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Annexe 3: Schémas conceptuels pour le développement durable1

On examinera ci-après un certain nombre de schémas potentiels: i) la définition FAO du développement durable; ii) le Code de conduite pour une pêche responsable; iii) le schéma général pour le développement durable; iv) le schéma Pression-Situation-Réponse (PSR) et ses variantes; et pour finir v) le schéma du développement écologiquement durable (Ecologically Sustainable Development, ESD des anglophones). Les sections qui suivent décrivent brièvement ces divers schémas en faisant ressortir leurs différences et leurs corrélations.

1. La définition FAO du développement durable

La définition du développement durable adoptée par la FAO peut être considérée comme un cadre très général pour le développement durable des pêches. Elle reconnaît cinq éléments principaux: la ressource multiple dans son environnement; les besoins humains économiques et sociaux; la technologie; et les institutions. Si les deux premiers sont des éléments à conserver, les autres doivent être respectivement satisfaits, contrôlés et établis grâce au processus général de gestion.

Figure 1. Représentation schématique du schéma de durabilité adopté par la FAO
Source:
Garcia & Staples (sous presse) - Voir texte

On peut noter qu'un tel schéma est axé sur les deux aspects principaux du développement durable: bien-être de l'environnement (E, cet aspect concernant à la fois l'environnement et la ressource au sens strict) et bien-être humain (H, cet aspect concernant la population, la technologie et les institutions). Un certain nombre d'indicateurs, dont chacun pourra intégrer plus d'une variable, seraient nécessaires pour suivre: a) la richesse de la ressource, à savoir son abondance, sa diversité et sa capacité de reconstitution; b) l'environnement, par exemple en se référant à sa condition première; c) la technologie en termes de capacité ainsi que d'impact sur l'environnement; d) les institutions (par exemple droits de pêche, systèmes de mise en application); et e) aspects humains, notamment avantages (alimentation, emploi, revenu), aspects économiques de l'exploitation (coûts, recettes, prix) et contexte social (cohésion sociale, participation, observation des réglementations). Toutefois, la définition FAO est large, applicable à tous les secteurs du développement, et elle ne donne pas de détails spécifiant comment identifier des objectifs, critères et indicateurs spécifiques. Le Code de conduite FAO pour une pêche responsable comble cette lacune.

2. Le Code de conduite pour une pêche responsable

Le Code de conduite pour une pêche responsable a été adopté par les États Membres de la FAO en 1995, et il est considéré par les pays pêcheurs et les pays côtiers comme le fondement pratique de la durabilité des pêcheries dans l'avenir. Il propose un schéma différent mais voisin de la durabilité, et le système envisagé est axé sur les aspects opérationnels. Au lieu de faire ressortir l'équilibre entre le bien-être de l'environnement et le bien-être humain, il est subdivisé en un certain nombre d'articles d'intérêt opérationnel: i) opérations de pêche; ii) aménagement des pêcheries; iii) intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières, iv) pratiques après capture et commerce; v) développement de l'aquaculture; et vi) recherche halieutique. Cette structure est optimisée dans l'optique de la «mise en application» (opposée à l'élaboration de rapports) et ses diverses composantes correspondent approximativement à divers groupes de parties intéressées (pêcheurs, administrateurs, transformateurs, négociants, aquaculteurs et experts scientifiques) impliquées dans la mise en application du Code.

Figure 2. Schéma du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO
Source:
Garcia & Staples (sous presse)

Ce schéma formel (et facultatif) est complété par une série de directives techniques préparées par la FAO pour faciliter sa mise en application et dont la liste reste ouverte. Elles pourraient être complétées, selon les besoins, par des protocoles techniques spécifiques. Chacun de ces articles (et directives) comprend un certain nombre de dispositions (et approches et options) qui appellent, explicitement ou implicitement, à formuler un certain nombre d'objectifs, critères et indicateurs spécifiques.

L'étroite corrélations qui existe entre les prescriptions nombreuses et détaillées du Code de conduite et la définition FAO du développement durable a été mise en lumière par S.M. Garcia (sous presse)2 qui a distingué, dans la définition de la FAO, trois éléments principaux: i) conservation (et durabilité) de la ressource multiple dans son environnement; ii) satisfaction des besoins sociaux et économiques humains; et iii) gestion des changements requis dans les institutions et la technologie. Garcia a formulé pour chacun de ces éléments des principes et des objectifs qui pourraient servir de base pour la sélection et l'élaboration d'indicateurs spécifiques. Pour chaque principe et subdivision de celui-ci, il a également identifié les dispositions particulières du Code de conduite qui sont applicables (qui ne sont pas reproduites ici), ainsi que les critères et indicateurs nécessaires pour suivre la bonne application du Code.

3. Schéma général pour le développement durable

Le schéma général pour le développement durable est moins détaillé que le Code de conduite parce qu'il a été conçu à des fins d'application générale, et il a l'avantage d'identifier explicitement les deux domaines de bien-être (sous-système environnemental et sous-système humain) et les corrélations entre eux (voir figure 3).

Le sous-système humain exerce une pression complexe sur le sous-système environnemental que, par exemple, il pollue et appauvrit, et il reçoit des signaux en retour. Les deux sous-systèmes peuvent être à leur tour subdivisés en composantes secondaires et leurs corrélations mises en évidence. Par exemple, les composantes «économie» et «population» du sous-système humain donnent lieu à des échanges de biens et services, ainsi que de main-d'_uvre.

Figure 3. Schéma général pour le développement durable
Source: Garcia & Staples, sous presse, version modifiée de UNEP/EAP, 1995

4. Le schéma Pression-Situation-Réponse (PSR) et ses variantes

Le schéma Pression-Situation-Réponse (représenté dans la figure 4), élaboré par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et d'autres organismes internationaux, est une variation du cadre général proposé pour la durabilité, avec sa représentation dichotomique de cette dernière, surimposant sur celle-ci la situation des deux composantes du système, ainsi que les processus qui affectent cette situation et, en particulier, la pression exercée sur le sous-système environnemental et la réponse de la société qui affectent les deux sous-systèmes.

Figure 4. Les schémas PSR (a), DPSR (b) et DPSIR (c)
Source:
Garcia & Staples, sous presse

Le cadre PSR définit trois types d'indicateurs:

Pression (P) - Ces indicateurs renseignent sur la pression appliquée à un aspect ou un autre du système de durabilité des pêcheries. Il peut être difficile de déterminer si une pression d'un certain niveau est acceptable ou si elle est trop élevée, à moins que l'on ne dispose aussi d'informations sur l'état de l'environnement. Ces indicateurs doivent donc généralement être considérés parallèlement aux indicateurs de situation. Toutefois, des variations des indicateurs de la pression peuvent mettre en garde assez tôt contre d'éventuels problèmes susceptibles de causer une modification des indicateurs de situation.

Situation (S) - Ces indicateurs donnent une idée de l'état actuel d'un aspect ou d'un autre du système de durabilité des pêcheries. Ils donnent des informations sur la situation du système au moment où il est observé. L'observation d'un indicateur donné sous forme d'une série chronologique permet de voir comment évolue l'état du système.

Réponse (R) - Ces indicateurs (de la réponse institutionnelle) rendent compte des mesures effectivement prises par les décideurs et les administrateurs en réponse aux signaux qu'ils reçoivent quant à la durabilité de la pêcherie, ou souvent, en réponse à des pressions des partenaires intéressés. Si les indicateurs suggèrent que l'état du système est satisfaisant, alors qu'il est possible qu'aucune action ne soit nécessaire. Ces indicateurs forment une partie importante de la chaîne de réaction dans le système d'aménagement.

Pour être valablement interprétés, les trois types d'indicateurs devraient être directement reliés. Par exemple, l'indicateur de la pression (par exemple taux d'exploitation par pêche) devrait être accompagné d'une mesure de l'impact de la pression exercée (à savoir niveau du stock) et d'une mesure de la réponse à cette pression (régulation de la pression d'exploitation par pêche ou des prélèvements). Idéalement, il faudrait disposer d'un modèle montrant la corrélation entre les trois. Il faudrait mettre au point des indicateurs PSR qui soient dynamiques et donnent donc une idée à la fois de l'orientation et du degré du changement ainsi que des mesures statiques du système. Pour faciliter leur présentation et leur compréhension, les indicateurs de durabilité pourraient être présentés sous forme d'une carte à "points" (en anglais "score card") ou de "tableau de bord" avec une périodicité appropriée, peut-être chaque année.

Tout système de durabilité pour les pêcheries a quatre dimensions principales qui sont: i) écologiques (l'écosystème, qui comprend les ressources biologiques et leur environnement); ii) sociales; iii) économiques; et iv) relatives aux institutions et aux systèmes administratifs dans lesquels la pêcherie opère. Les indicateurs choisis pour l'approche PSR doivent refléter l'état actuel, les changements et les caractéristiques structurelles des composantes.

Des exemples d'indicateurs PSR pour les pêcheries sont donnés ci-dessous. Beaucoup d'entre eux peuvent être appliqués à plus d'une des échelles identifiées - mondiale, régionale, nationale, sub-nationale et locale. Certains indicateurs peuvent également remplir plus d'une des trois fonctions prévues - l'indicateur des captures, par exemple, pourrait servir aussi comme indicateur de la pression et indicateur de situation.

Le schéma force dominante-pression-situation-réponse (DPSR) est une variante du cadre PSR dans laquelle les forces dominantes (D) sont distinguées de la pression (P) qu'elles engendrent (voir figure 5). De manière analogue, il a quelquefois été suggéré que la situation (S) soit subdivisée en impact (I), effet (E) et stock (ST), qui conduit à des structurations plus compliquées.

Le schéma force dominante-pression-situation-impact-réponse (DPSIR) (figure 5) est un exemple d'un tel élargissement du schéma PSR pour lequel on considère que les "forces dominantes" reflètent plus précisément les dimensions économiques, sociales et institutionnelles du développement durable. Dans ce cadre élargi, les forces dominantes humaines (par exemple la demande de nourriture et celle de revenus, alimentées par les forces économiques et démographiques) exercent une pression sur l'environnement (au sens large, comprenant l'utilisation des ressources naturelles, l'impact sur l'habitat, les émissions de déchets). Ces pressions entraînent des modifications de la situation des composantes du système et son environnement (telles qu'une diminution de la biomasse des ressources ou des revenus pour les communautés côtières) et elles peuvent avoir un impact immédiat sur le fonctionnement du système (tel que l'effondrement de pêcheries, des troubles sociaux, une moins bonne observation des réglementations). Les sociétés, par exemple par l'intermédiaire de leurs services responsables de l'aménagement, fournissent une réponse à ces modifications de l'état des ressources et leur impact (par exemple: mesures juridiques, institutionnelles et/ou financières, modification des stratégies de développement ou des systèmes fonciers) en vue de modifier la pression exercée (par le moyen de l'aménagement) ou d'en réduire les effets (plans de restauration ou dispositifs d'intervention, programmes d'assurance, etc.).

Les corrélations entre forces dominantes, pression, résultats, impacts et réactions risquent de ne pas toujours être simples, et les réactions à une certaine pression peuvent devenir une pression sur un autre système ou une partie du système. Les captures sont un indicateur du niveau d'extraction et sont par conséquent des indicateurs supplétifs de la pression d'exploitation par pêche. En faisant toutefois quelques hypothèses, on les utilise aussi souvent comme des indicateurs de l'état de la ressource. En outre, une subvention, accordée à titre de soulagement en cas de rendements exceptionnellement faibles peut devenir une incitation à accroître la capacité de pêche et la pression d'exploitation. En outre, la démarcation entre impacts et résultats n'est pas toujours claire et on continue à débattre sur l'utilité du schéma "élargi".

Dimensions

Pression d'exploitation

Situation de la ressource

Réponse

Écosystème (ressource et environnement

Capture totale

Superficie totale exploitée

Capture/production équilibrée

% ressources > cible

Décharge totale des effluents

B/B cible

F/F cible

E/E cible

% RC > cible

% RNC > cible

Indice de biodiversité

Structure de la communauté

Structure trophique

Superficie d'habitat critique

CTA/prise équilibrée

% de reconstitution des stocks épuisés

Réduction de la pollution d'origine terrestre

Droits d'usage instaurés

Redevances d'utilisation instaurées

Sociales

Effort de pêche

Nombre de navires

Taux de croissance du nombre de pêcheurs

Taux de chômage

Taux d'immigration

Instabilité sociale

Nombre de pêcheurs

Démographie

Nombre d'associations

% au-dessous du seuil de pauvreté

Revenu et répartition des avoirs

Aide au chômage

Soutien aux associations

Décision quant à l'allocation des ressources

Économiques

Chômage sectoriel

Subventions

Capacité de pêche excédentaire

Rente potentielle de la ressource

Rentabilité

Rémunérations et salaires

Emploi dans le secteur

Incitations et obstacles économiques

(par exemple subventions, taxes, rachat)

Mesures de commandement et de contrôle3

Institutions/

exécutif

Politiques d'emploi

Absence de recours aux droits de propriété

% de ressources évaluées

% de ressources faisant l'objet de plans d'aménagement

% de récupération du coût de l'aménagement

Degré de respect des obligations

% de ressources co-gérées

% de ressources évaluées

Programme de conversion des emplois

Programmes de recyclage

Nombre d'opérations de coercition

Notes: B = biomasse, F = mortalité par pêche, E = taux d'exploitation, RC = ressources cibles, RNC = ressources non cibles.

Les indicateurs intégrés sont indiqués en italiques

Tableau 1. Exemples d'indicateurs PSR

5. Le schéma de développement écologiquement durable

Chesson et Clayton (1998) ont proposé une variante du schéma général pour le développement durable, qui est connue en Australie comme "Ecologically Sustainable Development" (ESD), en vue d'aider à déterminer dans quelle mesure les besoins d'aménagement aux fins de la durabilité sont satisfaits et quels sont les progrès accomplis. Au sommet, la structure dichotomique est semblable à celle du schéma général pour le développement durable décrit ci-dessus, et reflète les composantes environnementales et humaines. Les effets de la pêche sont subdivisés en effets sur les humains et effets sur l'environnement (au sens large, comprenant les effets sur la ressource). La subdivision reconnaît que, si tous les effets influencent en dernier ressort la qualité de la vie humaine, certains le font directement tandis que d'autres le font indirectement par l'intermédiaire de l'environnement. Le cadre ESD établit, en outre, une hiérarchie d'éléments à des degrés de détail progressivement plus importants (voir figure 5). Les auteurs soulignent que la valeur de certains éléments de la structure peut être négative. Par exemple, les revenus peuvent être négatifs lorsque la pêcherie est déficitaire (en particulier si on prend en considération les subventions et les coûts de l'aménagement et autres coûts). De même, les modes de vie peuvent être "négatifs" lorsque la situation impose des conditions de vie dangereuses ou autrement indésirables à l'échelle des individus.

Figure 5. Subdivision hiérarchique d'un schéma pour le développement durable
Source: Chesson & Clayton, 19984

Les composantes du schéma peuvent bien sûr être elles-mêmes subdivisées. Par exemple, les effets sur des espèces non visées pourraient être subdivisés en effets indirects et directs, et ces derniers pourraient eux-mêmes être subdivisés en effets (i) des opérations de pêche normales et ii) d'autres opérations de pêche, par exemple la pêche "fantôme" (ghost fishing).

Si les deux composantes principales de la figure 5 (effets sur les humains et sur l'environnement) sont souvent susceptibles d'être adoptées comme les deux caractéristiques essentielles pour toute pêcherie ou sous-secteur d'une pêcherie, les échelons inférieurs peuvent être modifiés ou subdivisés selon les conditions locales. Pour chaque élément constitutif du cadre, un objectif (avec un point de référence) doit être spécifié (par exemple un chiffre pour le revenu total escompté) et les indicateurs correspondants sont alors faciles à déterminer (par exemple recettes effectives). En outre, des pondérations différentes peuvent être données aux différentes cellules constitutives du schéma selon la politique générale et selon les priorités accordées aux objectifs. Ces pondérations seront utilisées pour combiner les valeurs des indicateurs en partant du plus bas niveau de l'arbre ESD.


4 Chesson, J. & Clayton, H. (1998). A framework for assessing fisheries with respect to ecological sustainable development. Bureau of Resources Sciences. Fisheries Resources Branch, Australia. 19 p.

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