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PARTIE I. CONTEXTE DE L’AQUACULTURE COMMERCIALE


CHAPITRE 1. INTRODUCTION
CHAPITRE 2. CONCEPT D’AQUACULTURE COMMERCIALE DURABLE
CHAPITRE 3. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE L’AQUACULTURE COMMERCIALE
CHAPITRE 4. CONDITIONS PRÉALABLES AU SUCCÈS DE L’AQUACULTURE COMMERCIALE

CHAPITRE 1. INTRODUCTION


Justifications et objectifs de l'étude
Cadre méthodologique
A propos du rapport

Justifications et objectifs de l'étude

Les études les plus récentes de la FAO sur l’offre et la demande de poisson et des produits halieutiques prévoient un accroissement important de la demande dans les années à venir. La majorité de cet accroissement aura pour origine le développement économique escompté, l’augmentation de la population et les modifications des habitudes alimentaires (Ye, 1999). L’offre provenant de la pêche devrait se maintenir, voire diminuer (FAO, 2000). En réalité, dans la majorité des pays, le tonnage de capture a atteint ou est proche du maximum soutenable. Ceci implique qu’une augmentation des productions aquacoles pourrait réduire le déficit en poissons attendu et l’augmentation relative des prix qui en résulte, faisant ainsi du poisson disponible à une plus large gamme de consommateurs. L’aquaculture peut aussi créer des emplois, ce qui procure des revenus pour l’achat de nourriture et d’autres biens matériels, tous effets qui améliorent la sécurité alimentaire et allègent la faim.

Les spécialistes admettent qu’avec les ressources existantes et les progrès technologiques, la production aquacole peut être accrue d’une manière durable. L’Afrique est bien placée pour faire partie de cette expansion. En termes de ressources, le continent possède de vastes collections d’eaux continentales dont les plus grandes couvrent 520 000 km2. On estime à près de 43 pour cent la superficie de l’Afrique continentale possédant un potentiel pour l’élevage du tilapia, du poisson chat et de la carpe. Près de 15 pour cent de cette superficie est «très favorable», avec 2 récoltes possibles par an de tilapia du Nil et 1,7 récoltes/an de silure africain. Presque 23 pour cent de la superficie de l’Afrique méridionale conviennent à l’élevage commercial du tilapia et du silure africain, avec moins de 5 pour cent présentement utilisés (Kapetsky, 1996; Nath et Aguilar-Manjarrez, 1998). De plus, la majorité des pays africains possèdent une main-d’œuvre relativement bon marché.

Pourtant, en 1998, l’Afrique qui abrite environ 12 pour cent de la population mondiale a produit à peu près 185 817 tonnes de poisson, crustacés et mollusques, contribuant seulement pour 0,6 pour cent de la production mondiale (FAO, 1998). L’expérience de l’Asie, où près de 89 pour cent de la production aquacole mondiale a été produite, et d’ailleurs, montre que l’aquaculture s’est développée surtout à cause de son orientation commerciale et parce qu’elle a bénéficié d’un environnement favorable. Cet environnement a consisté en bonnes politiques gouvernementales. L’objectif global de la présente étude est de passer en revue les politiques mises en place pour développer l’aquaculture commerciale dans différents pays. Son objectif spécifique est d’examiner les politiques qui pourraient être utilisées pour promouvoir l’aquaculture commerciale là où elle n’a pas démarré, et renforcer cette activité là où elle existe mais n’est pas encore solidement implantée. Une attention particulière est portée sur l’Afrique subsaharienne.

Cadre méthodologique

L’information rapportée dans ce document a deux origines. Des études ont été commandées en Afrique subsaharienne et en Amérique Latine. Les pays dans lesquels ces études ont eu lieu incluent la Côte d’Ivoire, Madagascar, Malawi, Mozambique, Nigeria, et Zambie en Afrique, et Costa Rica et Honduras en Amérique latine. En 1998, la production aquacole de ces six pays africains représentait plus des trois quarts de la production de la Région1 (FAO, 1998). Ces études menées en Afrique visaient à dresser un tableau complet de l’aquaculture commerciale: les aspects socio-économiques, le marché, la politique, les aspects juridiques, réglementaires et institutionnels. En Amérique Latine, le but était d’apprendre des expériences non africaines, et de voir lesquelles de ces expériences pourraient être appliquées en Afrique. Les facteurs économiques et politiques qui ont conduit au développement de l’industrie aquacole dans ces pays latino-américains ont été analysés.

Afin de fournir à la formulation des politiques un processus participatif de la base vers le sommet, un consultant a été recruté pour chaque étude en vue de mener des interviews d’éleveurs et d’autres parties prenantes. La plupart des consultants étaient originaires des pays étudiés. Des questionnaires ont été élaborés pour rassembler les informations. L’absence de bases de données dans certains pays pour confirmer le nombre d’éleveurs a obligé à adopter une technique d’échantillonnage rudimentaire. De plus, les contraintes budgétaires interdisaient des enquêtes exhaustives. Cependant, les études ont couvert généralement plus d’une région de chaque pays, et un échantillonnage aléatoire des fermes commerciales durables a été réalisé dans chaque région sélectionnée.

Les interviews des producteurs ont permis d’identifier les contraintes, le marché et les politiques possibles, en plus de rassembler les données techniques et financières. On a demandé aux producteurs de s’exprimer sur les difficultés ou obstacles rencontrés pour accroître la taille de leurs fermes, et aux nouveaux venus, les contraintes qu’ils rencontraient dans ce secteur. On a essayé de préciser la demande de poissons et celle d’autres facteurs nécessaires à la réussite de l’aquaculture commerciale. Les éleveurs ont été demandés de suggérer les politiques qui pourraient promouvoir l’industrie. L’étude n’a inclus que les fermes à orientation commerciale et qui paraissaient «durables».

La durabilité exige un nombre de critères. Pour être durable, une ferme doit être financièrement indépendante, socialement acceptable et neutre du point de vue de l’environnement. Ainsi, suivant ces critères, la durabilité dépend en partie de l’échéance. Une durabilité dans le court terme peut être trompeuse si des impacts négatifs au niveau économique, environnemental ou social prennent du temps pour se matérialiser. Pour prendre en compte cette dimension de temps, on a estimé que seules les fermes en production depuis au moins trois ans, sans aide gouvernementale directe ou autre don financier, avaient prouvé leur durabilité. Une telle durée est certes arbitraire, mais seules les fermes présentant ce critère ont été retenues dans l’étude.

D’autres sources d’informations ont paru nécessaires pour obtenir une vision objective du secteur et de ses contraintes. Les banquiers, les vendeurs détaillants des poissons et agents des gouvernements ont été interviewés. Ils ont tous été encouragés à suggérer les politiques qui pourraient promouvoir l'industrie.

L’étude s’est particulièrement intéressée à trois espèces, même si l’analyse et les résultats peuvent être étendus à d’autres. Ces trois espèces étaient le tilapia2, le poisson-chat et la crevette. En 1998, ces trois espèces représentaient plus de la moitié de la production aquacole en Afrique subsaharienne.

A propos du rapport

Les résultats de cette étude sont décrits dans quatre rapports: (1) Un cadre politique pour développer l’aquaculture commerciale en Afrique subsaharienne, (2) Une analyse de la faisabilité économique de l’aquaculture commerciale dans les pays étudiés, comprenant les implications politiques sur le développement du secteur, (3) Un rapport décrivant les mécanismes du marché du poisson d’élevage, et (4) Une étude du cadre juridique dans lequel l’aquaculture commerciale pourrait être développée en Afrique subsaharienne. Le présent Document Technique des Pêches est le premier de deux volumes sur le cadre politique établi pour développer l’aquaculture en Afrique subsaharienne. Cette première partie est une étude générale des politiques de développement implantées dans plusieurs pays. La deuxième se penchera entièrement sur les pays subsahariens.

Le présent rapport se compose de deux parties: la première décrit les concepts d’aquaculture commerciale durable, ses atouts et ses contraintes, et les conditions préalables au développement de l’aquaculture commerciale. La seconde partie décrit les politiques de développement de l’aquaculture commerciale durable. Ces politiques sont décrites en termes de: celles qui ne sont pas spécifiques au secteur, celles qui sont spécifiques au secteur au niveau macro-économique, et celles qui sont spécifiques au secteur au niveau de la ferme. Ces politiques sont résumées sous forme de guide général destiné aux décideurs. Une courte conclusion est présentée à la fin du rapport.

CHAPITRE 2. CONCEPT D’AQUACULTURE COMMERCIALE DURABLE

Ce texte utilise la définition de l’aquaculture retenue par la FAO à savoir «l’élevage d’organismes aquatiques, comprenant les poissons, les mollusques, les crustacés et les plantes aquatiques». Cet élevage comprend certaines formes d’interventions dans les procédés mis en œuvre pour améliorer la production, telles que l’empoissonnement régulier, l’alimentation, la protection contre les prédateurs, etc. L’élevage implique aussi la propriété individuelle ou collective des productions. Cette étude se concentre sur l’aquaculture commerciale, et en particulier sur l’élevage commercial des poissons et crustacés (crevettes).

Bien que plusieurs définitions soient possibles, cette étude définit l’aquaculture commerciale comme des opérations d’élevage visant à maximiser les profits, où les profits sont des revenus moins les charges (peut-être escomptés). Ces élevages peuvent en fait ne pas être rentables à court terme, mais visent un bénéfice maximum, et s’ils ne dégagent pas de bénéfices, ils minimisent les pertes. L’aquaculture commerciale n’est pas une alternative à l’aquaculture rurale3 mais en est plutôt un complément. Si l’on considère les systèmes utilisés en aquaculture comme une suite d’activités économiques, commençant par celles exclusivement tournées vers l’autoconsommation, terminant par celles entièrement tournées vers la commercialisation, on pourrait soutenir que l’aquaculture commerciale ne concerne que des productions destinées au marché, alors qu’à l’autre extrême, l’aquaculture rurale ne représenterait qu’une aquaculture de subsistance. Les élevages qui se situent entre ces deux extrêmes seraient alors soit dans un groupe soit dans l’autre suivant le niveau de production vendue ou consommée. Néanmoins, en aquaculture rurale, les producteurs peuvent vendre4 l’ensemble de leur production et dégager quelques profits. Ils considèrent souvent le poisson comme une culture de rente leur permettant d’acquérir des biens de consommation courante, mais le but de l’aquaculture rurale est moins de maximiser le profit que l'utilité personnel et répartir les risques grâce à la diversification des productions. Ainsi, bien que l’attitude du producteur face au marché et à la consommation soit un facteur important, la distinction entre l’aquaculture commerciale et non-commerciale, telle qu’elle est présentée dans ce document, ne porte pas sur le fait que le poisson soit vendu ou non. Elle repose en premier lieu sur l’existence ou non d’une production orientée vers le marché et, en second lieu, sur les moyens de paiement des facteurs de production comme la main-d’œuvre (Harrison, 1997).5

Tandis que les fermes non-commerciales comptent en premier lieu sur la famille pour la main-d’œuvre, les fermes commerciales tendent à employer la main-d'œuvre salariée6. La source de main-d'œuvre salariée peut varier. Les grandes entreprises ont tendance à faire venir de la main-d’œuvre de loin, tandis que les fermes de taille moyenne comptent davantage sur le personnel local (Mulluk et Bailey, 1996).

Les fermes commerciales peuvent avoir accès au crédit institutionnel pour obtenir des capitaux, peut-être parce qu’elles ont des garanties. Il arrive aussi que les propriétaires possèdent du capital, ce qui leur permet d’éviter le recours au crédit. D’autre part, les fermes non commerciales doivent fréquemment emprunter de la famille ou des proches (ce qui induit des coûts d’opportunité élevés), ou emprunter des usuriers. Ainsi, les fermes commerciales ont-elles tendance à avoir des coûts inférieurs des capitaux que les fermes non commerciales. Il en résulte que les premières ont généralement tendance à avoir un meilleur ratio du revenu sur capital que les secondes. Il s’ensuit qu’en cas de substitution d’intrants, les techniques de production dans les fermes commerciales seront à haute intensité du capital et à basse intensité de main-d'œuvre. De plus, à cause de l'intensité plus grande du capital, les fermes commerciales (particulièrement les élevages industriels intensifs) présentent des ratios plus élevés de production-terre ou production-eau, et produisent des tonnages plus importants que les fermes non commerciales (SEMARNAP, 1999).

Différentes technologies et objectifs de l’élevage déterminent l’emplacement d’une ferme. Les fermes non-commerciales dépendent peu de l’achat d’intrants et peuvent par conséquent être établies en zone rurale; la production non consommée en famille est vendue aux voisins, et souvent sur la ferme. Par contre, les fermes commerciales doivent à la fois acquérir les intrants, souvent en grandes quantités, et vendre leur production à l’extérieur de la ferme. Ces nécessités d’acquisition et de vente exigent des sites où les routes sont adéquates et donnent un accès facile à un bon nombre d'acheteurs lorsque la production est destinée à la consommation locale. Dans de nombreux cas, cela implique que la ferme soit située en zone urbaine ou péri-urbaine. Un emplacement en zone rurale, voire isolé, convient dans le cas d’installations industrielles de grande taille à production complètement intégrée, comprenant en amont la production d’intrants - aliments et alevins - et en aval, la chaîne de transformation et de vente destinée à l’exportation. Cette situation peut même être préférable compte tenu de coûts de production plus bas et d’une meilleure qualité d’eau. On admet que les meilleures crevettes d’élevage au monde sont produites à Madagascar, où la majorité des fermes sont situées dans des zones isolées encore indemnes de pollution. Un emplacement isolé est un des moyens de diminuer les risques de maladies et de vols. De plus, cela donne une plus grande liberté dans l’installation des infrastructures de production.

La distinction décrite ci-dessus entre les deux formes d’élevage est compatible avec la classification établie sur le plan bio-technique. D'une part, les fermes non commerciales utilisent en général des méthodes d’élevage extensives ou semi-intensives (Ling et al., 1999). D’autre part, les fermes commerciales peuvent se situer entre des entreprises utilisant des techniques semi-intensives (dans le cas de tilapia, élevage utilisant à la fois les engrais et les granulés) et celles utilisant des techniques intensives (sans engrais et seulement l'aliment) (Pillay, 1997). Les grandes fermes industrielles appréhendent d’une meilleure façon les méthodes de contrôle et de production (Little, 1998). Le Tableau 1 résume les caractéristiques principales distinguant l’aquaculture commerciale de l’aquaculture non commerciale (rurale).

Les indicateurs de l’aquaculture durable sont au premier rang dans la littérature. Ils comprennent les facteurs économiques, sociaux et environnementaux (Barg et Phillips, 1997; Tisdell, 1995). C'est-à-dire, pour être qualifiée de durable, l’aquaculture commerciale doit permettre d’obtenir de bons retours sur investissements. Cela signifie que non seulement ces retours doivent être positifs, mais aussi doivent-ils être supérieurs ou au moins égaux à ceux obtenus dans des activités semblables. S’il n’y a pas de génération de profit, la ferme doit fermer ou avoir recours à des subventions, grevant le budget du pays. En cas de bénéfices produits mais moindres que ceux obtenus dans des activités similaires, les fermiers auront tendance à abandonner l’aquaculture au profit d’opportunités meilleures. La condition que des fermes soient profitables exclut les fermes qui, puisque subventionnées, visent à maximiser les ventes ou la production sans se soucier des coûts. Ces fermes n’ont le plus souvent pas été durables, une fois que les subventions se sont arrêtées (Soma et al., 1999). En conséquence, l’aquaculture doit être autosuffisante financièrement. En plus, le niveau de bénéfices doit être stable, ce qui veut dire que les taux de mortalités et les prix des intrants et des produits ne doivent pas être trop changeants. Cela est dû à l'attitude de prévention des risques des fermiers et des créanciers potentiels. En troisième lieu, les espèces cultivées et les méthodes d’élevage doivent être communément acceptées et obéir à des normes culturelles, sociales et des normes en matière de genre. Cela suppose que les bénéfices reviennent à une large gamme socio-économique et non pas uniquement à une certaine élite. Dans certains cas extrêmes, l'aquaculture profitable a créé des jalousies et conduit à des désordres sociaux. (Pillay, 1996). De même, le développement du secteur doit coexister avec d’autres activités, comme les pêches commerciales. Des problèmes religieux peuvent handicaper le développement de l’aquaculture. Au cours des années 1960 et 1970, quelques Etats de l’Inde n’autorisaient pas l'empoissonnement des étangs communaux parce que le mouvement Arya Samaj considérait la récolte de poisson comme un péché. Des tentatives dans ce sens ont ainsi créé des situations violentes (Bhatta,1999). En quatrième lieu, l’aquaculture doit être à long terme respectueuse de l’environnement. Le développement durable implique l’équité entre générations successives. C’est-à-dire que le bien-être potentiel des générations futures soit au moins aussi élevé que le bien-être actuel. L’équité entre générations demande que les biens naturels, comme ceux qui sont créés par l’homme, soient maintenus à l’avenir.

Tableau 1. Quelques-unes des principales caractéristiques des fermes commerciales et non commerciales.

Principales caractéristiques

Fermes non commerciales

Fermes commerciales de taille moyenne7

Fermes commerciales de grande taille

Objectif principal

Maximiser l’utilité familiale; diversifier les risques

Maximiser les profits

Maximiser les profits

Situation géographique principale

Rurale/péri urbaine/urbaine

Péri urbaine/urbaine/rurale

Péri urbaine/urbaine/rurale

Marché Principal

Domestique (famille/rural)

Domestique (revenu moyen/urbain)

Exportation; domestique (urbain)

Intrants









Main-d’œuvre

Familiale non payée

Rémunérée/origine locale

Rémunérée/locale, éloignée

Capital

Actions

Actions et endettement

Actions et endettement

Semences

Surtout de l’extérieur

Autres écloseries

Ecloseries propres

Engrais

Pas utilisés/organiques

Organiques

Pas ou limités (minéraux)

Aliments

Pas utilisés/déchets

Déchets/compléments

Equilibrés

Taille des étangs/systèmes

Petite taille

Grands étangs

Grands étangs

Dépendance des écloseries des autres

Faible à moyenne

Moyenne à élevée

Basse

Principaux bénéficiaires

Famille

Propriétaire, négociants, consommateurs urbains, population locale

Actionnaires, transformateurs, gouvernements, entrepreneurs, population locale

Quelques autres intervenants

Marchands de semences

Transporteurs

Co-utilisateurs d’intrants

Principales contraintes

Semences et aliments

Semences, aliments et crédit

Coût des intrants, contrôle de la qualité de l’environnement

Emploi par unité de surface/quantité d’eau (L/E)

Elevée

Moyenne

Basse

Ratio capital/travail (K/L)

Bas

Moyen

Elevé

Ratio production/travail (P/L)

Bas

Moyen

Elevé

Salaires moyens

Bas (imputés)

Moyens

Elevés

Rendement moyen par unité de surface/volume d’eau (P/E)

Bas

Moyen

Elevé

CHAPITRE 3. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE L’AQUACULTURE COMMERCIALE

La discussion sur les coûts et bénéfices de l’aquaculture commerciale donne un aperçu des raisons pour lesquelles les gouvernements mettent en place des politiques visant à promouvoir l’aquaculture commerciale. Les expériences menées en Asie, et également ailleurs, ont montré les bénéfices que l’on pouvait tirer de l’aquaculture commerciale, mais aussi ses inconvénients. La production de protéine de poisson en aquaculture commerciale peut contribuer directement à la diminution de la pauvreté et à l’amélioration de la sécurité alimentaire. Le poisson est important dans le régime alimentaire des Africains: l’Afrique vient en deuxième place après l’Asie pour le ratio protéine de poisson sur protéines animales totales. Tandis que l’Afrique a le plus bas chiffre de consommation de poisson par habitant (7 kg en 1997) et la plus faible consommation de produits aquacoles, en 1997 le poisson représentait 17,2 pour cent du total des protéines animales, contre 24,6 pour cent en Asie, 7,3 pour cent en Amérique du sud, et une moyenne mondiale de 16,5 pour cent (FAO, 1999). Les pays d’Afrique subsaharienne où le poisson a représenté plus de 60 pour cent des protéines animales en 1997 étaient la Guinée Equatoriale (avec 62 pour cent), la Gambie (62 pour cent), le Ghana (63 pour cent) et la Sierra Leone (63 pour cent). Ainsi, dans de nombreuses régions d’Afrique, l’aquaculture commerciale possède un marché où les consommateurs sont déjà habitués au poisson. Cette situation s’explique en partie par un prix accessible au plus grand nombre: dans la plupart des pays d’Afrique, le poisson est généralement moins cher que les autres protéines animales. Une étude menée au Zimbabwe a montré que les consommateurs préféraient le poulet et la viande de bœuf au poisson, mais le prix de ce dernier le place en tête des protéines animales, la viande étant trop chère pour la majorité des consommateurs (Sen, 1995). Ce résultat suggère que, pour la majorité de la population, l’élasticité par rapport au revenu de demande pour le poisson est plus basse que pour la viande, et que les légumes et les haricots (plutôt que la viande) sont des substituts du poisson (Delgado et McKenna, 1997). Cependant il existe un groupe social plus aisé pour lequel le goût est aussi important que le prix, et qui est prêt à payer pour le poisson plus cher tel que le tilapia ou la truite (Sen, 1995).

L’aquaculture commerciale contribue également à la sécurité alimentaire en milieu urbain en créant des emplois, et par conséquent des revenus, permettant d’acheter des aliments. Au Chili, les fermes d’élevage de saumon emploient 30 000 personnes dont la majorité vivent dans des villes isolées du sud (Infante, 1999). Au niveau mondial, l’élevage commercial de crevette emploie près d’une personne par tonne produite, soit environ un million (Globefish, 1999). Le nombre d’emplois est même plus élevé quand on considère les effets multiplicateurs. Indirectement, l’aquaculture commerciale crée des emplois dans les secteurs annexes. Une estimation brute du coefficient multiplicateur d’emplois est d’un emploi indirect pour deux emplois directs dans le cas d’élevage de saumon. Sur les 30 000 emplois au Chili, un tiers sont des activités auxiliaires (Infante, 1999). Dans le cas des élevages de crevettes au Sri Lanka, on estime qu’un emploi indirect vient d’un emploi direct (Siriwardena, 1999). Aux Etats-Unis, les emplois directs dans la production et la transformation ne représentent que 10 pour cent du total des emplois du secteur (Dicks et al., 1996). Le secteur de la distribution, du détail et des services représente les deux tiers des emplois, auxquels il faut ajouter 22 pour cent dans les activités aval. Dans l’ensemble, le coefficient multiplicateur est estimé à 3,3 aux USA (Dicks et al., 1996). Hishamunda (2000c) estime ce coefficient à 1,4 dans les élevages de crevettes à Madagascar.

Les emplois en aquaculture commerciale sont relativement bien rémunérés. La recherche du profit maximum pousse les fermes commerciales à employer et conserver la main-d’œuvre seulement lorsqu’elle est justifiée par une augmentation de la production. Les entreprises paient la main-d’œuvre salariée la valeur de son produit physique marginal. Comme les ouvriers sont en concurrence pour garder leur emploi ou obtenir des salaires plus intéressants, le ratio production-travail ou productivité du travail aura tendance à être plus élevé sur les fermes commerciales. En conséquence, les salaires payés sur les fermes commerciales sont-ils plus élevés que les salaires imputés ou la valeur du produit physique moyen sur les fermes non commerciales. C’est le ratio production-travail qui dicte les conditions de vie et finalement le niveau de diminution de la pauvreté. En salmoniculture, ce ratio est en hausse, ce qui réduit l’incidence de l’emploi issue de l’augmentation de la production mais augmente les salaires de ceux qui sont employés. Sur les fermes de crevettes en Asie, une étude a montré que les salaires étaient deux à trois fois plus élevés que le salaire minimum en milieu rural (Patmasiriwat, 1997). En Côte d’Ivoire, les deux ratios production-travail et production-surface sont plus élevés en aquaculture qu’en riziculture, montrant ainsi que l’aquaculture offre de meilleurs revenus et permet de réduire la pauvreté (Oswald et al., 1996). De même en Thaïlande, le fait que la majorité des élevages intensifs de crevettes soient menés par d’anciens riziculteurs ou pêcheurs, montre que les bénéfices sont plus élevés avec cette production qu’avec les autres activités (Philipps, 1997). Une étude réalisée en Thaïlande a classé l’élevage de crevettes en seconde position après le commerce comme source de revenus (Boonchuwong, 1994).

En plus des incidences bénéfiques sur la création d’emplois et la productivité du travail, l’aquaculture commerciale contribue à l’équilibre fiscal national. Sur le plan des revenus, l’aquaculture commerciale, lorsqu’elle réussit, paie des impôts et contribue ainsi aux recettes de l’Etat. En retour, les recettes fiscales financent des infrastructures sociales telles que les soins de santé et l, éducation, ce qui diminue le niveau de pauvreté. L’évidence montre que la croissance économique et la diminution de la pauvreté vont de pair (Sachs, 1998). Sur le plan des dépenses, l’aquaculture commerciale présente l’avantage d’être bâtie plus sur des fonds privés que sur des fonds publics8. Dans un contexte fiscal difficile, cette indépendance par rapport à l’argent public donne au secteur son autonomie et augmente les chances d’être durable. De plus, le secteur privé inclut les risques financiers: il est responsable en cas de défaillance.

L’aquaculture commerciale peut également être une source de devises. En 1995 les exportations de crevettes d’Asie ont représenté 5,2 milliards de dollars. La Polynésie française rapporte davantage de devises grâce à la culture de perle noire qu’avec le tourisme (Tanaka, 1997). Au Chili, le saumon a représenté plus de 700 millions de dollars d’exportations en 1998. Au Honduras, la crevette est au troisième rang des exportations avec plus de 150 millions de dollars par an. A Madagascar où l’élevage de crevette est récent et où seuls 2 pour cent du potentiel sont exploités, les exportations ont représenté 49,2 millions de dollars en 1999 (Hishamunda, 2000c). Cependant, ces chiffes ne représentent pas nécessairement des exportations nettes qui sont le propre indicateur de la contribution du secteur à l’apport de devises. Dans les pays où les machines (comme les aérateurs) et les intrants (l’aliment) sont importés, le coût des importations devrait être déduit des rentrées brutes de devises. L’aliment représente à lui seul 50-60 pour cent du coût de production des crevettes; ainsi, lorsque non seulement l’aliment, mais aussi les aérateurs, les pompes, et générateurs sont importés comme c’est le cas au Sri Lanka et dans la majorité des pays africains au sud du Sahara, ces coûts devraient être déduits. Les gains en devises nets provenant de l’élevage de crevettes au Sri Lanka ont représenté 75 pour cent du total des rentrées de devises entre 1992 et 1996 (Siriwarena, 1999). Une étude menée dans quatorze pays asiatiques a montré que dans les justifications de l’aquaculture, les gains en devises venaient seulement en deuxième place derrière la création d’emplois (FAO-NACA, 1997). Même en cas de consommation locale, la production de l’aquaculture commerciale peut remplacer les importations et ainsi économiser des devises.

L’aquaculture commerciale peut aussi créer d’autres effets positifs. Lorsqu’elle est localisée en milieu rural isolé, ce sont des infrastructures améliorées, le développement de petites communautés, et une incitation pour les jeunes à ne pas émigrer en ville. Les sociétés de production de crevette à Madagascar ont construit des routes, des écoles, des cliniques et des adductions d’eau potable. Ces facilités ainsi que la création d’emplois ont attiré des gens de tous les coins du pays, en particulier ceux des communautés rurales proches de ces fermes. La société AQUALMA s’est installée près d’un village de 30 habitants; six ans plus tard, la population s’élevait à 3 000 habitants.

Enfin, l’aquaculture commerciale peut stimuler la recherche et le développement technologique, l’industrie elle-même en finançant une partie. C’est le cas en Norvège, au Chili et en Thaïlande.

L’aquaculture commerciale peut aussi engendrer des coûts, en particulier dans le cas des élevages de crevettes (Greenpeace International, 1999). Elle peut conduire à une distribution injuste de revenus et créer des conflits sociaux. Ces derniers naissent lorsque les fermiers traditionnels subissent des dégradations environnementales comme l’augmentation de la salinité des sols et des nappes phréatiques, des inondations dues aux digues, et de la pollution des cours d’eau par les rejets des fermes. Un sentiment de jalousie naît aussi du succès de l’aquaculture commerciale (Pillay, 1996). L’animosité au sein des communautés peut être plus forte lorsqu’une élite, locale ou étrangère, domine l’industrie. Au Bangladesh, l’élevage de crevettes a créé des conflits sur les pratiques d’embauchage et sur la location des terres (Rhaman, 1999). La plupart des fermes dans ce pays préfèrent employer de la main-d’œuvre non locale, la considérant comme plus honnête, ce qui a créé des conflits avec la population locale. La location des terres est devenue une source de conflits puisque les éleveurs ne paient pas souvent leur redevance et se sont cachés derrière l’élevage des crevettes pour occuper des terres dont ils n’étaient pas propriétaires. Ces conflits ressemblent à ceux survenus en agriculture pendant la Révolution Verte et à ceux vécus en Grande Bretagne au dix-septième siècle avec les enclosures des «Champs Communaux» (Neiland et al.,1999).

L’aquaculture commerciale peut créer des dégâts à l’environnement, ce qui peut représenter un coût élevé pour la société. L’indifférence à l’environnement a fait subir à l’élevage de crevettes des épidémies dans plusieurs régions dont Taiwan, Province de la Chine, en 1987, les Philippines en 1989, l’Indonésie en 1991, et la Chine en 1993. L’indifférence à l’environnement peut être due au facteur temps. Des perspectives à long terme incitent à protéger l’environnement comme moyen de maximiser les profits. Cependant, les fermiers avec des vues à court terme peuvent se permettre d’ignorer les dégâts causés à l’environnement surtout s’ils ont les moyens de s’installer ailleurs une fois que leurs fermes ne sont plus rentables (Wiley, 1993). Ces dommages, bien que non coûteux pour les producteurs, représentent un coût pour la société. Lorsqu’ils surviennent, ils doivent être évalués à leur coût d’opportunité social et sur le long terme. Il faut trouver les voies et moyens pour que les producteurs prennent en charge ces coûts. Un horizon à plus long terme est facilité par des rabais plus bas que ceux utilisés dans les calculs de profitabilité utilisés pour les entreprises privées.

D’autre part, l’aquaculture commerciale peut en effet améliorer l’environnement. Il semble que cela soit le cas d’Okinawa. L’accroissement des revenus grâce à l’aquaculture dans les récifs a incité les communautés à diminuer la pression sur la pêche (Tanaka, 1997). Des restrictions communautaires plus rigoureuses que celles dictées par le gouvernement sont imposées en vue de maintenir le niveau de la ressource récifs. L’aquaculture semble ainsi avoir contribué à la gestion des ressources côtières.

Les rapports entre les fermes d’aquaculture commerciale et rurale sont un problème pour les donateurs désireux de réduire directement la pauvreté. Les donateurs savent pertinemment que leurs méthodes sont plus concurrentielles que complémentaires. On a montré que les politiques dirigées vers les éleveurs commerciaux aisés pouvaient augmenter les revenus des fermiers sans pour autant diminuer la pauvreté (ALCOM, 1994). Par ailleurs, la majorité de ces fermiers sont des hommes, mieux éduqués et plus riches, ce qui peut augmenter les inégalités de revenus et de rang social. Cependant, et bien que limitée, l’aquaculture commerciale naissante en Afrique, ne semble pas avoir d’effet social négatif (Harrison et al., 1994). De plus, l’aquaculture commerciale semble avoir apporté une aide à l’aquaculture rurale par la diffusion de connaissances aux pisciculteurs artisans. Une étude menée auprès des pisciculteurs ruraux de trois régions du Zimbabwe a montré que la plupart d’entre eux ont appris les méthodes d’élevage en travaillant sur des fermes commerciales (Mandima, 1995). Ils ont pu acquérir les connaissances de base, leur permettant ainsi de créer leurs propres fermes. En fait, les fermes commerciales ont joué le rôle de modèles qui ont été imités par les pisciculteurs ruraux.

Cette relation symbiotique entre l’aquaculture commerciale et l’aquaculture rurale a existé par ailleurs. Au Sri Lanka, les problèmes créés par les élevages commerciaux de crevettes ont incité le gouvernement à étudier le système de métayage pour diminuer les conflits (Siriwardena, 1999). Le métayage peut être mutuellement bénéfique en garantissant un revenu aux pisciculteurs ruraux, et des alevins ou du poisson à la ferme «mère». Le métayage trouve en partie sa justification par le prix du poisson et par les avantages obtenus. Au Costa Rica, Aquacorporacion Internacional qui domine le marché, n’a pu mettre en place le métayage car les prix proposés étaient trop bas (Porras, 2000). Cependant, de par sa taille, la ferme a stimulé une industrie des aliments qui a profité aux fermes rurales. En Jamaïque, le prix offert par la plus grande ferme (Aquaculture Jamaica Ltd.) aux métayers, est en dessous du prix du marché (Carberry, 2000). Cependant, cela a attiré les métayers en leur garantissant la disponibilité des intrants et l’existence d’un marché. Dans cet exemple aussi, les métayers bénéficient des conseils techniques.

L’impact de l’aquaculture commerciale sur les femmes est mal connu, mais semble neutre ou peut-être positif. Le facteur qui handicape la participation des femmes à l’aquaculture est, dans la majorité des pays, le problème de l’accès à la propriété. Lorsqu’elles peuvent avoir accès à des ressources, les femmes ont montré leur volonté d’investir en aquaculture commerciale. En Tanzanie, la production commerciale d’algues a démarré en 1989 sur l’île de Zanzibar, et en 1995 sur le continent. Au départ, à la fois les hommes et les femmes participaient, mais en cas d’autres opportunités de travail, les hommes laissent cette activité aux femmes. Sur l’île d’Unguja (Zanzibar), les cultures d’algues sont d’abord entre les mains des femmes; sur l’île de Pemba, les algues sont produites par les hommes (Msuya, 2000). La topographie est à l’origine de cette différence: à Unguja, l’eau est peu profonde, alors que l’accès à Pemba est seulement possible en bateau. Sur le continent, les hommes et les femmes y prennent part à égalité. L’incidence sur les revenus a été positive. Les producteurs d’algues ont de meilleurs revenus que les travailleurs de l’agriculture ou de l’artisanat, et gagnent le double des pêcheurs. Cependant cela a eu des répercussions sociales. Les revenus des femmes ont bouleversé les relations hommes-femmes, créant ainsi des conflits familiaux.

La même incertitude sur l’impact de l’aquaculture commerciale se présente en Inde pour les femmes travaillant dans des élevages de crevettes. Les bénéficiaires directs des élevages sont les hommes; les salaires supérieurs d’environ 60 pour cent à ceux de l’agriculture ont attiré les hommes dans l’élevage de crevettes. Les femmes ont moins d’opportunités de travail dans ces fermes que dans la culture du riz. Cependant, à cause de leurs salaires bas, les femmes sont très demandées en riziculture (Paulraj, 1998). L’emploi des hommes dans la production de crevette a donc créé des possibilités d’emploi en riziculture pour les femmes. Ainsi, l’élevage de crevette ne bénéficie pas directement aux femmes, mais peut indirectement leur fournir des emplois.

Le Honduras constitue un autre exemple. La participation des femmes dans les élevages de crevettes est faible. Elles sont seulement employées lorsque la main-d’œuvre masculine est indisponible, et représentent 38 pour cent des 23 000 emplois directs estimés (Morales, 2000). Ainsi, avec le temps, l’élevage de crevettes pourrait améliorer les salaires dans tous les secteurs, y compris dans ceux qui emploient plus de femmes que d’hommes. Dans les élevages de tilapia, les femmes représentent plus de la moitié de la force de travail, en particulier dans la transformation pour les opérations industrielles (Ferraro, 2000; Morales, 2000).

CHAPITRE 4. CONDITIONS PRÉALABLES AU SUCCÈS DE L’AQUACULTURE COMMERCIALE


Résumé

L’aquaculture commerciale ressemble aux autres activités orientées vers le profit. L’objectif premier est de générer le plus de profit possible. Pour maximiser le profit, le sens des affaires doit être conjugué aux capacités techniques en vue de produire efficacement.

Au niveau technique, la capacité de produire à un coût suffisamment bas est fonction en premier lieu de l’espèce, du choix de l’emplacement et de l’aliment. Les espèces choisies doivent présenter plusieurs critères biologiques. La capacité à élever une espèce du stade larvaire au stade adulte est de première importance. Idéalement, l’espèce doit être facile à reproduire, présenter de faibles taux de mortalité et de conversion de l’aliment. Une étude menée au Bangladesh auprès des éleveurs de tilapia a classé en deuxième position (après les avantages économiques) les facteurs bio-techniques, particulièrement la reproduction du tilapia, parmi les raisons de se lancer dans l’industrie (ICLARM, 1992).

La sélection du site est un des facteurs déterminants pour la réussite de l’élevage. Le choix de l’emplacement joue sur les coûts fixes comme la construction, ainsi que sur les coûts variables (production et distribution). La topographie ainsi qu’une disponibilité en eau régulière et à bonne température, diminuent les coûts de fonctionnement (International Center for Aquaculture and Aquatic Environment, 1996). Des fermes au Costa Rica et en Honduras ont du être abandonnées parce qu’elles étaient mal situées. Seul exemple en Amérique du sud, le Chili peut produire du saumon, grâce à son environnement et à sa situation géographique. Pour la même raison, le Chili n’a pu reproduire l’exemple de l’Equateur et de ses élevages de crevettes (Wiefels, 1999).

La disponibilité des semences et des aliments de qualité est aussi un facteur essentiel. L’aliment représente dans la majorité des unités commerciales, plus de la moitié des frais variables. Dans la majorité des pays africains, la demande limitée pour les aliments ainsi que le coût élevé des sous-produits agricoles a représenté un handicap au développement d’une industrie d’aliments pour poissons, bien qu’il y ait des exceptions. L’aliment peut être importé, mais au coût des devises, mais l’aliment importé dépasse souvent la capacité des éleveurs. Il manque également dans de nombreux pays, des semences de qualité et en nombre suffisant. En Afrique subsaharienne, des approvisionnements insuffisants, des alevins de mauvaise qualité et à prix élevés, ainsi que des moyens inadaptés de distribution des alevins a souvent conduit à des récoltes décevantes et à l’abandon des étangs (Moehl, et al, 2000).

La viabilité économique est aussi importante que la faisabilité biologique et technique. En Jamaïque, les premiers essais d’élevage ont essuyé un échec parce que les projets avaient l’objectif louable de fournir une protéine de haute valeur alimentaire, alors que les fermiers voulaient un produit générant des profits et non pas une activité de subsistance (Wint, 1996). L’activité s’est développée une fois seulement que la notion de profit été admise. En Norvège, l’élevage du saumon de l’Atlantique s’est développé avec la hausse des prix de cette espèce9, ce qui a créé des possibilités de faire des profits en élevage aquacole. L’industrie de la crevette d’élevage est née, lorsque dans les années 80, une demande croissante des principaux consommateurs comme le Japon a fait monter les prix et a encouragé les élevages à se développer. Le moteur était le profit. En fait, l’élevage de crevettes a été appelé un «phénomène de marché» car au niveau micro-économique la motivation était la recherche du profit maximum, et au niveau macro-économique la force motrice était de rapporter des devises (Neiland et al.,1999). Il en résulte que pour que l’aquaculture se développe, il faut qu’il y ait une demande et l’espoir que le prix à la ferme dépassera le coût de production unitaire. En l’absence de profit, le secteur n’est pas viable, soit parce qu’il périra, soit qu’il devienne dépendant du budget de l’Etat (Pillay, 1996). Les subventions ne sont pas souvent disponibles, et lorsqu’elles le sont, elles représentent un coût important pour les finances publiques.

En plus de la demande existante, il doit y avoir un potentiel pour une demande appelée à augmenter. Cela est important au cours de la phase de maturité du marché. La demande est essentiellement fonction des prix et des revenus. L’élasticité propre des prix et revenus peut être utilisée pour mesurer le potentiel d’accroissement de la demande. Si la demande pour une espèce de poisson est élastique par rapport au prix, une augmentation de l’offre va causer une chute légère des prix; la légère baisse des prix entraînera proportionnellement une plus grande demande du produit. En conséquence, les revenus des fermes augmenteront. Si la demande est inélastique par rapport au prix, une augmentation de l’offre pourra entraîner une forte chute des prix. Cependant, cette chute importante n’aura que peu ou pas d’effet sur la demande, ce qui créera une chute grave des revenus au niveau de la ferme. De même, lorsqu’une espèce a une élasticité de la demande par rapport au revenu qui est positive ou même supérieure à un, une augmentation des revenus par tête entraînera un accroissement de la demande. L’attrait pour l’élevage du saumon de l’Atlantique est venu en partie du fait que cette espèce était un produit de luxe, présentant une élasticité de revenu bien supérieure à un, et était élastique par rapport à son propre prix.

Le marché doit aussi réagir positivement à l’augmentation de population et à la publicité, deux facteurs essentiels d’augmentation de la demande pour des produits aquacoles. Au Costa Rica, le marché n'a pas accepté Oreochromis mossambicus à cause de sa couleur sombre et de l’alimentation à base de lisier de porc (Porras, 2000). Une nouvelle espèce (O. niloticus) a été introduite et nourrie aux granulés secs. Afin de convaincre les consommateurs que O. niloticus n’était pas un tilapia, le nom de tilapia qui avait été associé à l'espèce moins populaire, a été abandonné et remplacé par celui de "Poisson de St Pierre", en référence à la ferme du même nom et qui était l'un des grands producteurs de cette espèce. O. niloticus est alors devenu populaire. En 1984, le tilapia rouge (Oreochromis sp.) a été introduit et est devenu encore mieux accepté grâce à sa ressemblance avec l’espèce marine rouge populaire, le vivaneau marin (Carberry, 2000). Au Japon, l’industrie de la crevette a été transformée par une campagne publicitaire philippine qui a convaincu les consommateurs que l’impopulaire crevette géante tigrée (Penaeus monodon) était aussi rouge que les autres, une fois cuite (Csavas, 1994). Cette espèce a rapidement dominé le marché; en 1992, elle représentait près de la moitié de la production mondiale de crevettes d'élevage. Une commercialisation adroite a été la clé du succès de l'aquaculture du poisson-chat aux Etats-Unis. Malgré son apparence, il a été largement présenté comme "poisson-chat" et non pas comme un filet de poisson blanc générique; cette distinction lui a permis de dépasser les ventes de poissons meilleur marché tels que le tilapia (Picchietti, 1996). En Espagne, s’est développé un marché confidentiel qui a favorisé la culture intensive de truites parce que le prix du poisson était élevé. La même situation a été créée dans le cas du turbot d'élevage (Sáinz-Rozas, 1994). Il y a des exemples de stratégies orientées vers la production dans lesquelles l’élevage a démarré sans l’existence d’un marché. Aux Etats-Unis, la barbue d'Amérique (Ictalurus punctatus) a été cultivé dans les années 60 sans qu’il y ait un marché établi et des fermiers ont été obligés d’ouvrir des restaurants pour écouler leur production (Avault, 1996). L’acceptation par les consommateurs s’est produite mais il a fallu du temps et de l’énergie, sans garantie préalable de succès.

La volonté d’investir implique non seulement d’espérer des bénéfices, mais aussi une analyse des risques existants. L’investissement se réalisera si les bénéfices attendus dépassent un niveau de risques jugé acceptable. Les risques se vérifient lors de bouleversements. Ceux-ci peuvent être d’ordre biologique comme la maladie qui a touché les élevages de crevette de Taiwan, Province de Chine (1987), les Philippines (1989), l’Indonésie (1992) et la Chine (1993-1994). Les risques biologiques augmentent avec le niveau d’intensification des techniques de production. Compte tenu de l’augmentation des risques avec le niveau d’intensification, le éleveurs de crevette indonésiens se sont vu conseiller d’adopter des méthodes d’élevage semi-intensif (Nurdjana, 1999). A Madagascar, les éleveurs ne sont pas autorisés à produire plus de quatre tonnes de crevette par hectare et par cycle.

Les bouleversements peuvent aussi être d'ordre météorologique. Le cyclone Gilbert a détruit le barrage du Rio Cobra qui fournissait l’eau aux élevages de tilapia de la Jamaïque. Des inondations saisonnières ont souvent rendu l’accès impossible à une ferme de tilapia au Costa Rica (Porras, 2000). Ces bouleversements peuvent anéantir le secteur et les assurances ne sont pas toujours possibles, ou sont d’un coût trop élevé.

Il existe aussi des bouleversements d’ordre économique. Les risques économiques incluent l’instabilité macro-économique, comme par exemple la crise économique asiatique. Au début de 1998 au Japon, les prix du saumon importé ont diminué de près de 30 pour cent, en comparaison de la même période un an plus tôt (Bjorndal et Aarland, 1999).

Les risques peuvent aussi avoir une origine politique. Ils consistent, par exemple, en l'interférence du gouvernement dans les opérations commerciales, l’incertitude sur les droits fonciers, la corruption et la faiblesse des institutions. Si le gouvernement intervient trop dans le secteur commercial privé, ou s’il existe une instabilité politique et institutionnelle, l’ensemble peut décourager l’investissement, y compris en aquaculture.

L’aquaculture rencontre également des incertitudes sociales. En Amérique du nord, les élevages en cages ont rencontré l’opposition des autres usagers des plans d'eau. En Asie, c’est l’élevage de crevette qui a rencontré l’hostilité des communautés avoisinantes suite à l’impact environnemental ou à la jalousie devant le succès obtenu (Primavera, 1997). L’absence d’acceptation au niveau social peut conduire à un échec économique, à cause du vol, ou même de l’empoisonnement des étangs (Pollnac, 1991).

Il arrive que des bouleversements soient créés par les éleveurs eux-mêmes. La plupart des fermiers étant soumis à la loi du marché, ils augmentent d’une manière indépendante la production lorsque les prix et les bénéfices sont élevés. Ils créent ainsi, sans le vouloir, un excès d’offre et font chuter les prix. Il en résulte un dérèglement imprévu de ces prix. Entraînée par les profits élevés réalisés au début des années 80, la production mondiale de saumons d'élevage a plus que tripler entre 1987 et 1992, avec la création de nouvelles fermes et l’extension des fermes existantes. Cet accroissement de l’offre a fait chuter les prix à la ferme de 40 pour cent en terme nominal (et même davantage en terme réel) à partir du sommet atteint en 1987. Un phénomène semblable s’est produit avec la crevette d’élevage: au Japon, les prix à l’importation ont pratiquement été divisés par deux au cours des années 80.

La perception du risque varie. Un éleveur qui démarre en aquaculture court plus de risques qu’un fermier qui augmente son activité. Les fermiers commerciaux doivent être au fait des risques. Leur faculté de réagir aux changements est également importante.

En plus du profit calculé en fonction des risques, des facteurs importants de réussite en aquaculture commerciale sont la disponibilité des infrastructures, la possibilité de trouver des ressources financières, la volonté d’entreprendre et les qualités du gestionnaire (Avault, 1995). Les approvisionnements en eau et en électricité peuvent être déterminants ou du moins être des facteurs limitants pour les activités commerciales. Au Nigeria et au Malawi, ces deux facteurs sont cités comme des handicaps sévères pour le secteur (World Economic Forum, 1998). La plus grande ferme aquacole du Costa Rica (Aquacorporacion Internacional) dépend de l'eau alimentant un barrage hydroélectrique pour lequel la priorité est la production d’énergie. La ferme ne représente qu’un intérêt secondaire, et seul l’appui du gouvernement permet d’assurer l’approvisionnement en eau pendant les périodes de sécheresse (Porras, 2000).

La disponibilité d'une infrastructure routière est essentielle pour le transport des intrants vers la ferme et des productions vers les marchés. Cela est particulièrement important lorsque le produit est frais et que les consommateurs ne disposent pas de moyen de réfrigération. Dans certaines zones rurales d’Afrique, le poisson séché comme le "kapenta" en Zambie est pratiquement la principale source de poisson de consommation (Sen, 1995). Dans ce pays, la préférence pour le poisson séché ou pour le poisson frais est fonction de l’éloignement des centres urbains et cela se traduit sur les prix (Soma et al., 1999). Lorsque des fermes commerciales sont situées en zone rurale, ce qui est fréquemment le cas des grandes unités industrielles, le problème de transport peut être facilité grâce à l’intégration verticale. Cependant, même pour les grandes fermes, la question du transport est très importante. A Limon au Costa Rica, un éleveur a construit une ferme de 45 ha avec l'intention de cultiver du tilapia pour l’exportation. Mais l’éloignement de l’aéroport a rendu difficile le transport des intrants et des poissons. De plus, située au bord d’une rivière, l’accès à la ferme en saison des pluies était impossible (Porras, 2000). L’entreprise a fermé avant même de produire.

Il est particulièrement important d'avoir accès à des ressources financières. Une ferme commerciale a besoin de main-d’œuvre salariée (et familiale) et d’équipement pour la construction des étangs. En plus des frais fixes, les fermes commerciales ont des coûts d’exploitation élevés qui peuvent déséquilibrer le flux de liquidite. Dans la majorité des cas, les coûts variables représentent la plus grande part des coûts totaux; il en est de même pour les opérations a haute intensite de capital comme les élevages de saumon en cages. Disposer de crédit en cas de manque de liquidités peut ainsi se révéler très important, en particulier lorsque les espèces doivent être nourries pendant de nombreux mois avant d’être récoltées.

La motivation de l’entrepreneur et ses qualités de gestionnaire sont également importantes. La première est déterminante car l’aquaculture implique de la persévérance et une capacité à accepter les risques. Une étude menée en Amérique du nord sur les échecs en aquaculture montre que les qualités de l’entrepreneur sont déterminantes. La vision, l’application et la conduite des affaires sont des aspects incontournables de l’aquaculture commerciale (Lockwood, 1998). Lorsque les sociétés commerciales ont tenté de remplacer des entrepreneurs par des directeurs financiers, les sociétés ont le plus souvent périclité. Dans des zones rurales de Côte d’Ivoire, l’aquaculture commerciale a échoué à cause de la distinction entre propriété et gestion; c’est le cas des propriétaires absents qui se reposent sur des gérants salariés manquant d’esprit d’entreprise (Bamba et Assouhan, 2000). Ailleurs en Afrique, des cas semblables ont pu être constatés (Satia, 1991).

L’esprit d’entreprise et d’innovation a été cité comme l'un des facteurs déterminants du succès des élevages de crevette en Thaïlande (Tookwinas et al., 1999). Non seulement les fermiers montrent de l’enthousiasme pour acquérir de nouvelles techniques, mais encore ils tiennent à démarrer eux-mêmes des essais d'élevage. Au Niger, une étude sur un élevage en cages qui avait échoué, a montré que les fermiers qui réussissaient étaient jeunes et possédaient un minimum d’éducation, celle-ci étant particulièrement importante dans le cas des techniques intensives (Mikolasek et al., 1997). Cette étude a également montré que la motivation d’entrepreneur était sapée par une trop grande dépendance des largesses gouvernementales. Dans certaines régions rurales d’Afrique, lorsque des entrepreneurs qui réussissent sont dénigrés à cause de leur situation économique menaçant la structure sociale, même le sens des affaires est insuffisant pour rendre possible l’aquaculture commerciale (Harrison, 1997).

Résumé

Cette partie du rapport a présenté le concept d’aquaculture commerciale en tant qu’élevage d’organismes aquatiques ayant pour objectif de maximiser les profits, et qui peut être viable sans le financement extérieur d’un donateur ou du gouvernement. Cette forme d’élevage n’est pas une alternative à l’aquaculture rurale; elle en est le complément.

L’aquaculture commerciale a engendré des bénéfices pour les pays producteurs. Elle contribue à améliorer la sécurité alimentaire grâce à la production de produits aquacoles de consommation et/ou grâce à la création de revenus (par la création d’emplois) permettant d’acquérir des aliments. Le paiement d’impôts peut générer des revenus pour le gouvernement et indirectement aider celui-ci à financer le développement de l’aquaculture rurale. Les exportations et/ou les substitutions à l’importation représentent une rentrée de devises. Cependant, il peut également y avoir des coûts. En créant ses fonds propres, l’aquaculture commerciale offre des perspectives d’autosuffisance financière.

Les conditions préalables au développement de l’aquaculture commerciale comprennent la faisabilité bio-technique et la viabilité économique. Le défaut d’un des deux peut entraîner l’échec du projet. L'Annexe A donne une liste des facteurs qui peuvent être utilisés par d’éventuels entrepreneurs et banquiers (Corbin et Young, 1997). L’aquaculture n’a pas toujours été acceptée socialement, ni été neutre pour l’environnement. Sans ces obligations, l’aquaculture commerciale ne sera pas durable, même si elle génère des profits. Règlements, stimulants économiques et autoréglementation sont des moyens qui peuvent encourager le développement du secteur; ils peuvent également réduire les impacts négatifs de l'aquaculture commerciale. Les chapitres suivants se penchent sur les politiques mises en place par les gouvernements pour développer le secteur. Certaines de ces politiques sont applicables en Afrique.


1 Dans ce document, le mot «Région» signifie l’Afrique subsaharienne.

2 Le terme tilapia regroupe les Oreochromis, Sarotherodon et Tilapia.

3 Comme pour l’aquaculture commerciale, il n’existe pas de définition de l’aquaculture rurale qui soit admise par tous. Au sens large, elle est l’aquaculture des «plus pauvres des pauvres» (avec des coûts et des niveaux de production bas); en général toute la production est auto-consommée; une aquaculture des «moins pauvres» (avec des coûts et un niveau de production faibles ou moyens) dans laquelle la plus grosse part est vendue (Martinez Espinoza, Manuel dans FAO Aquaculture NewsLetter, novembre 1992, N°2, p6-10). Les termes d’aquaculture rurale et d’aquaculture artisanale sont le plus souvent utilisés indifféremment. Le terme d’aquaculture rurale est détaillé dans le Tableau 1.

4 La production issue de l’aquaculture rurale est surtout destinée à la consommation domestique; les grandes fermes commerciales sont surtout orientées vers l'exportation bien qu'il puisse aussi y avoir des ventes sur les marchés locaux comme c'est le cas de la ferme dominante en Jamaïque: Aquaculture Jamaica Ltd.

5 La distinction entre les opérations commerciales qui cherchent à maximiser le profit, et les opérations non commerciales qui maximisent le caractère utilitaire, n’est pas nouvelle. Elle a été employée pour expliquer la «dualité» de la structure en agriculture (Ellis,1988). La présente étude étend cette notion à l’aquaculture.

6 L’emploi de main-d’œuvre salariée n’exclut pas l’utilisation de main-d’œuvre familiale. Une enquête menée auprès des fermes crevettières en Thaïlande a montré qu’une ferme commerciale typique employait 1 à 2 membres de famille en plus du personnel permanent ou occasionnel (Patmasiriwat, 1997).

7 La classification des fermes suivant la taille varie de pays à pays: au Zimbabwe, 3-5 ha représentent une taille moyenne (Machena, 1999); en Jamaïque les fermes de tilapia de 1 à 4 ha sont «petites», celles de 5 à 20 sont «moyennes», les fermes de 21 ha et plus sont «grandes» (Hanley, sous presse). Cette classification est adaptée de Little (1998). A Madagascar, une ferme de crevettes de moins de 50 ha est classée «petite» (Hishamunda, 2000).

8 Les fermes non commerciales peuvent également compter sur des investissements privés, mais beaucoup ont accès à des fonds publics, sous une forme ou sous une autre, pour leur survie financière.

9 La cause en était l’exploitation complète des captures de saumon de l’Atlantique.


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