Table des mati�res - Pr�c�dente - Suivante


4. Incidences des politiques de foresterie en zones arides pour le d�veloppement de ces zones

Les politiques de foresterie en zone aride ont souvent r�ussi jusqu'� un certain point mais beaucoup ont d� �tre abandonn�es lorsque la pression d�mographique s'est accentu�e. La d�marcation classique de la "limite nord de culture" au Sahel, telle qu'elle avait �t� fix�e � l'origine par les puissances coloniales puis adopt�e et reprise par les gouvernements sah�liens, a d� �tre abandonn�e (dans certains cas, les gouvernements ont m�me encourag� l'agriculture plus au nord) �tant donn� la n�cessit� de plus en plus pressante de produire davantage de denr�es alimentaires.

Pour prot�ger leur couverture naturelle d'arbres et d'arbustes, certains pays ont interdit la production ou l'exportation de charbon de bois. Les r�sultats ont �t� mitig�s et les cons�quences difficiles � �viter: contrebande, augmentation de l'abattage d'arbres pour le bois de feu pr�s des centres de population, etc.

Les efforts faits dans le pass� pour interdire l'abattage ou la mutilation des arbres (en particulier les plus importants tels qu'Acacia albida) ont presque certainement eu des effets b�n�fiques mais ils ont aussi ajout� aux difficult�s et aux co�ts sociaux en m�me temps qu'ils ont r�duit la productivit� des individus, en particulier celle des femmes et des enfants qui sont oblig�s d'aller beaucoup plus loin de chez eux pour se procurer du bois de feu.

Des politiques bien intentionn�es accordant une large place aux grandes op�rations de reboisement et de plantation ont conduit � la cr�ation de nouvelles surfaces bois�es. Malheureusement, les terres n�cessaires ont �t� obtenues trop souvent dans le pass� en expropriant les populations locales. Les co�ts �conomiques, sociaux et politiques ont donc �t� beaucoup plus �lev�s que pr�vu (et les avantages r�els souvent d�cevants).

Plusieurs pays ont r�cemment r�vis� leur l�gislation foresti�re. Les faits commencent � montrer que lorsque cela s'est fait en harmonie avec d'autres lois relatives au r�gime foncier et forestier et lorsque d'autres aspects de l'�conomie rurale (en particulier celle des agriculteurs) ont �t� pris en compte, les r�sultats nets ont �t� positifs (par exemple au Rwanda, encore que ce pays soit loin d'�tre un pays "aride"). L� encore cependant, l'exp�rience prouve que les changements de politique sont loin de pouvoir � eux seuls r�soudre d�finitivement le probl�me. Ils ne sont, dans le meilleur des cas, qu'un d�but important (et n�cessaire).

Lorsque les d�cisions rel�vent en particulier de la seule autorit� d'un gouvernement central, de nouvelles politiques peuvent �tre rapidement mises en oeuvre. S'il peut �tre facile dans ce cas de changer d'orientation, de tels changements auront peu d'effet si la r�glementation et les modalit�s d'application sur le terrain ne sont pas elles aussi modifi�es.

On annonce souvent les nouvelles politiques foresti�res visant � lutter contre la d�sertification parmi des d�clarations �nergiques sur la "volont� du gouvernement". Si cette "volont�" ne s'exprime pas en m�me temps par des augmentations parall�les des budgets de fonctionnement et de gestion des organismes charg�s de les appliquer, rien ou pratiquement rien ne changera dans les faits.

Plusieurs pays (notamment le S�n�gal) se sont lanc�s dans une vaste r�orientation � l'�chelle nationale de leurs administrations locales. De nouvelles communaut�s rurales ont �t� cr��es. La participation locale � la planification des ressources et de l'am�nagement du territoire ainsi qu'aux d�cisions a �t� int�gr�e dans un mode nouveau et mieux �quilibr� de d�cision collective sur les ressources � utiliser, le principe et la responsabilit� de leur gestion. � long terme, cette approche est riche de promesses. Ses effets en sont en g�n�ral favorables bien que - comme dans toute op�ration de redistribution - certains �l�ments de la population se retrouvent finalement avec moins de ressources qu'auparavant et que l'�quit� sociale ou �conomique d�pende toujours du point de vue o� on se place.

5. �tudes de cas

Outre les divers exemples mentionn�s plus haut, certains autres m�ritent une attention particuli�re car ils illustrent l'importance relative que les politiques foresti�res peuvent avoir pour le d�veloppement des zones arides et/ou la lutte contre la d�sertification.

Soudan: programmes d'agriculture m�canis�e

Pour pouvoir accro�tre les exportations et compte tenu en particulier du prix pr�f�rentiel pay� par l'un de ses voisins, le gouvernement du Soudan accorde des concessions sur de grandes �tendues de terre (jusqu'� 500 ha par contrat, selon certains) pour cultiver le sorgho par rotation, la zone cultiv�e retournant apr�s un certain nombre d'ann�es, du moins th�oriquement, � son �tat d'origine, sur une base plus ou moins continue.

Les textes des contrats �noncent en d�tail les proc�dures de conservation � respecter, qui consistent notamment � laisser des bandes de v�g�tation naturelle entre les superficies d�frich�es pour la culture.

Si sur le papier, dans le souci d'arr�ter l'avanc�e du d�sert, la politique vise effectivement � pr�venir la d�gradation du sol et de la v�g�tation, les calendriers ne sont en fait pas respect�s et de grandes surfaces sont d�frich�es en une seule op�ration rapide. On entasse et on br�le (!) les broussailles et les arbres pour s'en d�barrasser rapidement et la terre est ensuite cultiv�e de fa�on exp�ditive afin d'en tirer des b�n�fices sans tarder. Elle est ensuite abandonn�e dans un tel �tat que toute remise en valeur sera par la suite d'un co�t prohibitif sinon impossible.

La conclusion est que si elles ne sont pas convenablement respect�es et appliqu�es sur le terrain, les mesures de conservation des ressources (c'est-�-dire d'anti-d�sertification) sont inutiles.

Alg�rie: ceintures vertes contre le d�sert

Depuis un certain nombre d'ann�es, les premi�res mesures datant de l'�poque qui a imm�diatement suivie l'ind�pendance, le gouvernement alg�rien a adopt� une politique ambitieuse pour arr�ter l'avanc�e du d�sert dans diverses r�gions du pays. Une mobilisation massive de la population dans l'esprit de la R�volution populaire a �t� renforc�e par le d�ploiement d'importants contingents des forces arm�es. Ce qui avait commenc� comme une op�ration "vivres contre travail" financ�e par des organisations volontaires priv�es a ensuite b�n�fici� d'un financement beaucoup plus important de la part d'un donateur bilat�ral puis du Programme alimentaire mondial. Lorsque le gouvernement a �t� en mesure de d�velopper l'op�ration sur son budget propre, des millions d'hectares d'arbres �taient d�j� plant�s dans la partie montagneuse du nord du pays ainsi que dans une large bande continue au nord du d�sert du Sahara.

Il est bient�t apparu que si, dans les montagnes du nord o� la population rurale est surtout s�dentaire (m�me si l'�levage est une importante activit� secondaire), la plantation d'arbres a �t� en g�n�ral une r�ussite et le paysage rapidement parsem� de zones foresti�res (en particulier sur les pentes les plus raides), dans la partie centrale du pays, la ceinture verte a beaucoup moins bien r�ussi. Des pr�cipitations clairsem�es, jointes � la n�cessit� toujours pr�sente de fourrage (et de bois de feu) pour les pasteurs, en d�pit des vaillants efforts du gouvernement et du reste de la population, n'ont pas permis d'�riger une barri�re totale et efficace contre l'avanc�e du d�sert.

Conclusion: lorsque les conditions du site sont raisonnablement favorables et que la population rurale est essentiellement compos�e d'agriculteurs s�dentaires, les mesures de foresterie et de conservation ont beaucoup plus de chances de r�ussir que dans les zones arides pastorales, en particulier lorsque la participation locale est fond�e sur une forte motivation politique et appuy�e par une structure de gestion efficace des pouvoirs publics.

Les politiques, l�gislations et r�glementations ne serviront de rien dans les pays tropicaux arides si la population locale elle-m�me ne change pas son mode d'utilisation de la terre, de l'eau et de la v�g�tation existantes. Un certain nombre d'�tudes socio-�conomiques effectu�es dans diff�rentes parties du monde montrent clairement que chaque r�gion se caract�rise par un certain type de relations entre la population et la terre sur laquelle elle vit.

Il est facile d'�laborer des mesures politiques, mais tout l'art consiste � en concevoir un ensemble qui soit op�rant. Lorsque les donateurs et les gouvernements centraux font de leur mieux pour trouver des m�thodes de lutte contre la d�sertification qui soient applicables, la population locale met chaque ann�e le feu � des plantations d'arbres qui avaient �t� cr��es, au moins en partie, pour lutter contre la d�sertification. Dans ce cas, il est �vident que le gouvernement serait bien inspir� de revoir sa politique foresti�re et c'est peut-�tre tout aussi important - la fa�on dont elle est appliqu�e.

6. Lacunes des connaissances

Selon le point de vue de chacun, on peut dire que la principale lacune consiste en ce que les gouvernements et les donateurs ne savent pas exactement ce qui peut �tre compris ou non par la population locale.

Autrement dit, il y a une deuxi�me priorit�: l'attitude et la motivation des ex�cutants d'une politique une fois que celle-ci a �t� �labor�e. Ce qu'il faut, c'est que les organismes gouvernementaux (du haut en bas de l'�chelle) changent d'attitude et d'approche envers la population locale pour obtenir une r�ponse plus productive et plus efficace de ceux qui peuvent en fin de compte concr�tiser ou d�truire les programmes les mieux intentionn�s.

Il existe certes beaucoup d'autres probl�mes et d'autres incertitudes. Mais il nous para�t, et cela m�rite un d�bat beaucoup plus approfondi, qu'il faut surtout en savoir plus sur ce qui peut para�tre justifi� aux yeux de la population locale et sur ce qu'il faut faire pour que les organismes publics et les fonctionnaires soient plus ouverts et aient davantage l'esprit de service vis-�-vis de ceux qui, en d�finitive, gagneront ou perdront la lutte contre la d�sertification

7. Conclusions

Les politiques foresti�res en zone aride ne peuvent avoir d'utilit� que: a) si elles sont harmonis�es avec les autres mesures et lois relatives au d�veloppement rural et � la conservation, notamment le r�gime foncier et forestier, les prix agricoles et les autres politiques de commercialisation ainsi que les politiques d'utilisation et de conservation des autres ressources naturelles renouvelables; b) si elles sont comprises et - du moins en principe - accept�es par la majorit� de la population rurale, sans distinction de profession ou de statut social; c) si une structure officielle de gestion est en place et fonctionne suffisamment bien pour les appliquer de fa�on efficace.

GLOSSAIRE

Description des termes cl�s utilis�s dans ce texte

Politique

D'apr�s les "Principles of Management" de R.C. Davis et A.C. Filley, Grolier's Modern Business series, N.Y. (1962): ... un principe (ou un ensemble coh�rent de principes), avec les r�gles d'action qui en d�coulent, qui conditionne et r�git la r�alisation effective des objectifs qu'il vise.

D'apr�s le "Webster's New International Dictionary" (1925): ... une ligne d'action ou une m�thode ferme et d�finie adapt�e et suivie par un gouvernement, une institution, un organisme ou un individu.

Plan:

Terme g�n�ral d�signant une m�thode d'action ou une proc�dure propos�e. Une m�thode d'action, une proc�dure ou un dispositif.

Selon la Grolier's Modern Business series, un "plan" comprend:

- une mission ou des objectifs

- des mesures de r�alisation

- une quantit�, une qualit�, un d�lai et un co�t

- des politiques

- des dispositions organisationnelles

- un calendrier

- des facteurs de d�penses, main-d'oeuvre, temps, etc.

- la d�signation des responsables de l'ex�cution

- une d�l�gation de responsabilit� et d'autorit�.

Principe:

R�gle d'action. R�gle de conduite, opinion ou conviction qui exerce une influence directrice sur l'existence et le comportement.

R�gle de conduite r�gissant de mani�re constante les actions, soulignant l'id�e d'une v�rit� fondamentale d'application g�n�rale.

M�thode:

Proc�dure ou proc�d� ordonn�, mani�re de faire ...syst�me particulier ou pr�cis de proc�dure.

Strat�gie:

Planification et direction de grandes op�rations, plus pr�cis�ment manoeuvres pour placer les forces (ou les ressources) dont on dispose dans la situation la plus avantageuse avant engagement effectif.

Zones arides:

Dans le pr�sent contexte, toute zone �tendue souffrant p�riodiquement d'un manque de pr�cipitations qui constitue une menace grave pour l'approvisionnement de base de la population en aliments ou en eau.

3.3 La d�sertification - Repenser la strat�gie foresti�re en Afrique: L'exp�rience des activit�s de l'USAID


1. Introduction
2. S�cheresse et d�sertification


T.M. CATTERSON, F.A. GULICK et
T. RESCH (1)*

* Toutes les notes se trouvent � la fin du texte.

1. Introduction

Les probl�mes de s�cheresse et de d�sertification ont acquis une notori�t� mondiale depuis la fin des ann�es 1960 et le d�but des ann�es 1970 o� le d�sastre �cologique et la famine se sont abattus sur les zones arides et semi-arides de l'Afrique sah�lienne. Cette catastrophe a donn� lieu d'abord � une aide humanitaire et plus tard � des programmes de d�veloppement visant � en att�nuer les causes. En d�pit des efforts concert�s d�ploy�s depuis dix ans pour renverser la situation, une autre p�riode d'extr�me s�cheresse fait des ravages dans le paysage africain. Le monde se trouve � nouveau confront� � la r�alit� tragique de la fragilit� de l'existence humaine dans les r�gions arides et semi-arides d'Afrique.

Il n'est donc pas surprenant que les pr�occupations ressenties par les gouvernements africains et leurs partenaires de l'aide au d�veloppement suscitent une intense introspection. Les efforts d�ploy�s dans le pass� sont r�examin�s et l'on s'efforce activement de mieux comprendre les probl�mes et leurs solutions. La consultation actuelle organis�e par la FAO n'est que l'une des importantes rencontres qui ont lieu dans ce but.

Les activit�s du secteur forestier, consid�r�es souvent comme le fer de lance de la lutte contre la d�sertification se sont �norm�ment d�velopp�es dans la partie de l'Afrique sujette � la s�cheresse. En 1983, Weber (2) estimait qu'environ 200 millions de dollars E.-U. avaient �t� affect�s � des op�rations de foresterie dans les huit pays du CILSS uniquement (3). Il �tait beaucoup moins optimiste quant aux r�sultats qualitatifs de ces op�rations. N�anmoins, malgr� des �checs �vidents, dont le moindre n'est pas la poursuite du dramatique recul d'un couvert v�g�tal essentiel, d'importants enseignements ont �t� tir�s de ce qui a �t� fait quant au r�le que la foresterie peut et doit jouer dans le d�veloppement de la r�gion, Il faut soigneusement pr�server ces r�sultats et en tenir compte lors de la conception des programmes futurs, Le but de la pr�sente communication est donc de d�crire le r�le des activit�s foresti�res tel qu'il ressort de cette exp�rience et ses implications pour la lutte contre la s�cheresse et la d�sertification.

2. S�cheresse et d�sertification


Les activit�s foresti�res dans le pass�
Mise en oeuvre d'une plus grande int�gration de l'agriculture et de la foresterie
Un dernier mot
Notes


Avant d'aller plus loin, il est utile de revenir sur la diff�rence entre la s�cheresse et la d�sertification. Ces deux ph�nom�nes sont � notre avis souvent confondus, ce qui nuit �videmment � l'efficacit� des mesures appliqu�es pour les combattre.

La s�cheresse est essentiellement un �v�nement climatique S'il n'entre pas dans notre propos d'examiner en d�tail ici cette question complexe, il n'est pas inutile d'�voquer quelques notions importantes. On pense que les syst�mes m�t�orologiques auxquels est due l'extr�me variabilit� des pr�cipitations dans les r�gions d'Afrique arides et semi-arides sont dus au d�placement des vents et des modes de pr�cipitation provoqu�s par d'autres �v�nements climatiques qui ont lieu bien au-del� des zones touch�es (4). Il existe encore peu de donn�es empiriques qui permettent de lier l'apparition de la s�cheresse � des activit�s humaines. Certains auteurs ont cependant estim� que la s�cheresse se nourrit d'elle-m�me dans une certaine mesure par ses effets sur la v�g�tation et l'�tat des surfaces dans les zones touch�es. Nicholson souligne que cette relation a une signification importante pour l'utilisation des terres dans les zones affect�es, car l'activit� humaine elle-m�me - d�frichement des terres - peut avoir le m�me effet (5). Il faut que les responsables des pays africains et des donateurs prennent conscience du risque �norme de d�gradation qu'implique la conversion syst�matique et bien intentionn�e de zones de v�g�tation naturelle en zones consacr�es � une agriculture marginalement viable. Il semble donc tout � fait logique d'adopter un "sc�nario du probable" lorsqu'on d�finit des interventions mettant en jeu des pratiques d'utilisation des terres dans la r�gion (6). La pr�cipitation moyenne n'est pas un bon indicateur pour �valuer le potentiel de production de ces zones �tant donn� l'extr�me variabilit� maintenant bien connue des pr�cipitations. Une fois que ces terres ont �t� d�frich�es, il est extr�mement on�reux et long de les remettre en �tat. Il ne faut pas voir ici une invitation pessimiste � contr�ler simplement l'expansion des terres agricoles. Ce qu'il faut, ce sont des m�thodes nouvelles d'utilisation de ces terres qui assurent une stabilit� de l'environnement. Ce qui suit consiste en grande partie en des informations sur ces nouvelles m�thodes.

D'un autre point de vue, prendre la s�cheresse en consid�ration est un exercice qui exige un soin particulier dans le choix des mesures de remplacement � prendre dans les zones frapp�es. Confront�s � l'effet de la s�cheresse, les gouvernements aussi bien que donateurs ont parfois choisi des solutions consistant en projets � grande �chelle difficiles � g�rer. Constitu�s essentiellement "d'apports" gouvernementaux, ces projets visent � mettre en place des solutions technocratiques con�ues de fa�on superficielle � des probl�mes mal compris. Mis � part le fait qu'ils sont inapplicables, ils d�g�n�rent aussi souvent en programmes de protection sociale inefficaces qui ne font que d�liter le tissu communautaire sur lequel des solutions peuvent et doivent s'appuyer. Le sens de la perspective est aussi n�cessaire pour comprendre qu'il s'agit d'un probl�me � long terme. Il faut en m�me temps, et c'est tout aussi important, se concentrer sur ce qui est faisable et r�alisable plut�t que sur les probl�mes les plus difficiles. Cela peut signifier, dans les conditions de s�cheresse actuelles, mettre l'accent sur le maintien de syst�mes agricoles et de modes d'existence viables pour les populations situ�es sur le c�t� s�dentaire vuln�rable de la fronti�re de l'agriculture et dont les terres doivent souvent absorber le choc de l'afflux de nomades et de r�fugi�s.

La s�cheresse est impr�visible et r�currente et la famine qui l'accompagne souvent encore plus. Elle pose donc aux gouvernements comme aux donateurs un probl�me particulier, qui est celui d'�tre pr�t � fournir l'aide humanitaire en temps voulu et de fa�on appropri�e. Heureusement, la technologie d'�valuation des effets climatiques qui se d�veloppe � partir des applications de plus en plus larges et complexes de la t�l�d�tection par satellite est prometteuse pour l'avenir. Gr�ce � ces outils et � ces techniques, il est d�sormais possible de pr�voir 60 � 90 jours � l'avance les risques de p�nurie alimentaire dus � la s�cheresse. Ceci doit permettre d'examiner de plus pr�s la situation r�elle sur le terrain et de mobiliser � l'avance les moyens de secours. � mesure que cette technologie se d�veloppera, elle devrait de toute �vidence permettre d'augmenter dans une tr�s large mesure les informations si n�cessaires � un am�nagement appropri� du territoire dans les zones arides et semi-arides d'Afrique.

La d�sertification pose un probl�me encore plus grave que la s�cheresse en ce qu'elle implique une baisse progressive et prolong�e de productivit� dans un monde qui peut difficilement se le permettre compte tenu de l'ampleur de la croissance d�mographique. La s�cheresse aggrave souvent les effets de la d�sertification, mais celle-ci r�sulte principalement de la mauvaise gestion de la terre � laquelle l'homme est conduit pas ces pressions d�mographiques exponentielles. La d�sertification est le probl�me environnemental majeur de l'Afrique aujourd'hui. C'est aussi une limitation importante, sinon la plus importante, qui emp�che l'autosuffisance alimentaire dans de vastes �tendues de ce continent.

La d�sertification est la perte de capacit� productive de la terre l'instauration de conditions d�sertiques. Plus pr�cis�ment, elle peut avoir les r�sultats n�gatifs suivants:

- d�gradation du sol r�sultant de la diminution des mati�res organiques qui r�duit la capacit� d'�change de cations, d'o� une diminution de la r�tention d'eau et une acc�l�ration du lessivage et de l'�limination des �l�ments nutritifs du sol; d�clin persistant des rendements des cultures et succession de mauvaises r�coltes;

- dommages caus�s aux cultures par les vents de sable qui d�capent les jeunes plants ou d�nudent leurs racines;

- d�composition de syst�mes traditionnels d'exploitation socialement et �conomiquement accept�s;

- perte d'une terre v�g�tale indispensable due � l'�rosion �olienne;

- accroissement du ruissellement des eaux de pluie, avec ce que cela implique d'�rosion du sol, de formation de ravines et d'inondations en aval;

- diminution de l'eau de surface durablement disponible et baisse de la nappe phr�atique du fait de la diminution des infiltrations et de la d�gradation des bassins versants;

- insuffisance des ressources en fourrage et en brout ou conversion � des esp�ces v�g�tales moins app�t�es;

- d�stabilisation du sol et d�placement des dunes de sable; diminution de la capacit� de r�g�n�ration naturelle;

- d�ficits localis�s des produits de la for�t, des bois et des arbres, y compris le bois de feu et le charbon de bois, les produits alimentaires, les mat�riaux de construction, la viande de gibier et les mati�res premi�res destin�es aux activit�s productrices de revenu, aux besoins artisanaux et domestiques;

- baisse de la diversit� biologique.

En derni�re analyse, le r�sultat le plus important de la d�sertification est la mis�re et la pauvret� des populations qui en sont les victimes. Ces populations n'ont souvent, m�me dans les meilleures ann�es, que de tr�s faibles possibilit�s d'assurer la stabilit� �conomique. Il peut �tre rem�di� � la s�cheresse et � ses cons�quences par des palliatifs d'urgence tels que l'aide alimentaire et m�dicale; la d�sertification au contraire peut n�cessiter un changement complet de mode de vie.

Pour accorder aux activit�s foresti�res la place qui leur revient dans la lutte contre la d�sertification, il faut examiner les causes de cette derni�re. Il n'y a pas de doute qu'il est largement admis que la cause principale de la d�sertification est la pression d�mographique qui incite � utiliser de fa�on de plus en plus intensive des ressources fragiles, ce qui conduit � leur d�gradation et � leur destruction. Dans ces conditions, la d�sertification peut se produire non seulement pendant les ann�es de s�cheresse mais aussi dans les ann�es plus humides.

La disparition du couvert v�g�tal - arbres, arbustes et plantes herbac�es �tant �limin�s par d'autres utilisations de la terre - expose la surface du sol � des conditions climatiques constamment extr�mes et d�lite la fine couche de terre v�g�tale. L'expansion et l'intensification de l'agriculture sont les raisons premi�res de cette nouvelle utilisation de la terre Les faibles gains de productivit� agricole r�alis�s dans les pays sah�liens de l'Afrique de l'Ouest ont �t� obtenus en grande partie en reculant les fronti�res agricoles jusqu'� des sols souvent trop marginaux pour pouvoir soutenir une production pendant plus de quelques ann�es sans n�cessiter de mesures assez importantes de conservation du sol et d'application d'engrais (7). Cette expansion pose des probl�mes particuli�rement graves lorsqu'elle se fait sur des terres en pente dont la d�gradation rapide annule alors l'important effet de bassins versants qu'elles exer�aient pour recharger la nappe phr�atique. M�me sur de meilleurs sols, l'intensification de l'utilisation comprend une expansion des monocultures, le choix de cultures qui �puisent le sol, une m�canisation inappropri�e, l'indiff�rence � l'�gard des n�cessit�s de conservation du sol et le raccourcissement des p�riodes de jach�re. Les feux non contr�l�s, courants dans les zones semi-arides, aggravent encore d�mesur�ment le probl�me. Le surp�turage, qui se traduit par une �limination des esp�ces fourrag�res annuelles app�t�es, la destruction du couvert v�g�tal et la compaction du sol, sont depuis longtemps associ�s � la d�sertification. La r�colte de bois de feu et de charbon de bois pour les besoins domestiques (souvent pour plus de 85 pour cent de la population) a �galement beaucoup contribu� � la d�gradation durable des ressources.

Ces causes, qui t�moignent d'un comportement apparemment irrationnel de l'agriculteur de subsistance, doivent aussi �tre consid�r�es dans le contexte des facteurs sociaux. �conomiques et institutionnels oui interdisent une exploitation soutenable et la conservation des ressources. Ces facteurs sont notamment les suivants: les questions de r�gime foncier et forestier; le manque d'acc�s aux facteurs de production agricole et au cr�dit; le caract�re limit� des initiatives prises pour assurer le d�veloppement rural; les conflits � l'int�rieur des communaut�s et avec les autorit�s locales (par exemple avec les services forestiers); les changements de syst�me politique; l'insuffisance des d�bouch�s; l'absence de possibilit�s de revenu extra-agricole; la perception des risques dans la population rurale (qui la conduit par exemple � avoir de grands troupeaux) et l'absence de garanties sociales, pour n'en citer que quelques-uns.


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