Le texte ci-après est basé sur un document des Nations Unies intitulé Indicators of Sustainable Development: Framework and Methodologies (United Nations, 1996, pp. 238-243), modifié pour tenir compte, en particulier, des différences entre le vocabulaire utilisé dans ce document et celui utilisé par la Consultation technique. Le texte a en outre été revu pour être mieux adapté à l'objectif de la réunion.
1. Indicateurs potentiels
Signification: les indicateurs i) et ii) mesurent la pression courante d'exploitation par pêche (ou taux d'exploitation) relativement à la pression d'exploitation correspondant à la production maximale équilibrée. Les indicateurs iii) et iv) mesurent l'abondance du stock relativement à l'abondance à laquelle le stock peut produire son rendement maximum équilibré.
Unité de mesure: les indicateurs pourraient être exprimés par une valeur absolue ou par un pourcentage.
2. Relation avec certains modèles d'indicateurs
Action 21: les indicateurs ont trait au Chapitre 17: Protection de l'océan, tous types de mers, y compris les mers fermées et semi-fermées et les zones côtières; et Protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques.
Pression-situation-réponse: i) et ii) sont des indicateurs de la pression d'exploitation; iii) et iv) sont des indicateurs de situation.
Développement durable: l'indicateur i) est un indicateur et économique technologique de la composante humaine. Les indicateurs ii), iii) et iv) ont trait à la ressource dans l'environnement.
3. Signification (sur le plan des principes d'action)
Objet: Ces indicateurs rendent compte de l'état de la ressource halieutique et/ou de son niveau d'exploitation par rapport soit à la PME soit à la taille du stock vierge (ou du stock de reproducteurs). Ils reflètent les performances de la pêcherie par rapport au point de référence PME tel que défini dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.
Applicabilité au développement durable/non durable: si la biomasse d'une ressource est égale ou inférieure à celle que l'on croit correspondre à la PME, ou si l'effort de pêche ou la mortalité par pêche sont égaux ou inférieurs à ceux que l'on estime correspondre aux mêmes conditions, il y a tout lieu de craindre que la ressource ne soit surexploitée. Cela, non seulement parce que les conditions de la PME impliquent un effort de pêche d'un niveau généralement supérieur à la capture économiquement optimale, avec d'autres effets biologiques sur les espèces cibles et associées, mais aussi parce que la précision avec laquelle sont mesurées les quantités fondamentalement utilisées pour ces indices peut être relativement faible. Les estimations de la biomasse de la population ou de la taille d'une classe d'âge de poissons, même dans les pêcheries de pays développés, ont rarement une précision supérieure à _20%. Cela veut dire qu'il est très probable que la pêche soit plus intensive que les indices ne semblent le mesurer et qu'il y a un risque que les options de développement durable ne se trouvent compromises. D'autres points de référence plus conservateurs et sophistiqués peuvent se révéler dans des cas particuliers (voir Caddy & Mahon, 1995; Garcia, 1996).
Relations avec d'autres indicateurs: l'indicateur de l'effort de pêche i) est étroitement lié à un certain nombre d'autres indicateurs de type plutôt social et économique tels que le rendement, l'emploi ou l'investissement. Les indicateurs ii) à iv) sont en corrélation étroite avec l'état de l'écosystème exploité.
Cibles et limites: les indicateurs sont utilisés et interprétés par rapport à des points de référence qui servent de repères. Étant donné le degré élevé d'incertitude quant à la taille et à l'état des stocks, spécialement en mer libre, deux types de repères sont maintenant proposés pour l'aménagement (Caddy & Mahon, 1995; Garcia, 1996). Ce sont les Points de référence cibles (PRC) qui reflètent les objectifs classiques de l'aménagement des pêcheries et les Points de référence limites (PRL), qui correspondent à des limites supérieures du taux d'exploitation par pêche ou du niveau de l'effort de pêche (ou des limites inférieures de la biomasse de la population ou de la biomasse féconde) qui ne devraient pas être dépassées. Lorsque les PRL sont approchés, des dispositions devraient être prises pour assurer qu'ils ne soient pas dépassés.
Conventions et accords internationaux: le Projet d'accord pour l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, qui a trait à la Conservation et aménagement des stocks de poissons situés de part et d'autre des frontières et des stocks de poissons grands migrateurs (Doc A/CONF 164/33), en particulier l'Annexe II, et bien sûr la Convention de 1982 elle-même, sont d'un intérêt immédiat. L'autre projet d'accord important est le Code de conduite FAO pour une pêche responsable, qui est applicable à toutes les pêcheries marines et d'eau douce, et dont l'Article 6 recommande aussi l'utilisation des PRL et des PRC.
4. Description méthodologique et définitions de base
Les indicateurs et les points de référence devraient être estimés en utilisant les «meilleures informations scientifiques disponibles» ainsi que stipulé dans l'UNCLOS. Une approche de précaution devrait être adoptée lorsqu'elle est justifiée par le degré d'incertitude des informations disponibles. Dans le cas des stocks chevauchants, grands migrateurs et transfrontières, les indicateurs et points de référence de ce genre devraient être mis au point avec d'autres États partageant le même stock et ils devraient avoir trait à des objectifs convenus ensemble.
Définitions et concepts fondamentaux: les méthodes utilisées pour obtenir les indicateurs de rapports énumérés ci-dessus sont bien connues, et elles sont décrites dans un certain nombre de textes consacrés à l'évaluation des pêcheries et à la dynamique des populations. L'approche est généralement fondée sur l'application de modèles globaux de production, en adaptant la corrélation entre rendement et effort de pêche pour une série chronologique de données sur les captures et sur l'effort de pêche. Toutefois, des indicateurs approximativement équivalents peuvent être obtenus en recourant à des méthodes d'analyse basées sur la taille ou sur l'âge.
On estime qu'il ne suffit pas d'utiliser un unique point de référence (PME) pour assurer la durabilité, et la pêche au niveau de la PME est souvent considérée maintenant comme imprudente. Des points de référence plus empiriques peuvent quelquefois être plus appropriés. Ils peuvent par exemple refléter des objectifs spécifiques en matière d'aménagement ou de planification du développement. Ils peuvent aussi tenir compte de données empiriques sur la biomasse féconde indiquant si son niveau est inférieur à celui auquel la capacité de reproduction des stocks semble être compromise (par exemple 30 pour cent de la biomasse féconde vierge). De manière analogue, d'autres indicateurs "sur mesure" peuvent être mis au point pour des pêcheries particulières de manière à mieux refléter les caractéristiques de leurs ressources ainsi que les méthodologies utilisées pour leur évaluation scientifique.
Lorsque des estimations de la PME sont disponibles, il devrait être possible de déterminer si le niveau d'effort de pêche correspondant à la PME (fPME) ou le taux correspondant de mortalité par pêche (FPME) est couramment dépassé ou non. Selon l'approche qu'un pays utilise en matière d'aménagement des pêcheries, une autre option peut être de dire si la biomasse courante ou la biomasse féconde d'un stock particulier est devenue inférieure à celle correspondant à la PME (BPME).
Un autre point de référence possible communément utilisé pour mesurer l'état des ressources halieutiques marines et qui pourrait être employé à la place des indicateurs liés à la PME lorsque ceux-ci n'existent pas, est la biomasse courante ou la biomasse féconde, exprimée en pourcentage de la biomasse intacte (biomasse du stock avant que la pêche n'ai commencé). Celle-ci peut être déterminée par des prospections scientifiques (telles que prospections par chalutage ou prospections acoustiques) ou calculée en utilisant des modèles mathématiques.
Les indicateurs ci-dessus sont présentés sous forme de rapports - ce sont simplement des nombres, de même qu'il en est des taux courant de mortalité par pêche. Il est généralement possible de recouper ces indicateurs en faisant certaines hypothèses, en sorte que la diversité apparente des indices offre simplement une possibilité de choix en tenant compte de la diversité des sources d'informations disponibles selon les différents régimes d'aménagement des pêcheries. Dans tous les cas, l'indicateur pourrait être exprimé sous forme d'un rapport, avec ses valeurs numériques composantes.
Méthodes de mesure: les méthodes de mesure pour chacun des divers indicateurs possibles sont décrites ci-dessous:
ft/fPME: niveau d'effort courant (ft) exprimé en unités standard, ajusté pour tenir compte des modifications de la puissance de pêche de la flottille avec le passage du temps, exprimé en tant que rapport ou pourcentage du niveau d'effort dans les conditions de la PME.
Ft/fPME: taux courant de mortalité par pêche (F) défini, pour les cohortes pleinement exploitées dans la pêcherie, par le logarithme du rapport entre les effectifs au début (Nt) et à la fin de l'année (Nt+t), en tenant compte du taux courant de mortalité due à des causes naturelles (M).
F = ln[Nt/Nt+t] - M.
Bt/BPME: biomasse (ou biomasse féconde des animaux parvenus à maturité) déterminée pour l'année en cours (par exemple grâce à des prospections par chalutage) et comparée avec la biomasse (ou biomasse féconde) lorsque l'on croit correspondre aux conditions de la PME.
Bt/Bv: biomasse (ou biomasse féconde des animaux à maturité) déterminée pour l'année en cours (par exemple grâce à des prospections par chalutage) et comparée avec la biomasse (ou biomasse féconde) avant que l'exploitation commerciale n'ait commencé. Selon un modèle logistique de la population (ou modèle de production excédentaire) communément utilisé, les conditions de la PME se rencontrent lorsque la masse du stock est inférieure de 50 pour cent à celle du stock vierge, autrement dit lorsque cet indicateur a des valeurs de l'ordre de 0,5.
La PME et la biomasse sont habituellement exprimées en tonnes métriques. L'effort de pêche est souvent exprimé en nombre standard de jours de pêche en mer, par unité de temps (habituellement l'année), ou toute autre mesure de l'activité de pêche (par exemple nombre total d'heures consacrées au chalutage de fond). Dans les situations où l'on ne possède pas beaucoup de données, l'effort de pêche est quelquefois exprimé par la puissance totale en chevaux-vapeur ou les tonneaux de jauge brute (TJB) de la flottille.
Limitations de l'indicateur: le défaut principal du concept de PME - ainsi que de ces indicateurs - est que la PME, telle qu'elle est habituellement déterminée, ne reflète pas toujours pleinement les phénomènes de naissance et de mort, les effets de l'exploitation sur les espèces non visées ou les interactions entre les espèces. Elle ne reflète pas non plus les modifications des méthodes de pêche ou les variations de l'efficacité de la pêche qui résultent d'améliorations technologiques. Pour améliorer l'aménagement, il importe que les pays recueillent des données accessoires (par exemple sur la composition par taille et par âge des quantités capturées et des populations) qui puissent être utilisées pour raffiner des indicateurs présentant plus d'intérêt pour l'aménagement de la ressource, dans la mesure où les fonds dont ils disposent pour la recherche et le personnel qualifié le leur permettent.
5. Évaluation des disponibilités de données de sources internationale et nationale
Dans de nombreux pays, les données qu'il faudrait pour calculer ces indicateurs sont rares, et souvent insuffisantes ou peu fiables. Par exemple, il y a de graves lacunes dans les séries de données de captures annuelles, en raison de la mauvaise conception des systèmes statistiques, du défaut d'estimations des quantités capturées par les artisans-pêcheurs ou par les pêcheurs illégaux, de la consommation locale, ou d'autres formes de falsification des données. En tels cas, il peut être nécessaire d'utiliser des estimations corrigées par des experts scientifiques qualifiés.
Données nécessaires: pour mettre au point les indicateurs et les points de référence ci-dessus, il faut des données sur les captures annuelles, l'effort de pêche, les taux de mortalité par pêche, des estimations de la biomasse, et de la taille et de l'âge des stocks. Des données supplémentaires peuvent être nécessaires, par exemple sur la taille ou l'âge moyens des captures (qui diminuent à mesure que la pression d'exploitation augmente), sur la proportion de poissons parvenus à maturité dans les captures, sur le taux courant global de mortalité et sur la proportion de poissons à vie longue dans les captures (pour une pêcherie multispécifique).
Disponibilité de données: la majorité des pays recueillent des données sur les captures annuelles. Peu nombreux sont ceux qui collectent en permanence des données sur l'effort de pêche des flottilles nationales, et moins nombreux encore sont ceux qui normalisent les données sur l'effort de pêche imputable à différentes flottilles et arrivent à un total annuel. À moins que des données sur les compositions par taille et par âge ne soient collectées et/ou estimées à partir de captures convenablement échantillonnées sur les lieux de débarquement, les taux de mortalité par pêche ne seront pas estimés. À cet effet, il faut un cadre d'experts halieutistes qualifiés travaillant dans un laboratoire des pêches ou de sciences marines bien équipé. Pour des estimations régulières de la biomasse, il sera nécessaire de procéder à des prospections régulières des pêcheries en utilisant des bateaux et des procédures standard, ayant à bord des observateurs/biologistes des pêches expérimentés.
Sources de données: les offices statistiques nationaux recueillent souvent des données sur les captures et sur la taille des flottilles, mais ils ont souvent besoin d'aide pour distinguer les espèces composant les captures. À l'heure actuelle, les estimations de l'effort de pêche et de la mortalité par pêche sont presque toujours effectuées par des instituts nationaux ou des universités nationales s'occupant des ressources marines qui fournissent habituellement les autres informations biologiques utilisées pour mettre au point les indicateurs précités.
6. Organismes participant à la mise au point de l'indicateur
Organisation chef de file: à l'échelle internationale, l'organisation responsable pour la mise au point de ces points de référence et indicateurs est la FAO. Aux divers niveaux régionaux, la tâche est habituellement assumée par des groupes de travail compétents des organismes régionaux des pêches. À l'échelle nationale, les indicateurs sont mis au point par l'organisme s'occupant de recherche halieutique en étroite collaboration avec le Département des pêches.
Autres organisations compétentes: les laboratoires des pêches des pays de l'Atlantique Nord - en particulier le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis - et les commissions internationales des pêches - notamment la Commission interaméricaine du thon tropical, la Commission internationale des pêches pour l'Atlantique Nord-Ouest (maintenant disparue) - ont parrainé les premières applications de ces indicateurs. Le travail du Centre international d'aménagement des ressources bioaquatiques (ICLARM), Manille, a été orienté vers l'application de ces concepts aux pêcheries tropicales.
7. Informations complémentaires
Pour plus de détails sur les points de référence et les indicateurs, le lecteur peut utilement se référer à:
Caddy, J.F. et R. Mahon, 1995. Points de référence en aménagement des pêcheries. FAO Document technique sur les pêches 347
Garcia, S.M., 1996. The precautionary approach to fisheries and its implications for fishery research, technology, and management: an updated review. In FAO Fisheries Technical Paper 350.2:1-75
Gulland, J.A., 1983. Fish Stock Assessment. Volume 1, FAO/Wiley Series on Food and Agriculture.
Hilborn, R. and C.J. Walters, 1992. Quantitative Fisheries Stock Assessment. Routledge, Chapman and Hall.