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2. Les aliments de rue


2.1 Les types d’établissement
2.2 Les aspects opérationnels

Trois catégories principales d’aliments de rue ont été identifiées en Afrique: les plats cuisinés, les casse-croûte et les boissons. La plupart de ces aliments sont préparés à partir de produits locaux (céréales, tubercules, légumineuses, fruits et légumes, produits carnés) au moyen de technologies traditionnelles rarement améliorées. Quelques aliments moins traditionnels ou importés sont parfois utilisés, comme les pâtes alimentaires, les pommes de terre (frites), les sandwiches etc.

Les plats cuisinés comprennent ceux du «petit-déjeuner» à base de pain (y compris parfois sandwich, brochettes et omelette), beurre (margarine) et café ou thé au lait, des bouillies de céréales, de haricots ou de tubercules (aklui, koko, monie, tiakry, abobo, adowe, atassi, etc.) et ceux du «déjeuner» ou «dîner» qui sont souvent les aliments traditionnels que l’on retrouve aux menus familiaux. Ces repas sont constitués d’un élément de base de nature glucidique (dérivé de céréales, de tubercules, etc.) et de la sauce (ou friture) à base de légumes, légumineuses, viande ou poisson. La nature de ces éléments varie selon la zone considérée dans la région et dépend des cultures vivrières réalisées (tô, amiwo, monyo, fufu, gombo, attieke, riz gras, thiebu djienne, yassa). Mais avec le développement des échanges entre les pays, on assiste à la diffusion de certains plats dans toute la sous-région. Les casse-croûtes pour leur part, peuvent être les mêmes produits que ceux proposés pour le «petit-déjeuner», mais aussi des beignets, des arachides, nougats, pains, biscuits et pâtisseries plus ou moins à l’occidentale, et des produits laitiers (lait caillé). Les viandes et poissons grillés sont aussi couramment proposés et consommés. Dans la catégorie des boissons, l’eau (sachets plastiques, réfrigérée ou non) est une des principales boissons vendues. Dans l’ensemble, les boissons traditionnelles (tchakpalo, dolo, jus de gingembre, de bissap, etc.) sont plus vendues que les boissons industrielles.

Les technologies de transformation utilisées dans le secteur proviennent du patrimoine culturel et technique local. Ce sont des technologies domestiques transmises à travers un procédé accompagné d’une communication gestuelle et orale.

Le secteur de l’alimentation de rue est varié. Il comprend des établissements de «transformation et vente», des petits commerces alimentaires, une restauration de rue fixe et une alimentation ambulante.

2.1 Les types d’établissement

Le «transformateur-vendeur» assure à la fois la production (chez lui ou sur le lieu de vente) et la commercialisation des aliments. Les exploitations impliquées sont généralement de petite taille et gérées par des femmes. Le petit commerce des aliments, quant à lui, assure à la fois la distribution des aliments traditionnels et celle de produits industriels. Ce sont ici de simples revendeurs. Ils exercent un commerce individuel qui constitue souvent un tremplin pour d’autres activités. Diverses catégories sont observées: les opératrices qui s’approvisionnent en fruits, pains, gâteaux, biscuits, boissons; les jeunes filles en début de carrière pour l’eau, les confiseries, beignets; les jeunes gens pour la revente de boissons industrielles dans des chariots réfrigérés.

La restauration de rue fixe regroupe des restaurants traditionnels dits «gargotes». Ce sont des établissements de structure plus ou moins permanente, gérés de façon individuelle, et qui proposent des repas ou des plats cuisinés. La préparation des aliments se fait souvent sur le lieu de vente. Parfois, ils sont préparés à domicile et transportés sur le lieu de vente. Ces établissements emploient souvent des aides familiaux et quelques employés salariés.

La restauration ambulante se caractérise par une petite production, une faible diversité des plats proposés, et l’inexistence de structures de vente. C’est surtout le domaine des femmes. Les aliments sont préparés à domicile et transportés sur le lieu de vente par les productrices.

Dans l’ensemble de la sous-région, les «producteurs-vendeurs» sont les plus nombreux. Ils représentent environ 70 pour cent des vendeurs d’aliments de rue.

2.2 Les aspects opérationnels

Pour la réalisation de leurs activités de production et de vente, les établissements d’alimentation de rue entretiennent des rapports spécifiques avec différents secteurs. Ces rapports sont directs ou indirects par le biais des commerçants et permettent d’assurer les divers approvisionnements (matières premières, matériels et équipements) ainsi que les prestations nécessaires au fonctionnement de ces établissements (agents de transformation, propriétaires publics ou privés des terrains où ils opèrent, riverains autorisant l’activité, loueurs, municipalités prélevant les taxes, etc.). Tous les acteurs de l’alimentation de rue fonctionnent avec des règles non écrites: le contrat verbal constitue le moteur juridique du secteur informel. On ne saurait se féliciter du dynamisme contractuel de ce secteur si ces liens n’étaient d’abord dominés par l’ignorance et l’insécurité juridique, facteurs qui pénalisent l’investissement et le développement du commerce. Ces activités génèrent de nombreux jeux d’intérêts où apparaissent alors les intervenants habituels de l’informalité qui sont pour l’essentiel les personnes susceptibles de tirer partie ou profit de la situation de vulnérabilité des opérateurs du secteur.

D’une façon générale, les opérateurs s’approvisionnent en matières premières agricoles sur les marchés, et chez des commerçants grossistes qui s’approvisionnent eux-mêmes directement en milieu rural. Certains s’approvisionnent auprès des producteurs ou sur les marchés ruraux proches des villes où ils ont souvent des relations familiales.

Les produits animaux frais, tels que les poissons et les œufs sont acquis directement auprès de revendeurs sur les marchés ou auprès de producteurs urbains (pêcheurs maritimes ou lagunaires, éleveurs avicoles).

Les produits finis ou semi-finis nécessaires (riz, pâtes alimentaires, boissons industrielles) sont achetés chez des commerçants ou entreprises de production.

Ces différents achats se font généralement au comptant. Cependant, pour certains produits (maïs, sorgho, riz, farine, pain, huile, viande), les opérateurs disposent de fournisseurs permanents avec lesquels ils nouent des relations sociales particulières et qui acceptent de leur faire crédit, à l’avantage marqué pour le commerçant cependant.

De nombreux matériels de production et vente sont issus de l’artisanat local (forgerons, potiers, fondeurs, menuisiers). Les matériels plastiques sont, par contre, achetés chez les commerçants et sont issus du secteur industriel. Ces achats sont effectués au comptant.

Les opérateurs du secteur de l’alimentation de rue réalisent toutes leurs opérations de production et de vente. Cependant, pour diverses raisons (pénibilité de l’opération, caractère rural du travail, efficacité du travail mécanisé), certaines tâches sont confiées à des prestataires de service: les «pileuses» pour décortiquer le mil (Dakar, Bamako, Banjul) par exemple; les meuniers pour la mouture des graines végétales, cossettes de tubercules, tomates. A Cotonou, par exemple, 659 moulins ont été recensés (un moulin pour 630 habitants environ). Plus de 300 opérateurs y font moudre environ 72 tonnes de produits, dont 90 pour cent de maïs. On peut aussi citer les fournisseurs de feuilles végétales, essentiellement des femmes rurales venant en ville pour l’emballage de produits divers, les fournisseurs d’emballage industriel qui se recrutent parmi les couches les plus pauvres de la population, et les vendeurs de bois et de charbon. Les travaux de ces prestataires de service sont rémunérés diversement en fonction de la nature du produit traité ou fourni, du travail effectué, du niveau de vie de la localité, etc. Les «aides» sur les postes de préparation et de vente sont, quant à eux, soit non rémunérés (aides familiaux), soit peu rémunérés (employés salariés).

La journée de travail des opérateurs du secteur est longue (en moyenne 10heures). Les activités recouvrent l’approvisionnement en matières premières, la préparation, la vente, le nettoyage des ustensiles et autres matériels et structures.

La phase des achats se fait tôt le matin ou la veille. Quelques opérateurs constituent des stocks pour certains produits de longue conservation (riz, maïs, mil, etc.). Cette phase d’approvisionnement demande relativement peu de temps.

Par contre, la phase de la préparation des aliments est très longue. La plupart des opérations technologiques sont manuelles et grandes consommatrices de temps. Certains de ces produits sont donc stockés sous forme de produit semifinis pour plusieurs cycles de production.

La commercialisation requiert également du temps. La durée de vente dépend du type d’activité. Les vendeurs de courte durée sont majoritaires: ils travaillent pour le petit déjeuner, le déjeuner ou le dîner, et une rotation des vendeurs sur un même emplacement a été observée. Ce type de vente permet de concilier plus facilement les activités commerciales et les activités domestiques. Les vendeurs de longue durée sont installés surtout dans des structures fixes et disposent de nombreux aides pour les diverses opérations.

D’une façon générale, les opérateurs préparent la quantité d’aliments pouvant être écoulée dans la journée. Dans tous les cas, les invendus sont recyclés, voire consommés par la famille et les aides.

Le nettoyage de la vaisselle et des lieux de vente est souvent effectué par des aides, même si les conditions sanitaires requises pour ce type d’opération ne sont pas suivies.


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