Pour ce qui est de l’accès aux biens et aux ressources qui sont indispensables pour travailler dans les systèmes agroalimentaires, comme la terre, les intrants, les services, les moyens financiers et les technologies numériques, les femmes continuent d’accuser du retard par rapport aux hommes.
Dans nombre de pays, il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une situation où les femmes seraient aussi nombreuses que les hommes à posséder des terres et où leurs droits seraient protégés par des cadres juridiques. Dans 40 des 46 pays disposant de données, les hommes sont plus nombreux que les femmes à posséder des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres agricoles, et la protection juridique des droits fonciers des femmes est faible dans 50 pour cent des pays qui communiquent des données sur l’indicateur 5.a.2 des ODD.
Il est alarmant de voir à quel point les disparités entre femmes et hommes sur les plans de l’accès aux services de vulgarisation et à l’irrigation et de la possession de bétail ont peu reculé au cours de la dernière décennie, même si la diminution des inégalités dans l’accès aux services financiers, à l’internet mobile et aux téléphones portables est encourageante. L’écart entre les femmes et les hommes en ce qui concerne l’accès à l’internet mobile dans les pays à revenu faible ou intermédiaire s’est amenuisé, passant de 25 pour cent en 2017 à 16 pour cent en 2021; il en va de même pour l’accès aux comptes bancaires, avec un écart qui n’est plus que de 6 points de pourcentage, contre 9 points de pourcentage auparavant.
Si nous voulons parvenir à l’égalité des genres et à l’autonomisation des femmes dans les systèmes agroalimentaires, il est essentiel de veiller à ce que les femmes aient autant accès que les hommes aux ressources et le même contrôle sur celles-ci. Garantir les droits des femmes rurales sur les terres, l’eau et le bétail peut leur ouvrir davantage de débouchés économiques, renforcer leur pouvoir de décision sur les moyens de production et les revenus du ménage et contribuer à améliorer leur résilience face aux chocs, notamment les crises économiques mondiales et les chocs climatiques (voir le chapitre 5 pour un examen plus approfondi).
L’égalité d’accès des agricultrices et des agriculteurs aux moyens de production agricole, aux technologies et aux ressources complémentaires contribuerait à atténuer les disparités qui existent entre eux en matière de productivité des terres et de la main-d’œuvre et à réduire l’insécurité alimentaire des femmes. De nouvelles sources d’inégalité peuvent apparaître, par exemple dans le domaine des technologies numériques, à mesure que le développement économique et la transformation des systèmes agroalimentaires amènent un déplacement progressif des emplois du secteur agricole vers les segments non agricoles des systèmes agroalimentaires. Ces changements rendent encore plus urgente la nécessité de réduire les inégalités persistantes d’accès à des ressources telles que l’éducation.
Le présent chapitre décrit les tendances en matière d’inégalités de genre pour ce qui est de l’accès aux ressources importantes pour les moyens de subsistance et l’autonomisation des femmes dans les systèmes agroalimentaires, comme l’éducation, les terres, l’eau, le bétail et les ressources complémentaires, et de la propriété de ces ressources. Il fait le point sur les domaines dans lesquels la situation s’améliore, stagne, voire se dégrade depuis 10 ans. Les recherches récentes ne se limitent plus à recueillir des données sur les disparités femmes-hommes dans l’agriculture et les systèmes agroalimentaires, mais visent à examiner les processus de décision concernant les ressources et à analyser les contraintes sous-jacentes qui provoquent et entretiennent ces inégalités1.
DANS UN ÉCHANTILLON DE 20 PAYS, MOINS D'UN pour CENT DES FEMMES PAUVRES VIVANT EN MILIEU RURAL ONT TERMINÉ LEURS ÉTUDES SECONDAIRES.
L’éducation, tant pour les garçons que pour les filles, est essentielle à la lutte contre tous les aspects des inégalités de genre. En plus de leur assurer un accès à de meilleurs emplois dans les systèmes agroalimentaires, l’éducation donne aux femmes et aux filles les moyens de s’engager dans la voie de leur choix, que ce soit au sein des systèmes agroalimentaires ou en dehors. Si elles ne reçoivent pas une éducation suffisante, les femmes sont nettement désavantagées lorsqu’il s’agit de faire prévaloir leurs éventuels droits à posséder des terres ou à en hériter, d’accéder au financement agricole ou d’avoir recours aux technologies numériques. Les disparités d’accès à la terre entre les femmes et les hommes sont souvent moindres dans les pays où les niveaux d’éducation des femmes sont plus élevés2. Parmi les femmes qui travaillent dans les systèmes agroalimentaires, celles ayant un niveau d’éducation plus élevé sont mieux rémunérées et plus productives que les autres (chapitre 2). Outre ces aspects, l’éducation procure toutes sortes d’autres avantages socioéconomiques, comme l’amélioration de la santé et de la nutrition maternelles et infantiles3.
Les inégalités de genre dans l’éducation persistent dans le monde et à tous les niveaux d’enseignement, malgré des améliorations ces 20 dernières années. On observe que les progrès en matière de parité femmes-hommes sont plus soutenus dans l’enseignement primaire que dans l’enseignement secondaire et supérieur, et ce dans toutes les régions4. L’Afrique subsaharienne a toujours les résultats les plus faibles dans le domaine de la parité femmes-hommes dans l’enseignement secondaire comme dans l’enseignement supérieur4. Les disparités liées au genre dans l’enseignement sont plus importantes dans les ménages les plus pauvres et dans les zones rurales. Sur un échantillon de 20 pays, moins de 1 pour cent des femmes rurales pauvres ont terminé leurs études secondaires5, ce qui constitue un obstacle majeur à leur autonomisation.
Lorsque les droits fonciers et les droits de propriété ne sont pas garantis, les femmes et les hommes ne peuvent pas s’organiser et investir dans des terres, les améliorer ou en disposer en toute confiance. Le renforcement des droits fonciers des femmes s’accompagne généralement d’une adoption plus large des technologies, d’une augmentation des investissements et d’une progression de la productivité et des revenus agricoles (voir le chapitre 6). La protection des droits fonciers est donc aussi un aspect important de l’autonomisation des femmes, auquel sont associés d’autres avantages sociaux, comme la diminution de la violence domestique (encadre 3.1).
De plus en plus d’éléments permettent d’analyser la relation ambiguë entre la propriété foncière des femmes et les violences fondées sur le genre. La propriété foncière des femmes, en elle-même, n’a pas pour effet de réduire les violences fondées sur le genre, mais elle permettrait plutôt: i) de renforcer l’émancipation économique des femmes et leur pouvoir de négociation; ii) d’améliorer leurs connaissances et leur estime de soi ainsi que leur liberté de mouvement et leur accès aux marchés; et iii) de renforcer leur position sociale en favorisant une reconnaissance de leur agencéité et des droits et libertés qu’elles revendiquenti. Cependant, si les hommes considèrent que les femmes, à travers leur émancipation économique et l’amélioration de leurs droits fonciers, menacent leur propre autorité, ils risquent de se retourner contre elles en leur faisant subir des violences, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyeri, ii.
Dans plusieurs États indiens, les femmes possédant des terres ont indiqué que le fait de posséder des terres et des biens avait permis de réduire les agressions verbales, physiques et sexuelles dont elles étaient victimesi, iii, iv. Les femmes sans terres ont également déclaré qu’elles subiraient moins de violences si elles possédaient des terres. Beaucoup de femmes ont déclaré que la propriété foncière les rendait moins dépendantes et diminuait leur sentiment de gêne et leur impression de ne pas être à la hauteur, et les aidait à se faire entendre et accepter davantage dans leurs familles et celles de leur marii.
Les hommes, cependant, ont fait part de sentiments partagés: certains ont affirmé que le droit à la propriété des femmes leur permettrait de mieux gérer le foyer et d’améliorer la nutrition, tandis que d’autres ont déclaré que si l’on donnait des terres aux femmes, celles-ci se comporteraient de manière égoïste et finiraient par créer des problèmes au sein du foyer. Les hommes et les femmes se sont plaints de la mauvaise qualité des terres données aux femmes par le gouvernement, mais ont fait remarquer que l’accès à la propriété foncière avait amélioré la mobilité des femmes ces 10 dernières années, tout en leur permettant d’être mieux informées. Cependant, des facteurs structurels et écologiques, comme le manque d’informations au sujet des procédures d’administration des terres et des recettes ou encore la composition exclusivement masculine des administrations fiscales et d’autres institutions (comme les organismes de gouvernance des villages), ont fait obstaclei.
Au Nicaragua et en République-Unie de Tanzanie, l’accès des femmes à la propriété foncière s’est accompagné de manière notable d’une baisse du niveau d’autorité des partenaires, entraînant une diminution des violences physiques et psychologiquesv. Les femmes ont déclaré que leur accès à la propriété foncière les avait rendues plus à même de répondre à leurs propres besoins indépendamment de leur mari, ce qui a eu pour effet de briser les structures socioculturelles de domination masculine. Cependant, une analyse portant sur la propriété foncière exclusive ou conjointe des femmes et sur leur expérience des violences exercées par un partenaire intime, et s’appuyant sur 28 enquêtes démographiques et sanitaires, a révélé que les données ne permettaient pas de tirer de conclusions quant au lien entre la propriété foncière des femmes et les violences fondées sur le genreii.
Il est également essentiel, pour les protéger des violences fondées sur le genre, que les femmes connaissent leurs droits fonciers et soient soutenues par les institutions, notamment par les normes sociales et les lois régissant la propriété foncièrevi. Certains individus, des acteurs du secteur privé, des membres du gouvernement ou d’autres parties prenantes peuvent recourir à différentes formes de violence fondées sur le genre comme moyen de coercition pour s’accaparer des terresvi, vii. Les femmes peuvent également être contraintes d’échanger des faveurs sexuelles pour accéder aux terres ou résoudre des problèmes fonciers. En Sierra Leone, par exemple, 8 pour cent des femmes et 5 pour cent des hommes ont déclaré qu’on leur avait demandé ou qu’ils connaissaient quelqu’un à qui on avait demandé des faveurs sexuelles pour résoudre des problèmes fonciers.
L’accès limité à un approvisionnement en eau abordable, adapté, fiable et sans danger pour la santé et l’impossibilité d’en bénéficier augmentent les risques de violences fondées sur le genre, et les femmes et les filles peinent à collecter suffisamment d’eau pour les besoins de leurs foyers dans de bonnes conditions de sécurité. D’après une évaluation mondiale des données sur les violences fondées sur le genre menée en 2022, les violences à l’égard des femmes découlent de normes liées au genre qui justifient les violences, donnent aux femmes l’entière responsabilité de la collecte d’eau et des autres tâches ménagères et limitent la capacité des femmes à demander de l’aideix. L’insécurité hydrique augmente généralement le risque de subir des violences sexuelles en allant chercher de l’eau, et le manque d’eau dans les foyers peut entraîner des violences physiques, souvent commises par des partenaires intimesvi, viii.
L’importance de l’accès des femmes à la propriété foncière est de plus en plus reconnue dans les principaux processus et instruments internationaux, comme les ODD et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale6, qui ont été approuvées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale en 2012. L’égalité des genres fait partie des 10 principes de mise en œuvre des Directives volontaires, qui rappellent son importance pour tous les aspects de la gouvernance des régimes fonciers. Reconnaissant que la garantie des droits fonciers est essentielle pour parvenir à l’égalité des genres et autonomiser les femmes (ODD 5) et éliminer la pauvreté (ODD 1), les ODD tiennent compte des trois indicateurs suivants relatifs à la terre: 1) l’indicateur 5.a.1 suit les tendances en matière d’inégalités entre les femmes et les hommes au sein des populations agricoles pour ce qui est de l’accès à la propriété foncière ou de la sécurité des droits fonciers; 2) l’indicateur 5.a.2 évalue dans quelle mesure les lois et politiques nationales reconnaissent et protègent les droits fonciers des femmes (voir l’encadré 3.2); et 3) l’indicateur 1.4.2 rend compte des statistiques sur l’insécurité foncière des femmes et des hommes7.
L’indicateur 5.a.2i des ODD est défini comme la proportion de pays dotés d’un cadre juridique (y compris le droit coutumier) garantissant aux femmes les mêmes droits que les hommes en matière d’accès à la propriété ou au contrôle des terres. Il ne porte pas que sur les populations agricoles ou les terres agricoles et il est mesuré à l’aide des six indicateurs supplétifs suivants:
Ces indicateurs sont tirés du droit international et des bonnes pratiques convenues au niveau international, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmesii et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationaleiii.
On considère que les indicateurs supplétifs D et F sont présents dans les cadres juridiques si les ressources ou les quotas sont prescrits par la loi, mais aussi, en l’absence de dispositions à cet égard, si les statistiques nationales officielles indiquent qu’au moins 40 pour cent des personnes détenant des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres sont des femmes. C’est par exemple le cas dans sept pays, à savoir le Cambodge, l’Éthiopie, la Géorgie, la Hongrie, la Lituanie, le Rwanda et la Suède.
L’indicateur supplétif E n’est pas applicable dans la législation nationale de 28 pays, principalement en Europe et en Asie occidentale. Il ne s’applique pas lorsque la loi ne reconnaît pas le droit coutumier, les terres coutumières ou les institutions coutumières, même si ces derniers peuvent, dans certains pays, influer sur les pratiques en matière de régimes fonciers.
Les pays n’ont commencé à rendre compte de l’indicateur 5.a.2 qu’en 2019, dans la mesure où les méthodes et normes de collecte de données n’ont été arrêtées au niveau mondial qu’en novembre 2017. En mars 2023, 68 pays de diverses régions, aux niveaux de développement et systèmes juridiques variés, et représentant différents contextes religieux et culturels, ont rendu compte de l’indicateur 5.a.2, et le Pakistan est le seul à ce jour à l’avoir fait à deux reprises.
Les droits fonciers des femmes font l’objet d’une piètre protection juridique dans 34 des 68 pays qui ont communiqué des données sur l’indicateur 5.a.2 (tableau 3.1). Dans les législations nationales de ces pays, on retrouve au mieux deux des cinq ou six indicateurs supplétifs utilisés pour mesurer l’indicateur 5.a.2. Cependant, dans 21 des 68 pays, les droits fonciers des femmes font l’objet d’un niveau de protection juridique élevé ou très élevé puisqu’on retrouve quatre à six indicateurs supplétifs dans leurs législations nationales. Comme indiqué dans l’encadré 3.2, sept de ces 21 pays obtiennent de bons résultats, car les statistiques nationales officielles indiquent qu’au moins 40 pour cent des personnes détenant des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres sont des femmes.
Le nombre indicateurs supplétifs présents dans les cadres juridiques des pays varie considérablement au sein de chaque région (figure 3.1). On trouve de bons exemples de gouvernements ayant adopté des réformes juridiques et politiques visant à faire progresser les droits fonciers des femmes dans toutes les régions. Toutefois, de plus amples efforts sont souvent nécessaires pour améliorer les droits fonciers des femmes, et ce, même dans les pays où ces droits font l’objet d’une protection élevée ou très élevée.
La majorité des pays déclarants ont de bons résultats en ce qui concerne l’indicateur supplétif B (biens matrimoniaux)9 et l’indicateur supplétif C (succession) (figure 3.2), mais peu de réformes juridiques ont été menées en la matière depuis 201010. Dans 60 pour cent des pays, un conjoint ne peut pas céder des terres ou des biens considérés comme biens matrimoniaux sans le consentement de l’autre conjoint. Cinquante-sept pour cent des pays déclarants défendent l’égalité des droits de succession pour tous les enfants et le conjoint survivant, quel que soit leur sexe. Dans 43 pour cent des pays, les droits de succession des femmes et des filles ne sont pas (entièrement) reconnus, ne sont pas identiques à ceux des hommes ou ne s’appliquent qu’à certains groupes11. Cette situation tient souvent à l’influence des lois religieuses ou coutumières sur les régimes de succession.
L’enregistrement conjoint des terres (indicateur supplétif A) est présent dans les cadres juridiques de 24 des 68 pays déclarants. Dans la majorité de ces pays, les terres détenues par des conjoints doivent être enregistrées au nom des deux époux, et les titres et certificats s’y rapportant doivent être délivrés en leurs deux noms. Le Kenya fait partie des pays qui, au cours des 10 dernières années, ont adopté des réformes foncières pour rendre obligatoire l’enregistrement conjoint12. L’obligation d’établir des titres de propriété conjoints figure également dans les programmes de réforme agraire ou de réforme de l’attribution des terres de plusieurs pays d’Amérique latine, comme l’État plurinational de Bolivie13 et la République dominicaine14. Seuls deux pays de l’échantillon, à savoir le Népal15 et la Thaïlande16, encouragent l’enregistrement conjoint au moyen d’incitations économiques.
Parmi les 40 pays reconnaissant le droit coutumier dans leur cadre juridique (indicateur supplétif E), 21 garantissent l’égalité des genres dans le domaine des droits fonciers. Par exemple, en Équateur, au Kenya, au Malawi, en Ouganda, en République-Unie de Tanzanie et au Tchad, il est prévu dans la constitution comme dans le droit foncier que les coutumes ne peuvent contrevenir aux principes de non-discrimination ou d’égalité des genres, ce qui fixe des limites claires pour les personnes qui appliquent les lois. Dans d’autres systèmes juridiques, les protections peuvent être établies soit dans la constitution, soit dans les lois foncières pertinentes. La plupart de ces réformes ont été engagées récemment, en particulier en Afrique subsaharienne17.
Des mesures temporaires spéciales18 peuvent aider à mettre en œuvre les politiques et les lois, et contribuer ainsi à accélérer la concrétisation de l’égalité des genres. Ces 10 dernières années, de plus en plus de pays ont adopté ce type de mesures, en particulier en Afrique subsaharienne (souvent dans le cadre d’un ensemble plus vaste de réformes juridiques) et en Amérique latine. On observe que les pays où le niveau de protection juridique est faible dans le droit matrimonial et successoral, comme le Libéria, le Malawi, le Mali, le Niger et le Tchad, prennent aussi des mesures temporaires. Neuf des 16 pays dans lesquels l’indicateur supplétif D est présent ont adopté des dispositions juridiques visant à allouer des ressources financières pour améliorer l’accès des femmes à la propriété foncière, tandis que 22 des 28 pays où l’indicateur supplétif F est présent imposent des quotas pour favoriser la participation des femmes à la gouvernance foncière. En dépit de progrès encourageants, il faudra peut-être agir davantage pour lutter contre les disparités liées au genre dans d’autres domaines qui pourraient ralentir la mise en œuvre de ces mesures. L’Éthiopie, par exemple, a supprimé la loi qui exigeait, dans la plupart des États, un taux de participation des femmes de 30 pour cent dans les comités d’adjudication des terres rurales, car beaucoup de femmes rurales engagées dans ces comités n’étaient pas en mesure d’exercer leurs fonctions en raison d’autres obligations liées à la garde des enfants et aux tâches ménagères.
Le manque d’application et de respect des droits protégés par la loi continue d’entraver considérablement la concrétisation de l’égalité des genres en matière de droits fonciers, en particulier chez les populations rurales et tributaires de l’agriculture. Malheureusement, les statistiques harmonisées et ventilées par sexe sur les droits fonciers restent rares à l’échelle mondiale, malgré les progrès accomplis au regard des méthodes de collecte et de production de ces statistiques. La plupart des pays ne recueillent pas de données sur l’indicateur 5.a.1 des ODD. Même lorsqu’ils communiquent des données à ce sujet, les pays ne suivent pas tous la méthodologie convenue et peu d’entre eux transmettent des informations sur différents droits fonciers (voir l’encadré 3.3).
La mesure et le suivi des droits fonciers des femmes et des hommes se sont considérablement améliorés depuis la publication de l’édition 2010-2011 du rapport sur La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculturei.
Faut-il rendre compte des droits des exploitants agricoles ou des hommes et des femmes considérés individuellement? Dans son édition 2010-2011, le rapport sur La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture présentait des statistiques sur les exploitants agricoles, définis comme «une personne ou un groupe de personnes assumant la gestion d’un actif foncier agricole». Cependant, la notion d’exploitant agricole n’est pas représentative de la répartition réelle de la propriété foncière (ou d’autres droits) entre les membres d’un ménage et en fonction du sexeii, iii, c’est pourquoi on s’intéresse désormais aux droits fonciers détenus par les femmes et par les hommes.
Quels droits mesurer? Les droits fonciers des femmes sont considérés comme un «faisceau de droitsiv», ce qui attire l’attention sur le fait que les femmes comme les hommes peuvent avoir certains droits sur une parcelle de terre en particulier, sans en avoir sur d’autres. Les personnes qui gèrent les terres n’ont pas toujours le droit de les vendre (droits de cession) et, dans certains contextes, les hommes et les femmes peuvent déclarer posséder des terres sans avoir le droit de les vendre ou de les léguerv.
Des innovations ont été apportées à la méthode de formulation de l’indicateur 5.a.1, qui comprend deux sous-indicateurs: a) la proportion de la population agricole totale ayant des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres agricoles, par sexe; et b) la proportion de femmes parmi les titulaires de droits de propriété ou de droits garantis sur des terrains agricoles, par type de droit. Suivant la méthode employée pour l’indicateur 5.a.1, les droits garantis sur des terres englobent la propriété foncière et deux droits de cession essentiels: le droit de vendre et le droit de léguer des terres agricoles. Cependant, l’application de la méthode, particulièrement en ce qui concerne la manière dont les données sur les droits fonciers des personnes vivant de l’agriculture sont recueillies dans le cadre des enquêtes, présente d’importantes lacunes. Par exemple, pour une grande partie des pays, les estimations de l’indicateur 5.a.1 s’appuient sur les données tirées des enquêtes démographiques et sanitaires. Lors de ces enquêtes, on ne recueille que les informations données par les participants quant à savoir s’ils possèdent des terres. Il est rare qu’il soit donné suite à ces réponses en demandant des précisions sur le type de terrains qu’ils possèdent (agricoles, résidentiels, etc.) ou s’ils ont le droit de les vendre ou de les léguer. De plus, on interroge des femmes et des hommes en âge de procréer, et les données risquent donc de ne pas tenir compte des femmes âgées, dont les droits fonciers peuvent être plus précairesvi.
La collecte de données sur les droits fonciers, notamment le droit de léguer des terres, conformément à la méthode établie, n’a été effectuée que dans le cadre de cinq enquêtes représentatives au niveau national (tableau A). En République-Unie de Tanzanie, une proportion comparable d’hommes et de femmes au sein des ménages agricoles ont fourni des documents attestant qu’ils détenaient des terres, et la parité entre les sexes s’est améliorée avec le temps. Cependant, dans les autres pays, il est incontestable que les femmes sont en retard sur les hommes pour ce qui est de l’accès aux documents de propriété. Au Malawi, où les femmes représentent une grande part des propriétaires fonciers, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à posséder des documents confirmant leurs droits fonciers. Les inégalités entre les femmes et les hommes sont particulièrement criantes au Nigéria lorsqu’il s’agit de la possession de documents attestant de leurs droits. La proportion d’hommes et de femmes déclarant jouir de droits de propriété ou de cession et possédant des documents étayant leurs dires est très faible dans tous les pays, à l’exception du Cambodge et de l’Éthiopie.
Lorsque des données sont disponibles, on constate que les femmes dans les ménages agricoles demeurent fortement désavantagées en matière de propriété foncière. Dans plus de 30 pour cent des 46 pays ayant communiqué des informations sur l’indicateur 5.a.1, la part des hommes qui détiennent des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres est deux fois plus élevée que celle des femmes (figure 3.3). Ces données portent sur les ménages agricoles en particulier. Qui plus est, dans presque tous les pays (40 sur 46), les hommes sont plus nombreux que les femmes à détenir des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres.
La proportion de femmes parmi l’ensemble des titulaires de droits de propriété ou de droits garantis sur des terrains agricoles va de 6,6 pour cent au Pakistan (en 2018) à 57,8 pour cent au Malawi (en 2020) (figure 3.4). Dans 14 pays, soit un tiers des pays ayant transmis des données sur l’indicateur 5.a.1, les hommes constituent au moins 70 pour cent de l’ensemble des titulaires de droits de propriété ou de droits garantis sur des terres. La plupart de ces pays se situent en Afrique de l’Ouest, mais on trouve d’autres exemples en Asie (Pakistan) et en Amérique latine et aux Caraïbes (Honduras et Pérou). Dans 11 pays, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à posséder des terres agricoles durant l’année de l’enquête la plus récente. L’Éthiopie et le Rwanda ont consenti des efforts considérables pour mettre en place un système de certification foncière tenant compte de la problématique du genre et sensibiliser davantage à la question des droits fonciers des femmes19. Au Malawi, la succession matrilinéaire est très importante, ce qui pourrait expliquer la forte proportion de femmes parmi les propriétaires fonciers.
Selon certaines études, la proportion de femmes possédant des biens est plus élevée dans les pays dont les régimes juridiques sont plus égalitaires pour les femmes20, 21. Cependant, comme le montrent les enquêtes menées, le lien entre la protection juridique des droits fonciers (indicateur 5.a.2 des ODD) et la proportion de femmes parmi les producteurs agricoles possédant des terres (indicateur 5.a.1 des ODD) n’est pas évident. Le renforcement de la protection juridique des droits fonciers des femmes s’accompagne d’une réduction des inégalités liées au genre, mais la corrélation n’est pas significative sur le plan statistique. Quelques pays disposent de solides protections juridiques pour les droits fonciers des femmes, mais tardent à les mettre en œuvre, et les enquêtes révèlent d’importantes inégalités de genre dans le domaine des droits fonciers22. Dans d’autres pays (comme le Myanmar), les enquêtes menées semblent indiquer que l’égalité en matière de propriété foncière a été atteinte parmi les productrices et producteurs agricoles, bien que les protections juridiques des droits fonciers des femmes soient très faibles d’après les données communiquées concernant l’indicateur 5.a.2.
Ces 10 dernières années, la part de femmes parmi les propriétaires fonciers a augmenté dans 10 des 18 pays pour lesquels on dispose de données longitudinales (figure 3.5). La progression enregistrée en Inde, au Népal, au Nigéria et en République-Unie de Tanzanie est appréciable. Elle est plus modérée dans les autres pays, en partie parce que les changements ont été mesurés sur une très courte période ou parce que la proportion de femmes parmi les propriétaires fonciers était déjà relativement élevée, comme au Cambodge et au Rwanda. Dans trois pays, à savoir le Burkina Faso, l’Indonésie et le Pérou, aucune avancée notable n’a été constatée. Dans cinq pays, la proportion de femmes parmi les propriétaires fonciers a diminué.
Le fait de déclarer être propriétaire d’un bien foncier ne donne pas nécessairement une indication claire de la sécurité foncière. D’après des données fournies par 70 pays à revenu faible ou intermédiaire23, une femme sur cinq et un homme sur cinq dans le monde déclarent ne pas bénéficier de droits fonciers garantis sur leur propriété principale, qui est souvent aussi leur maison. Ils sont à peu près aussi nombreux à signaler que leurs droits fonciers sur une autre propriété utilisée exclusivement à des fins agricoles ne sont pas garantis. Les femmes sont nettement plus susceptibles que les hommes de s’inquiéter de perdre des biens fonciers en cas de divorce ou de décès de leur époux: près de 22 pour cent des femmes déclarent craindre de perdre leur propriété principale et le terrain adjacent, contre 17 pour cent des hommes, et environ 25 pour cent des femmes se disent préoccupées au sujet d’une autre propriété agricole, contre 15 pour cent des hommes. De plus, les femmes vivant en milieu rural sont nettement plus susceptibles que celles vivant en milieu urbain de craindre de perdre leur maison et le terrain adjacent en cas de divorce ou de décès de leur époux. Le sentiment d’insécurité des hommes diminue avec l’âge, mais pas celui des femmes. Les femmes plus instruites sont moins susceptibles de signaler un problème d’insécurité foncière, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’elles connaissent mieux leurs droits en la matière.
La santé et le bien-être des populations dépendent de leur accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène (ODD 6), mais l’accès à des services d’approvisionnement en eau potable reste limité dans les zones rurales des pays à revenu faible ou intermédiaire. Bien qu’à l’échelle mondiale, les hommes soient tout aussi susceptibles que les femmes de déclarer souffrir d’insécurité hydrique24, 25, les femmes sont plus au fait des activités quotidiennes permettant d’approvisionner les foyers en eau26, ce qui reste une source d’inégalité importante. L’insécurité hydrique a des effets directs sur la santé et la nutrition de tous les membres de la famille. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées y sont particulièrement exposés en raison de leurs besoins et dépendances spécifiques. À cause des normes dominantes liées au genre et de la répartition du travail fondée sur le genre, les femmes et les filles s’occupent de manière disproportionnée de la collecte de l’eau (voir le chapitre 2), mais cette activité leur fait souvent courir le risque de subir des violences fondées sur le genre27 (encadré 3.2).
L’eau constitue une ressource centrale pour la production agricole et pour d’autres domaines des systèmes agroalimentaires, comme la transformation, la commercialisation, la vente au détail et la consommation. L’accès à l’eau et l’utilisation de celle-ci dans les systèmes agroalimentaires diffèrent fortement selon que l’on est une femme ou un homme, mais aussi selon d’autres formes de différenciation sociale qui s’entrecroisent avec le genre, telles que la classe, l’âge et l’origine ethnique28, 29. Les inégalités de genre en ce qui concerne l’accessibilité et la gestion des ressources hydriques ont des répercussions importantes pour l’éducation des filles30, les moyens de subsistance31 et l’autonomisation des femmes32 ainsi que la santé et la nutrition des membres de leurs ménages33, 34.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les droits relatifs à la terre et à l’eau dans l’agriculture sont étroitement liés35. Les inégalités de genre en matière de droits fonciers peuvent influer sur les droits qui sont accordés aux femmes en ce qui concerne l’utilisation de l’eau36 et des techniques d’irrigation37. Des pays de nombreuses régions du monde ont recours à des groupes d’utilisateurs d’eau et aux communautés pour gérer les ressources hydriques, mais les femmes sont moins nombreuses que les hommes à faire partie de ces groupes (figure 3.6). L’adhésion à des associations d’usagers de l’eau peut être limitée aux propriétaires fonciers et ainsi réduire la participation des femmes36, 38.
À l’échelle nationale, rares sont les pays à avoir mis en place des politiques de gestion de l’eau tenant compte des questions de genre. En 2020, seuls 44 des 170 pays ayant communiqué des données sur l’ODD 6 (Eau propre et assainissement) ont activement œuvré à la prise en compte des questions de genre dans la gestion de l’eau, et seuls 47 pays sur 104 ont mis en place des politiques expressément destinées à favoriser la participation des femmes à la gestion de l’eau39.
Les obstacles à l’accès à l’eau à des fins productives auxquels se heurtent les femmes sont également étroitement liés aux questions de gouvernance et de représentation au sein des institutions chargées de l’eau. À l’échelle mondiale, seulement 22 pour cent des pays peuvent se targuer d’avoir un niveau élevé de participation des femmes à la gestion et à la gouvernance intégrées des ressources en eau, qui se manifeste par la représentation officielle ou la consultation régulière des femmes dans ces mécanismes (figure 3.6)39.
Les données sur l’accès des femmes à l’irrigation sont limitées, et les données disponibles ne donnent pas une idée précise des tendances en matière d’inégalités entre les femmes et les hommes pour ce qui est de l’accès à l’irrigation. D’après une récente analyse des disparités entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la productivité agricole40, les exploitations gérées par des femmes seraient moins souvent irriguées que les exploitations gérées par des hommes et co-gérées en Éthiopie et au Guatemala, mais seraient plus souvent irriguées que ces dernières au Cambodge et au Pérou. Il n’y avait pas de disparités d’accès à l’irrigation entre les femmes et les hommes en Ouganda, mais moins de 2 pour cent de l’ensemble des exploitations étudiées lors des enquêtes étaient irriguées. D’après un échantillon de cinq pays d’Afrique subsaharienne disposant de séries chronologiques de données, les ménages dirigés par des femmes seraient désavantagés en ce qui concerne l’accès à l’irrigation lorsque cette technique est plus répandue, comme en Éthiopie et au Malawi41. D’une manière générale, peu d’exploitations ont recours à l’irrigation dans ces pays (figure 3.7) et les disparités entre les femmes et les hommes n’ont guère changé ces dernières années.
Les inégalités de genre concernant la prise de décisions au sujet des techniques d’irrigation sont incontestables. D’après une étude qualitative menée au Kenya et en République-Unie de Tanzanie, les femmes ont acheté moins de 10 pour cent des pompes d’irrigation et les hommes ont pris la plupart des décisions importantes quant à la sélection des cultures et à l’utilisation des revenus issus des cultures irriguées42. De même, à Sri Lanka, les hommes jouent un rôle dominant dans la prise de décisions relatives à l’irrigation43; et en Éthiopie, au Ghana et en République-Unie de Tanzanie, les techniques d’irrigation mécanisée sont plus souvent appliquées dans les parcelles gérées par des hommes, alors que les femmes mariées au sein de ménages dirigés par des hommes les utilisent rarement dans les parcelles dont elles s’occupent37.
Le changement climatique et la dégradation de l’environnement, qui entraînent des pénuries d’eau, ont également des répercussions différentes pour les femmes et pour certains groupes ethniques. Par exemple, on a constaté que les rôles et les normes liés au genre rendaient les femmes plus vulnérables pendant la saison sèche au Burkina Faso, de même que les différences ethniques dans l’utilisation de l’eau44.
Le stress hydrique peut accélérer l’exode rural, ce qui a pour effet de modifier les relations et les rapports de force entre les femmes et les hommes concernant l’usage de l’eau dans les foyers et les communautés. Au Tadjikistan, par exemple, les femmes dont les maris ont migré deviennent une main-d’œuvre bien plus recherchée, ce qui leur laisse moins de temps pour participer aux groupes agricoles et aux groupes d’utilisateurs d’eau45. Au Népal, les femmes qui ont dû assumer la gestion de l’irrigation des exploitations à la suite du départ de leur mari ont déclaré avoir eu plus de mal à louer du matériel de pompage et des puits tubulaires, car elles n’avaient pas accès aux réseaux sociaux nécessaires et n’étaient pas à l’aise lorsqu’il s’agissait de négocier avec les propriétaires de puits46. L’augmentation du stress hydrique due au changement climatique et à la pollution peut également favoriser les conflits isolés et les conflits à grande échelle autour des ressources en eau et entraver encore davantage la cause de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes (voir le chapitre 5).
La possession de bétail est importante pour réduire la pauvreté qui touche les femmes47. Elle permet également de renforcer la résilience des ménages face au changement climatique et aux chocs qui en découlent48, 49. Les femmes qui ont accès au bétail et le contrôlent sont mieux à même d’améliorer la santé, l’éducation et la sécurité alimentaire des membres de leur foyer50, 51, 52. Cependant, les femmes restent désavantagées lorsqu’il s’agit de possession de bétail. Les ménages dirigés par des hommes possèdent plus de bétail (mesuré en unités de bétail tropical)53 que les ménages dirigés par des femmes dans huit des 10 pays pour lesquels des données chronologiques sont disponibles (figure 3.8). Ces écarts se sont creusés dans quatre pays (Éthiopie, Géorgie, Mali et Pérou).
Les disparités relatives à la possession de bétail entre les ménages dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes varient en fonction des espèces. Les écarts semblent plus constants pour ce qui est des grands ruminants, mais on observe aussi des disparités dans le cas de la volaille et des petits ruminants (figure 3.9). Les écarts relatifs à la possession de grands ruminants ne semblent pas diminuer avec le temps, et se sont même creusés dans plusieurs pays, tels que la Géorgie, le Mali et le Pérou; ils ont diminué, voire disparu, en Équateur et au Guatemala, mais ils étaient déjà faibles au début de la période considérée.
S’agissant de la possession de volaille, la tendance est moins évidente: dans quatre pays sur 10, les écarts se sont réduits et, dans un pays (le Malawi), la tendance s’est inversée en faveur des ménages dirigés par des femmes, d’après les données tirées des enquêtes les plus récentes; cependant, dans les cinq autres pays, les écarts se sont maintenus, voire accentués.
Seuls six pays ont recueilli des données au niveau individuel sur la possession de bétail et les responsabilités connexes pour différentes espèces54. Tous sont situés en Afrique et participent à l’initiative EMNV-EAI55. La figure 3.10 indique quelle est, au sein des ménages agricoles et selon les types d’animaux considérés, la proportion de femmes et d’hommes qui possèdent du bétail. Les inégalités de genre dans la possession de bétail sont moins évidentes au niveau individuel que lorsque l’on compare les ménages dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes56.
Les femmes sont généralement plus nombreuses que les hommes à posséder de la volaille (figure 3.10). Au Niger, les disparités observées étaient en faveur des hommes en 2011, mais avaient presque disparu en 2014, d’après les dernières données disponibles. En Éthiopie, les femmes étaient beaucoup plus nombreuses que les hommes à posséder de la volaille en 2013, mais ce fossé s’était résorbé en 2019. En revanche, les disparités en faveur des femmes se sont accentuées au Malawi, en Ouganda et en République-Unie de Tanzanie. Dans leur ensemble, ces données semblent indiquer que les disparités entre femmes et hommes sont moins prononcées au regard de la possession de bétail qu’au regard du nombre d’animaux détenus.
La grande majorité des études de cas par pays révèlent des différences importantes dans le type de bétail que les femmes et les hommes possèdent et les décisions qu’ils contrôlent57. Bien que cela puisse varier en fonction du contexte, les femmes sont généralement plus susceptibles de posséder du petit bétail et de la volaille que du gros bétail, comme des bovins58, 59. Elles élèvent aussi plus souvent des races locales60.
Qui plus est, d’importants écarts ont été signalés entre les revenus de la vente de bétail perçus par les hommes et ceux perçus par les femmes59, 61, bien que cela varie en fonction des espèces et des produits de l’élevage ainsi que du niveau de commercialisation. L’intensification et la plus grande orientation commerciale de la production animale pourraient modifier la répartition traditionnelle des droits et des responsabilités, et les femmes pourraient perdre la maîtrise des espèces et produits qu’elles contrôlaient jusqu’ici62. D’après une étude menée en Éthiopie, au Kenya et en République-Unie de Tanzanie portant sur les petits agriculteurs, l’augmentation de la rentabilité de l’élevage et des produits qui en sont issus s’accompagne d’une perte de contrôle des femmes sur les revenus63.
Les études de cas révèlent également des inégalités de genre dans l’accès aux ressources nécessaires à la production de bétail57, 64. Les femmes ont moins accès que les hommes à la terre et aux pâturages65, 66, au fourrage67, à l’eau68, au crédit69, aux technologies, à l’information et aux services et produits vétérinaires, comme les vaccins70, 71.
L’accès aux technologies du secteur agricole et des systèmes agroalimentaires est essentiel pour améliorer la productivité agricole et permettre aux agriculteurs de participer à des chaînes de valeur, des segments et des marchés plus rentables et de s’adapter aux effets du changement climatique1. Les femmes sont aussi susceptibles que les hommes d’adopter de nouvelles technologies lorsque les facteurs favorables nécessaires sont mis en place et qu’elles disposent d’un accès égal aux ressources productives72. Cependant, les agricultrices ont encore beaucoup moins accès que les hommes aux intrants, notamment aux semences améliorées, aux engrais, aux services de vulgarisation et à la formation, au crédit et aux machines agricoles1. Un examen systématique récent a révélé que 53 études faisaient état de disparités d’accès aux ressources agricoles entre les femmes et les hommes; parmi ces études, 25 établissaient un lien direct entre, d’une part, le manque d’accès des femmes aux ressources et, d’autre part, la productivité plus faible des parcelles gérées par des femmes, des agricultrices ou des ménages dirigés par des femmes par rapport à leurs pendants masculins73, comme il en a été fait état dans le chapitre 2.
À mesure que les femmes occupent plus d’emplois dans les activités non agricoles, les inégalités de genre dans l’accès aux technologies propres aux segments non agricoles des systèmes agroalimentaires se font de plus en plus évidentes. En Zambie, par exemple, on estime que le volume des pertes après capture chez les transformatrices des produits de la pêche est trois fois plus élevé que celui enregistré par les transformateurs, ce qui est dû en grande partie au manque d’accès des femmes aux technologies de transformation74.
Dans les pays pour lesquels on dispose de données, les disparités d’accès aux semences améliorées et aux engrais minéraux ont fluctué au fil du temps et selon les pays, et peu d’éléments portent à croire qu’elles seraient en train de disparaître (figure 3.11). En Ouganda, la réduction des inégalités d’accès aux semences améliorées est principalement due au fait que les exploitations dirigées par des hommes étaient moins nombreuses à utiliser des semences améliorées en 2014 qu’en 2010. L’explication est à peu près la même pour l’utilisation d’engrais minéraux en Équateur.
Le recours à la mécanisation à petite échelle dans les systèmes de petites exploitations augmente dans plusieurs régions du monde, notamment en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne75, 76. La généralisation de la mécanisation peut faire évoluer en profondeur l’agriculture et les systèmes agroalimentaires, notamment la nature et la qualité du travail effectué par les hommes et les femmes77. Les changements concrets dépendent du type de technologie, de la répartition traditionnelle du travail entre les femmes et les hommes, et des personnes dont le travail et les revenus seront touchés78. Si la mécanisation peut augmenter la production agricole, et donc les revenus des agriculteurs79, elle peut aussi directement remplacer la main-d’œuvre80. Par exemple, les semoirs directs, les désherbeuses mécaniques, les moissonneuses et les batteuses peuvent mécaniser des tâches auparavant effectuées par les femmes81. En Inde, le labour mécanisé a augmenté de 10 pour cent de 1999 à 2011, ce qui a réduit de 5 pour cent la main-d’œuvre agricole féminine sans pour autant accroitre le travail extra-agricole, les femmes ayant peu de perspectives d’activités non agricoles82. Ainsi, bien que la mécanisation puisse présenter des avantages considérables pour les agriculteurs, y compris pour les agricultrices, elle peut avoir des conséquences négatives importantes pour les moyens de subsistance de certains groupes, comme les femmes extrêmement pauvres, les paysannes sans terres, les veuves et les cheffes de famille83, 84.
En revanche, la mécanisation peut également contribuer à l’autonomisation des femmes en les rendant moins dépendantes du travail des hommes et en leur permettant de participer à la production de cultures «masculines» et d’effectuer d’autres activités traditionnellement réservées aux hommes75, 85. Elle permet aussi de réduire la pénibilité du travail, que les femmes subissent de manière disproportionnée86. Une étude menée en Afrique australe a révélé que la mécanisation de la préparation des sols, dont se chargent principalement les hommes, a également rendu le désherbage, une tâche laborieuse souvent effectuée par les femmes dans les petites exploitations, moins nécessaire86. Grâce à la réduction du temps passé dans l’exploitation, les femmes ont pu consacrer plus de temps à prendre soin d’elles et des autres, même si ce changement ne les a pas amenées à se livrer à d’autres activités rémunérées86.
Les agricultrices sont toujours en retard sur les hommes en matière d’accès et de recours à la mécanisation, malgré les avantages qu’elle peut présenter pour les petites exploitations agricoles. L’examen récent de données provenant de six pays a permis de conclure que, dans cinq d’entre eux, les exploitations gérées par des femmes recouraient moins aux machines agricoles que les exploitations dirigées par des hommes ou co-gérées. Seul le Pérou, où les disparités entre femmes et hommes ne sont pas significatives sur le plan statistique, fait exception40. Les ménages dirigés par des femmes possèdent beaucoup moins souvent de machines agricoles que les ménages dirigés par des hommes (figure 3.12). Dans les huit pays pour lesquels on dispose de données dans la base de données RuLIS de la FAO, l’écart entre femmes et hommes en matière de mécanisation a augmenté ou est resté stable, sauf en Équateur. Les obstacles auxquels elles se heurtent dans l’accès au capital et aux intrants et services complémentaires, leur niveau d’instruction plus faible, le manque d’accessibilité physique et, dans certains cas, les normes socioculturelles fondées sur le genre, sont autant de raisons expliquant que les femmes aient moins recours à la mécanisation87, 88.
De plus, les femmes ont souvent moins de possibilités de recevoir des informations sur les technologies agricoles améliorées, ce qui les rend moins à même de les adopter et de les utiliser89. D’après une étude menée au Ghana, les hommes sont généralement formés aux nouvelles technologies agricoles directement par les équipes de vulgarisation et sont les premiers à les utiliser; en revanche, les femmes sont informées par leur mari et adoptent donc ces technologies plus tardivement90.
Le fait que les machines et les outils soient encore essentiellement pensés pour les agriculteurs et les travailleurs de sexe masculin, notamment sur le plan ergonomique, constitue un obstacle important pour les femmes. Une étude menée en Éthiopie, au Ghana et en République-Unie de Tanzanie a permis de conclure que les femmes n’utilisaient généralement pas de pompes à moteur à cause de leur complexité technologique, de la force physique nécessaire pour les utiliser et de la difficulté de recruter et superviser des ouvriers agricoles91. Dans le secteur de la production commerciale de pommes de terre dans l’État plurinational de Bolivie, où le tri des pommes de terre est principalement effectué par les femmes, celles-ci n’ont pas été invitées à participer à l’évaluation d’une machine permettant d’automatiser une partie du procédé; elles n’ont donc finalement pas adopté la machine en question, car elles la trouvaient trop difficile à utiliser92. Au Bangladesh, dans le cadre d’une approche d’évaluation participative de l’utilisation de moulins à farine portatifs, l’importance de la participation des femmes aux formations a été mise en avant93.
Des données récentes révèlent également l’influence de la prise de décisions par les hommes et les femmes au sein des ménages au sujet de l’adoption de nouvelles technologies91, 94. Les décisions portent notamment sur la manière dont une technologie sera utilisée et la personne qui pourra en bénéficier au sein du foyer, et rendent compte des intérêts propres aux membres masculins et féminins des ménages. En Éthiopie, les femmes ont préféré les pompes solaires aux pompes à moteur à combustion interne, dans la mesure où ces dernières leur faisaient perdre du temps, tandis qu’elles avaient l’impression que les pompes solaires diminuaient la charge de travail domestique et agricole et facilitaient l’entretien des potagers91.
L’adoption de la mécanisation dans les segments non agricoles des systèmes agroalimentaires est étroitement influencée, dans la plupart des pays, par le fait que ce sont principalement des hommes qui possèdent et gèrent les entreprises agroalimentaires. Ces derniers ont généralement peu de raisons d’adopter des technologies qui n’augmentent pas directement l’efficacité et la productivité, même si ces technologies améliorent les conditions sanitaires et la sécurité des travailleurs des usines de transformation, qui sont en majorité des femmes92. Les connaissances dont nous disposons demeurent toutefois insuffisantes en ce qui concerne les liens entre la mécanisation, les relations femmes-hommes et le bien-être des femmes tout au long des chaînes de valeur agroalimentaires.
Les femmes sont très largement délaissées des services de vulgarisation et de conseil dans le monde entier95, 96, 97. Dans quatre des six pays pour lesquels on dispose de données sur plusieurs années, les ménages dirigés par des femmes ont été moins nombreux que ceux dirigés par des hommes à bénéficier de services de vulgarisation, et la situation ne s’est guère améliorée ces dernières années (figure 3.13). Une étude menée en Éthiopie a révélé que les femmes occupant le rôle de chef de famille et les femmes gérant des parcelles ont 10 pour cent de chances en moins que leurs homologues masculins de bénéficier de ces services98.
Les femmes appartenant à des ménages dirigés par des hommes sont également désavantagées lorsqu’il s’agit d’accéder à la vulgarisation, mais on ne recueille généralement pas de données à ce sujet dans le cadre des enquêtes auprès des ménages. D’après les données provenant d’une étude menée en Syrie, les femmes, en particulier les jeunes femmes, ne disposent que d’un accès restreint aux semences améliorées et aux informations, même lorsqu’elles jouent un rôle important dans la gestion des cultures aux différents stades du système alimentaire99. De même, dans les pays en développement, les travailleuses sont exposées à de graves problèmes de santé, car elles manquent d’information sur les pesticides utilisés et les risques sanitaires qu’ils entraînent, et ce même si elles représentent la majorité de la main-d’œuvre des fermes et plantations commerciales100, 101.
À cause des stéréotypes selon lesquels les tâches domestiques et les soins incombent aux femmes, les services de vulgarisation et de conseil agricoles sont fournis de manière disproportionnée aux hommes chefs de famille, qui sont considérés comme les exploitants principaux102. Dans certains contextes culturels conservateurs, du fait des normes sociales dominantes, les agents de vulgarisation de sexe masculin n’interagissent qu’avec les hommes99. Or, la majorité des agents de vulgarisation sont des hommes dans beaucoup de régions, comme en Asie du Sud-Est103. Au Pakistan, l’accès des femmes aux services de vulgarisation n’est pas considéré comme important pour le personnel de vulgarisation, majoritairement composé d’hommes104. Plusieurs facteurs, comme les normes sociales relatives à la mobilité, le niveau d’instruction, la charge de travail et les relations de pouvoir asymétriques, limitent l’accès des femmes aux sessions de formation et aux parcelles témoins105. De même, pour bénéficier de certains programmes gouvernementaux de vulgarisation, il faut parfois être propriétaire ou exploitant de certains biens (étangs de pisciculture ou terres agricoles, par exemple), ce qui peut être discriminatoire à l’égard des femmes106.
Les réseaux et le capital social sont essentiels pour les échanges d’informations, l’innovation agricole, l’adoption de technologies, la répartition des ressources et l’action collective1. On a constaté que l’amélioration de l’accès des femmes aux réseaux et au capital social augmentait les rendements agricoles107 et la demande de technologies novatrices108 et facilitait l’accès à l’information et à des sources d’information variées109, 110. L’amélioration de la parité femmes-hommes s’agissant de l’adhésion et de la participation aux groupes a pour effet de diminuer les conflits et de renforcer la collaboration, les pratiques de gouvernance, les connaissances communes et les avantages collectifs111.
Cependant, les femmes continuent d’obtenir moins d’informations de leurs réseaux, qui sont généralement plus petits et moins influents que ceux des hommes112. Les femmes pauvres rencontrent davantage d’obstacles les empêchant d’accéder au capital social, dans la mesure où rejoindre des groupes et y participer demande du temps et, souvent, implique des frais113. Dans les régions en développement, les tâches ménagères et les responsabilités familiales sont traditionnellement dévolues aux femmes, ce qui les confinent pour la plupart dans l’espace domestique et leur laisse peu de temps pour adhérer ou participer à des groupes109, 114, 115, 116. Qui plus est, les valeurs et croyances ancrées en elles ou les contraintes psychologiques qu’elles subissent (comme le manque d’estime de soi) les empêchent aussi de rejoindre des groupes et des réseaux, d’y participer activement et d’exprimer leurs opinions publiquement1, 117. Les contraintes institutionnelles au sein des mécanismes officiels (comme l’obligation de présenter une pièce d’identité délivrée par l’État ou de payer des frais) et dans les instances informelles (comme le fait que les hommes soient favorisés lors des réunions communautaires) limitent les possibilités pour les femmes d’adhérer et de participer à des groupes et d’en tirer pleinement parti118. De plus, bien que les femmes fassent souvent partie de groupes d’entraide sociale ou économique, le capital social et mobilisateur que leur apportent ces environnements réservés aux femmes leur permet rarement d’exercer une réelle influence dans des milieux mixtes119.
Le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC), comme expliqué plus en détail dans la section suivante, peut permettre de résoudre certains des problèmes rencontrés par les services de vulgarisation et de conseil traditionnels. Les TIC offrent un moyen de diffuser des informations agricoles rapidement et à un prix raisonnable dans des zones reculées, et ce sous différents formats (audio, vidéo et écrit) pour répondre aux besoins des agriculteurs en fonction de leur niveau d’instruction.
Les technologies numériques accessibles aux agriculteurs et aux autres acteurs des systèmes agroalimentaires sont beaucoup plus nombreuses et ont considérablement gagné en qualité depuis l’avènement des TIC modernes, comme les téléphones portables, les ordinateurs personnels et les services et applications internet, dans les années 1990120.
Les TIC peuvent offrir un grand nombre d’avantages économiques, environnementaux et sociaux en augmentant l’accès aux services dans les zones rurales, en réduisant les coûts de transaction, en optimisant l’utilisation des intrants et des ressources naturelles et en renforçant la résilience face aux chocs et aux crises. Cependant, le développement et la généralisation exponentiels qu’ont connus ces technologies dans le domaine de l’agriculture ces dernières années peuvent également aggraver les inégalités. Le fossé numérique subsiste entre les pays développés et les pays en développement et entre les zones rurales et urbaines. Les femmes vivant en milieu rural, en particulier, ont beaucoup moins de chances d’avoir accès aux TIC ou de les utiliser. Cette situation est aussi étroitement liée aux disparités qui existent entre les femmes et les hommes pour ce qui est de l’accès à d’autres infrastructures, en particulier l’électricité. Femmes et hommes ne bénéficient pas des mêmes possibilités lorsqu’il s’agit de choisir la manière dont l’électricité est fournie et les personnes qui bénéficient de son utilisation121. La pauvreté énergétique des ménages a des conséquences très négatives sur les conditions de vie des femmes, qu’il s’agisse de la santé, de l’utilisation du temps et de l’emploi, ou encore de l’accès aux informations, aux services et aux technologies122.
L’utilisation d’internet a augmenté de manière fulgurante ces dernières années, et le nombre d’internautes aurait bondi à 5,3 milliards en 2022123, contre environ 2,4 milliards en 2011124, selon les estimations. En 2022, 63 pour cent des femmes dans le monde utilisaient internet, contre 69 pour cent des hommes (figure 3.14)125. Le taux de pénétration d’internet a augmenté tant chez les hommes que chez les femmes ces dernières années, et l’écart entre eux a diminué.
C’est en Afrique que l’écart entre les femmes et les hommes est le plus importante pour ce qui est de l’utilisation d’internet. Les femmes étaient 25 pour cent de moins que les hommes à utiliser internet en 2022 (figure 3.15), et ce chiffre est resté stable depuis 2019. Qu’il s’agisse des hommes ou des femmes, les taux de pénétration d’internet augmentent parallèlement aux revenus, et sont considérablement plus élevés dans les zones urbaines que dans les zones rurales123.
En 2022, d’après les dernières estimations de l’Union internationale des télécommunications, les téléphones portables représentaient la grande majorité des connexions à haut débit dans les pays à revenu faible ou intermédiaire126. Les données concernant la possession de ce type d’appareil127 collectées depuis 2017 par l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA) dans les pays à revenu faible ou intermédiaire révèlent que les taux de possession sont restés relativement stables entre 2017 et 2021 tant pour les hommes que pour les femmes, et que l’écart qui sépare ces dernières des hommes, bien qu’il se soit atténué avec le temps, était de 7 pour cent en 2021, ce qui représente encore 372 millions de femmes sans téléphone portable128.
L’écart entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la possession d’un téléphone portable varie selon les régions. En 2020, c’est dans les pays à revenu faible ou intermédiaire d’Asie du Sud, où les femmes avaient 19 pour cent moins de chances que les hommes de posséder un téléphone portable, que l’écart était le plus important, devant l’Afrique subsaharienne (13 pour cent) et le Proche-Orient et l’Afrique du Nord (9 pour cent)128. À l’inverse, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire d’Europe et d’Asie centrale, une plus forte proportion de femmes que d’hommes possédaient un téléphone portable128.
En milieu rural, les femmes sont moins susceptibles que les hommes de posséder un téléphone portable, d’après les données tirées de l’enquête menée par la GSMA auprès des consommateurs en 2021129. Sur les 10 pays visés par l’enquête (figure 3.16), c’est au Pakistan que l’écart entre les femmes et les hommes vivant en milieu rural est le plus élevé (35 pour cent), le Mexique étant le pays affichant l’écart le plus bas (2 pour cent).
Soixante pour cent des femmes des pays à revenu faible ou intermédiaire ont aujourd’hui accès à internet depuis un téléphone portable, contre 44 pour cent en 2017 (figure 3.17)128. Cependant, l’utilisation de l’internet mobile a progressé plus lentement chez les femmes que chez les hommes depuis le début de la pandémie de Covid-19 en décembre 2019. C’est l’Asie du Sud qui enregistre l’écart le plus important (44 pour cent), suivie de l’Afrique subsaharienne (37 pour cent); l’Amérique latine et les Caraïbes (1 pour cent) et l’Asie de l’Est et le Pacifique (2 pour cent) enregistrent les écarts les plus faibles.
Les disparités entre les femmes et les hommes vivant en milieu rural sont plus importantes lorsqu’il s’agit de l’utilisation de l’internet mobile que de la possession de téléphones portables dans les 10 pays visés par l’enquête de la GSMA (figure 3.18). Cela est principalement dû au fait que, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les personnes vivant en milieu rural, et en particulier les femmes, sont moins au fait de l’internet mobile que les personnes vivant en milieu urbain. Même lorsque les populations rurales sont au courant de l’existence de l’internet mobile, elles se heurtent à différents obstacles, comme le manque de connaissances et de compétences numériques, qui les empêchent d’utiliser internet depuis leur téléphone. Ces obstacles pèsent généralement de manière disproportionnée sur les femmes et les populations rurales en raison des inégalités structurelles et des normes sociales, qui sont souvent synonymes de niveaux d’instruction plus bas et de revenus plus faibles pour les femmes128. En outre, les personnes vivant dans des zones rurales peu peuplées, reculées ou sans accès à l’électricité ont moins de chances d’avoir accès à des réseaux mobiles à haut débit que les personnes vivant en zone urbaine. Parmi les pays de l’échantillon dont les populations rurales ont été étudiées, le Bangladesh et le Pakistan sont ceux qui enregistrent les écarts les plus importants entre les femmes et les hommes lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’internet depuis un téléphone portable (55 pour cent), tandis que le Mexique affiche l’écart le plus faible (12 pour cent).
L’accès aux services financiers (épargne, crédit, assurance et paiements) aide les personnes à trouver des débouchés économiques, à améliorer leurs revenus, à épargner et à accumuler des biens, ainsi qu’à accroître leur résilience et leur sécurité économique. Il permet également de faire reculer les normes sociales discriminatoires (voir le chapitre 6).
Dans le monde, l’écart entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la possession de comptes bancaires subsiste, mais se réduit. Dans les pays en développement, cet écart, qui s’était maintenu aux alentours de 9 points de pourcentage pendant de nombreuses années, est passé à 6 points de pourcentage en 2021 (74 pour cent des hommes détiennent un compte bancaire contre 68 pour cent des femmes)130. Les services monétaires par téléphonie mobile aident à éliminer les disparités d’accès aux services financiers130.
Le manque de ressources (revenus ou biens, par exemple) ainsi que les normes sociales et les politiques discriminatoires font partie des principaux obstacles à l’accès des femmes aux produits et services financiers131. Les femmes sont également moins susceptibles de posséder les pièces d’identité qui sont exigées pour ouvrir un compte bancaire132, 133. Dans le domaine de l’assurance, on observe une demande moins importante chez les femmes que chez les hommes, et les femmes ont tendance à souscrire des régimes d’assurance offrant une couverture moindre134, 135, 136, ce que l’on attribue à la méfiance, au manque de connaissances financières et aux risques particuliers auxquels les femmes sont exposées134, 136.
La transformation numérique des services financiers offre des moyens novateurs de garantir une véritable inclusion financière. L’utilisation d’outils numériques, accessibles de chez soi, pour améliorer l’autonomie financière des femmes et la protection de leurs informations financières pourrait permettre de surmonter les obstacles qu’elles rencontrent, comme leur manque de mobilité ou leur méfiance à l’égard des institutions officielles137. Les services monétaires par téléphonie mobile aident à faire évoluer le comportement financier des femmes et à améliorer leur indépendance financière, et contribuent ainsi à leur émancipation économique138, 139, 140. Par exemple, une étude menée dans plusieurs pays d’Asie du Sud et d’Afrique subsaharienne a permis de conclure que l’adoption de ces services avait des effets positifs sur l’émancipation économique des femmes du point de vue de l’accès à l’épargne et de la planification budgétaire141. De même, une étude menée au Kenya139 révèle que l’accès au système kényan de services monétaires par téléphonie mobile, M-Pesa, a permis de sortir plus de 100 000 ménages de la pauvreté, et a eu des retombées plus importantes pour les ménages dirigés par des femmes que pour ceux dirigés par des hommes. En outre, ce système a permis à quelque 185 000 femmes de démarrer une activité commerciale et de ne plus avoir à cumuler plusieurs emplois à temps partiel aussi souvent qu’avant.
Cependant, les femmes sont toujours moins nombreuses que les hommes à posséder des comptes bancaires par téléphonie mobile et à recourir aux paiements numériques lorsqu’elles sont titulaires de tels comptes130. En 2021, 8 pour cent des femmes dans le monde avaient un compte bancaire par téléphonie mobile, contre 12 pour cent des hommes. C’est en Afrique subsaharienne (à l’exclusion des pays à revenu élevé) que l’on trouve le plus de titulaires de comptes de ce type, leur proportion étant de 30 pour cent chez les femmes et de 36 pour cent chez les hommes.
La protection sociale pourrait grandement contribuer à promouvoir l’émancipation économique des femmes et à réduire les inégalités de genre, notamment en ce qui concerne le développement du capital humain, l’accès aux revenus et aux biens et le contrôle de ces derniersi(voir également le chapitre 6).
La protection sociale est un outil essentiel de gestion des risques pour les femmes et les hommes vivant en milieu rural. Les programmes de protection sociale sont très efficaces pour améliorer le bien-être des ménages à plusieurs égards, notamment en les aidant à ne pas tomber dans la pauvreté ou à en sortir, en améliorant leurs moyens de subsistance et leurs capacités de production et en favorisant l’inclusion et l’égalité sur le plan socioéconomiqueii, iii. Cependant, ces programmes peuvent mettre plus ou moins l’accent sur l’égalité des genres, et la plupart d’entre eux ne s’attaquent pas aux causes profondes des inégalités entre femmes et hommes, comme les normes et les relations de pouvoiriv.
Dans le monde, 26,5 pour cent des femmes en âge de travailler jouissent d’un accès garanti par la loi à des systèmes complets de protection sociale, contre 34,3 pour cent des hommesv. Cette protection juridique plus faible pour les femmes s’explique en grande partie par les nombreux emplois informels dans l’agriculture et d’autres secteurs, ainsi que par le taux d’activité plus faible des femmes et le type d’emplois qu’elles occupentv. Comme indiqué dans le chapitre 2, une grande partie des femmes rurales appartenant à des ménages agricoles apportent une contribution non rémunérée et rarement reconnue aux entreprises familiales. Lorsque les femmes ne possèdent pas de terres enregistrées à leur nom, comme cela arrive souvent dans de nombreux pays, elles peuvent être exclues des régimes d’assurance sociale destinés aux agriculteursvi.
Les femmes rurales peuvent voir leur accès aux transferts monétaires et aux programmes de travaux publics entravé à cause du manque de temps, de la pauvreté ou de contraintes ou de normes qui les exposent à des discriminations, qui les marginalisent ou qui limitent leur accès aux ressources, dont les transportsvii. Tous les aspects des programmes de protection sociale, dont le ciblage, les conditions à remplir et les mécanismes de paiement et de transfert, peuvent avoir des incidences sur les relations de pouvoir et l’égalité entre femmes et hommes de même que sur l’autonomisation et le bien-être des femmesviii. La participation aux programmes de protection sociale peut également jouer sur le nombre d’actes de violence conjugale (voir l’encadré 3.4).
Les femmes sont souvent les bénéficiaires visées par les programmes de protection sociale, que ce soit en tant que cheffes de famille, en tant que personnes vulnérables du fait des risques particuliers auxquels elles sont exposées (femmes enceintes ou allaitantes, par exemple) ou dans leurs rôles de mère et d’aidante. Ces derniers rôles sont la raison invoquée en Amérique latine depuis les années 1990 pour justifier la pratique consistant à verser directement de l’argent aux femmes dans le cadre des programmes de transfert conditionnel de fondsiii, ix, x, xi. Cependant, cette approche peut renforcer les stéréotypes traditionnels liés au genre qui attribuent plus de responsabilités familiales aux femmes et peut aussi alourdir la charge de travail des femmesxi. D’autre part, d’après les quelques études cherchant à déterminer si le genre des bénéficiaires a une quelconque influence, il apparaît que les résultats des programmes varient très peu que les paiements soient versés aux femmes ou aux hommesxii, xiii, xiv, xv. Il ne suffit pas de cibler les femmes pour améliorer automatiquement l’égalité des genres et l’autonomisation des femmesxvi. Les femmes risquent malgré tout d’avoir des difficultés à contrôler l’utilisation qui est faite de l’argent qui leur est versé si leur pouvoir de négociation et leur autorité sont limités ou si elles manquent de confiance ou de connaissances financières ou pratiquesxvi, xvii, xviii.
Les femmes doivent généralement remplir les conditions imposées par certains programmes de protection sociale pour en bénéficier, par exemple en emmenant leurs enfants faire des bilans de santé réguliers et en suivant des formations sur la nutrition, en raison de leur rôle de mère et de personne s’occupant principalement des enfantsxi. Bien que l’on constate que les transferts conditionnels de fonds ont pour la plupart des effets positifs pour le bien-être des ménages et des enfants, imposer des conditions aux bénéficiaires peut avoir des effets involontaires, par exemple en augmentant le manque de temps des femmes, en perpétuant le stéréotype selon lequel les soins et les travaux domestiques non rémunérés incombent aux femmes, en pénalisant les bénéficiaires si elles perdent leur accès aux prestations faute de respecter les conditions ou en ignorant complètement les besoins des femmesxix, xx, xxi.
Les femmes peuvent éprouver des difficultés à participer à des programmes de protection sociale si les procédures d’identification et d’inscription des bénéficiaires potentiels ne tiennent pas compte de la problématique du genre. Lorsque les mécanismes d’inscription et de paiement obligent les demandeurs à se déplacer loin de chez eux, l’investissement en temps et en argent que cela implique peut limiter l’accès des femmes à ces programmes. Ces dernières doivent surmonter d’autres contraintes, par exemple l’obligation de présenter des pièces d’identité alors qu’elles en sont bien trop souvent dépourvues, le fait de devoir fournir des informations écrites lors du ciblage et de l’inscription, ce qui demande un niveau d’instruction que la plupart d’entre elles n’ont pas, ou d’autres difficultés liées aux normes culturellesxi. Bien que les paiements électroniques puissent être efficaces pour améliorer l’inclusion financière des femmes, la généralisation des mécanismes de prestation numériques en matière de protection sociale risque aussi d’exclure les femmes rurales de manière disproportionnée, dans la mesure où elles sont moins susceptibles que les hommes ruraux de posséder des téléphonesxxii, comme nous l’avons aussi évoqué dans ce chapitre.
Ces dernières années, on cherche de plus en plus à combiner les mesures de protection sociale avec des services, ressources ou activités complémentaires. Ce type d’intervention s’inscrit souvent dans le cadre de ce que l’on désigne comme des «programmes d’inclusion économique multidimensionnels»xxiiiv. La plupart du temps, ces programmes tiennent compte des questions de genre. Sur plus de 200 programmes de ce type étudiés par la Banque mondiale, 88 pour cent donnaient la priorité aux femmes et la majorité ciblaient les moyens de subsistance rurauxxxiii.
Les programmes d’inclusion économique fonctionnent selon des modalités très variées. Par exemple, les programmes de type «cash plus», qui consistent à compléter les transferts monétaires par d’autres interventions, peuvent permettre de renforcer d’autres aspects du bien-être, comme la santé, la nutrition ou la santé reproductivexxiv, et peuvent comprendre différents éléments, comme des campagnes de communication destinées à faire évoluer les comportements, des mesures de renforcement des activités productives, des prestations d’assurance-maladie, des mécanismes d’inclusion financière ou un soutien psychosocial.
Adopter une approche tenant compte de la problématique du genre au moment d’associer la protection sociale à d’autres services peut permettre d’améliorer l’égalité des genres. On peut compléter les aides par des formations professionnelles et des services de garde d’enfants pour améliorer la capacité d’insertion professionnelle des femmes ou par des services visant à accroître la production agricole et la rémunération des femmes et à faciliter la création d’entreprises et la diversification des moyens de subsistancexi. Par exemple, deux des plus grands programmes de travaux publics du monde, à savoir le Programme de protection sociale fondé sur les activités productives en Éthiopie et le Programme Mahatma Gandhi de garantie de l’emploi en milieu rural en Inde, prévoient la mise en place de crèches pour les enfants en bas âge des femmes participant à ces programmesi.
Bien qu’il soit communément admis que les transferts de ressources ne suffisent pas à eux seuls à donner de l’autonomie aux femmes, on comprend moins bien quelles sont les interventions complémentaires susceptibles de faire avancer l’autonomisation des femmes et de changer les choses en profondeurxxv. Il existe plusieurs exemples de situations où la mise en place de programmes d’inclusion économique multidimensionnels a eu des effets positifs pour les femmes en ce qui concerne la création de revenus, l’accès à l’épargne et aux biens ou encore le bien-être psychosocialxxvi, xxvii, xxviii. Les programmes multidimensionnels peuvent être très complexes et sont souvent adaptés à un contexte particulier, ce qui fait qu’il est parfois plus difficile de les transposer à plus grande échelle que dans le cas de simples programmes de protection sociale.
Le versement direct de transferts monétaires aux bénéficiaires, forme d’aide courante dans le cadre de la protection sociale, peut avoir des répercussions sur la violence conjugale à travers trois facteurs: i) la sécurité économique et le bien-être émotionnel; ii) les conflits intrafamiliaux; et iii) l’autonomisation des femmesi.
L’amélioration de la sécurité économique et du bien-être émotionnel peut réduire le stress lié à la pauvreté et, ainsi, les actes de violence conjugale. Cependant, l’argent disponible peut au contraire favoriser cette forme de violence s’il est consacré à l’achat de produits superflus, comme l’alcool et le tabac, ou si les conjoints ne s’entendent pas sur la manière de le dépenser. L’effet sur l’autonomisation des femmes et sur la violence conjugale susceptible d’en découler dépend de la réaction de du partenaire face à l’évolution des rapports de force au sein du couple. Les transferts monétaires peuvent aider à réduire les actes de violence si les hommes acceptent l’émancipation de leurs conjointes et les apprécient davantage à leur juste valeur. Cependant, si les hommes se sentent menacés, ils risquent de commettre plus d’actes de violence pour maintenir les relations de pouvoir telles qu’elles étaient.
La plupart des données semblent indiquer que les transferts monétaires réduisent la violence conjugale ou n’ont pas d’incidence sur celle-ci dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, bien qu’on ait observé une augmentation des signalements de ce type de violence dans certains sous-groupesii. Dans quatre des cinq programmes de protection sociale étudiés en Afrique, il a été fait état d’une diminution des actes de violence en nombre et en intensité (fréquence)iii. Au Bangladesh, les femmes qui ont reçu des espèces ou de la nourriture tout en ayant fait l’objet de campagnes de communication destinées à faire évoluer les comportements en matière de nutrition ont subi moins de violence de la part de leur conjointiv. Les espèces, les coupons et la nourriture donnés aux ménages à faible revenu dans le nord de l’Équateur ont permis de réduire les violences physiques ou sexuelles au sein du couple et les comportements de domination en améliorant le bien-être subjectif, la confiance en soi et le pouvoir de décision des femmesii, v, vi. Dans le cadre du programme de transfert conditionnel de fonds Oportunidades/Prospera au Mexique, les femmes bénéficiaires ont subi moins d’agressions physiques, mais ont reçu davantage de menaces de violence à moyen termevii. Bien que ces effets ne se soient pas maintenus dans la durée, les réformes juridiques relatives au divorce ont permis aux femmes, en particulier les bénéficiaires du programme Oportunidades, de s’extraire plus facilement de relations violentesviii, ix.
La structure des ménages et la place occupée au sein de ces derniers peuvent influer sur les effets des programmes d’aide en espèces sur l’égalité des genres. Un programme malien de transferts monétaires a permis de réduire les signalements d’actes de violence émotionnelle et physique et de comportements de domination exercés à l’encontre des femmes par leur partenaire dans les ménages polygames, mais n’a eu que des effets limités dans les ménages monogamesx. Les effets ont été particulièrement visibles chez la deuxième épouse et les suivantes, qui subissent le plus haut taux de violence lorsqu’aucune intervention n’est en place. La participation au programme a diminué le stress et l’anxiété des membres masculins des ménages bénéficiaires, ce qui a entraîné une réduction des signalements de conflitsx. Le programme phare du Gouvernement ghanéen visant à lutter contre la pauvreté grâce à l’amélioration des moyens de subsistance (Livelihood Empowerment Against Poverty 1000 Programme) a permis de réduire les cas enregistrés de violence physique, sexuelle et émotionnelle contre les femmes dans les ménages monogames, mais pas dans les ménages polygamesxi. L’augmentation de la sécurité économique et l’autonomisation des femmes ont joué un rôle important dans ces résultats. Le programme a permis de réduire les conflits et les violences: les femmes, aussi bien au sein de ménages polygames que monogames, ont déclaré ne plus avoir aussi souvent besoin de demander de l’argent à leur mari et être moins dépendantes d’eux à cet égard, ce qui atténue les tensions éventuelles au sein du couplexii.