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La cowdriose caprine - Heartwater in goats

G. Uilenberg

Institut d'Elevage et de Médecine Vétérinaire des Pays Tropicaux
10 Rue Pierre-Curie
94704 Maisons-Alfort
France


Resume
Summary
Revue bibliographique
Références


Resume

La cowdriose, causée par la rickettsie Cowdria ruminantium et transmise par des tiques du genre Amblyomma, est très meurtrière pour les chèvres de races importées mais en général l'importance de cette maladie pour les populations caprines locales reste mal connue Une étude préliminaire sur la génétique de la résistance en Guadeloupe a montré une influence de la sélection naturelle qui pourrait être déterminée par un gène récessif, lié au sexe, d'où des possibilités d'une sélection dirigée s'offriraient. L'immunité contre la cowdriose naturelle, après infection et traitement, serait peu sûre chez les chèvres mais l'immunité homologue au laboratoire est normalement solide pendant au moins 1-2 ans. Cette contradiction est peut-être explicable par des différences antigéniques entre souches.

Summary

Heartwater ("la cowdriose") is caused by the rickettsia Cowdria ruminantium and transmitted by ticks of the genus Amblyomma. It causes heavy losses in exotic goats but its effects on indigenous goats are not well known. A preliminary study on genetic resistance in Guadeloupe indicated some influence of natural selection which could result from a recessive sex-linked gene. There is therefore the possibility of some selection against the disease. Immunity against natural infection, after inoculation and treatment, is not very strong but immunity to the same infection in the laboratory is total for at least 1-2 yr, the difference probably being due to antigenic differences among different strains.

Revue bibliographique

La cowdriose ou "heartwater" dont l'agent causal est la rickettsie (Cowdria ruminantium) est une maladie des petits ruminants transmise par des tiques de genre Amblyomma (Uilenberg, 1981; 1983; Camus et Barre, 1982). Elle est confinée, a cause de la distribution de ses vecteurs spécifiques, a l'Afrique au sud du Sahel et les îles avoisinantes et a quelques parties de la péninsule arabe, où des Amblyomma africains vent implantés. Elle a aussi été introduite aux Antilles.

La cowdriose se situe, pour tous les bovins, moutons et chèvres originaires de régions indemnes, au premier rang des maladies transmises par les tiques. Bien qu'il existe des différences de virulence entre souches, il est généralement admis que la mortalité des bovins et ovins de races importées peut facilement dépasser 50 p.cent des animaux infectés, sauf pendant quelques semaines tout de suite après la naissance, quand ils possèdent une résistance associée au jeune âge. Les chèvres de races importées sont les plus sensibles, la mortalité pouvant atteindre plus de 90 p.cent en particulier chez les chèvres mohair.

Il en est tout autrement pour les populations d'animaux indigènes en région endémique. En plus de l'immunité acquise par les jeunes veaux suite à une infection naturelle pendant la courte période de résistance après la naissance, les bovins de races locales sont si peu sensibles que la mortalité est faible même si la primo-infection se fait plus tard. La maladie peut ainsi rester latente, tant que l'on n'importe pas d'animaux sensibles. La situation est moins nette chez les petits ruminants de races locales, où d'importantes pertes ont parfois été signalées.

En Guadeloupe, le pourcentage de chèvres créoles survivant à l'infection au laboratoire avec une souche locale de Cowdria ruminantium qui tue 100 p.cent de chèvres européennes, était de 78 p.cent dans un élevage exposé aux tiques (après correction pour des animaux ayant pu acquérir une immunité par infection naturelle), de 54 p.cent dans un élevage depuis 10 ans à l'abri de la cowdriose, et de 25 p.cent dans des élevages à l'abri de la maladie depuis plusieurs décennies (Matherson et al, 1987). Cela montre que la résistance génétique à la maladie est probablement acquise par la pression de sélection favorisant la survie des animaux les moins sensibles. Cela indique également que près d'un quart des chèvres locales en région endémique sont sensibles. La mortalité annuelle par la cowdrise de la population de chèvres créoles en Guadelope serait d'environ 10 p.cent (Camus, 1987).

Au Nigéria, non seulement la grande majorité des chèvres de race Sokoto vivant en zone endémique n'a apparemment pas encore été infectée, mais elles sont si sensibles qu'un grand pourcentage succombe à l'infection artificielle (Ilemobade, 1977). Une mortalité élevée chez les petits ruminants de races locales en Afrique de l'Ouest est rapportée (Curasson et Delpy, 1928). L'importance de la maladie chez les petits ruminants indigènes a été notée dans différents pays (Karrar, 1960; 1968; Evans, 1963; Aklaku, 1980; Gueye et al, 1984). La maladie en Somalie du Nord était nouvelle pour les propriétaires (Evans, 1963) mais la cowdriose des petits ruminants était bien connue des propriétaires de l'est du Soudan (Karrar, 1960). Il semble que la cowdriose peut être une cause de pertes importantes chez les caprins indigènes mais l'étendue du problème est mal connue et pourrait être très différente d'une région à l'autre. En plus il y a certainement eu confusion avec d'autres maladies (Uilenberg, 1983), surtout en Somalie où les pertes sont probablement imputables à la maladie de Nairobi (Edelsten, 1975).

En l'absence d'une méthode fiable et pratique d'étude épidémiologique par sérologie, il sera très difficile de cerner le problème de façon précise. La spécifité de l'immunofluorescence indirecte, la seule méthode utilisée à présent, est incertaine (du Plessis, 1981; du Plessis et al, 1987) et l'antigène (macrophages péritoneaux de souris infectés) reste délicat à produire et à standardiser. L'antigène pour une autre méthode d'immunofluorescence indirecte, utilisant des cultures primaires de Cowdria dans des granulocytes infectées (Logan et al, 1986), s'est montré plus facile à préparer mais toutes les souches ne conviennent pas. Il manque également de spécifité et il y a des différences de titre selon la souche (L A Wassink, F Jongejan et M J C Thielemans, comm. pers.). Le fait que Cowdria peut maintenant être cultivée dans des cellules endothéliales (Bezuidenhout et al, 1985) donne tout espoir que dans un avenir proche les grandes quantités d'organismes que l'on peut ainsi obtenir in vitro de façon contrôlée pourront être utilisées pour produire des quantités suffisantes d'antigène pour expérimenter des tests sérologiques pratiques et spécifiques. La sérologie sera alors un outil pour étudier l'épidémiologie de la cowdriose, qui permettra de voir plus loin que les quelques cas cliniques venant par hasard à la connaissance des vétérinaires en brousse.

Les résultats de l'étude en Guadeloupe (Matheron et al, 1987) suggèrent que la résistance individuelle pourrait être déterminée par un gène récessif, avec une influence des pères individuels sur leurs descendants, lié au sexe, les mâles étant plus résistants. Ces résultats devront être confirmés et pourraient alors ouvrir des possibilités pratiques de sélection dirigée si l'héritabilité s'avérait suffisamment importante.

Les différences nettes entre souches de C. ruminantium ne concernent pas seulement la virulence, l'expression clinique et les lésions, mais aussi des différences antigéniques (Jongejan et al, 1988). Dans certains cas, les différences antigéniques peuvent être si importantes que l'épreuve hétérologue est fatale chez des chèvres solidement immunes contre l'infection homologue. Il y a des indications que les différences antigéniques pourraient s'exprimer plus nettement chez les chèvres que chez les moutons. Par exemple, au cours de tests d'immunité croisée entre une souche sénégalaise ("Sénégal") et une autre d'Afrique du Sud ("Welgevonden"), 5 chèvres sur 7 croisées européennes immunisées contre la souche Sénégal sont mortes par l'épreuve avec Welgevonden, les 2 autres ont guéri spontanément après une réaction grave. Au cours d'une expérience comparable, 2 moutons européens sur 2 ont résisté, tout en étant cliniquement malades. La souche Welgevonden semble mieux protéger contre Sénégal que l'inverse: bien que l'infection hétérologue ait provoqué des réactions fébriles et même cliniques, il n'y a pas eu de mortalité parmi 1 chèvre et 2 moutons utilisés dans une expérience en sens inverse (F Jongejan et C Brière, comm. pers.). Il reste à voir si les différences antigéniques sont exprimées aussi nettement chez des chèvres africaines.

De telles différences pourraient expliquer d'une part le fait que la chèvre est réputée difficile à immuniser contre la cowdriose naturelle, tandis que le mouton ne l'est pas. On peut immuniser, au laboratoire, des chèvres européennes contre l'épreuve homologue mais on ne sait pas encore si cette immunité persiste plus que les quelques mois qu'ont duré les expériences (Uilenberg, 1983; Jongejan et al, 1988).

L'immunisation par infection et traitement des chèvres de race sensible est dangereuse et peut être associée à une mortalité importante (Gruss, 1983; du Plessis et al, 1983). Cela dépend également de la virulence de la souche et il a été pratiquement impossible d'immuniser des chèvres néerlandaises avec la souche Welgevonden: presque toutes les chèvres sont mortes malgré des administrations d'oxytétracycline longue durée commencées le premier jour de l'hyperhermie (F Jongejan et M J C Thielemans, comm. pers.).

Références

Aklaku I K. 1980. Principal causes of mortality in small ruminants in Ghana. Bulletin de l'Office International des Epizooties 92: 1227-1231.

Bezuidenhout J D, Patterson C L and Barnard B J V. 1985. In vitro cultivation of Cowdria ruminantium. Onderstepoort Journal of Veterinary Research 52: 113-120.

Camus E. 1987. Contribution à l'étude épidémiologique de la cowdriose (Cowdria ruminantium) en Guadeloupe. Thèse de Doctorat-es-Sciences. Université de Paris-Sud, Paris, France.

Camus E et Barré N. 1982. La cowdriose (heartwater). Revue générale des connaissances. Etudes et Synthèses No. 4. Institut d'Elevage et de Médecine Vétérinaire des Pays Tropicaux, Maisons-Alfort, France.

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Uilenberg G. 1983. Heartwater (Cowdria ruminantium infection): Current status. Advanced Veterinary Science and Comparative Medicine 27: 427-480.


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