Les paragraphes qui suivent décrivent une avancée technologique prometteuse – l’utilisation des nanotechnologies – qui illustre la manière dont les nouvelles technologies peuvent être utilisées pour protéger la santé des végétaux. Les nanotechnologies fournissent des outils facilitant le développement de produits innovants et perfectionnés de protection des cultures qui permettent de juguler l’augmentation du risque phytosanitaire, notamment celui engendré par les changements climatiques. Ces produits sont toujours en cours de développement et leur utilisation demeure pour le moment relativement confidentielle. En outre, pour des raisons économiques, leur disponibilité peut être limitée dans les pays à faible revenu, du moins dans l’immédiat. Quoi qu’il en soit, ils donnent une idée de ce qui est potentiellement réalisable. L’amélioration de ces outils revêt une grande importance et jouera un rôle décisif à l’avenir.
Au cours des deux dernières décennies, les progrès de la science à l’échelle nanométrique ont suscité un nouvel engouement et impulsé de nouvelles recherches sur les applications et les conséquences des nanotechnologies dans le domaine de l’agriculture durable (Scott, Chen and Cui, 2018). Outre l’utilisation fondatrice des nanofertilisants pour l’agriculture de précision (Raliya et al., 2018), il a été suggéré que les nanotechnologies pourraient potentiellement améliorer l’efficacité et l’innocuité des pesticides. Les pesticides produits par les nanotechnologies peuvent couvrir une grande surface et être appliqués avec précision en fonction de différents facteurs environnementaux, comme la température, le pH, l’humidité, les enzymes et la lumière (Bingna et al., 2018), et sont solubles dans l’eau, ce qui réduit les résidus rejetés dans l’environnement (Zhao et al., 2018). Les premières expériences menées avec des nanoparticules solides composées d’oxydes métalliques, de soufre et de silice se sont révélées efficaces pour lutter contre toute une série d’organismes nuisibles (Goswami et al., 2010).
Plus récemment, les applications des nanotechnologies dans le domaine agricole consistent le plus souvent à encapsuler des herbicides, fongicides ou insecticides connus dans des nanotransporteurs synthétiques composés d’argile, de silice, de lignine ou de polymères naturels, notamment l’alginate, le chitosan et l’éthylcellulose (Diyanat et al., 2019). Le polycaprolactone a été utilisé comme nanotransporteur pour l’herbicide à base de prétilachlore (Diyanat et al., 2019), les herbicides à base de triazine – l’atrazine, l’amétryne et la simazine (Grillo et al., 2012) – et le pesticide avermectine (Su et al., 2020). Le polycaprolactone est très utilisé car il se dégrade naturellement dans l’environnement et aussi parce que sa fabrication est peu onéreuse et ne nécessite pas de plastiques dérivés du pétrole (Sabry et Ragaei, 2018).
Les nanopesticides ont prouvé leur efficacité dans la lutte contre le nématode du pin. Par exemple, l’avermectine nanoencapsulée a démontré son haut niveau de toxicité pour le système gastro-intestinal du nématode, une plus grande capacité de libération prolongée et une meilleure stabilité photolytique par rapport à la traditionnelle application d’avermectine (Su et al., 2020). On a également constaté que la nanoencapsulation de l’atrazine permettait de réduire les effets néfastes de cet herbicide sur l’environnement, sans réduire le taux de mortalité des plantules de Bidens pilosa (Preisler et al., 2020). Dans cette dernière étude, l’atrazine nanoencapsulée a eu des effets inhibiteurs de 200 g/ha équivalents à ceux de l’herbicide non encapsulé de 2 000 g/ha, soit une réduction par dix de la concentration d’herbicide. De même, on a constaté dans des plants de moutarde que l’atrazine encapsulée dans du polycaprolactone avec une dilution multipliée par dix était aussi efficace que l’atrazine non diluée et non encapsulée (Oliveira et al., 2015).
Les nanotechnologies peuvent également être utilisées dans l’agriculture pour transférer de l’ADN dans les végétaux afin de renforcer leur résistance aux organismes nuisibles (Rai et Ingle, 2012; Sabry et Ragaei, 2018), ce qui permet de réduire l’utilisation de pesticides chimiques potentiellement nocifs pour l’environnement. Il a été proposé d’utiliser des nanoparticules dans le génie génétique végétal pour le transport passif de charges en vue d’éditer le génome à l’aide de nucléases. Cette méthode permettrait de surmonter les difficultés rencontrées dans les méthodes actuelles de transfert de gènes (comme la biolistique et les ultrasons) dues à la barrière physique que constitue la paroi cellulaire rigide et multicouche des végétaux, à l’origine du retard du génie génétique végétal par rapport aux avancées réalisées dans les systèmes animaux (Cunningham et al., 2018). Certaines techniques d’introduction d’ADN dans des cellules animales peuvent être adaptées aux végétaux dans des conditions contrôlées (Chang et al., 2013; Torney et al., 2007).
En complément du développement de technologies avancées telles que celles décrites ci-dessus, il existe également des initiatives visant à promouvoir le partage des données et des informations. Par exemple, l’initiative MyPestGuide en Australie intègre au sein d’une même plateforme mutualisée le signalement des adventices, des guides pratiques pour l’identification des organismes nuisibles et des outils pour la prise de décision (Wright et al., 2018). Un cadre mondial de partage des données pourrait faciliter la lutte contre les organismes nuisibles qui se disséminent rapidement et qui disposent d’un pouvoir de nuisance potentiellement élevé (Carvajal-Yepes et al., 2019).