de consommation courante vers le secteur des produits à valeur ajoutée. La tendance aux produits à valeur ajoutée (quelquefois appelés "prêts à la consommation") viendra avec l'urbanisation croissante à la fois des pays développés et des pays en développement. Tous les changements en cours sur le marché sont des défis aux situations existantes. En même temps, ils créent des opportunités d'affaires pour ceux qui connaissent le marché et qui sont en position d'utiliser une technologie et une gestion appropriées.

Le développement du marché du poisson frais, et dans une certaine mesure le marché des produits surgelés, dépendent de l'approvisionnement, et en particulier des apports respectifs de l'élevage et de la pêche.

L'aquaculture est un secteur dynamique. Elle n'a pas encore atteint tout son potentiel, surtout à cause des prix relativement élevés des produits d'élevage. Pendant la dernière décennie, des progrès ont été réalisés, spécialement dans l'élevage d'espèces à grande valeur commerciale comme la crevette (Extrême-Orient et Amérique latine), et de poissons comme le saumon, la dorade et le turbot. Lors de la crise de l'industrie du saumon (1991) les prix du saumon frais d'élevage ont chuté dans certains pays jusqu'à rejoindre ceux de la sardine et de l'anchois. Cela a clairement montré les contraintes de gestion et de marché que les produits d'aquaculture ont rencontré et rencontrent encore un peu partout dans le monde. Le saumon n'est pas un cas unique et la dorade d'élevage atteint à peine aujourd'hui (1995) la moitié du prix qu'elle obtenait il y a 4 ou 5 ans, avant le développement de l'élevage de cette espèce. De même, l'augmentation de la production de la crevette d'élevage montre qu'au-delà d'un certain niveau de production, les prix ont tendance à chuter. Actuellement, l'aquaculture est encore loin de constituer une source de protéines économique pour les populations, bien que des pays comme la Chine soient arrivés à des résultats impressionnants.

L'aquaculture continuera à se développer et s'appuiera sur des domaines de connaissances autres que la biologie pour produire à des prix relativement bas. Il y a cependant encore des problèmes qui pourraient freiner son développement et qui doivent être résolus. Parmi ceux-ci, la production d'aliments, la qualité intrinsèque des produits et l'organisation de la production pour obtenir de meilleurs rendements. Quelques pays disposant d'un littoral et de conditions climatiques appropriées, ayant accès à des denrées alimentaires et des sources d'énergie relativement bon marché, sont en situation favorable, comme le Chili pour l'élevage du saumon.

Plusieurs facteurs peuvent affecter l'évolution des pêches et de l'aquaculture. Une augmentation du coût du pétrole, avec l'augmentation résultante du prix du fuel, pourrait rendre les coûts de l'aquaculture plus compétitifs par rapport aux produits de la pêche, même si l'augmentation du prix du fuel peut aussi affecter le coût des aliments. Le coût du fuel pourrait dans le futur entraver la pêche hauturière et certaines pêches grandes consommatrices de fuel. Une campagne de publicité massive de longue durée et intelligente pourrait surmonter les contraintes actuelles du marché et ouvrir ce dernier aux espèces d'élevage comme le saumon.

On peut penser que malgré le développement potentiel de l'aquaculture, il existera toujours un marché pour le poisson de pêche pour satisfaire les demandes en diversité des espèces, les habitudes alimentaires locales et traditionnelles, la cuisine fine, etc.

Les semi-conserves et les conserves continueront à jouer un rôle important dans le marché, spécialement dans les pays en développement, où les équipements de froid nécessaires à la distribution du poisson frais et surgelé n'existent pas. La situation changera certainement là où il y aura une augmentation notable du niveau de vie. Le commerce international continuera à être très actif tant que la demande ne sera pas satisfaite dans les diverses régions du globe, en particulier en Asie, et probablement en Europe de l'Ouest et de l'Est. La pénurie d'espèces conventionnelles va encourager l'apparition de nouveaux produits à valeur ajoutée plus élevée et, probablement, la quantité de produits destinés à la fabrication de farine va diminuer. Comme on l'a déjà vu, un effort sera fait pour diminuer les grands volumes de rejets et de pertes sur captures secondaires (par l'utilisation d'engins de pêche sélectifs), et pour utiliser celles qui seront pêchées malgré tout.

La prévision n'est pas un domaine sûr, et les prévisions basées sur l'extrapolation de la situation présente, ou sur des analogies (par exemple que le développement de l'aquaculture suivra le schéma de l'agriculture et de l'élevage) peuvent ne pas se révéler nécessairement correctes. Les auteurs sont généralement en accord avec Sir Karl Popper (1989, 1994) selon lequel il n'est pas possible de faire des prévisions à long terme définissant "des rythmes", "des tendances", "des modèles", ou "des lois historiques", et le futur est fondamentalement ouvert. L'homme peut tirer un enseignement du passé s'il est préparé à admettre et juger ses propres erreurs, et en particulier à améliorer une situation donnée s'il peut d'une part faire le lien entre un résultat donné et un plan rationnel et conscient qui en serait à l'origine, et d'autre part déterminer le résultat non prévisible de l'action humaine (Popper, 1989).

La publication de la FAO de 1995, "L'état mondial des pêches et de l'aquaculture", analyse la situation actuelle des pêches et de l'aquaculture dans le monde, et décrit un scénario possible pour satisfaire la demande future en produits de la pêche jusqu'en 2010.


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