8.1 Introduction
8.2 LArticle 20
8.3 Pourquoi engager dautres négociations sur lagriculture?
8.4 Les travaux préparatoires envisagés dans le cadre de lArticle 20
8.5 Stratégie pour une réforme réussie
J. Greenfield
Division des produits et du commerce international
OBJECTIF
Lobjectif de ce module est de présenter lArticle 20 de lAccord sur lagriculture et danalyser les différents points mentionnés dans cet article en vue de préparer le prochain cycle de négociations sur lagriculture. Ce module explique également comment les pays en développement pourraient mieux se préparer et participer de manière plus active au prochain cycle.
POINTS CLÉS
· LArticle 20 de lAccord sur lagriculture convient de poursuivre les négociations afin de parvenir à lobjectif à long terme de réduction progressive substantielle du soutien et de la protection à lagriculture.
· En lui-même, le début des pourparlers ne signifie pas pour autant que ceux-ci vont aboutir mais de multiples raisons dordre juridique et essentiel encouragent les Etats à les conclure avec succès dans le domaine agricole.
· Pour participer à ce processus, les pays en développement ont intérêt à faire le bilan de leur expérience en matière de mise en uvre des engagements de réduction du Cycle dUruguay et à identifier aussi toutes les considérations autres que dordre commercial qui pourraient les concerner.
· Une participation significative nécessitera toutefois une assistance technique ainsi quune stratégie pour tirer parti des réseaux et renforcer les capacités administratives nécessaires.
LArticle 20 fixe les paramètres des négociations sur lagriculture...
Les dispositions concernant la poursuite du processus de réforme du commerce des produits agricoles figurent à lArticle 20 de lAccord sur lagriculture du Cycle dUruguay. Cet article mérite une analyse approfondie car il établit le cadre des négociations multilatérales en cours sur lagriculture à lOMC. Ce module aborde les aspects suivants:
· une analyse détaillée des dispositions de lArticle 20;
· un examen des motivations des pays pour que les négociations aboutissent à un succès;
· les aménagements envisagés à lArticle avant les négociations proprement dites;
· les différentes étapes que les pays en développement doivent accomplir pour sassurer de participer pleinement au processus de négociation.
LArticle 20 stipule:
«Reconnaissant que lobjectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale est un processus continu, les Membres conviennent que des négociations en vue de la poursuite du processus seront engagées un an avant la fin de la période de mise en uvre, compte tenu:
a) de ce quaura donné jusque-là la mise en uvre des engagements de réduction;... en mentionnant la date de début...b) des effets des engagements de réduction sur le commerce mondial des produits agricoles;
c) des considérations autres que dordre commercial, du traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres et de lobjectif qui est détablir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché, et des autres objectifs et préoccupations mentionnés dans le préambule du présent Accord; et
d) des autres engagements qui seront nécessaires pour atteindre lobjectif à long terme susmentionné.»
Si lon analyse cet article paragraphe par paragraphe, dans le préambule, les pays conviennent de poursuivre les efforts commencés dans le Cycle dUruguay pour atteindre lobjectif à long terme de «réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale». Tous les termes utilisés pour définir cet objectif sont forts: «réductions substantielles» et «réformes fondamentales». Lobjectif reste le message de base mais il est tempéré par les points précisés aux alinéas a), b) et c). La phrase suivante du préambule se réfère à la date des nouvelles négociations qui «...seront engagées un an avant la fin de la période de mise en uvre...». Or, lArticle 1(f) précise que celle-ci sentend comme «... la période de six ans commençant en 1995». Lannée qui précède la fin de la période de mise en uvre est donc 1999 et la Conférence Ministérielle de Seattle était supposée être la première étape douverture du processus de négociation.
... et les sujets à prendre en compte
Les points spécifiés aux alinéas a) à d) sont les considérations dont il devra être tenu compte dans les négociations de «1999». Les alinéas a) et b) sont respectivement étudiés dans les sections 8.4.1 et 8.4.2 ci-après. Lalinéa c) de lArticle 20 est très important et relativement complexe. Les «considérations autres que dordre commercial» sont mentionnées dans le sixième paragraphe du Préambule de lAccord sur lagriculture où il est précisé quelles comprennent «la sécurité alimentaire et la nécessité de protéger lenvironnement». Ces considérations seront analysées dans la section 8.4.3 ci-dessous. Le «traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement» mentionné à lalinéa c) de lArticle 20 est également cité dans le sixième paragraphe du Préambule qui précise quil «...fait partie intégrante des négociations». Ce traitement est étudié plus loin, au paragraphe 8.4.4. Enfin, lalinéa c) de lArticle 20 fait référence aux «...autres objectifs et préoccupations mentionnés dans le préambule du présent Accord» qui peuvent varier en fonction des points que les pays souhaitent privilégier. Ainsi, on lit dans le deuxième paragraphe du préambule que lobjectif «...est détablir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché». Le cinquième paragraphe du préambule précise comment il sera tenu compte des besoins et de la situation particuliers des pays en développement et des «effets négatifs possibles de la mise en uvre du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires».
Pour conclure, on note que, bien que lArticle 20 dresse une liste relativement longue des considérations et objectifs des négociations, il ne les énumère pas tous. Il est probable que dautres questions que celles qui sont expressément mentionnées seront également examinées. Cest pourquoi, avant de passer à un examen approfondi des différentes considérations qui précèdent, il faut porter son attention sur quelques-unes des raisons profondes pour lesquelles les pays éprouvent le besoin de négocier.
Le début des pourparlers nimplique pas nécessairement que des réformes importantes seront immédiatement négociées - ces discussions pourraient tout simplement marquer le début dun processus qui se prolongera sur plusieurs années. Il vaut donc la peine dexaminer ce qui pourrait encourager les pays à aboutir à un succès des négociations sur lagriculture. Il est utile détudier la position de différents groupes de pays en ce qui concerne i) les principales raisons juridiques pour lesquelles les négociations présentent un intérêt et ii) les principales raisons fondamentales qui justifient de nouvelles négociations.
De nombreuses clauses de sauvegarde arrivent à leur terme légal...
En ce qui concerne les raisons juridiques, certains articles de lAccord sur lagriculture devront dune manière ou dune autre être négociés dans un avenir relativement proche. Il sagit de lArticle 20, de lArticle 5 alinéa 9, de lArticle 13 et de lAnnexe 5, alinéas 5 et 8 à 10. Si lon considère ces articles un par un, il y aurait certainement beaucoup à dire - en particulier à propos de lArticle 20, sur lequel on reviendra plus longuement ultérieurement - mais il faut souligner quen signant lAccord sur lagriculture, les pays se sont engagés à poursuivre le processus de réforme dont lobjectif à long terme consiste à «des réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale», et que les négociations concernant ce processus devraient commencer au cours de lannée 1999 et prendre en considération un certain nombre de facteurs (voir plus loin pour plus de détails). Ce texte reflète les points de vue des Membres de lOMC, bien que les pays puissent interpréter différemment des expressions telles que «long terme» et «substantielles» et le degré dattention à porter à lexpression «compte tenu dun certain nombre de facteurs».
Quant à lArticle 5, sur la clause de sauvegarde spéciale (CSS), il est stipulé dans lalinéa 9 que «les dispositions du présent Article resteront en vigueur pendant la durée du processus de réforme visé à lArticle 20». Ceci peut signifier que la CSS restera en vigueur tout au long des négociations, même si celles-ci durent très longtemps. Cependant, la fin de lapplication de cette clause, ou sa prolongation, dépendront des négociations prévues à lArticle 20. Selon Swinbank1, la CSS deviendra caduque en cas déchec du processus de réforme visé à lArticle 20.
1Voir Swinbank, A. (1998).Ce sont surtout les dispositions de lArticle 13 - Clause de paix - qui doivent être négociées, car elles ne sappliquent que pendant la période de mise en uvre, cest-à-dire en principe jusquen 2003/2004. Cette clause est fondamentale car elle interdit aux Membres dintenter des actions pour contester les subventions à lexportation2, les mesures de soutien de la Boîte verte3, celles de la Boîte bleue, et les versements dans la limite des niveaux de minimis4. En dautres termes, après cette période5, la plupart des subventions autorisées par lAccord pourront alors être contestées dans le cadre des Mécanismes de règlement des différends de lOMC à condition quun Membre démontre le préjudice. De ce fait, les pays qui ont facilement recours à des subventions ont tout intérêt à négocier une prolongation de lArticle 13 alors que ceux qui pourraient être pénalisés par ces subventions ont tout intérêt à faire pression pour quil devienne caduque. Cette question devrait donc occuper une place importante dans les négociations.
2Visées par les Articles VI et XVI du GATT et par lAccord sur les subventions (Partie III et Articles 3, 5 et 6).LAnnexe 5 de lAccord sur lagriculture autorise quelques pays, notamment le Japon et la République de Corée, à éviter la tarification en proposant des engagements en matière daccès aux marchés plus élevés que sils se soumettaient à cette procédure. Si ces pays souhaitent prolonger cette dérogation spéciale au-delà de la période de mise en uvre, ils devront engager des négociations. Toutefois, il semble que le Japon se soit engagé à convertir en droits de douane ses mesures à la frontière concernant le riz si bien que cette disposition spécifique perdra probablement de lintérêt.3Articles II, VI, XVI et Accord sur les subventions (Parties III et V).
4Visées par les Articles II, VI and XVI du GATT et par lAccord sur les subventions (Partie V et Articles 5 et 6).
5Son statut nest pas très clair dans la période dintérim cest-à-dire pendant les négociations (entre 2004 et le début dune nouvelle période de mise en uvre).
Ainsi, en ce qui concerne les obligations juridiques, un grand nombre de pays ont donc intérêt à engager des négociations sur lagriculture, indépendamment des autres secteurs. Cest le cas pour la majorité des principaux pays où la protection est encore très élevée. Deux autres groupes de pays doivent également être mentionnés ici. Le Groupe de Cairns a déjà déclaré clairement quil souhaitait que des négociations aient lieu en vue de poursuivre le processus de réforme. Par ailleurs, un certain nombre de pays en développement ont fait valoir quil serait préférable de sacquitter des engagements existants avant de sengager dans dautres négociations (voir plus loin pour plus de détails).
Les raisons fondamentales qui justifient de nouvelles négociations sont essentiellement liées aux problèmes dapplication de lAccord existant et à la volonté, ou à son absence, de procéder à une plus grande libéralisation du commerce.
... tandis que des problèmes pratiques avec lAccord actuel...
Premièrement, la mise en uvre de lAccord existant a posé un certain nombre de problèmes qui ont largement retenu lattention; les difficultés ont concerné en particulier ladministration du système de contingents tarifaires, les réductions des subventions à lexportation, le soutien interne, la question des crédits à lexportation, le commerce dEtat et la «Décision ministérielle sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du Programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires». Ces sujets, et sans doute dautres, seront certainement soulevés car ils font partie du «... bilan de la mise en uvre des engagements de réduction» que les Membres devront examiner au cours des négociations de lArticle 20 (voir aussi la section 8.4 ci-dessous). On notera cependant quune grande variété de pays - tant importateurs quexportateurs - sont concernés par ces questions. Plusieurs ont été prises en considération dans le Processus danalyse et déchange dinformation qui était en cours sous légide du Comité de lagriculture de lOMC.
... et le souhait dun meilleur accès aux marchés et dune réduction des coûts budgétaires fournissent des motifs supplémentaires de négociation
Deuxièmement, de nombreux pays ont un besoin vital de développer leurs exportations de produits agricoles grâce à une libéralisation accrue du commerce. Dans beaucoup de pays, lagriculture est encore un secteur très protégé, ce qui coûte très cher à lEtat et aux consommateurs; or, étant donné que partout les budgets publics sont soumis à dimportantes restrictions, tout porte à croire que de plus en plus de voix sélèveront pour demander une réduction des soutiens à lagriculture.
En conclusion, de multiples raisons laissent présager que des négociations sur lagriculture seront engagées dans un avenir proche, doù la nécessité dexaminer les mesures que doivent prendre les Etats pour se préparer à ces négociations. Ce sera le sujet de la dernière partie de ce document.
LAccord sur lagriculture du Cycle dUruguay reconnaît que, pour atteindre lobjectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection des produits agricoles, les négociations doivent être poursuivies en tenant compte: a) du bilan de la mise en uvre des engagements de réduction; b) des effets des engagements de réduction sur le commerce mondial des produits agricoles; c) des considérations autres que dordre commercial, du traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres et de lobjectif qui est détablir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché, et des autres objectifs et préoccupations mentionnés dans le préambule du présent Accord; et d) des autres engagements qui seront nécessaires pour atteindre lobjectif à long terme susmentionné.
8.4.1 Le bilan de la mise en uvre des engagements de réduction du Cycle dUruguay
Les pays en développement ont intérêt à analyser leurs engagements auprès de lOMC...
Cela signifie probablement que chaque pays Membre de lOMC devrait évaluer les effets au niveau national de la mise en uvre de ses engagements et de ceux des autres Membres. Les problèmes rencontrés à ce stade étaient dus en partie au manque de personnel qualifié dans certains pays mais aussi à la difficulté dadapter le système de politique agricole particulier aux nouvelles règles. Au cours de lassistance technique qua apportée la FAO aux pays membres pour quils sadaptent aux changements liés au Cycle dUruguay, elle a noté que les pays avaient souvent des difficultés à calculer, selon la méthodologie prescrite pour les notifications à lOMC, les mesures de protection totales et les subventions/taxes implicites dérivant des mesures non liées aux prix. Les problèmes de mise en uvre les plus courants ont été le calcul de la Mesure globale du soutien, secteur par secteur, le calcul de la protection effective (cest-à-dire, en tenant compte de la «dé-protection» dun produit fini induite par la protection des intrants nécessaires à sa production), et le calcul des subventions à lexportation dérivant darrangements de commercialisation particuliers.
Chaque pays devrait également chercher à comprendre comment dautres pays ont géré leurs propres stratégies de mise en uvre. Pour ce faire, ils peuvent sappuyer sur les examens réalisés par le Comité de lagriculture ou examiner les notifications présentées par les Membres de lOMC6. Le Comité de lagriculture sest surtout intéressé aux problèmes daccès au marché tels que les régimes de contingents tarifaires, les questions liées à la «Boîte verte», les calculs des MGS et les réductions des subventions à lexportation. Chaque pays a intérêt à examiner les politiques de ses principaux partenaires commerciaux, notamment pour déterminer quelles politiques, conditions daccès au marché ou subventions à lexportation ont une incidence sur sa propre situation. Il est indispensable de tirer les enseignements de lapplication des réformes des politiques du Cycle dUruguay sur le commerce dans dautres pays pour que les négociateurs puissent faire pression sur les partenaires commerciaux afin quils changent leurs barèmes tarifaires ou encore quils sachent clairement quand les politiques commerciales dautres pays portent préjudice à leur propre secteur agricole.
6Les notifications peuvent être consultées sur le site de Diffusion des Documents de lOMC, à ladresse http://www.wto.org/wto/ddf/ep/public.html.8.4.2 Effets des engagements de réduction du CU sur le commerce mondial des produits agricoles
... ainsi que leur expérience commerciale...
Il va de soi que ce type dévaluation est complexe car on ne sait pas très bien quelle aurait été la situation sans le CU. Il est particulièrement difficile disoler leffet net des engagements du CU par rapport à dautres faits nouveaux importants qui ont eu un impact sur les échanges mondiaux comme les ajustements monétaires et la crise financière en Asie de lEst. Cependant certaines organisations internationales, dont la FAO, la CNUCED, la Banque mondiale et lOCDE, ainsi que quelques institutions nationales, fournissent des analyses générales de ces tendances qui doivent être abordées avec beaucoup de discernement. Les informations à rechercher peuvent porter sur: i) les changements intervenus sur les marchés mondiaux des produits agricoles; et ii) les changements des performances commerciales dun pays donné.
En ce qui concerne les changements intervenus sur les marchés mondiaux des produits agricoles, deux types dinformation peuvent être recueillis. Lun a trait à leffet sur la stabilité des prix et lautre à leffet sur le niveau des prix. Premièrement, de nombreuses études ont été réalisées par la FAO et dautres organisations pour estimer limpact du CU sur les marchés agricoles. Daprès ces études, les prix des produits des zones tempérées sur les marchés mondiaux tendraient à être plus élevés avec le CU mais lampleur de la hausse serait limitée. Leffet sur linstabilité des cours mondiaux est incertain mais une consultation dexperts de la FAO sur linstabilité des prix a estimé que, pendant quelques années encore, les cours mondiaux des céréales resteraient instables jusquà ce que les effets de la réforme se généralisent à lensemble du système. Aucune étude de ce type na été réalisée pour dautres produits mais, en principe, les mêmes arguments devraient être valables pour les produits dorigine animale mais pas nécessairement pour les produits tropicaux. Pour juger des effets du CU sur le marché international, on peut aussi examiner le niveau des échanges, des prix, des stocks, etc. avant et après le CU, en comparant par exemple les tendances (sur la base des données antérieures à 1995) avec les niveaux effectifs à partir de 1995, pour voir dans quelle mesure elles ont été modifiées. Cette approche a un inconvénient, en ce sens quelle ne fait pas de distinction entre les changements liés au CU et les autres, mais elle a au moins lavantage dêtre mesurable.
Cette tâche été entreprise et discutée au Comité des produits de la FAO. Létude a abouti aux conclusions suivantes (FAO, 1999a). Premièrement, pour un certain nombre de produits agricoles, notamment les céréales, la viande et les produits laitiers, les conditions de stabilité raisonnable des marchés en 1995-97 peuvent être partiellement attribuées au Cycle dUruguay. Pour la plupart des autres produits agricoles, limpact du Cycle dUruguay était probablement négligeable. Deuxièmement, une part de laugmentation de la facture des importations de produits alimentaires des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires au cours de la période post -1995 peut être attribuée aux effets du Cycle dUruguay ou aux changements de politique en rapport avec les exigences du Cycle dUruguay. Troisièmement, il y a peu de preuve dun quelconque changement significatif dans linstabilité des prix mondiaux au cours de la période postérieure à 1995.
En ce qui concerne les performances commerciales dun pays, chaque pays devrait avoir à sa disposition les données pertinentes pour faire la distinction entre les changements dans les courants des échanges qui résultent de facteurs internes (par exemple les variations de la production liées à des problèmes météorologiques) et de facteurs externes (par exemple, un environnement commercial plus compétitif). Là encore, il serait approprié de comparer des données récentes sur des éléments comme la superficie sous cultures vivrières, et lévolution des prix intérieurs par rapport aux prix mondiaux depuis 1995 avec les tendances précédentes. Le secteur privé pourrait également contribuer à cet examen de façon à pouvoir identifier les améliorations spécifiques et les nouveaux problèmes qui apparaissent.
8.4.3 Considérations autres que dordre commercial
... et leur capacité à tenir compte des considérations autres que commerciales dans le cadre du présent Accord
LArticle 20 stipule également quil doit être tenu compte des «considérations autres que dordre commercial» qui sont définies ailleurs (dans le préambule de lAccord du CU) comme comprenant la sécurité alimentaire et la nécessité de protéger lenvironnement. Etant donné quaucun des accords signés à Marrakech ne donne de définition claire de la «sécurité alimentaire» et de l«environnement», les pays devraient se préparer à discuter de ces questions au cours des négociations futures.
La sécurité alimentaire comporte trois dimensions: laccès à la nourriture, la disponibilité des aliments en quantité suffisante et la stabilité de lapprovisionnement. Laccès à la nourriture implique aussi bien laccès physique que laccès économique. Laccès physique signifie que les aliments sont effectivement à la disposition des consommateurs, cest-à-dire quil ny a pas dobstacles juridiques ou autres pour se les procurer. Laccès économique signifie que les consommateurs ont les moyens (revenu, capital ou crédit) dacheter les aliments. Les pays importateurs de produits alimentaires ont tout intérêt à examiner si, au cours de la période récente, leur accès à la nourriture sest amélioré. Se sont-ils heurtés à quelque problème lié aux réformes commerciales relevant de lAccord sur lagriculture, ou dû à dautres facteurs? Leurs recettes dexportation globales ont-elles augmenté au même rythme que leurs factures dimportation de produits alimentaires? Les facilités et les arrangements de crédit existants leur ont-ils permis dimporter des produits alimentaires en quantités suffisantes?
La sécurité alimentaire passe aussi par la stabilité des approvisionnements et, dans ce contexte, il peut être intéressant pour les pays de voir si les prix des importations de produits alimentaires ont été stables et si, pendant les périodes de flambée des prix, comme en 1995-96, ils ont été en mesure de continuer à importer le volume de produits alimentaires requis. Ils devraient examiner si les clauses de sauvegarde commerciales prévues dans ce cas sont appropriées. Dans ce même ordre didées, les pays classés dans les catégories des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires auraient aussi tout intérêt à examiner dans quelle mesure ils ont effectivement bénéficié de la «Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires» qui avait pour objectif de les aider si le processus de réforme avait des effets négatifs sur leur capacité à importer des produits alimentaires.
Enfin, la sécurité alimentaire suppose que des aliments soient disponibles en quantités suffisantes. A ce propos, les pays devraient examiner si la production vivrière a bénéficié jusquà présent du Cycle dUruguay ou si leurs engagements représentent des contraintes excessives. Disposent-ils dune marge de manuvre suffisante pour soutenir la production nationale?
Lorsque lon se penche sur les conséquences possibles du processus de réforme sur la sécurité alimentaire, il ne faut pas oublier ce qui suit: la série existante de politiques compatibles avec le CU est censée laisser aux pays une latitude suffisante pour soutenir leur production agricole en combinant de manière judicieuse tarifs, subventions aux intrants et mesures de soutien de la «Boîte verte»; toutefois leurs politiques internes de consommation des produits alimentaires, qui visent à garantir une nutrition adéquate aux pauvres, sont souvent entravées par le manque de ressources. Dans le même temps, linstabilité des prix peut être atténuée par une combinaison appropriée de clauses de sauvegarde à la frontière et de mécanismes financiers visant à réduire les risques. Il peut donc être utile danalyser la manière dont ces dispositions ont été appliquées dans la pratique et dévaluer la stratégie qui sest jusquici avérée la plus efficace pour résoudre les problèmes. La clé de lamélioration de linteraction entre le commerce et la sécurité alimentaire est peut-être de générer des revenus plus importants, en améliorant laccès au marché dexportation, surtout si le soutien apporté à la production sest traduit par une amélioration des revenus des pauvres.
Enfin, la prise en compte de considérations environnementales dans lArticle 20 est préfigurée par létablissement au sein de lOMC du Comité du commerce et de lenvironnement dont le mandat est dexaminer différentes relations entre le commerce et lenvironnement. En outre, lAccord sur lapplication des mesures sanitaires et phytosanitaires réglemente les normes alimentaires et le champ dapplication des mesures de protection de la santé des personnes. Etant donné que ces aspects sont traités en détail par ces organes, on se limitera ici à souligner que les Ministres de lagriculture doivent se tenir au courant de lévolution des faits et comprendre lincidence que pourrait avoir toute proposition éventuelle sur lagriculture. En ce qui concerne lagriculture, les principales mesures pouvant être envisagées sont lélargissement de lArticle du GATT de 1994 - Exceptions générales (Article XX) - afin de couvrir explicitement lenvironnement ou, plus généralement, des réformes qui justifieraient les restrictions frappant le commerce des produits agricoles, fondées sur des raisons écologiques, tout en répondant aux nécessités élémentaires de protection de lenvironnement.
8.4.4 Traitement spécial et différencié
Lexpérience de lutilisation du TSD doit être analysée
Les autres considérations générales se réfèrent principalement à la nécessité de tenir compte du traitement spécial et différencié (TSD) en faveur des pays en développement. Dans lAccord sur lagriculture, le traitement spécial et différencié se présente sous diverses formes. Il implique aussi bien des taux de réductions plus faibles que des périodes dajustement (de mise en uvre) plus longues, le choix de mettre en place des taux plafonds plutôt que des tarifs réduits, une assistance spéciale dans le cadre de «la Décision» pour les importations alimentaires, une assistance technique dans le cadre de laccord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, et une provision spéciale pour les pays les moins avancés7. En vue du prochain cycle de négociations, les pays en développement doivent évaluer «les bénéfices» du traitement spécial et différencié et tenter didentifier de nouveaux domaines où ils pourraient bénéficier dun traitement spécial et différencié tels que lamélioration des sauvegardes (très peu de pays en développement bénéficient de la Clause de sauvegarde spéciale), la question spécifique des préférences (dont la valeur est érodée par la libéralisation du commerce multilatéral), ou la réduction plus importante des tarifs douaniers sur les marchés dimportation des produits présentant un intérêt particulier pour ce groupe de pays. Chacune de ces questions nécessitera une préparation soigneuse, notamment des estimations des coûts et avantages des options pour les différents groupes de pays.
7Voir OMC Secrétariat (1999) (Part 5 de «Developing countries in the WTO System») et le module II.7, Les dispositions sur le traitement spécial et différencié.
Cet examen de lexpérience demande des capacités spécifiques qui font peut-être défaut...
La majorité des pays en développement, en particulier les moins avancés, nont ni les capacités ni les ressources voulues pour faire face à tous les problèmes dérivant du Cycle dUruguay ou tirer pleinement profit des possibilités qui en découlent, et, dans le même temps, se préparer pour le prochain cycle de négociations commerciales multilatérales. Conscient de cela, le Plan dAction du Sommet mondial de lalimentation invite la FAO et dautres organisations à continuer à aider les pays en développement à se préparer à des négociations commerciales multilatérales futures, de façon à pouvoir devenir des partenaires «bien informés» et égaux dans le processus de négociations, de tirer ainsi pleinement profit de leur participation et de ne pas être défavorisés.
Les problèmes que rencontrent le plus souvent les pays en développement pour respecter leurs engagements dérivant des négociations commerciales multilatérales sont les suivants:
· La capacité juridique/administrative est inadéquate et ne leur permet pas de sacquitter de leurs obligations en tant que Membres de lOMC, notamment de préparer les notifications, de défendre les intérêts de lagriculture de leur pays à lOMC, dévaluer limpact des réformes des politiques convenues à lOMC sur lagriculture, ou délaborer des systèmes de préservation des végétaux conformément aux prescriptions de lAccord sur les ADPIC.Que doivent faire les pays pour participer efficacement aux négociations futures sur la poursuite du processus de réforme et réaliser les objectifs qui y ont été fixés?· Les capacités nationales dans le domaine de la formulation des politiques sont insuffisantes dans les secteurs de lagriculture, des forêts et de la pêche, et les capacités analytiques inadéquates pour évaluer limpact des réformes des politiques proposées à lOMC.
· Les moyens scientifiques et administratifs et des infrastructures sont limités pour soccuper des normes alimentaires, des services dinspection phyto- et zoosanitaire et des prescriptions en matière dassurance de la qualité des importations des pays en développement.
· Il ny a pas de mesures de protection des végétaux, il est donc nécessaire pour tous les membres de lOMC, y compris les pays en développement sans expérience préalable dans de domaine, délaborer une réglementation rapide dans ce domaine, par des brevets ou par une législation sui generis, ou par une combinaison des deux.
· Les moyens manquent pour préparer et engager les négociations dans les prochains cycles de négociations commerciales multilatérales, notamment pour préparer/réviser les Listes nationales dengagements à soumettre à lOMC qui nécessitent des compétences supplémentaires et une capacité prévisionnelle au sein des ministères.
... aussi faut-il renforcer les capacités là où cest nécessaire...
Premièrement, il est indispensable de renforcer les dispositions administratives dans les pays. Malheureusement, il semble que, dune manière générale, les Ministères de lagriculture aient joué un rôle secondaire dans les négociations sur lagriculture du Cycle dUruguay. Les ministères de lagriculture doivent pour le moins être associés comme il convient aux préparatifs nationaux des négociations futures. Ceci pourrait nécessiter une coordination interministérielle et létablissement, le cas échéant, dunités familiarisées avec les questions traitées par lOMC au sein des ministères de lagriculture8. Il est également important dassocier le secteur privé aux travaux de préparation car les nouvelles politiques devront être opérationnelles et il faudra tirer profit des ouvertures daccès aux marchés qui ont été négociées.
8Pour améliorer leurs capacités institutionnelles, certains pays en développement ont établi une «cellule CU», au Ministère du Commerce, et des sous-cellules dans dautres ministères, notamment celui de lagriculture. Outre le fait quil sagit dunités gouvernementales, les cellules incluent des instituts universitaires/de recherche et le secteur privé.... ou les partager entre pays ayant les mêmes intérêts...
Deuxièmement, les pays doivent chercher à sallier avec dautres pays pour avoir plus de poids à la table des négociations. La constitution dalliances de ce type a quelques inconvénients - par exemple le fait que lattention ne soit pas centrée sur les intérêts spécifiques dun pays - mais cela peut être compensé par le fait que les grands groupes ont un poids plus grand dans les négociations. Les pays qui pourraient devenir des alliés sont nombreux, aussi cette tâche demande-t-elle un examen minutieux pour identifier des pays dont les problèmes sont à peu près similaires9. Plus les problèmes sont semblables, moins il est difficile darriver à des compromis politiques et donc dobtenir davantage grâce à une pression plus grande. La recherche dalliés doit dépasser le cadre des groupes déjà existants et ne pas être divisée suivant les clivages traditionnels Nord/Sud. De fait, le plus actif de ces groupes, le Groupe de Cairns, est un mélange des deux - et de nouveaux groupes peuvent se créer comme cela a été le cas durant le CU, comme le Groupe des pays importateurs nets de produits alimentaires ou le Groupe de Cairns.
9Une récente étude sur lAfrique montre quen agissant de concert, les blocs de pays auront des droits plus étendus dans les négociations (en vertu du principe du «principal fournisseur»). Cest notamment le cas pour deux blocs commerciaux régionaux, lUEMOA et la SADC. Voir Wang, Z.K. et Winters, L.A. (1997).Troisièmement, les pays doivent renforcer leur capacité déchange dinformation et leur accès à des études pertinentes en adhérant à des réseaux, en faisant réaliser leurs propres études, en comprenant les positions des principaux acteurs, en préparant des positions de repli au cas où les résultats seraient négatifs, en recherchant laide des organisations internationales, en faisant appel à des experts non gouvernementaux et, dune manière générale, en procédant à la sensibilisation sur le processus de 1999. Un bon exemple de la collaboration recherche/analyse en Afrique est la série détudes nationales et thématiques réalisées dans le cadre du projet Africa and the World Trading System, sous les auspices du consortium de recherche économique pour lAfrique (AERC)10.
10Voir Oyejide, T.A. (1998). Document préparé pour la réunion ad hoc de chercheurs et dexperts commerciaux concernant les négociations commerciales multilatérales futures. Le projet contient huit monographies nationales (Cameroun, Côte dIvoire, Ghana, Kenya, Maurice, Nigéria, Afrique du Sud et Ouganda).... en participant le plus possible ...
Quatrièmement, les pays devraient prendre une part active aux travaux de préparation qui sont en cours à lOMC, dans le cadre du processus danalyse et déchange dinformation du Comité de lagriculture. Evidemment, il est impossible que les pays qui ont peu de représentants à Genève puissent participer à toutes les réunions. Mais des progrès considérables peuvent être faits, notamment en faisant en sorte que toutes les informations pertinentes émanant des réunions de lOMC soient communiquées aux unités appropriées dans les capitales des pays; en identifiant des pays ou groupes de pays suffisamment représentés à lOMC et ayant les mêmes idées, afin de mettre au point un processus de consultations avec ces pays pour obtenir quelque assurance que leurs intérêts soient pris en compte dans les débats; et en renforçant les capacités dans les capitales de manière à fournir le soutien technique nécessaire aux représentants de Genève. De plus, les pays qui ne sont pas Membres de lOMC devraient étudier sérieusement les avantages que comporterait leur adhésion car cest probablement en faisant partie dune organisation qui compte déjà 131 pays membres et à laquelle 31 autres sapprêtent à adhérer quils auront le plus de possibilités de protéger leurs intérêts nationaux.
... et en profitant de lassistance technique
Enfin, et ce nest pas le moins important, les pays devraient profiter de lassistance technique fournie par des organisations internationales comme la Banque mondiale, lOMC, la CNUCED ou la FAO. En plus, il est important de souligner que les programmes dassistance technique sont particulièrement efficaces lorsque ce sont les pays qui définissent eux-mêmes leurs besoins de formation. A ce propos, les pays pourraient adopter une approche qui a fait ses preuves, à savoir former des groupes homogènes ayant les mêmes problèmes et les mêmes besoins de formation. Ceci permet également dassurer une formation au moindre coût, compte tenu des économies déchelle qui pourraient être réalisées dans les différents domaines techniques.
Ressources additionnelles
La FAO a publié une brochure sur les activités dassistance technique de lOrganisation liées au Cycle dUruguay11. Cette brochure décrit les secteurs spécifiques dans lesquels lOrganisation fournit une assistance technique aux pays en développement, à savoir lagriculture (y compris les pêches et les forêts), les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, et les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Très récemment, la FAO a ouvert une page intitulée Commerce des produits agricoles sur son site Internet12, dans le but de fournir des informations sur tout ce qui a trait au Cycle dUruguay.
11FAO (1999b).12 http://www.fao.org/ur
BIBLIOGRAPHIE
FAO. 1999a. Assessment of the Impact of the Uruguay Round on Agricultural Markets and Food Security. Update to CCP Document No. 99/12, October.
FAO. 1999b. Lassistance technique de la FAO liée au commerce international et linformation. Rome. (Disponible aussi sur Internet: http://www. fao.org/ur).
OMC. 1999. Guide to the Uruguay Round Agreements, Kluwer Law International and WTO Secretariat.
Oyejide, T.A. 1998. Africa and the World Trading System: a Note on Some Preliminary Results of an AERC Project, Paper prepared for UNCTADs ad-hoc Meeting of researchers and trade experts on future multilateral trade negotiations, Geneva, 21-22 September 1998.
Swinbank, A. 1998. «Will Agenda 2000 meet current and prospective WTO Commitments». The University of Reading, 20 mars 1998.
Wang, Z.K. et Winters, L.A. 1997. Africas Role in Multilateral Trade Negotiations: Past and Future. Washington, D.C., Banque mondiale.