La communauté internationale a encouragé la gestion et la régénération raisonnées et durables des ressources naturelles, notamment au moyen d’approches spécifiques pour les terres, les sols et l’eau ainsi que pour les services écosystémiques. Ces approches peuvent aider à définir des seuils critiques pour les systèmes de ressources naturelles, et déboucher sur des résultats bénéfiques lorsqu’elles sont associées pour former des ensembles de mesures ou des programmes d’appui technique, institutionnel et financier et d’appui à la gouvernance.
La gestion durable des ressources dans toutes les zones agroclimatiques est une première étape cruciale. Alors que les pressions exercées sur les systèmes pédologiques et hydrologiques risquent de compromettre la productivité agricole là où la croissance est la plus nécessaire, la planification des ressources en terres et en eau à différents niveaux décisionnels va jouer un rôle clé en encourageant une utilisation durable et efficiente des ressources.
Un large éventail d’outils et d’approches de planification des ressources aide les décideurs, les responsables de la planification et les praticiens qui travaillent aux niveaux mondial, national et local à élaborer des plans, à prendre des mesures et à développer les solutions de gestion durable des terres (encadré S.4). Bien que le manque de données empêche souvent une planification efficace, les planificateurs de ressources font face en recourant à la télédétection, aux mégadonnées et à des méthodes d’analyse innovantes qui révolutionnent leur travail. Des modèles sont de plus en plus utilisés dans les approches participatives qui englobent l’ensemble des parties prenantes. Ces modèles permettent d’élaborer et d’adapter des systèmes alimentaires et agricoles pour améliorer les conditions économiques et sociales et générer de multiples avantages et possibilités pour les économies locales et nationales et les investissements privés et publics.
Le projet de gestion transfrontalière de l’agroécosystème du bassin versant de la rivière Kagera est l’un des 36 projets du programme d’investissement stratégique TerrAfrica en faveur de la gestion durable des terres en Afrique subsaharienne.
Le bassin versant de la rivière Kagera (Burundi, Ouganda, République-Unie de Tanzanie et Rwanda) offre des moyens d’existence – agriculture, pastoralisme et pêche – à plus de 16 millions de personnes. Cependant, l’accroissement rapide de la population, l’intensification de l’agriculture, la réduction progressive de la taille des exploitations et les pratiques non durables de gestion des terres et de l’eau ont dégradé la base de ressources naturelles.
Des approches de planification et de gestion du bassin versant ont été intégrées dans les stratégies de gouvernance locales afin d’encourager une gestion participative et durable des terres, de l’eau et de la biodiversité. Au Burundi et en République-Unie de Tanzanie, des groupes de gestion du bassin versant ont été créés pour organiser et superviser la mise en œuvre du projet, ce qui a permis d’améliorer la sécurité alimentaire et de résoudre des conflits portant sur les ressources. En Ouganda et en République-Unie de Tanzanie, la planification participative de l’utilisation des terres a permis aux collectivités et aux pouvoirs publics de valider les résultats de la planification du bassin versant et de la gestion intégrée de l’agroécosystème au regard de la productivité agricole, des ressources naturelles, de la lutte contre le changement climatique, de la biodiversité, de la sécurité alimentaire et des moyens d’existence.
Source: FAO, 2017.
De nouveaux outils aident les planificateurs de ressources à déterminer l’ampleur des écarts de rendement et des déficits de production et leur localisation, car de nombreuses régions continuent de présenter un mauvais rendement des cultures pluviales et une production insuffisante. En Afrique subsaharienne, par exemple, les rendements n’atteignent que 24 pour cent du niveau auquel ils pourraient prétendre avec des niveaux d’intrants plus élevés et une gestion raisonnée des ressources. On observe également des écarts de rendement importants en Amérique centrale, en Inde et en Fédération de Russie, attribués à un faible niveau d’intrants et à une gestion inefficace. Une planification efficace permet aux décideurs publics de cibler leurs interventions et d’améliorer la production alimentaire en fonction des besoins ainsi que des possibilités d’investissement.
La boîte à outils de planification des ressources foncières élaborée par la FAO vient à l’appui d’une planification participative des ressources en terres. Elle fournit des informations et un ensemble d’outils et d’approches qui aident les parties prenantes à travailler dans différentes régions et dans divers secteurs, et à plusieurs niveaux. Disponible en ligne, elle est librement accessible et régulièrement actualisée, et offre des descriptions récapitulatives et des liens vers un ensemble complet d’outils et d’approches de planification des ressources foncières élaborés par la FAO et d’autres institutions.
S’agissant des ressources hydriques, la FAO a notamment mis au point des outils de comptabilité et d’audit de l’eau, des systèmes de récupération d’eau, des systèmes d’exploitation agricole modulaires, une planification des ressources en eau non traditionnelles, une boîte à outils pour les sécheresses associée à des mécanismes d’alerte rapide, l’outil sur les débits écologiques AquaCrop et un système halieutique intégré pour augmenter les avantages et la durabilité en intégrant la pêche dans les périmètres d’irrigation.
La gestion des terres et de l’eau doit également faire partie intégrante des plans de gestion des risques de catastrophe, des inondations et des sécheresses, des plans nationaux d’adaptation et des plans élaborés au titre de l’Accord de Paris pour atteindre les contributions déterminées au niveau national.
La grande diversité du secteur privé – des petits exploitants aux acteurs des différents stades de la chaîne de valeur alimentaire (transformation, stockage, transport et commercialisation), ainsi que leurs fournisseurs – est un atout important pour répondre aux défis liés à la terre et à l’eau. Les technologies qu’ils adoptent et les sites d’exploitation qu’ils choisissent, leur gestion responsable de l’environnement et leurs principes de responsabilité sociale sont mis en avant, et donnent des exemples supplémentaires d’initiatives et de meilleures pratiques, notamment en matière de systèmes de certification et de diffusion d’informations par les entreprises.
La FAO a opté pour l’intensification durable et l’agriculture climato-intelligente pour aider ses membres à s’adapter aux futures hausses de la demande de calories et aux ressources limitées en terres et en eau. L’intensification durable implique d’augmenter l’efficience de l’utilisation des ressources et d’optimiser les intrants externes, de réduire le plus possible les effets nuisibles de la production alimentaire sur l’environnement, de remédier aux écarts de rendement sur les terres agricoles existantes peu productives et d’adopter des variétés de plantes et des races d’animaux d’élevage améliorées. L’agriculture climato-intelligente vise à accroître la productivité et les revenus agricoles, à s’adapter au changement climatique et à renforcer la résilience face à ses effets, et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau 2018 est consacré aux solutions s’inspirant de la nature dans le domaine de l’eau. Ces solutions peuvent représenter une puissante stratégie pour encourager le secteur agricole à rediriger des investissements vers les services écosystémiques. Elles comprennent des interventions à long terme, économiquement rationnelles, dans les domaines de la gestion de l’eau, de la remise en état des sols, de la biodiversité et de la conservation.
Les approches de gestion intégrée des terres et de l’eau sont désormais dopées par les produits et technologies de l’information et de la communication (TIC). La simple introduction de téléphones portables fournit un système de coordination pour une gestion pluridisciplinaire et multipartite des terres, et élimine de nombreux obstacles à son développement (encadré S.5). Les programmes climato-intelligents peuvent désormais transmettre des contenus sophistiqués sur l’environnement et la lutte contre les organismes nuisibles aux utilisateurs sur le terrain.
Les progrès dans les TIC, la télédétection et les mégadonnées permettent de déployer des politiques et des stratégies au moindre coût. Les applications de gestion des connaissances et les applications sur téléphone portable destinées aux agriculteurs et aux éleveurs permettent d’améliorer la productivité, de gérer les risques environnementaux connexes et de veiller à ce qu’une gestion durable des terres et de l’eau puisse être assurée. On peut citer à titre d’exemple la détermination en temps réel des rizières en jachère en Asie. Cela permet de tirer parti des jachères dans le cadre de la diversification des cultures – production de légumineuses alimentaires, apport de nutriments pour pallier les carences des sols et des plantes, et réduction des produits agrochimiques – mais aussi pour les prévisions climatiques.
Source: Biradar et al., 2020.
L’importance de prendre soin des terres et des sols et de gérer l’eau de manière responsable peut être mise en avant au moyen d’approches fondées sur les connaissances, en particulier si elles sont définies dans le cadre d’approches des paysages et des services environnementaux.
L’«espace des solutions» de l’agriculture s’est agrandi. Les progrès de la recherche agronomique ont élargi la palette technique de la gestion des terres et de l’eau. Des solutions s’inspirant de la nature peuvent être associées à la lutte contre les organismes nuisibles, à la phénologie des cultures et à la biodiversité des sols, et être appliquées à grande échelle pour limiter les pressions environnementales.
Si l’on veut atteindre les objectifs de sécurité alimentaire et de production durable ainsi que les cibles des ODD, il est essentiel d’accroître la productivité des terres et de l’eau. Cela étant, il n’existe pas de solution universelle. On dispose aujourd’hui d’un ensemble complet de solutions viables pour améliorer la production alimentaire et s’attaquer aux principales menaces découlant de la dégradation des terres, de la raréfaction de l’eau et de la baisse de qualité de cette ressource. Mais elles ne pourront porter leurs fruits qu’en présence d’un environnement propice, d’une volonté politique forte, de politiques bien conçues et d’une gouvernance inclusive, et de processus de planification totalement participatifs dans l’ensemble des secteurs et des territoires.
Les mesures visant à atténuer le changement climatique et à s’adapter à ses effets dans l’agriculture font partie d’un continuum qui va du traitement des facteurs déterminants de la vulnérabilité au ciblage explicite des répercussions du changement climatique.
La dégradation anthropique des terres est désormais une priorité, bien qu’elle ait été largement ignorée par le passé. Dans de nombreux cas, elle est évitable et réversible. Les approches telles que la gestion durable des terres, qui s’attaquent aux problèmes de dégradation des sols et gèrent leur humidité ainsi que la croissance des plantes et la biodiversité associée, seront essentielles si l’on veut répondre aux aspirations de sécurité alimentaire mondiale et concrétiser les ODD. Il faudra les généraliser et les développer avec l’appui de politiques efficaces et de mécanismes financiers. Des études montrent que les coûts de restauration sont inférieurs de plus d’un tiers aux coûts de l’inaction, et que la prévention de la dégradation est généralement bien moins onéreuse que la remise en état.
La neutralité de la dégradation des terres – état dans lequel la quantité et la qualité des ressources foncières appuient les fonctions des écosystèmes et améliorent la sécurité alimentaire – peut aider les pouvoirs publics à faire face aux défis engendrés par la dégradation des terres, et à définir des objectifs et à planifier des interventions sur le principe consistant à éviter > réduire > inverser la dégradation.
L’Étude mondiale des approches et des technologies de conservation est un système de connaissances qui aide à mettre en œuvre la gestion durable des terres et la neutralité de la dégradation des terres. Ce système comprend des techniques et des approches couvrant la récupération de l’eau, la conservation des sols et de l’eau, l’agriculture pluviale et irriguée, la gestion de l’élevage et la gestion agropastorale, la gestion des bassins versants, et l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets.