Les effets des changements climatiques sur les espèces d’organismes nuisibles sont complexes et se caractérisent par des effets directs et indirects, voire par des interactions entre ceux-ci. En un lieu donné, toute modification du réchauffement et des autres conditions climatiques et atmosphériques peut avoir des effets directs ou indirects sur les insectes nuisibles, les agents pathogènes et les adventices. Parmi les possibles effets directs et indirects sur les organismes nuisibles figurent notamment: une modification de leur répartition géographique (extension ou rétrécissement) ou un risque accru d’introduction d’organismes nuisibles; une variation de la phénologie saisonnière, comme le moment de l’activité printanière ou la synchronisation des étapes du cycle de vie des organismes nuisibles avec leurs plantes hôtes et leurs ennemis naturels; et une évolution des différents aspects de la dynamique des populations, comme l’hivernage et la survie, les taux de croissance des populations ou le nombre de générations des espèces polycycliques (Juroszek et von Tiedemann, 2013a; Richerzhagen et al., 2011).
En général, toutes les étapes importantes du cycle de vie des insectes nuisibles, des agents pathogènes et des adventices – survie, reproduction et dissémination – sont plus ou moins directement influencées par la température, l’humidité relative, la quantité de lumière ou sa qualité, le vent ou toute combinaison de ces facteurs. Les processus physiologiques de la plupart des espèces d’organismes nuisibles sont particulièrement sensibles aux variations de température (Juroszek et al., 2020). Par exemple, des températures élevées peuvent favoriser tout particulièrement la propagation des virus des végétaux et de leurs insectes vecteurs jusqu’à ce que leur seuil de température supérieur soit atteint (Trebicki, 2020). Lors d’une expérience de terrain menée pendant trois ans sur du maïs en milieu tropical, Reynaud et al. (2009) ont montré que l’incidence de la striure du maïs (causée par le virus de la striure du maïs) et l’abondance de son vecteur, la cicadelle Cicadulina mbila, étaient étroitement corrélées à la température, les deux augmentant rapidement au-dessus de 24 °C, mais que les températures de 30 °C et plus pouvaient être préjudiciables à la cicadelle et à la transmission du virus (Juroszek et von Tiedemann, 2013c). On peut donc s’attendre à ce que le réchauffement climatique favorise de nombreux insectes vecteurs et les virus qu’ils véhiculent, du moins dans une certaine fourchette de températures.
Les effets indirects sont véhiculés par les plantes hôtes ou par les adaptations apportées à la gestion des cultures en raison des changements climatiques (Juroszek et al., 2020). Un réchauffement de la température moyenne de l’air, en particulier au début du printemps dans les régions tempérées, pourrait conduire à ce que les étapes du cycle de vie des plantes hôtes surviennent plus tôt au cours d’une saison (Racca et al., 2015). Ce phénomène peut avoir une incidence sur les agents pathogènes qui infectent les hôtes à un stade particulier du cycle de vie, par exemple les agents pathogènes du blé tels que les espèces de Fusarium qui infectent le blé pendant la floraison (Madgwick et al., 2011; Miedaner et Juroszek, 2021a). Parmi les mesures d’adaptation de gestion des cultures face aux changements climatiques figurent notamment la mise en place de l’irrigation, l’arrêt du labour profond, le décalage des dates de semis et la plantation de plus d’une culture par an. L’irrigation des cultures de maïs dans le sud-est de l’Afrique a par exemple permis de cultiver cette céréale tout au long de l’année, mais elle a également entraîné une présence accrue des populations d’insectes vecteurs, provoquant une hausse de la pression exercée par le virus de la striure du maïs sur les cultures irriguées, puis sur les cultures pluviales (Shaw et Osborne, 2011).
Les interactions entre les différents facteurs ayant une incidence sur les organismes nuisibles peuvent être complexes. Par exemple, des expériences simulant des conditions réelles de terrain grâce au système FACE ont montré la complexité des interactions entre la croissance des adventices et la température, l’eau et le CO2 dans des conditions environnementales modifiées (Williams et al., 2007), et d’autres expériences ont montré que le stress hydrique peut modifier les relations de concurrence entre les adventices et les plantes cultivées dans des conditions de concentration élevée de CO2 (Valerio et al., 2011). Lorsque le régime hydrique est satisfaisant, la croissance de la tomate C3 (Lycopersicon esculentum) bénéficie davantage de la concentration élevée de CO2 que l’adventice C4 Amaranthus retroflexus, alors que dans des conditions de stress hydrique, c’est le phénomène inverse qui se produit. Des expériences analogues (Valerio et al., 2011; Williams et al., 2007) menées dans des conditions contrôlées et sur le terrain laissent penser que l’on ne peut pas prévoir la réaction des végétaux à une concentration élevée de CO2 en se fondant uniquement sur le type de cycle photosynthétique (C3 ou C4), car il existe toute une série d’interactions complexes avec divers facteurs, notamment la disponibilité en eau et la température. Ces conclusions vont dans le sens d’une méta-analyse récemment publiée (Vila et al., 2021), qui visait notamment à comprendre les effets combinés des adventices et des changements climatiques sur les cultures.