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Module 8. La poursuite du processus de réforme de l’agriculture: l’Article 20


8.1 Introduction
8.2 L’Article 20
8.3 Pourquoi engager d’autres négociations sur l’agriculture?
8.4 Les travaux préparatoires envisagés dans le cadre de l’Article 20
8.5 Stratégie pour une réforme réussie

J. Greenfield
Division des produits et du commerce international

OBJECTIF

L’objectif de ce module est de présenter l’Article 20 de l’Accord sur l’agriculture et d’analyser les différents points mentionnés dans cet article en vue de préparer le prochain cycle de négociations sur l’agriculture. Ce module explique également comment les pays en développement pourraient mieux se préparer et participer de manière plus active au prochain cycle.

POINTS CLÉS

· L’Article 20 de l’Accord sur l’agriculture convient de poursuivre les négociations afin de parvenir à l’objectif à long terme de réduction progressive substantielle du soutien et de la protection à l’agriculture.

· En lui-même, le début des pourparlers ne signifie pas pour autant que ceux-ci vont aboutir mais de multiples raisons d’ordre juridique et essentiel encouragent les Etats à les conclure avec succès dans le domaine agricole.

· Pour participer à ce processus, les pays en développement ont intérêt à faire le bilan de leur expérience en matière de mise en œuvre des engagements de réduction du Cycle d’Uruguay et à identifier aussi toutes les considérations autres que d’ordre commercial qui pourraient les concerner.

· Une participation significative nécessitera toutefois une assistance technique ainsi qu’une stratégie pour tirer parti des réseaux et renforcer les capacités administratives nécessaires.

8.1 Introduction

L’Article 20 fixe les paramètres des négociations sur l’agriculture...

Les dispositions concernant la poursuite du processus de réforme du commerce des produits agricoles figurent à l’Article 20 de l’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay. Cet article mérite une analyse approfondie car il établit le cadre des négociations multilatérales en cours sur l’agriculture à l’OMC. Ce module aborde les aspects suivants:

· une analyse détaillée des dispositions de l’Article 20;
· un examen des motivations des pays pour que les négociations aboutissent à un succès;
· les aménagements envisagés à l’Article avant les négociations proprement dites;
· les différentes étapes que les pays en développement doivent accomplir pour s’assurer de participer pleinement au processus de négociation.

8.2 L’Article 20

L’Article 20 stipule:

«Reconnaissant que l’objectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale est un processus continu, les Membres conviennent que des négociations en vue de la poursuite du processus seront engagées un an avant la fin de la période de mise en œuvre, compte tenu:

a) de ce qu’aura donné jusque-là la mise en œuvre des engagements de réduction;

b) des effets des engagements de réduction sur le commerce mondial des produits agricoles;

c) des considérations autres que d’ordre commercial, du traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres et de l’objectif qui est d’établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché, et des autres objectifs et préoccupations mentionnés dans le préambule du présent Accord; et

d) des autres engagements qui seront nécessaires pour atteindre l’objectif à long terme susmentionné.»

... en mentionnant la date de début...

Si l’on analyse cet article paragraphe par paragraphe, dans le préambule, les pays conviennent de poursuivre les efforts commencés dans le Cycle d’Uruguay pour atteindre l’objectif à long terme de «réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale». Tous les termes utilisés pour définir cet objectif sont forts: «réductions substantielles» et «réformes fondamentales». L’objectif reste le message de base mais il est tempéré par les points précisés aux alinéas a), b) et c). La phrase suivante du préambule se réfère à la date des nouvelles négociations qui «...seront engagées un an avant la fin de la période de mise en œuvre...». Or, l’Article 1(f) précise que celle-ci s’entend comme «... la période de six ans commençant en 1995». L’année qui précède la fin de la période de mise en œuvre est donc 1999 et la Conférence Ministérielle de Seattle était supposée être la première étape d’ouverture du processus de négociation.

... et les sujets à prendre en compte

Les points spécifiés aux alinéas a) à d) sont les considérations dont il devra être tenu compte dans les négociations de «1999». Les alinéas a) et b) sont respectivement étudiés dans les sections 8.4.1 et 8.4.2 ci-après. L’alinéa c) de l’Article 20 est très important et relativement complexe. Les «considérations autres que d’ordre commercial» sont mentionnées dans le sixième paragraphe du Préambule de l’Accord sur l’agriculture où il est précisé qu’elles comprennent «la sécurité alimentaire et la nécessité de protéger l’environnement». Ces considérations seront analysées dans la section 8.4.3 ci-dessous. Le «traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement» mentionné à l’alinéa c) de l’Article 20 est également cité dans le sixième paragraphe du Préambule qui précise qu’il «...fait partie intégrante des négociations». Ce traitement est étudié plus loin, au paragraphe 8.4.4. Enfin, l’alinéa c) de l’Article 20 fait référence aux «...autres objectifs et préoccupations mentionnés dans le préambule du présent Accord» qui peuvent varier en fonction des points que les pays souhaitent privilégier. Ainsi, on lit dans le deuxième paragraphe du préambule que l’objectif «...est d’établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché». Le cinquième paragraphe du préambule précise comment il sera tenu compte des besoins et de la situation particuliers des pays en développement et des «effets négatifs possibles de la mise en œuvre du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires».

Pour conclure, on note que, bien que l’Article 20 dresse une liste relativement longue des considérations et objectifs des négociations, il ne les énumère pas tous. Il est probable que d’autres questions que celles qui sont expressément mentionnées seront également examinées. C’est pourquoi, avant de passer à un examen approfondi des différentes considérations qui précèdent, il faut porter son attention sur quelques-unes des raisons profondes pour lesquelles les pays éprouvent le besoin de négocier.

8.3 Pourquoi engager d’autres négociations sur l’agriculture?

Le début des pourparlers n’implique pas nécessairement que des réformes importantes seront immédiatement négociées - ces discussions pourraient tout simplement marquer le début d’un processus qui se prolongera sur plusieurs années. Il vaut donc la peine d’examiner ce qui pourrait encourager les pays à aboutir à un succès des négociations sur l’agriculture. Il est utile d’étudier la position de différents groupes de pays en ce qui concerne i) les principales raisons juridiques pour lesquelles les négociations présentent un intérêt et ii) les principales raisons fondamentales qui justifient de nouvelles négociations.

De nombreuses clauses de sauvegarde arrivent à leur terme légal...

En ce qui concerne les raisons juridiques, certains articles de l’Accord sur l’agriculture devront d’une manière ou d’une autre être négociés dans un avenir relativement proche. Il s’agit de l’Article 20, de l’Article 5 alinéa 9, de l’Article 13 et de l’Annexe 5, alinéas 5 et 8 à 10. Si l’on considère ces articles un par un, il y aurait certainement beaucoup à dire - en particulier à propos de l’Article 20, sur lequel on reviendra plus longuement ultérieurement - mais il faut souligner qu’en signant l’Accord sur l’agriculture, les pays se sont engagés à poursuivre le processus de réforme dont l’objectif à long terme consiste à «des réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale», et que les négociations concernant ce processus devraient commencer au cours de l’année 1999 et prendre en considération un certain nombre de facteurs (voir plus loin pour plus de détails). Ce texte reflète les points de vue des Membres de l’OMC, bien que les pays puissent interpréter différemment des expressions telles que «long terme» et «substantielles» et le degré d’attention à porter à l’expression «compte tenu d’un certain nombre de facteurs».

Quant à l’Article 5, sur la clause de sauvegarde spéciale (CSS), il est stipulé dans l’alinéa 9 que «les dispositions du présent Article resteront en vigueur pendant la durée du processus de réforme visé à l’Article 20». Ceci peut signifier que la CSS restera en vigueur tout au long des négociations, même si celles-ci durent très longtemps. Cependant, la fin de l’application de cette clause, ou sa prolongation, dépendront des négociations prévues à l’Article 20. Selon Swinbank1, la CSS deviendra caduque en cas d’échec du processus de réforme visé à l’Article 20.

1Voir Swinbank, A. (1998).
Ce sont surtout les dispositions de l’Article 13 - Clause de paix - qui doivent être négociées, car elles ne s’appliquent que pendant la période de mise en œuvre, c’est-à-dire en principe jusqu’en 2003/2004. Cette clause est fondamentale car elle interdit aux Membres d’intenter des actions pour contester les subventions à l’exportation2, les mesures de soutien de la Boîte verte3, celles de la Boîte bleue, et les versements dans la limite des niveaux de minimis4. En d’autres termes, après cette période5, la plupart des subventions autorisées par l’Accord pourront alors être contestées dans le cadre des Mécanismes de règlement des différends de l’OMC à condition qu’un Membre démontre le préjudice. De ce fait, les pays qui ont facilement recours à des subventions ont tout intérêt à négocier une prolongation de l’Article 13 alors que ceux qui pourraient être pénalisés par ces subventions ont tout intérêt à faire pression pour qu’il devienne caduque. Cette question devrait donc occuper une place importante dans les négociations.
2Visées par les Articles VI et XVI du GATT et par l’Accord sur les subventions (Partie III et Articles 3, 5 et 6).

3Articles II, VI, XVI et Accord sur les subventions (Parties III et V).

4Visées par les Articles II, VI and XVI du GATT et par l’Accord sur les subventions (Partie V et Articles 5 et 6).

5Son statut n’est pas très clair dans la période d’intérim c’est-à-dire pendant les négociations (entre 2004 et le début d’une nouvelle période de mise en œuvre).

L’Annexe 5 de l’Accord sur l’agriculture autorise quelques pays, notamment le Japon et la République de Corée, à éviter la tarification en proposant des engagements en matière d’accès aux marchés plus élevés que s’ils se soumettaient à cette procédure. Si ces pays souhaitent prolonger cette dérogation spéciale au-delà de la période de mise en œuvre, ils devront engager des négociations. Toutefois, il semble que le Japon se soit engagé à convertir en droits de douane ses mesures à la frontière concernant le riz si bien que cette disposition spécifique perdra probablement de l’intérêt.

Ainsi, en ce qui concerne les obligations juridiques, un grand nombre de pays ont donc intérêt à engager des négociations sur l’agriculture, indépendamment des autres secteurs. C’est le cas pour la majorité des principaux pays où la protection est encore très élevée. Deux autres groupes de pays doivent également être mentionnés ici. Le Groupe de Cairns a déjà déclaré clairement qu’il souhaitait que des négociations aient lieu en vue de poursuivre le processus de réforme. Par ailleurs, un certain nombre de pays en développement ont fait valoir qu’il serait préférable de s’acquitter des engagements existants avant de s’engager dans d’autres négociations (voir plus loin pour plus de détails).

Les raisons fondamentales qui justifient de nouvelles négociations sont essentiellement liées aux problèmes d’application de l’Accord existant et à la volonté, ou à son absence, de procéder à une plus grande libéralisation du commerce.

... tandis que des problèmes pratiques avec l’Accord actuel...

Premièrement, la mise en œuvre de l’Accord existant a posé un certain nombre de problèmes qui ont largement retenu l’attention; les difficultés ont concerné en particulier l’administration du système de contingents tarifaires, les réductions des subventions à l’exportation, le soutien interne, la question des crédits à l’exportation, le commerce d’Etat et la «Décision ministérielle sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du Programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires». Ces sujets, et sans doute d’autres, seront certainement soulevés car ils font partie du «... bilan de la mise en œuvre des engagements de réduction» que les Membres devront examiner au cours des négociations de l’Article 20 (voir aussi la section 8.4 ci-dessous). On notera cependant qu’une grande variété de pays - tant importateurs qu’exportateurs - sont concernés par ces questions. Plusieurs ont été prises en considération dans le Processus d’analyse et d’échange d’information qui était en cours sous l’égide du Comité de l’agriculture de l’OMC.

... et le souhait d’un meilleur accès aux marchés et d’une réduction des coûts budgétaires fournissent des motifs supplémentaires de négociation

Deuxièmement, de nombreux pays ont un besoin vital de développer leurs exportations de produits agricoles grâce à une libéralisation accrue du commerce. Dans beaucoup de pays, l’agriculture est encore un secteur très protégé, ce qui coûte très cher à l’Etat et aux consommateurs; or, étant donné que partout les budgets publics sont soumis à d’importantes restrictions, tout porte à croire que de plus en plus de voix s’élèveront pour demander une réduction des soutiens à l’agriculture.

En conclusion, de multiples raisons laissent présager que des négociations sur l’agriculture seront engagées dans un avenir proche, d’où la nécessité d’examiner les mesures que doivent prendre les Etats pour se préparer à ces négociations. Ce sera le sujet de la dernière partie de ce document.

8.4 Les travaux préparatoires envisagés dans le cadre de l’Article 20

L’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay reconnaît que, pour atteindre l’objectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection des produits agricoles, les négociations doivent être poursuivies en tenant compte: a) du bilan de la mise en œuvre des engagements de réduction; b) des effets des engagements de réduction sur le commerce mondial des produits agricoles; c) des considérations autres que d’ordre commercial, du traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres et de l’objectif qui est d’établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché, et des autres objectifs et préoccupations mentionnés dans le préambule du présent Accord; et d) des autres engagements qui seront nécessaires pour atteindre l’objectif à long terme susmentionné.

8.4.1 Le bilan de la mise en œuvre des engagements de réduction du Cycle d’Uruguay

Les pays en développement ont intérêt à analyser leurs engagements auprès de l’OMC...

Cela signifie probablement que chaque pays Membre de l’OMC devrait évaluer les effets au niveau national de la mise en œuvre de ses engagements et de ceux des autres Membres. Les problèmes rencontrés à ce stade étaient dus en partie au manque de personnel qualifié dans certains pays mais aussi à la difficulté d’adapter le système de politique agricole particulier aux nouvelles règles. Au cours de l’assistance technique qu’a apportée la FAO aux pays membres pour qu’ils s’adaptent aux changements liés au Cycle d’Uruguay, elle a noté que les pays avaient souvent des difficultés à calculer, selon la méthodologie prescrite pour les notifications à l’OMC, les mesures de protection totales et les subventions/taxes implicites dérivant des mesures non liées aux prix. Les problèmes de mise en œuvre les plus courants ont été le calcul de la Mesure globale du soutien, secteur par secteur, le calcul de la protection effective (c’est-à-dire, en tenant compte de la «dé-protection» d’un produit fini induite par la protection des intrants nécessaires à sa production), et le calcul des subventions à l’exportation dérivant d’arrangements de commercialisation particuliers.

Chaque pays devrait également chercher à comprendre comment d’autres pays ont géré leurs propres stratégies de mise en œuvre. Pour ce faire, ils peuvent s’appuyer sur les examens réalisés par le Comité de l’agriculture ou examiner les notifications présentées par les Membres de l’OMC6. Le Comité de l’agriculture s’est surtout intéressé aux problèmes d’accès au marché tels que les régimes de contingents tarifaires, les questions liées à la «Boîte verte», les calculs des MGS et les réductions des subventions à l’exportation. Chaque pays a intérêt à examiner les politiques de ses principaux partenaires commerciaux, notamment pour déterminer quelles politiques, conditions d’accès au marché ou subventions à l’exportation ont une incidence sur sa propre situation. Il est indispensable de tirer les enseignements de l’application des réformes des politiques du Cycle d’Uruguay sur le commerce dans d’autres pays pour que les négociateurs puissent faire pression sur les partenaires commerciaux afin qu’ils changent leurs barèmes tarifaires ou encore qu’ils sachent clairement quand les politiques commerciales d’autres pays portent préjudice à leur propre secteur agricole.

6Les notifications peuvent être consultées sur le site de Diffusion des Documents de l’OMC, à l’adresse http://www.wto.org/wto/ddf/ep/public.html.
8.4.2 Effets des engagements de réduction du CU sur le commerce mondial des produits agricoles

... ainsi que leur expérience commerciale...

Il va de soi que ce type d’évaluation est complexe car on ne sait pas très bien quelle aurait été la situation sans le CU. Il est particulièrement difficile d’isoler l’effet net des engagements du CU par rapport à d’autres faits nouveaux importants qui ont eu un impact sur les échanges mondiaux comme les ajustements monétaires et la crise financière en Asie de l’Est. Cependant certaines organisations internationales, dont la FAO, la CNUCED, la Banque mondiale et l’OCDE, ainsi que quelques institutions nationales, fournissent des analyses générales de ces tendances qui doivent être abordées avec beaucoup de discernement. Les informations à rechercher peuvent porter sur: i) les changements intervenus sur les marchés mondiaux des produits agricoles; et ii) les changements des performances commerciales d’un pays donné.

En ce qui concerne les changements intervenus sur les marchés mondiaux des produits agricoles, deux types d’information peuvent être recueillis. L’un a trait à l’effet sur la stabilité des prix et l’autre à l’effet sur le niveau des prix. Premièrement, de nombreuses études ont été réalisées par la FAO et d’autres organisations pour estimer l’impact du CU sur les marchés agricoles. D’après ces études, les prix des produits des zones tempérées sur les marchés mondiaux tendraient à être plus élevés avec le CU mais l’ampleur de la hausse serait limitée. L’effet sur l’instabilité des cours mondiaux est incertain mais une consultation d’experts de la FAO sur l’instabilité des prix a estimé que, pendant quelques années encore, les cours mondiaux des céréales resteraient instables jusqu’à ce que les effets de la réforme se généralisent à l’ensemble du système. Aucune étude de ce type n’a été réalisée pour d’autres produits mais, en principe, les mêmes arguments devraient être valables pour les produits d’origine animale mais pas nécessairement pour les produits tropicaux. Pour juger des effets du CU sur le marché international, on peut aussi examiner le niveau des échanges, des prix, des stocks, etc. avant et après le CU, en comparant par exemple les tendances (sur la base des données antérieures à 1995) avec les niveaux effectifs à partir de 1995, pour voir dans quelle mesure elles ont été modifiées. Cette approche a un inconvénient, en ce sens qu’elle ne fait pas de distinction entre les changements liés au CU et les autres, mais elle a au moins l’avantage d’être mesurable.

Cette tâche été entreprise et discutée au Comité des produits de la FAO. L’étude a abouti aux conclusions suivantes (FAO, 1999a). Premièrement, pour un certain nombre de produits agricoles, notamment les céréales, la viande et les produits laitiers, les conditions de stabilité raisonnable des marchés en 1995-97 peuvent être partiellement attribuées au Cycle d’Uruguay. Pour la plupart des autres produits agricoles, l’impact du Cycle d’Uruguay était probablement négligeable. Deuxièmement, une part de l’augmentation de la facture des importations de produits alimentaires des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires au cours de la période post -1995 peut être attribuée aux effets du Cycle d’Uruguay ou aux changements de politique en rapport avec les exigences du Cycle d’Uruguay. Troisièmement, il y a peu de preuve d’un quelconque changement significatif dans l’instabilité des prix mondiaux au cours de la période postérieure à 1995.

En ce qui concerne les performances commerciales d’un pays, chaque pays devrait avoir à sa disposition les données pertinentes pour faire la distinction entre les changements dans les courants des échanges qui résultent de facteurs internes (par exemple les variations de la production liées à des problèmes météorologiques) et de facteurs externes (par exemple, un environnement commercial plus compétitif). Là encore, il serait approprié de comparer des données récentes sur des éléments comme la superficie sous cultures vivrières, et l’évolution des prix intérieurs par rapport aux prix mondiaux depuis 1995 avec les tendances précédentes. Le secteur privé pourrait également contribuer à cet examen de façon à pouvoir identifier les améliorations spécifiques et les nouveaux problèmes qui apparaissent.

8.4.3 Considérations autres que d’ordre commercial

... et leur capacité à tenir compte des considérations autres que commerciales dans le cadre du présent Accord

L’Article 20 stipule également qu’il doit être tenu compte des «considérations autres que d’ordre commercial» qui sont définies ailleurs (dans le préambule de l’Accord du CU) comme comprenant la sécurité alimentaire et la nécessité de protéger l’environnement. Etant donné qu’aucun des accords signés à Marrakech ne donne de définition claire de la «sécurité alimentaire» et de l’«environnement», les pays devraient se préparer à discuter de ces questions au cours des négociations futures.

La sécurité alimentaire comporte trois dimensions: l’accès à la nourriture, la disponibilité des aliments en quantité suffisante et la stabilité de l’approvisionnement. L’accès à la nourriture implique aussi bien l’accès physique que l’accès économique. L’accès physique signifie que les aliments sont effectivement à la disposition des consommateurs, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’obstacles juridiques ou autres pour se les procurer. L’accès économique signifie que les consommateurs ont les moyens (revenu, capital ou crédit) d’acheter les aliments. Les pays importateurs de produits alimentaires ont tout intérêt à examiner si, au cours de la période récente, leur accès à la nourriture s’est amélioré. Se sont-ils heurtés à quelque problème lié aux réformes commerciales relevant de l’Accord sur l’agriculture, ou dû à d’autres facteurs? Leurs recettes d’exportation globales ont-elles augmenté au même rythme que leurs factures d’importation de produits alimentaires? Les facilités et les arrangements de crédit existants leur ont-ils permis d’importer des produits alimentaires en quantités suffisantes?

La sécurité alimentaire passe aussi par la stabilité des approvisionnements et, dans ce contexte, il peut être intéressant pour les pays de voir si les prix des importations de produits alimentaires ont été stables et si, pendant les périodes de flambée des prix, comme en 1995-96, ils ont été en mesure de continuer à importer le volume de produits alimentaires requis. Ils devraient examiner si les clauses de sauvegarde commerciales prévues dans ce cas sont appropriées. Dans ce même ordre d’idées, les pays classés dans les catégories des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires auraient aussi tout intérêt à examiner dans quelle mesure ils ont effectivement bénéficié de la «Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires» qui avait pour objectif de les aider si le processus de réforme avait des effets négatifs sur leur capacité à importer des produits alimentaires.

Enfin, la sécurité alimentaire suppose que des aliments soient disponibles en quantités suffisantes. A ce propos, les pays devraient examiner si la production vivrière a bénéficié jusqu’à présent du Cycle d’Uruguay ou si leurs engagements représentent des contraintes excessives. Disposent-ils d’une marge de manœuvre suffisante pour soutenir la production nationale?

Lorsque l’on se penche sur les conséquences possibles du processus de réforme sur la sécurité alimentaire, il ne faut pas oublier ce qui suit: la série existante de politiques compatibles avec le CU est censée laisser aux pays une latitude suffisante pour soutenir leur production agricole en combinant de manière judicieuse tarifs, subventions aux intrants et mesures de soutien de la «Boîte verte»; toutefois leurs politiques internes de consommation des produits alimentaires, qui visent à garantir une nutrition adéquate aux pauvres, sont souvent entravées par le manque de ressources. Dans le même temps, l’instabilité des prix peut être atténuée par une combinaison appropriée de clauses de sauvegarde à la frontière et de mécanismes financiers visant à réduire les risques. Il peut donc être utile d’analyser la manière dont ces dispositions ont été appliquées dans la pratique et d’évaluer la stratégie qui s’est jusqu’ici avérée la plus efficace pour résoudre les problèmes. La clé de l’amélioration de l’interaction entre le commerce et la sécurité alimentaire est peut-être de générer des revenus plus importants, en améliorant l’accès au marché d’exportation, surtout si le soutien apporté à la production s’est traduit par une amélioration des revenus des pauvres.

Enfin, la prise en compte de considérations environnementales dans l’Article 20 est préfigurée par l’établissement au sein de l’OMC du Comité du commerce et de l’environnement dont le mandat est d’examiner différentes relations entre le commerce et l’environnement. En outre, l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires réglemente les normes alimentaires et le champ d’application des mesures de protection de la santé des personnes. Etant donné que ces aspects sont traités en détail par ces organes, on se limitera ici à souligner que les Ministres de l’agriculture doivent se tenir au courant de l’évolution des faits et comprendre l’incidence que pourrait avoir toute proposition éventuelle sur l’agriculture. En ce qui concerne l’agriculture, les principales mesures pouvant être envisagées sont l’élargissement de l’Article du GATT de 1994 - Exceptions générales (Article XX) - afin de couvrir explicitement l’environnement ou, plus généralement, des réformes qui justifieraient les restrictions frappant le commerce des produits agricoles, fondées sur des raisons écologiques, tout en répondant aux nécessités élémentaires de protection de l’environnement.

8.4.4 Traitement spécial et différencié

L’expérience de l’utilisation du TSD doit être analysée

Les autres considérations générales se réfèrent principalement à la nécessité de tenir compte du traitement spécial et différencié (TSD) en faveur des pays en développement. Dans l’Accord sur l’agriculture, le traitement spécial et différencié se présente sous diverses formes. Il implique aussi bien des taux de réductions plus faibles que des périodes d’ajustement (de mise en œuvre) plus longues, le choix de mettre en place des taux plafonds plutôt que des tarifs réduits, une assistance spéciale dans le cadre de «la Décision» pour les importations alimentaires, une assistance technique dans le cadre de l’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, et une provision spéciale pour les pays les moins avancés7. En vue du prochain cycle de négociations, les pays en développement doivent évaluer «les bénéfices» du traitement spécial et différencié et tenter d’identifier de nouveaux domaines où ils pourraient bénéficier d’un traitement spécial et différencié tels que l’amélioration des sauvegardes (très peu de pays en développement bénéficient de la Clause de sauvegarde spéciale), la question spécifique des préférences (dont la valeur est érodée par la libéralisation du commerce multilatéral), ou la réduction plus importante des tarifs douaniers sur les marchés d’importation des produits présentant un intérêt particulier pour ce groupe de pays. Chacune de ces questions nécessitera une préparation soigneuse, notamment des estimations des coûts et avantages des options pour les différents groupes de pays.

7Voir OMC Secrétariat (1999) (Part 5 de «Developing countries in the WTO System») et le module II.7, Les dispositions sur le traitement spécial et différencié.

8.5 Stratégie pour une réforme réussie

Cet examen de l’expérience demande des capacités spécifiques qui font peut-être défaut...

La majorité des pays en développement, en particulier les moins avancés, n’ont ni les capacités ni les ressources voulues pour faire face à tous les problèmes dérivant du Cycle d’Uruguay ou tirer pleinement profit des possibilités qui en découlent, et, dans le même temps, se préparer pour le prochain cycle de négociations commerciales multilatérales. Conscient de cela, le Plan d’Action du Sommet mondial de l’alimentation invite la FAO et d’autres organisations à continuer à aider les pays en développement à se préparer à des négociations commerciales multilatérales futures, de façon à pouvoir devenir des partenaires «bien informés» et égaux dans le processus de négociations, de tirer ainsi pleinement profit de leur participation et de ne pas être défavorisés.

Les problèmes que rencontrent le plus souvent les pays en développement pour respecter leurs engagements dérivant des négociations commerciales multilatérales sont les suivants:

· La capacité juridique/administrative est inadéquate et ne leur permet pas de s’acquitter de leurs obligations en tant que Membres de l’OMC, notamment de préparer les notifications, de défendre les intérêts de l’agriculture de leur pays à l’OMC, d’évaluer l’impact des réformes des politiques convenues à l’OMC sur l’agriculture, ou d’élaborer des systèmes de préservation des végétaux conformément aux prescriptions de l’Accord sur les ADPIC.

· Les capacités nationales dans le domaine de la formulation des politiques sont insuffisantes dans les secteurs de l’agriculture, des forêts et de la pêche, et les capacités analytiques inadéquates pour évaluer l’impact des réformes des politiques proposées à l’OMC.

· Les moyens scientifiques et administratifs et des infrastructures sont limités pour s’occuper des normes alimentaires, des services d’inspection phyto- et zoosanitaire et des prescriptions en matière d’assurance de la qualité des importations des pays en développement.

· Il n’y a pas de mesures de protection des végétaux, il est donc nécessaire pour tous les membres de l’OMC, y compris les pays en développement sans expérience préalable dans de domaine, d’élaborer une réglementation rapide dans ce domaine, par des brevets ou par une législation sui generis, ou par une combinaison des deux.

· Les moyens manquent pour préparer et engager les négociations dans les prochains cycles de négociations commerciales multilatérales, notamment pour préparer/réviser les Listes nationales d’engagements à soumettre à l’OMC qui nécessitent des compétences supplémentaires et une capacité prévisionnelle au sein des ministères.

Que doivent faire les pays pour participer efficacement aux négociations futures sur la poursuite du processus de réforme et réaliser les objectifs qui y ont été fixés?

... aussi faut-il renforcer les capacités là où c’est nécessaire...

Premièrement, il est indispensable de renforcer les dispositions administratives dans les pays. Malheureusement, il semble que, d’une manière générale, les Ministères de l’agriculture aient joué un rôle secondaire dans les négociations sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay. Les ministères de l’agriculture doivent pour le moins être associés comme il convient aux préparatifs nationaux des négociations futures. Ceci pourrait nécessiter une coordination interministérielle et l’établissement, le cas échéant, d’unités familiarisées avec les questions traitées par l’OMC au sein des ministères de l’agriculture8. Il est également important d’associer le secteur privé aux travaux de préparation car les nouvelles politiques devront être opérationnelles et il faudra tirer profit des ouvertures d’accès aux marchés qui ont été négociées.

8Pour améliorer leurs capacités institutionnelles, certains pays en développement ont établi une «cellule CU», au Ministère du Commerce, et des sous-cellules dans d’autres ministères, notamment celui de l’agriculture. Outre le fait qu’il s’agit d’unités gouvernementales, les cellules incluent des instituts universitaires/de recherche et le secteur privé.
... ou les partager entre pays ayant les mêmes intérêts...

Deuxièmement, les pays doivent chercher à s’allier avec d’autres pays pour avoir plus de poids à la table des négociations. La constitution d’alliances de ce type a quelques inconvénients - par exemple le fait que l’attention ne soit pas centrée sur les intérêts spécifiques d’un pays - mais cela peut être compensé par le fait que les grands groupes ont un poids plus grand dans les négociations. Les pays qui pourraient devenir des alliés sont nombreux, aussi cette tâche demande-t-elle un examen minutieux pour identifier des pays dont les problèmes sont à peu près similaires9. Plus les problèmes sont semblables, moins il est difficile d’arriver à des compromis politiques et donc d’obtenir davantage grâce à une pression plus grande. La recherche d’alliés doit dépasser le cadre des groupes déjà existants et ne pas être divisée suivant les clivages traditionnels Nord/Sud. De fait, le plus actif de ces groupes, le Groupe de Cairns, est un mélange des deux - et de nouveaux groupes peuvent se créer comme cela a été le cas durant le CU, comme le Groupe des pays importateurs nets de produits alimentaires ou le Groupe de Cairns.

9Une récente étude sur l’Afrique montre qu’en agissant de concert, les blocs de pays auront des droits plus étendus dans les négociations (en vertu du principe du «principal fournisseur»). C’est notamment le cas pour deux blocs commerciaux régionaux, l’UEMOA et la SADC. Voir Wang, Z.K. et Winters, L.A. (1997).
Troisièmement, les pays doivent renforcer leur capacité d’échange d’information et leur accès à des études pertinentes en adhérant à des réseaux, en faisant réaliser leurs propres études, en comprenant les positions des principaux acteurs, en préparant des positions de repli au cas où les résultats seraient négatifs, en recherchant l’aide des organisations internationales, en faisant appel à des experts non gouvernementaux et, d’une manière générale, en procédant à la sensibilisation sur le processus de 1999. Un bon exemple de la collaboration recherche/analyse en Afrique est la série d’études nationales et thématiques réalisées dans le cadre du projet Africa and the World Trading System, sous les auspices du consortium de recherche économique pour l’Afrique (AERC)10.
10Voir Oyejide, T.A. (1998). Document préparé pour la réunion ad hoc de chercheurs et d’experts commerciaux concernant les négociations commerciales multilatérales futures. Le projet contient huit monographies nationales (Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Maurice, Nigéria, Afrique du Sud et Ouganda).
... en participant le plus possible ...

Quatrièmement, les pays devraient prendre une part active aux travaux de préparation qui sont en cours à l’OMC, dans le cadre du processus d’analyse et d’échange d’information du Comité de l’agriculture. Evidemment, il est impossible que les pays qui ont peu de représentants à Genève puissent participer à toutes les réunions. Mais des progrès considérables peuvent être faits, notamment en faisant en sorte que toutes les informations pertinentes émanant des réunions de l’OMC soient communiquées aux unités appropriées dans les capitales des pays; en identifiant des pays ou groupes de pays suffisamment représentés à l’OMC et ayant les mêmes idées, afin de mettre au point un processus de consultations avec ces pays pour obtenir quelque assurance que leurs intérêts soient pris en compte dans les débats; et en renforçant les capacités dans les capitales de manière à fournir le soutien technique nécessaire aux représentants de Genève. De plus, les pays qui ne sont pas Membres de l’OMC devraient étudier sérieusement les avantages que comporterait leur adhésion car c’est probablement en faisant partie d’une organisation qui compte déjà 131 pays membres et à laquelle 31 autres s’apprêtent à adhérer qu’ils auront le plus de possibilités de protéger leurs intérêts nationaux.

... et en profitant de l’assistance technique

Enfin, et ce n’est pas le moins important, les pays devraient profiter de l’assistance technique fournie par des organisations internationales comme la Banque mondiale, l’OMC, la CNUCED ou la FAO. En plus, il est important de souligner que les programmes d’assistance technique sont particulièrement efficaces lorsque ce sont les pays qui définissent eux-mêmes leurs besoins de formation. A ce propos, les pays pourraient adopter une approche qui a fait ses preuves, à savoir former des groupes homogènes ayant les mêmes problèmes et les mêmes besoins de formation. Ceci permet également d’assurer une formation au moindre coût, compte tenu des économies d’échelle qui pourraient être réalisées dans les différents domaines techniques.

Ressources additionnelles

La FAO a publié une brochure sur les activités d’assistance technique de l’Organisation liées au Cycle d’Uruguay11. Cette brochure décrit les secteurs spécifiques dans lesquels l’Organisation fournit une assistance technique aux pays en développement, à savoir l’agriculture (y compris les pêches et les forêts), les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, et les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Très récemment, la FAO a ouvert une page intitulée Commerce des produits agricoles sur son site Internet12, dans le but de fournir des informations sur tout ce qui a trait au Cycle d’Uruguay.

11FAO (1999b).

12 http://www.fao.org/ur

BIBLIOGRAPHIE

FAO. 1999a. Assessment of the Impact of the Uruguay Round on Agricultural Markets and Food Security. Update to CCP Document No. 99/12, October.

FAO. 1999b. L’assistance technique de la FAO liée au commerce international et l’information. Rome. (Disponible aussi sur Internet: http://www. fao.org/ur).

OMC. 1999. Guide to the Uruguay Round Agreements, Kluwer Law International and WTO Secretariat.

Oyejide, T.A. 1998. Africa and the World Trading System: a Note on Some Preliminary Results of an AERC Project, Paper prepared for UNCTAD’s ad-hoc Meeting of researchers and trade experts on future multilateral trade negotiations, Geneva, 21-22 September 1998.

Swinbank, A. 1998. «Will Agenda 2000 meet current and prospective WTO Commitments». The University of Reading, 20 mars 1998.

Wang, Z.K. et Winters, L.A. 1997. Africa’s Role in Multilateral Trade Negotiations: Past and Future. Washington, D.C., Banque mondiale.


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