Connaissances actuelles de la nature et de l’ampleur des incidences des subventions sur les ressources
41. Un examen de la documentation sur le sujet montre les nombreuses tentatives qui ont été faites pour regrouper en catégories le vaste éventail de subventions qui existent actuellement. Parmi ces tentatives, l’étude des transferts financiers des pouvoirs publics faite par l’OCDE[8] donne une liste de plusieurs subventions par pays et par postes de dépenses. De même, la société Price Waterhouse Coopers a réalisé une étude des subventions pour la CEAP[9] qui donne également une liste des subventions selon les pays et les dépenses. Toutefois, peu nombreuses sont les études qui ont tenté d’établir un lien entre la valeur quantitative des subventions et les effets sur les stocks de poisson. Cette lacune reste un sujet de préoccupation dont il faudra s’occuper dans les futures recherches.
42. Au cours de leurs débats, les experts sont convenus que les subventions ne contribuent pas forcément à l’appauvrissement des ressources. Elles ne sont pas non plus fondamentalement bonnes ni mauvaises. Les incidences des subventions sur la durabilité des ressources résultent des changements induits sur les coûts et les revenus. Les coûts peuvent comporter les coûts d’intrants variables, les coûts d’investissements dans de nouvelles techniques ou dans une capacité de production supplémentaire.
43. Les effets des subventions dépendront de la manière dont l’effort de pêche est contrôlé. On ne s’attendrait pas à une augmentation de l’effort de pêche et par conséquent des captures dans le cas d’une pêche aménagée de telle façon que l’effort de pêche ou la production soient parfaitement limités. Dans le cas d’une limitation de la production, par exemple, il y aura des incidences pour l’économie de la pêche mais pas par définition pour la ressource. Si le contrôle de l’effort de pêche était parfait, l’incidence d’une subvention sur la durabilité, par le biais d’une augmentation du capital et de la main-d’œuvre ou de l’efficacité, serait compensée par une réduction proportionnelle de l’effort de pêche.
44. Diverses catégories de subventions ont été analysées. Chaque catégorie a été examinée seulement dans le contexte de pêches totalement développées ou surexploitées, dans des conditions imparfaites de contrôle de l’effort de pêche, et non dans des cas de stocks de poisson sous-utilisés ou d’effort de pêche parfaitement maîtrisé.
45. Les experts sont tombés d’accord sur le fait que dans la plupart, sinon la quasi-totalité, des systèmes d’aménagement en place, les subventions au secteur de la pêche font augmenter en général l’effort de pêche. Certes la théorie économique ainsi que les études de modélisation le prévoient, mais il est toujours difficile de trouver des preuves empiriques directes. Si nous pouvons donc prévoir la direction d’une incidence avec plus ou moins de certitude, il est en revanche impossible, compte tenu de l’état actuel des connaissances, d’estimer l’ampleur relative des incidences dans une situation donnée.
46. Néanmoins, la direction des incidences de certaines subventions sur la durabilité est impossible à déterminer dans l’abstrait. Par exemple, les programmes de retrait de navires auront en général une incidence positive sur la durabilité. Mais si le programme de rachat n’impose aucune restriction sur la manière dont les fonds alloués sont utilisés, ces fonds pourront être réinvestis dans la pêcherie. La capacité de pêche risque donc d’augmenter et l’objectif visé par le retrait de navires aura échoué. Sans une description détaillée de tels programme, la direction de l’incidence est impossible à déterminer.
47. Les experts ont suggéré, sous réserve des données disponibles, trois approches permettant d’estimer l’incidence d’une subvention sur la durabilité d’un stock de poisson.
48. Les deux premières approches exigent des données similaires. Estimer les paramètres et les relations fonctionnelles correspondants nécessite des séries chronologiques, des données transversales ou groupées nombreuses. La troisième approche qui vise à fournir une orientation de base et des évaluations qualitatives préliminaires des incidences des subventions n’exigent que des informations permettant de comprendre le fonctionnement et la structure des variables déterminantes.
49. Du point de vue des ressources nécessaires pour les approches/méthodes dont il est question ci-dessus, elles varient selon les besoins spécifiques et l’utilisation pratique de l’analyse qui en résulte. Les deux premières catégories donnent des résultats quantitatifs et davantage d’informations que les modèles qualitatifs qui pourraient se concentrer sur des catégories simples mais fondamentales expliquant les tendances mondiales et les relations de cause à effet des subventions sur la durabilité.
50. De plus, bien que les experts aient examiné trois différentes méthodes économiques de mesures et d’estimations des incidences, ils ont estimé qu’un complément d’études était nécessaire pour avoir une idée plus précise des situations réelles. Il faudrait en particulier effectuer une comparaison des différentes incidences obtenues avec les modèles bio-économiques dynamiques, 1) dans le cadre d’une combinaison de différentes mesures d’aménagement des pêches (intrants, production et mesures techniques) et 2) dans le cadre de différents régimes d’aménagement institutionnels (aux niveaux local, national et international).
51. La modélisation et l’analyse des incidences des subventions sur les ressources devraient bien entendu englober les incertitudes propres à l’étude des ressources marines.
52. Pour l’analyse des subventions, il est indispensable d’abord de retracer leurs incidences par rapport aux variations des coûts et des revenus et donc des profits; ensuite d’évaluer l’effet des variations du profit sur l’effort de pêche et enfin de déterminer les incidences d’une variation de l’effort de pêche sur l’état des stocks, tels que mesurés par les variations de la biomasse.
53. Les méthodes de mesures de l’incidence des subventions sur la durabilité peuvent varier d’une région à l’autre ou d’une pêcherie à l’autre (par exemple, pêches artisanale, intérieure ou hauturière) et dépendre du contexte halieutique et de la disponibilité des données.
54. Obtenir une mesure ou un ensemble de mesures fiables qui permettraient d’évaluer la valeur des diverses subventions exigera de nouvelles études. Les experts ont néanmoins envisagé qu’une méthode possible pourrait consister à estimer la réduction du pourcentage effectif des coûts d’investissement ou des intrants ou l’augmentation effective des prix à la production que la subvention a entraîné. Dans certains cas, une telle mesure sera facile à réaliser, par exemple lorsqu’il s’agit de subventions en capital alors que dans d’autres cas, cela sera plus difficile, par exemple dans le cas des programmes de recherche-développement lancés par les pouvoirs publics. Une mesure aussi relative faciliterait la comparaison des diverses subventions dans les différents pays et pêcheries.
55. Les experts ont établi une liste de subventions selon deux catégories, selon qu’il s’agit des effets sur les coûts ou sur les revenus. Cette classification montre si la subvention est de nature à réduire les coûts, à les augmenter, à améliorer les revenus ou si elle a un effet indéterminé. Elle comporte des sous-catégories fonctionnelles, organisées selon le rôle logique joué par la subvention dans l’économie halieutique. Ces sous-classifications sont en général homogènes dans le sens où les subventions spécifiques d’une sous-classe ont en général des effets économiques similaires, y compris leurs effets sur les stocks de poisson.
56. Les subventions dont on attend un effet négatif sur la durabilité des stocks de poisson ont été classées selon leurs incidences négatives potentielles prévues. La priorité 1 montre que le groupe a estimé que ces subventions ont l’incidence négative la plus forte sur la durabilité et devraient faire l’objet d’autres analyses et examens par les décideurs (voir le Tableau 2).
Tableau 2. Subventions et leurs incidences sur la durabilité des ressources halieutiques
Classification
des subventions | Catégorie
de subventions | Incidence
sur la durabilité | Priorité
d’analyse |
RÉDUCTION DES COÛTS |
| |
|
Augmentation
du capital | Subventions pour l’achat
de nouveaux navires ou de navires d’occasion, ou pour leur modernisation.
Subventions à la création de co-entreprises internationales. Contributions
correspondantes pour des investissements du secteur privé. Programmes d’infrastructures
n’ayant pas de rapport spécifique avec la pêche. |
Négative | 1 |
Coût du travail |
Soutien des prix, indemnité de chômage et garantie de revenu.
Programmes de santé spécifiques aux pêches financés
par les pouvoirs publics. Subventions versées aux pêcheurs en cas
de catastrophe. Subventions aux petites pêches et aides directes aux participants
à des pêches spécifiques. Programmes de mise en congé. |
Négative | 2 |
Diverses réductions
de coûts | Versements à
des gouvernements étrangers pour s’assurer un accès à
des lieux de pêche. Infrastructures spécifiques à la pêche.
Versements visant à réduire les coûts comptables. Subventions
aux transports. Fourniture d’appâts. Subvention pour la sécurité
des équipements. Conception d’engins. |
Négative | 2 |
Exemption et report
d’impôts | Exemption
des taxes sur le carburant des navires. Exemption des taxes sur les ventes. Déduction
spéciale d’impôts sur les revenus pour les pêcheurs. Exemption
de taxes pour la pêche hauturière. Programmes de report d’impôts.
Crédits d’impôts à l’investissement. |
Négative | 1 |
Prêts et assurance |
Prêts consentis à des conditions favorables (taux d’intérêt
et périodes d’amortissement). Garantie gouvernementale pour des prêts
bancaires. Régimes d’assurance et assurances subventionnées
pour les pêcheurs. Petits prêts commerciaux. |
Négative | 2 |
Interventions sur les
marchés | Réduction
des charges appliquées par les organismes d’Etat. Ventes de produits
aux pêcheurs à des prix inférieurs à ceux du marché. |
Négative | 2 |
Sciences halieutiques
et aménagement des pêches |
Programmes d’écloseries et d’habitats des poissons. Accès
à des ressources gratuit ou à des coûts inférieurs
à ceux du marché. Coûts non récupérés
de la gestion des pêches. Transfert de technologies. Recherche-développement
financé par les pouvoirs publics. Collecte, analyse et diffusion d’informations.
Pêche exploratrice et conception d’engins. Amélioration des
pêches, y compris appui aux récifs artificiels. Recherche en matière
de pêche hauturière. Amélioration de l’environnement
des communautés de pêcheurs. |
Positive | |
AMÉLIORATION DES REVENUS |
| |
|
Soutien
des prix | Versements de primes
de soutien des prix aux pêcheurs. |
Négative | 1 |
Programmes de compensation |
Compensation pour fermeture ou réduction de la saison de pêche.
Compensation pour les dommages causés aux stocks de poissons. Programmes
de compensation en cas de différends à propos des engins de pêche.
Aide en cas de catastrophe. | Négative |
2 |
Achat d’actions par les pouvoirs publics |
| Négative |
2 |
Promotion des ventes | Programmes
de promotion commerciale. Promotion et développement des pêches. |
Négative | 3 |
Questions internationales |
Droits de douane et contingents soumis à des droits de douanes. Quotas
d’importation. Interdictions de débarquer les captures. Investissements
étrangers directs interdits. |
Négative | 3 |
AUGMENTATION DES
COÛTS | |
Positive | |
Réglementations |
Réglementations concernant les intrants et la production. Limites imposées
aux engins, techniques et navires. Réglementation sur l’environnement.
Protection des zones marines. Législation sur le travail. |
| |
NON SPÉCIFIÉES |
| |
|
Réduction
du coût des facteurs | Primes
de mise hors service de navires. Licences, permis, rachat de quotas et primes
de départ à la retraite. Subventions en contrepartie du retrait
temporaire de navires de pêche. |
Positive | |
Science halieutique et aménagement
des pêches | Appui à
la gestion communautaire. Aide aux organismes de développement régionaux.
Soutien des associations de producteurs. |
| |
Coopération internationale en
matière de pêche | |
| |
Programmes d’ajustement |
Recyclage des pêcheurs pour qu’ils puissent travailler dans d’autres
secteurs. Programmes de développement régional. |
Positive | |
Programmes de caractère général
ayant une incidence sur les pêches |
Programmes de subventions à d’autres secteurs ayant une incidence
sur le secteur halieutique. Programmes sociaux (santé, enseignement public)
financés par l’Etat. |
| |
Intervention sur les marchés |
Régimes de taux de change. |
| |
58. D’autres études devraient analyser l’effet potentiel des subventions dans les domaines suivants:
59. De telles études devraient dans la mesure du possible comparer les différentes incidences obtenues avec des modèles bio-économiques, dans le cas d’une association de différentes mesures d’aménagement des pêches et dans le cadre de différents systèmes d’aménagement institutionnels.