Une gouvernance efficace et inclusive est essentielle pour établir des institutions et des organisations compétentes et bien informées. Cependant, pour améliorer la gouvernance des terres et de l’eau, il faut des politiques cohérentes et intégrées dans les divers secteurs pour traiter les multiples objectifs liés à la gestion des ressources naturelles, aux arbitrages ainsi qu’aux écosystèmes et services connexes. Une cohérence est nécessaire à tous les niveaux d’administration et dans tous les domaines d’action, car des décisions ne concernant pas l’eau et les terres peuvent avoir des répercussions considérables sur les ressources naturelles. Cet impératif vaut pour la gestion transfrontalière des ressources, car l’eau et les sédiments ne s’arrêtent pas aux limites des pays.
La compréhension et la reconnaissance des liens entre les droits coutumiers et officiels relatifs aux terres et à l’eau et du rôle des systèmes juridiques hybrides dans les régimes fonciers inclusifs applicables aux terres et à l’eau peuvent former la base à partir de laquelle on pourra atteindre tout un éventail d’objectifs politiques et d’objectifs de développement. Il faut élaborer des politiques efficaces, efficientes et inclusives concernant les terres et l’eau, dans le cadre d’une gouvernance multiniveau. Les approches pluripartites et pluridisciplinaires sont essentielles à une gestion intégrée des terres et de l’eau, notamment une collaboration avec la société civile, les universités, les collectivités locales, les femmes et les filles, les jeunes et le secteur privé.
On dispose d’éléments qui montrent qu’il est possible de régénérer les ressources dégradées, de poursuivre l’intensification et d’augmenter la résilience en planifiant et en mettant en œuvre des initiatives intégrées et multipartites à grande échelle. Cela peut se faire dans le cadre de la gestion des bassins versants ou des bassins hydrographiques, de la restauration et de l’aménagement intégré du territoire, de la modernisation de l’irrigation et de l’agriculture climato-intelligente, avec des stratégies à long terme, des investissements, et des financements et des partenariats innovants pour soutenir les initiatives et améliorer les moyens d’existence.
Les cadres d’action et les cadres juridiques qui régissent les ressources en terres et en eau au niveau national sont souvent déconnectés ou non mis en œuvre, ou se sont révélés inefficaces en raison de cloisonnements institutionnels ou techniques et d’une absence de concordance entre les compétences exercées sur des ressources écologiquement interdépendantes. La gestion intégrée des ressources en eau part du principe que cette dernière doit être gérée comme un système, généralement un bassin versant, un sous-bassin versant ou un aquifère, et que les limites des systèmes hydriques ne coïncident souvent pas avec les limites politiques ou administratives. Pour exercer une bonne gouvernance et augmenter l’efficience d’utilisation de l’eau et la durabilité, il faut mettre en place des solutions techniques, financières et institutionnelles, puis assurer une mise en œuvre intersectorielle efficace et coordonnée.
Les informations sur les terres et l’eau (quantité et qualité), la répartition, l’accès, les risques et l’utilisation sont essentielles pour éclairer le processus décisionnel. Les informations numériques en temps réel offrent aux décideurs publics des données désagrégées de bonne qualité, accessibles, actualisées et fiables, et leur permettent d’utiliser des technologies intelligentes et des mécanismes de suivi robustes pour élaborer des politiques intersectorielles efficaces et ne «laisser personne pour compte».
Les niveaux de financement actuels restent en grande partie insuffisants pour atteindre les objectifs relatifs à la vie terrestre (ODD 15) et à la gestion durable de l’eau (ODD 6). On encourage les financements internationaux et les investissements publics et privés pour renforcer l’environnement propice et explorer de nouvelles approches d’investissement dans des ressources en terres, en sols et en eau écologiquement durables. Les agriculteurs doivent en outre être considérés comme les premiers investisseurs et non pas simplement comme les bénéficiaires des subventions publiques et de la protection douanière.
Trois principales mesures visent une réelle transformation pour aboutir à une gouvernance équitable des terres et de l’eau et contribuent à la durabilité des systèmes alimentaires, des populations et des écosystèmes:
élaboration de mécanismes politiques, juridiques et institutionnels coordonnés et cohérents dans tous les secteurs;
délégation de la gouvernance et réduction des rapports de force;
mise en place d’une gouvernance adaptative et d’un changement structurel.
Les conventions internationales et les engagements politiques de haut niveau confèrent un mandat et un appui importants pour la gouvernance multisectorielle et intégrée des terres et de l’eau. Ils jettent les bases nécessaires pour la réalisation des ODD et la négociation des résultats sociaux, économiques et environnementaux.
Dans le nord du Viet Nam, des retenues sur le cours supérieur du fleuve Rouge régulent le débit et génèrent une grande partie de l’électricité nécessaire pour mener les stratégies de modernisation et d’industrialisation du pays. Ce même système fournit l’eau utilisée à des fins domestiques pour irriguer 750 000 hectares de riz dans le delta du fleuve Rouge, culture qui joue un rôle essentiel dans la stabilité sociale et la sécurité alimentaire. La plupart des systèmes d’irrigation utilisent des pompes électriques qui fonctionnent grâce à l’énergie fournie par les centrales hydroélectriques situées en amont.
L’eau se raréfie et la concurrence entre les secteurs de l’énergie et de l’agriculture s’intensifie, et il n’y a toujours pas assez de données et d’informations fiables et utiles à la formulation des politiques pour orienter les choix en matière d’allocation de l’eau. Une consultation intersectorielle efficace est nécessaire pour remédier à ce problème et pour faire en sorte que les décisions relatives aux lâchers d’eau et aux allocations soient prises dans le cadre d’une stratégie intégrée, multisectorielle et à long terme.
Les solutions aux problèmes liés aux terres et à l’eau peuvent être sélectionnées et adaptées en fonction des circonstances, et être étayées par des mesures de gouvernance et des institutions et des capacités renforcées à tous les niveaux de la prise de décisions. Fondamentalement, il faut des mesures efficaces de gouvernance des ressources en terres et en eau pour encourager des investissements bien adaptés et un changement des comportements. Cela devrait permettre de transformer les options de gestion durable des ressources et des écosystèmes en mesures à long terme à grande échelle.
Il faut des mécanismes et des instruments de gouvernance pour comprendre et opérer des arbitrages entre les secteurs, et concilier les objectifs de développement économique, de protection sociale et de conservation de l’environnement. Une ligne de visée claire est nécessaire pour atténuer les inégalités dans la répartition de l’eau et dans l’accès à cette dernière et aux terres, en reconnaissant, en respectant et en mettant en pratique les droits fonciers applicables aux terres et à l’eau, et en particulier les droits d’accès et d’usage des individus et des groupes qui dépendent de ces ressources pour leur alimentation et leurs moyens d’existence. Des évaluations de la vulnérabilité et des risques doivent être menées pour éviter les dangers potentiels.
Des approches intersectorielles et territoriales, comme l’aménagement intégré du territoire, la gestion intégrée des ressources hydriques et le nexus eau-alimentation-énergie, apportent des expériences précieuses pour affiner et appliquer des cadres de gouvernance intégrée des terres et de l’eau qui permettent une conservation, une gestion durable et une restauration des ressources en terres et des écosystèmes à grande échelle et contribuent à la concrétisation des ODD. Cependant, ces approches nécessitent des outils d’intervention stratégique, en particulier un aménagement participatif du territoire, des mécanismes d’incitation, un financement pérenne et des institutions décentralisées compétentes. Celles-ci devront disposer d’outils actualisés de diagnostic, de planification et d’évaluation, d’ensembles de données intégrés, d’outils d’administration numériques modernes et d’approches multipartites.
Les stratégies éprouvées d’amélioration de la nutrition et de la santé des écosystèmes et d’établissement de systèmes agroalimentaires durables et résilients qui s’appuient sur la gestion des sols, de l’eau et de la biodiversité comprennent l’agroécologie, l’agriculture de conservation, l’agriculture biologique, l’agroforesterie et les systèmes intégrés associant culture et élevage.
Des mesures relatives aux terres, aux sols et à l’eau, au sein des exploitations et au-delà, sont de plus en plus employées pour aider à définir des arbitrages afin de concilier production et gestion des écosystèmes, d’augmenter la productivité agricole et la résilience face au changement climatique, de réduire les pertes et gaspillages alimentaires, de modifier les modes de consommation alimentaire, et d’opérer la transition vers des systèmes alimentaires qui utilisent plus efficacement les ressources.
La délégation de la gouvernance et la réduction des rapports de force sont des conditions préalables nécessaires pour éclairer l’élaboration de politiques adaptées aux contextes socioéconomiques et écologiques, et pour mettre en œuvre des stratégies en faveur des populations pauvres. Une gouvernance inclusive des terres et de l’eau requiert des liens établis de manière réfléchie entre les institutions, entre les secteurs et à différentes échelles, et une participation de l’ensemble des acteurs. Il faut des lieux de débat et des approches consensuelles pour permettre à la société civile, et notamment aux groupes marginalisés, de s’impliquer et de négocier efficacement avec les pouvoirs publics et le secteur des entreprises. On pourra ainsi s’assurer que les arbitrages négociés sont équitables, et opérer une transition vers des systèmes alimentaires et agricoles durables.
L’Action commune de Koronivia pour l’agriculture est une décision historique qui met en évidence les risques liés au climat et définit les priorités à traiter au moyen de politiques publiques et d’instruments de gouvernance, en accordant à la terre une place essentielle dans la solution aux problèmes climatiques (encadré S.3).
Cette initiative offre un cadre de renforcement de la gouvernance des terres et de l’eau en intégrant les politiques d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets dans les secteurs agricoles. Les questions abordées au titre de l’Action commune de Koronivia pour l’agriculture comprennent les méthodes et les approches permettant d’évaluer: l’adaptation, les co-bénéfices engendrés par celle-ci, l’atténuation, l’amélioration des stocks de carbone des sols, la santé et la fertilité des herbages et des terres cultivées; l’amélioration des systèmes de gestion de l’élevage (production agropastorale comprise), la dimension socioéconomique et la dimension liée à la sécurité alimentaire du changement climatique dans les différents secteurs agricoles; et les modalités de mise en œuvre des conclusions. Par ailleurs, ce processus facilite les échanges de connaissances entre les diverses parties prenantes, et définit les principales politiques et interventions de gouvernance ainsi que les bonnes pratiques en matière de reproduction à plus grande échelle dont on a besoin pour appuyer l’agriculture climato-intelligente, les moyens d’existence et la sécurité alimentaire.
Source: UNFCCC, 2018.
Des instruments tels que la rémunération des services environnementaux peuvent inciter à adopter des systèmes de gestion des terres et de l’eau et des systèmes agroalimentaires durables et productifs en transférant certains avantages aux utilisateurs des terres et en stimulant l’investissement.
Les expériences de reproduction à plus grande échelle de la gestion durable et de la restauration des terres montrent qu’il est nécessaire de mettre en place des incitations ciblées et à long terme substantielles pour s’assurer la participation des diverses parties prenantes, de la conception au suivi, en passant par la planification et la mise en œuvre. Il faut des régimes fonciers et des droits d’usage clairs.